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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Le stade du miroir

Le stade du miroir

Dans ce blog, je procède par touches, par coups de sondes dans le corpus psychanalytique disponible, pour éprouver au regard de l'expérience accumulée, les quelques hypothèses que j'émets quant à la dynamique de la psyché. C'est dire que je picore, ici et là dans les textes de Freud ou Lacan, telle ou telle de leurs expériences qui passe à ma portée; et les mises en formes qu'ils en font.

Et chaque expérience affine ma propre démarche. Mais dans l'exercice, il est des mises en formes faites par les auteurs qu'il me faut laisser de côté: ce n'est pas grave, me dis-je, l'important c'est leur expérience, leur conviction, les mécanismes qu'ils mettent à jour. Il y a bien là, si l'on veut une sorte d'émergence de quelque chose, que j'ai repéré, par commodité du néologisme "d'entropologie".

Mais cette mise en forme ne peut se faire qu'en référence à quelques idées fondatrices qui structurent le tout, une épistémè elle-même en formation, se confortant des succès qu'elle peut rencontrer dans ses applications.

Cette édification théorique, qui se décompose en deux mouvements antagonistes (bas=>haut vs haut=>bas) ne diffère guère de la genèse du Sujet, dont ladite théorie est sensée rendre compte. Ce qui nous met en garde contre deux vices qui pourraient entacher son développement et détruire par là-même sa légitimité:

  • la psychose, au cas où l'épistémè prendrait le pas sur l'expérience, au point, pour moi, de l'ignorer;
  • la névrose, si d'aventure les expériences rapportées ne pouvaient se fondre sans torsion dans ce cadre épistémologique.

Pourquoi dire ceci, ici et maintenant? Parce qu'à l'évidence, dans mon dernier article, je m'appuie sur un texte de Freud pour parler de l'aspect "synchronique" de l'inconscient comme du "çà", tandis qu'il développe tout autre chose à partir de là: sa première topique (perception/ perception sensorielle/ inconscient/ pré-conscient/ conscient) ; et que le "çà" fait partie de sa seconde topique. Ce qui peut faire problème aux yeux d'un psychanalyste qui me lirait. Pour mettre tout le monde à l'aise: non seulement cette première tropique est incomplète, mais encore la seconde, toutes deux représentées sur ce schéma (pris sur wikpédia):

Le stade du miroir

La simple possibilité d'une représentation "topique", c'est à dire inscrite dans l'espace, de nos mécanismes psychiques pose problème. A mon sens, nous ne pouvons pas avancer sans une théorie conséquence de ce qu'est la conscience du mouvement, et donc du temps. A cet égard, les tentatives de Lacan pour représenter son triptyque Réel/ Imaginaire/ Symbolique sous forme d'un "noeud borroméen" n'échappe pas à ma critique. Je ne vais pas, dans un court article revisiter toute la théorie psychanalytique: ce serait fastidieux pour vous et au-dessus de mes capacités. Reportez-vous, cependant, à ma reprise du schéma en L de Lacan, pour juger du gain à espérer en faisant le pas épistémologique auquel j'invite.

Je ne vais donc pas opposer théorie contre théorie, mais continuer d'avancer en montrant que ce que je développe n'est ni névrotique, ni psychotique, au sens précédemment défini. C'est à dire, que le cadre théorique reprend et met en valeur l'expérience recueillie par Freud et Lacan.

Et nous allons faire l'exercice, aujourd'hui, précisément sur le stade du miroir. Qu'est-ce en soi? C'est le moment où l'enfant "se voit", où il prend conscience de lui comme d'un tout identifiable etc... Vous aurez sur la question plus d'idées que je n'en puis produire.

Comment mettre ceci en perspective? (je commence à faire de cette phrase un gimmick)

Disons qu'avant cette expérience, l'enfant (notre sujet, en position Imaginaire Im) relie ses différentes impressions, sensations, expériences à différents éléments de son corps: il a faim, il a froid, des gargouillis dans l'estomac, il voit des formes, entend des bruits etc..., à un niveau Imaginaire Ik. Mais lui manque le lien entre ses différents affects, que je place, moi (DM), qui en parle ici et maintenant, en position Ik+1. Faute d'en avoir l'expérience directe, il faut bien imaginer une propension du bébé à rechercher son unité. Parlons de pulsion, si vous le voulez bien; et nous dirons que cette attente, cette unité manquante est, pour lui une propension qui serait à ce moment de son développement en S (bien que le Symbolique en question soit bien pauvre à cette période de son existence). La situation, avant le stade du miroir serait donc la suivante (et comme toujours selon le double point de vue extérieur du DM, ou du sujet lui-même):

  • Vu de l'extérieur: Ik < Im < Ik+1 < DM
  • Vu par le bébé: Ik < Im=DM < S

Sous réserve, bien entendu de ne pas projeter sur cet Im=DM, ce que moi, adulte pourrait concevoir du vécu d'un bébé ! C'est une très grosse difficulté, mais mon propos ne se situe pas là.

Le stade du miroir consiste en la prise de conscience de soi comme un tout. C'est à dire que cet exercice est purement un saut diachronique par lequel le bébé structure son Imaginaire:

  • Pour moi : Ik < Im < Ik+1 < DM => Ik < Ik+1 < Im < DM
  • Pour le bébé : Ik < Im=DM < S => Ik < I+1 < Im=DM < S

Le bébé passe d'une position ex-ante à une position ex-post, et ce mouvement diachronique est, comme toujours, marqué d'une incertitude (cf.: "L'Homme Quantique".)

L'intérêt de cette représentation d'une phase du développement humain, qui fût repérée sans son concours, est peut-être de la recader dans un corpus théorique qui dépasse largement la psychanalyse. Nous retrouvons, ici, dans la genèse même de l'individu, d'une part le mécanisme mis en oeuvre par Kant pour résoudre le paradoxe du menteur, comme celui qui nous permet de prendre conscience du mouvement (donc au sens propre d'évoluer; cf.: "L'Homme Quantique"); c'est à dire, très explicitement, la nécessité de structurer notre Imaginaire sur deux niveaux distincts: un langage et un métalangage.

Ce que j'aime bien dans l'histoire, c'est que la genèse progressive de l'individu soit une métaphore de celle de la théorie qui se donne pour tâche d'en rendre compte, et là, c'est encore un clin d'oeil à Derrida (cf.: "L'Homme Quantique".)

Mais je parle, je parle, je fais des ronds dans la théorie, je m'attaque aux choses évidentes, en un mot je grappille, pour reculer l'attaque du gros morceau: la libido.... Il faudra bien y venir.

Bonne digestion,

Hari

PS: relecture le 11/07/2016:

Ce matin, je vois dans les statistiques que trois personnes sont venues lire ce texte dont je ne me souvenais plus. Bonne occasion pour le relire sans doute.

Je pense qu'il faudrait compléter la description de ce saut diachronique en nous posant la question de savoir quelle est la question (mythique) qui est ainsi résolue. Nous n'allons pas refaire ici la présentation de la forme canonique de Lévi-Strauss, j'en parle suffisamment ailleurs dans ce blog ou dans l'Homme Quantique.

Je pense qu'il doit être facile d'établir que l'assomption du "Je", au niveau Imaginaire Im dont nous parlons ici, doit s'accompagner du sacrifice de la mère: je prends conscience de ma personne en comprenant du même coup que je ne suis pas ma mère.

Ce qui devrait permettre de situer toutes les fixations pulsionnelles partielles (buccale, anale, fétichismes divers) à un stade où cette problématique Je/mère n'est pas liquidée (ou n'est pas concevable) antérieurement au stade du miroir. À discuter avec les spécialistes.

PS: relecture le 10/10/2016:

Il faudrait reprendre ce billet, le fond reste le même, mais j'ai un peu avancé depuis. Avec de nouveaux liens: une relecture du schéma en L de Lacan, avec la présentation de la forme canonique exposée par Lévi-Strauss dans la potière jalouse.

Le stade du miroir
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G
Oui, tu grappilles, mais ce n'est pas inintéressant. J'aime &quot; Ce que j'aime bien dans l'histoire, c'est que la genèse progressive de l'individu soit une métaphore de celle de la théorie qui se donne pour tâche d'en rendre compte,&quot; il y a un moment où René Girard dit cela, que les mythes écrivent la façon dont ils furent écrits (même si oralement), ils décrivent la pensée elle-même, il y a dans cette histoire de la fiction nous décrivant la façon dont nous pensons quelque chose autour de laquelle je tourne aussi. Je me rappelle je ne sais plus qui disant qu'il n'y a rien de plus mensonger qu'une autobiographie et révélateur qu'un roman, comme si raconter permettait de mieux passer de l'autre côté du miroir, de réentrer dans la bouteille....
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S
Ton commentaire sympa, sur la théorie et l'objet de cette théorie en miroir, m'ont fait penser aux mains qui se dessinent d'Escher. J'ai rajouté l'image en fin de texte, faisant pendant au tableau de Narcisse en ouverture.