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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

D'un Autre à l'autre # 1

D'un Autre à l'autre # 1
D'un Autre à l'autre # 1

Je pensais faire un petit exercice de style vite fait bien fait, en proposant ma propre lecture des 4 discours de Lacan, pour en discuter ensuite, au hasard d'une rencontre ou d'une autre, lors d'un colloque par exemple, avec d'éminents lacaniens (ou lacanistes?) et puis non. Je n'avance pas à la lecture de ce qui s'en dit ici ou là: il faut revenir au texte de Lacan. Il faut rentrer dans le dur, mais je ne vais quand même pas m'embarquer dans une thèse! Ce n'est plus de mon âge!

Je reprends donc la piste du maître ici, dans le séminaire XVI "d'un Autre à l'autre", lu sur Gaogoa. Je commence par la séance du 26/02/69, pour être au plus près de l'introduction de ses fameux 4 schémas du discours.

1/ Et je m'énerve.

Je pourrais pratiquement reprendre tout ce qu'il dit et le rendre facile à lire, juste en introduisant les outils qui sont développés ici. Je m'énerve parce qu'il parle de "différence et répétitions" sans citer Deleuze, qui vient juste de publier sa thèse au PUF en 1968. Je m'énerve parce qu'il passe complètement à côté de la forme canonique des mythes de Lévi-Strauss, publiée en 1955. Le même Lévi-Strauss qui lui a quand même trouvé un abri lorsqu'il fut excommunié de la Société Française de Psychanalyse en 1964. Oubli ou forclusion? Une rébellion de l'élève face au maître? Car il parle bien de structuralisme dans ce texte, il s'en réclame, en in(é)voquant Foucault. Alors quoi ? Et en plus il fait une faute élémentaire lorsqu'il parle de la suite de Fibonacci, à partir de laquelle il va nous construire ensuite toute sa théorie des 4 discours. Et personne n'a relevé l'erreur? Consternant.

Mais, bon, par delà le discours, il y a Lacan, qui a quelque chose d'important à dire. Et ce quelque chose vaut la peine que l'on reprenne tout ce qui est bancal dans la forme.

Désolé, mais il faut reprendre le texte point par point. Je ne prends ici que ce qui me semble strictement lié aux 4 discours, quitte à discuter du reste par la suite... Je reste un "bricoleur"... Je vais donc juste découper dans ce tissu un patron, que je monterai avec des points de bâti (ça nous changera des points de capiton).

2/ Filage du texte
  • Il part donc du triptyque "Symbolique, Imaginaire, Réel" (repris de Lévi-Strauss si je ne m'abuse), pour nous dire que le point pivot de l'éthique de la psychanalyse, c'est le Réel. La question étant : comment "brancher" (le mot est de Lacan), ce Réel à notre exigence d'éthique, alors que ce rapport est médiatisé par l'Imaginaire et le Symbolique. Soit. Quoique   il faudrait savoir, sans doute, où se situe l'éthique en question (i.e.: qui n'est ni imaginaire ni symbolique, puisque "médiatisée par.."; ni réelle puisqu'il faut réaliser la liaison). Mais bon. 
  • La vérité, que nous recherchons, est par nature une "fiction". En dernier ressort: "la vérité de soi a une structure de fiction". Soit : Lacan redécouvre la relativité. Il en arrive à ceci que la "vérité" elle-même est une notion relative.
  • La question c'est : relative par rapport à quoi ? Lacan nous dit que c'est là l'apport de Freud: la vérité est relative à l'inconscient du Sujet.
  • Ensuite, Lacan en arrive au constat que "l'hallucination est la possibilité spécifique du "principe de plaisir". Je ne vais pas reprendre ici tout ce que j'ai développé autour de ce principe de plaisir, qui est à l'évidence, un principe de "conservation de la libido", que Freud ne peut pas théoriser, puisqu'il n'a pas fait sa révolution Galiléenne: il en reste à Aristote. Principe de conservation auquel Lacan fait référence sans le savoir, lorsqu'il parle de "régulation homéostatique" et de "répétition". De là il nous schématise le contrôle d'un arc réflexe (stimulus / motricité) par l'appareil Psy. C'est beaucoup pour présenter un schéma élémentaire de pilotage d'un automate par un pilote... Tout ceci serait à remettre d'équerre, mais ce n'est pas l'important ici, déroulons le fil.
  • L'essentiel, c'est que l'appareil régulateur fonctionne de façon "inconsciente". Mais ai-je envie de dire, c'est une lapalissade: si le Sujet (le moi en Is) est en position ex-ante par rapport à son système Symbolique (S) c-à-d : Is < S, nous sommes bien évidemment dans son inconscient, puisque cette position lui interdit toute représentation du temps ou du mouvement. (J'en parle dans le texte précédent: "Le schéma en L de Lacan")

Tout ça pour ça... Comme vous le voyez, on peut depuis lors faire plus court. Poursuivons.

  • Ensuite Lacan dit ceci:

"... ce à quoi ces schémas (de Freud) ont servi, c'est en quelque sorte à supporter, à matérialiser sous une forme intuitive... qu'à chacun de ces croisements ce soit un mot qui soit inscrit".

Ceci pour moi fait sens: chaque fois que je suis dans un même niveau de discours (par exemple en démontrant un théorème), je fais une projection synchronique, à un niveau donné (soit Im en dernier ressort) de tous les niveaux synchroniques inférieurs comme de tous les concepts diachroniques que j'écrase ainsi. Nous en avons fait la démonstration sur le schéma en L de Lacan  pris comme exemple. Je suis encore avec Lacan lorsqu'il dit :

"... l'articulation neutronique, ce n'était rien d'autre que l'articulation sous la forme la plus élémentaire des signifiants..."

J'ai dans l'idée que ce schéma se retrouve au plus élémentaire de l'ADN (structure connue de Lacan puisqu'elle fût découverte en 1953 par Crick et Watson). Voir ce billet "La verbalisation de la chair".

  • Ensuite, il se perd un peu dans des considérations sur la théorie des groupes (voir ici : "regard entropologique sur les maths"). Mais ce qu'il dit serait beaucoup plus simplement appréhendable s'il avait utilisé les concepts, plus "rustiques" de la théorie des catégories (voir mon tout premier billet d'intro concernant la théorie des catégories). Pour mémoire: dans cette théorie, aux fondements mêmes des mathématiques: un objet est une collection d'objets. Ce qui résume bien tout ce que Lacan peut en dire dans son séminaire...
  • Et nous en arrivons à cette déclaration qui me fait tousser:

"Cette structure logique minimale telle qu'elle se définit par les mécanismes de l'inconscient, je l'ai depuis longtemps résumée sous les termes de la différence et de la répétition rien d'autre ne fonde la fonction du signifiant que d'être différence absolue".

Il y a là, en premier, un règlement de compte avec Deleuze, dont je n'ai ni les tenants ni les aboutissants. Bon, passons. Mais que dire de ceci : "la fonction du signifiant est d'être différence absolue"? Là, c'est Lévi-Strauss qui est évité. Selon qui, nous structurons nos représentations par "paires de contraires". Blanc/ noir; masculin / féminin et au final 0/1. Cette dernière opposition nous ramenant aux mathématiques, à la théorie de l'information, au second principe de la thermodynamique, c'est-à-dire à la possibilité de définir un principe entropique. C'est beaucoup plus fort et restrictif qu'une simple "différence". Plus précis aussi. Sans compter que l'idée d'une "différence absolue" est en soi un non-sens, puisque très précisément, une "différence" est en soiun rapport entre deux termes. Donc un concept éminemment relativiste.

"Ce n'est que par quoi les autres diffèrent de lui que le signifiant se soutient". Ben oui, mais là nous sommes dans la linguistique la plus élémentaire, me semble-t-il. Plus convenu et c'est Lapalice, non?

  • De la différence, qui spécifie les signifiants, nous en arrivons au rêve, qui les met en scène:

"Le rêve dont il s'agit c'est de phrases (laissons pour l'instant la nature de leur syntaxe)... condensation et déplacement".

Soit, nous en avons déjà parlé dans ce billet "conscient / inconscient" et les suivants. Pour mémoire: le discours structuré, conscient de ses propres règles (conscience de 2 niveaux synchroniques) devient rêve, lorsque la structure s'aplatit (un seul niveau). C'est dire que le Sujet (Is) est dans son discours (Id), soit:  Is = Id. Nous pourrions remonter la chaîne des raisonnements au théorème de Gödel, bien entendu. Cette situation  Is = Id marque la limite de celle plus générale du Sujet par rapport au Symbolique (S), soit:  Is < S. Tout ceci, une fois regardé du bon point de vue, est très simple. 

Les sceptiques me demanderont : "comment savoir que c'est le "bon" point de vue "?

Réponse: parce que de là, le discours est simple. C'est le rasoir d'Ockham...

  • Lacan met tout ceci en place pour en arriver à cette assertion: 

"Si le rêve se présente comme un rébus, qu'est-ce à dire si ce n'est qu'à chacun de ces termes articulés qui sont signifiants d'un point de vue diachronique de son progrès où s'institue son articulation, le rêve de par sa fonction est sa fonction de plaisir, donc cette traduction imagée qui elle-même ne subsiste que d'être articulable en un signifiant, qu'est-ce que nous faisons alors en substituant à cette interprétation sauvage notre interprétation raisonnée"?

Il conviendrait d'analyser convenablement cette phrase, avant de chercher les conséquences de cette interrogation.

Le terme important, c'est "diachronique". Or, d'après ce qui vient d'être dit, ce "point de vue diachronique", ne peut être que celui de l'analyste en position "ex post" (en Im), donc conscient de son discours, rationnel (rapporté à lui-même).  Pour exposer la situation complètement, soit :

  • Un rêve (en Id) d'un sujet (dont le "moi" est en Is) et porté par un système Symbolique situé en S. Alors Id < (ou =) Is < S. Le sujet, dans cette situation, manque du niveau imaginaire nécessaire pour y rapporter son rève, et en juger. Ce "manque de recul" signe l'inconscient.
  •  Maintenant, l'analyste (en Im) qui entend ce rêve (en I'd) peut se faire une idée su système symbolique du sujet (soit Isym le niveau de cette représentation). Alors, nous avons I'd < Isym < Im. Et ce recul par rapport au sujet, permet à l'analyste d'en faire une interprétation raisonnable, consciente. 

Ce qui est inconscient pour l'un est objet de discours, conscient pour l'autre, avec bien sûr un biais entre le rêve vécu (Id) et le rêve perçu par l'analyste (Id').

  • => l'interprétation du rêve est un élément du discours conscient de l'analyste;
  • => la définition de la fonction du rêve est une théorie de l'analyste; qui reste à démontrer.

Or, quelle est donc la volonté (l'objectif conscient de l'analyste) ? Celle de repérer une faille:

"dans cette interprétation raisonnée, (...) le point de faille qui est celui où, en tant que phrase, et non pas du tout en tant que sens, elle laisse voir ce qui cloche, et ce qui cloche, c'est le désir."

Lacan parle ensuite du rêve de l'enfant mort (j'en discute ici). Mais il manque la mise en perspective selon l'axe diachronique propre au Sujet en analyse, et de comprendre  que l'appréhension du temps et du mouvement est directement liée à l'articulation de l'imaginaire du Sujet en fonction de cet axe. Le désir, comme la pulsion unaire du sujet sont par essence des concepts diachroniques. Et bien évidemment, ils disparaissent dans le rêve, vécu par le Sujet. Mais l'interprétation qu'en fait Freud n'est qu'une reconstruction (dans sa conscience, en fonction de ses propres pulsions) du rêve de l'autre. Autrement dit: Freud y met ce qu'il veut, et Lacan peut l'interpréter comme il veut sans crainte d'être contredit par le patient...

Difficile de retrouver dans tout ceci, ce que Lacan nous transmet effectivement de son expérience... Nous sommes loin de l'éthique à l'aune du Réel.

Qu'il y ait une faille dans un rêve, c'est évident, puisque c'est la mise à plat (propre de l'inconscient) d'une structure en volume (l'Imaginaire conscient). De même que l'ombre d'un arbre ne révèle pas toute sa structure...

  • Mais Lacan retombe sur ses pattes, puisqu'il arrive à cette conclusion, que je comprends parfaitement: "Ça ne sait pas ce que ça veut en apparence: c'est bien là qu'est la question".
  • ​Ensuite nous avons un grand moment de mathématiques.

​Si vous en tenez pour les mathématiques de ma jeunesse, à savoir la théorie des groupes, je vous incite à voir cette approche, qui utilise la différence entre concepts synchronique et diachronique; sinon, plus radicalement, je vous propose de revenir à la théorie des catégories, mais là, je n'en suis qu'au défrichage.

  • La suite de Fibonacci

​Pourquoi s'y intéresse-t-il? Je crois le comprendre : c'est parce que la suite se construit à partir de ce qui est déjà là. C'est une idée qu'il développe par ailleurs, je ne sais plus où. Il montre que l'Imaginaire se structure de lui-même, engendre des lois, en cascade. J'en parle dans ce billet "une loi symbolique de Lacan"). Mais il lui manque de dire que cette construction se fait étage par étage: ce qui est construit n'est pas du même niveau que le matériau de départ. C'est toujours la même faille théorique...

Pour dire que 2 tomates et 3 poireaux font 0,7 Euros, il faut construire des équivalences, et se situer à un niveau de discours où le prix de la tomate et le prix du poireau sont de même espèce. Les axiomes d'Euclide ne sont pas discutés au même niveau intellectuel que la démonstration du théorème de Pythagore. Encore et toujours, toujours...

Cette suite est très bien expliquée sur Wikipedia avec des lapins. Sous forme de suite: le terme Fn+2 s'exprime en fonction du la génération précédente Fn+1 et de la précédente Fn :  

Mais, et c'est là où ça coince,  et c'est très visible sur la pyramide de lapins donnée en exemple: les trois éléments doivent être considérés dans une structure, qui se déploie dans le temps (et donc nécessite une dimension diachronique que le langage mathématique écrase).

Et même si l'on exprime cette suite sous forme de fonction: x2 - x - 1 = 0, j'ai montré ici que l'expression de cette fonction nécessite 3 niveaux Imaginaires différents pour que l'on puisse la concevoir. Nous retrouvons toute la discussion que j'ai conduite pour expliquer comment la théorie mathématique rend synchronique ce concept fondamentalement diachronique qu'est le temps.

L'angle d'attaque de Lacan passe complètement à côté du problème: comment à partir de 2 termes en concevoir un troisième ? La réponse est dans la forme canonique des mythes, et c'est l'objet du précédent billet sur "Le mythe de la potière jalouse". Comment Lacan a-t-il pu passer à côté?

  • Pourtant il a l'intuition de quelque chose lorsqu'il parle de la proportion:

"... le rationnel, à savoir ce trait unaire, mais quelque chose qui, à l'origine, introduit cette première, la plus originelle de toutes, proportion...etc."

Il y a bien un "rapport", dans "rationnel". Lorsque je "rapporte" un discours à sa structure, je change de niveau synchronique. C'est le sens premier du rapport. Ça date d'Aristote, pour qui toute mesure est rationnelle (une fraction)... Nous en sommes là. Et nous nous retrouvons en ce point.

  • Pour nous reperdre aussitôt. Je ne sais pourquoi Lacan a voulu s'accrocher à l'équation (a2-a-1=0) car il l'écrit mal: 

a2 - a - 1 ==> a2 = a +1 ==> a/(1+a) = 1/a

Oui, vous avez bien lu : (1+a) et non pas (1-a). De plus :

a/(1-a)= 1+a selon Lacan => a=1-a2 => a2+a-1=0 ce qui n'est pas la fonction de départ

Donc la structure même des 4 discours est strictement fausse dès le début. Avouez qu'il faut avoir un solide optimisme pour continuer à le suivre.

Voilà pourquoi cette lecture m'a énervé: j'ai perdu beaucoup de temps pour des choses assez faciles à exprimer pourvu que l'on utilise les concepts saussuriens de diachronie et de synchronie, que Lacan connaît, puisqu'il parle d'action diachronique; tout ça pour aboutir à une relation bancale.

3/ La structure du discours
D'un Autre à l'autre # 1

Pour tout dire, j'en étais resté là dimanche soir, un peu embarrassé par cette formule de Lacan car à l'évidence, elle ne tient pas debout. D'où se situer pour concevoir "vérité moins savoir"? Franchement, c'est aussi incongru que d'imaginer "carotte moins pomme"! Et ce matin, cette question flottante au réveil: mais pourquoi m'intéresser à tout ce fatras? Poser la question induisait cette réponse : pour le tuer. Le tuer pour exister, bien sûr. Ne me suis-je pas appliqué à en démonter le mécanisme dans mon billet sur "La potière jalouse"?

Puis, ce soir, le temps d'une coupure de ma liaison internet me privant des exploits d'Hercule Poirot, je reprends cette formule et son évidence me saute aux yeux. Et je retrouvais intacte la raison qui m'attire encore et toujours dans les méandres du discours Lacanien; pourvu que l'on oublie tous les à-peu-près, les détours, et sans doute un parisianisme un peu fastidieux. Mais Lacan a quelque chose à dire. Et ce dont il parle est lumineux...

Ce qui me rassure un peu sur ma motivation...


Bref, ce coup de mou passé, que retenir de cette équation scabreuse ? Tout simplement ce qu'il en dit, pour la commenter:

"Ceci veut dire que le savoir sur l'inconscient, à savoir s'il y a un savoir qui dit "il y a quelque part une vérité qui ne se sait pas" et c'est celle qui s'articule au niveau de l'inconscient, c'est là que nous devons trouver la vérité sur le savoir".

Et bien: c'est tout bête. En position ex ante (celle du sujet Is par rapport au Symbolique S) que j'écris Is < S, alors, Is est dans l'espérance, ou l'attente ou la recherche, en tout cas dans une tension, qui signe la "pulsion unaire" qui le traverse, c-à-d son désir d'un principe explicatif de la représentation qu'il se fait de lui-même.

Maintenant, si l'on garde en tête ce que j'ai dit et rabâché du conscient et de l'inconscient, il est évident que la position ex ante n'est pas rationnelle (c'est-à-dire que le discours ne peut pas s'y "rapporter" à un méta-discours explicite, puisqu'il se rapporte au Symbolique) et qu'en conséquence, le Sujet, dans cette position, perd la possibilité de se représenter un mouvement, une évolution, une séquence logique, ou le temps lui-même. Tout ceci est dans la simple écriture de Is < S. Et ceci est à rapprocher de la pensée mythique, dont nous parle Lévi-Strauss. Reportez-vous d'urgence à ce billet sur "La potière jalouse".

Lacan redécouvre, dans sa pratique inter-individuelle, ce que Lévi-Strauss relève au niveau de la vie sociale; ni plus ni moins.

Une fois bien compris le point d'arrivée, nous pouvons maintenant revenir à cette formule de Lacan, pour le plaisir des yeux.

1/ Savoir et vérité.

  • Le "savoir" est un discours, dans un langage donné, quel qu'il soit. Autrement dit, et par définition, le "savoir" est un principe synchronique;
  • La "vérité", c'est un jugement, autrement dit, un discours (en Ik) rapporté à un crible quelconque (en Ik+1). Dire "1 = 0 est faux", implique que l'on se réfère à certains principes de la logique (pas besoin de développer plus avant à ce niveau). C'est donc un concept diachronique. Et, bien entendu, il faut garder à l'esprit ce que cela implique, en particulier, une certaine "indétermination" ou "liberté", liée à ce passage de Ik à Ik+1. Voir par exemple ce billet sur le théorème de Noether. Et donc, la possibilité de "porter à faux", de mentir ou de "clocher" pour reprendre le terme de Lacan;
  • En conjoignant un principe synchronique à un principe diachronique, on peut repérer un "mouvement", une évolution, ou une répétition.

Là, ce qui est intéressant, c'est de constater qu'en conjoignant "savoir et vérité" Lacan permet de repérer un "mouvement", comme l'automatisme de répétition...

2/ La barre de fraction.

Pour l'interpréter, je me rapporterais volontiers à Gilles Herlédan qui y voit une réappropriation par Lacan d'une écriture de Saussure (S/s) pour représenter le rapport entre le signifié s, placé sous le signifiant S.

Pour Lacan, un signifiant renvoi à un autre signifiant, un signifié à un autre signifié.

Maintenant il y a une petite subtilité à prendre en compte, et qui n'est pas explicitée par Lacan:

  • Dans un discours rationnel : le signifié est sous le signifiant (on rapporte l'observation à un critère discriminant, Imaginaire, mais conscient. Le sujet (Is) est en position ex post par rapport à ses critères ( en Ik+1), comme de son discours (en Ik) : Ik < Ik+1 < Is. Le langage dénote le réel et le signifié est sous le signifiant. Avec écriture de Saussure : S/s ;
  • Lorsque le Sujet (Is) cherche à représenter son Symbolique (Sym), nous avons cette position: Ik < Is < Sym. Le langage connote le Symbolique, et dans ce cas le signifié est au-dessus du signifiant. Avec l'écriture de Saussure: s/S.
  • Ne pas différencier les deux cas conduit à toutes les confusions. Sous ce rapport, la sentence de Lacan demande à être précisée.

3/ Interprétation du commentaire :

Pour le Sujet (Is) lui-même

  • "le savoir sur l'inconscient"

Compte tenu de ce que nous avons vu précédemment, je comprends ceci comme : le Sujet Is lui-même, considérant son système Symbolique (S), s'en fait une représentation (Imaginaire) ce qui forme son "savoir" en la matière, avec la situation : Ik < Is < S ;

  • " il y a quelque part une vérité qui ne se sait pas" (...) qui s'articule au niveau de l'inconscient

Je ne reviens pas sur le rapport Symbolique / inconscient, Pour moi, l'inconscient est une forme Imaginaire limitée à un seul niveau synchronique, ce qui est précisément le cas lorsque l'on se réfère au Symbolique. Donc, je traduis "au niveau de l'inconscient" par"au niveau Symbolique", l'un entraînant l'autre. Or, à ce niveau Symbolique S, point d'aboutissement de la pulsion unaire, comme nous l'avons vu, qui porte le désir de vérité (tous deux concepts diachroniques) il est bien évident que la vérité s'y épuise, (ou trouve sa finalité) sans pouvoir se "représenter", puisque nous sommes "hors Imaginaire". Tout ceci se comprend fort bien. Seul le terme "articule" peut paraître incongru, puisque rien ne peut s'imaginer bouger au niveau Symbolique, par la position même du sujet, ex ante : Is < S...

Tout ceci se résumant, comme vu en introduction par ce simple constat :

Is < S

Pour Lacan (Im), parlant du Sujet (I's)

Nota: j'écris des ' (i.e.:  I's), car il s'agit de l'idée que Lacan se fait du sujet, sans rapport avec l'idée que le sujet se fait de lui-même Is, bien entendu...

  • Nous avons par définition I's < Im
  • "le savoir sur l'inconscient "

Lacan peut se faire une image ex post du Symbolique du Sujet : soit I'sym; alors, la situation précédente devient : I'k < I's < I'sym < ImOù vous voyez tout de suite que Lacan (ex post) n'a pas la même position que le sujet (ex ante) par rapport à son Symbolique; quand bien même se réfèreraient-ils à la même chose en Ik pour l'un et I'k pour l'autre. Ce qu'il est convenu d'entendre dans l'expression "parler de la même chose";

  • " il y a quelque part une vérité qui ne se sait pas (...) qui s'articule au niveau de l'inconscient"

Lacan est fondé à parler "d'articulation" au niveau de l'inconscient du Sujet, dans la mesure où cette affirmation fait partie de son propre Imaginaire. De même peut-il "réifier", ou figer au niveau I'sym, la vérité du Sujet (concept diachronique entre I'k et I'sym), qu'il voit, lui, de sa position ex post. Ce qu'implique la simple écriture de la situation:

I'k < I'sym < Im.

Et de là, il constate que, pour le sujet, cette vérité "s'articule" au niveau I'sym, et qu'elle ne se sait pas. Mais bien entendu: elle ne peut qu'être inconsciente pour ce sujet que Lacan représente en position ex ante par rapport à elle :

I'k < I's < I'sym < Im.

Pour le dire en termes philosophiques: compte tenu de leurs positions relatives, ce qui relève de la transcendance pour le sujet relève de l'immanence pour l'observateur du sujet. Ce qui nous ramène un peu au colloque de Cerisy "les psychanalystes lisent Spinoza". Le discours commun aux deux points de vue, c'est le constat qu'une élévation diachronique (vers S) résultant de la pulsion unaire correspond à un gain en stabilité pour le Sujet (voir "après Cerisy").

4/ Retour sur l'équation lacanienne

Comme nous l'avons vu dans la première partie, cette équation est fondée sur une erreur formelle concernant la suite de Fibonacci, aussi me permettrais-je à mon tour d'en faire une interprétation libre, pour trouver un rapport avec le commentaire que Lacan en fait lui-même...

Le passage du savoir de haut en bas entre les deux côtés de l'égalité (i.e.: Savoir/(...) = (...)/Savoir) signifie pour moi un changement de statut.

  • En position ex post (celle de Lacan), le savoir se réfère à un manque, un manque de vérité. De la forme S/s de Saussure. C'est donc le premier terme : Savoir / (vérité-savoir)
  • En position ex ante (celle du sujet) le savoir est du domaine de son Imaginaire, et  tourne autour d'un objet Symbolique pour lui : la vérité (cette pulsion qui le porte au Symbolique). Il y a donc invertion entre référant (Imaginaire, nécessairement) et référé (Symbolique en l'espèce). C'est-à-dire, dans les termes de Saussure : s/S. Son "savoir", non plus rationnel mais mythique, concerne une vérité qui le dépasse (à laquelle il aspire, située au niveau Symbolique). C'est le terme Vérité / Savoir.
  • Ce que nous dit Lacan, c'est que les deux discours sont équivalents. Il oublie juste d'en exprimer la relativité.

==> Lacan réifie en I'sym sous le terme de "manque" ou de "faille", la pulsion (différence diachronique) qui s'installe entre l'Imaginaire (I's) et le Symbolique (I'sym) du Sujet.

Nous retrouvons ici à propos du sujet ce que nous avons déjà pointé à propos des objets de la physique comme dans le language mathématique même, concernant la façon de repérer en Ik+1 un concept diachronique entre deux niveaux Ik et Ik+1. Ce qui conduit, pour les plus courageux d'entre vous, au principe d'incertitude (voir ce billet :" le principe d'incertitude d'Heisenberg sans les maths").

Et puisque l'on en est aux mathématiques, lorsque Lacan remplace Vérité / Savoir par 1/a, il retrouve une vérité très profonde. Pour le sujet lui-même, la "pulsion", dont la recherche de vérité est un avatar, pousse vers cette unité qui pourrait le déterminer. Cette unité qui se retrouve au coeur même du langage mathématique et s'exprime par "une fois", ou "il était une fois" ou "il existe". Nous en avons déjà discuté ... plusieurs fois déjà.  (cf.: regard entropologique sur les maths, ou plus récemment sur la théorie des catégories les billets #5 et #6).

Nous avons encore de la route à faire avant d'aborder les 4 discours !

Hari

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R
Bonjour,<br /> Je viens de découvrir votre site et je me promets beaucoup de plaisir à en poursuivre l'exploration. Une petite remarque cependant : Lacan n'ignorait pas Deleuze : voir notamment :<br /> <br /> http://gaogoa.free.fr/Seminaires_HTML/16-Aa/Aa12031969.htm<br /> <br /> En tout cas bravo pour votre travail (j'ai abordé psychanalyse et physique quantique par l'intermédiaire de Salvador Dali !<br /> Bien cordialement.
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H
Merci pour votre commentaire qui vient juste à point . En effet, dans mon approche de la théorie des catégories, j'en suis à comprendre l'importance du concept d'idempotence. J'ai écrit mes deux derniers billets sur le sujet. Mis le plus important, ce sont les théorèmes de Brouwer et Banach, concernant les catégories topologiques, qui font la relation entre "points fixes" et "trous". Et je m'aperçois, grâce à ma relecture de ce billet, suite à votre commentaire, que j'avais encore en tête cette question de "manque" dans "vérité - savoir" en lisant ces théorèmes. Et soudain la question du "manque" devient lumineux. Merci encore !