Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
18 Juillet 2014
Pourquoi Einstein doit-il reprendre la théorie de la gravitation développée par Newton ?
Parce que cette force d’attraction est instantanée. Autrement dit, deux corps en présence sont attirés l’un vers l’autre en dehors de toute information qu’ils pourraient échanger. Or, en 1905, Einstein venait d’établir l’existence d’une vitesse limite. Et cette force gravitationnelle échappait donc au cadre de sa théorie de la relativité (qualifiée pour cette raison de « restreinte »). Cette difficulté conceptuelle n’avait pas échappé à Newton lui-même qui, dans une lettre de 1692 à Richard Bentley, indique :
« Que la gravité soit innée, inhérente et essentielle à la matière, en sorte qu’un corps puisse agir sur un autre à distance au travers du vide, sans médiation d’autre chose, par quoi et à travers quoi leur action et force puissent être communiquées de l’un à l’autre est pour moi une absurdité dont je crois qu’aucun homme, ayant la faculté de raisonner de façon compétente dans les matières philosophiques, puisse jamais se rendre coupable » (Balibar, 2006).
Suivons donc Newton afin de mieux cerner le problème que se pose Einstein:
Lorsqu’un corps quelconque est soumis à une variation de vitesse, il subit une force proportionnelle à sa masse inerte et à l’accélération qu’il subit :
Fi = mi x dv/dt
Il s’agit de la seconde loi de la dynamique de Newton, qui formule par ailleurs la loi de gravitation universelle selon laquelle deux corps A et B s’attirent proportionnellement à leur masse grave en raison inverse du carré de la distance qui les sépare. Sur Terre, par exemple, l'attraction que la masse de notre planète exerce sur chaque corps est constante, et notée g. Donc tout corps sur Terre est soumis à une force d’attraction de la forme :
Fa = ma x g
Mais, cette seule formule ne suffit pas à traiter du cas général d'un corps perdu parmi une multitude d'autres. Et, pour surmonter ce problème, la théorie de la gravitation s'est développée en décrivant les effet d'un champs (qui somme l'action d'un ensemble de corps) sur l'un des éléments en son sein.
En résumé :
Maintenant, pour établir une comparaison entre ces deux types de masses, il faut pouvoir en comparer les effets, et trouver tout d’abord un niveau synchronique commun à leur expression. Ce niveau commun est ici celui où l’on peut exprimer une Force. Ce que l’on peut schématiser de la façon suivante :
Ceci éclaire peut-être mieux la difficulté conceptuelle à établir l’équivalence entre ces deux masses qui offrent bel et bien une différence sensible dans notre expérience humaine.
La mécanique classique, newtonienne, fait donc remonter la filiation entre les deux conceptions de la masse à une conséquence commune, une force, un observable situé au niveau Ik+1 = Ix+1, pour pouvoir en exprimer l’équivalence.
Maintenant, lorsque fin 1905, Einstein écrit sa célèbre formule : E=mc2, il nous offre la possibilité d’abaisser d’un cran le niveau Imaginaire où s’effectue la comparaison, à savoir celui où s’exprime la vitesse (comme l’énergie) et donc à un niveau Ik = Ix.
Mais il reste toujours un saut diachronique à effectuer pour comparer la masse inerte (en Ix-1) à la masse grave (en Ik = Ix) car, tout ce que nous avons vu, jusqu’ici, ce résume à ceci :
Les deux types de masses sont toujours liés à un même corps, et il n’y a pas d’exemple que l’on puisse les dissocier, d’arriver à produire, par exemple, une substance dont la masse inerte vaudrait deux fois la masse grave. On est donc amenés à y voir deux expressions se référant à un seul et même référé : le corps en question. La masse grave s’évanouit lorsque l’Observateur passe de Ik+1; à Ik, tout simplement parce que dans ce mouvement vers le Réel, il perd ses repères propres à l’expression de l’accélération, et ne subsiste plus pour lui que le principe d’inertie. La confusion vient lorsque le Modélisateur resté en Ik+1 garde en mémoire des références impropres à l’expression de la situation vécue par l’Observateur… Le seul espace Imaginaire de contact entre les deux est celui où s’exprime aussi bien l’énergie cinétique du corps, que celle emmagasinée sous forme de « masse », comme la possibilité de leurs échanges. De ce point de vue, l’impossibilité à laquelle se heurtent les physiciens dans leur volonté d’unifier la force gravitationnelle aux trois autres (électromagnétique, forte et faible) est peut-être l’indice que cette quête n’a pas de sens.
Le concept de force de gravité n’aurait plus de sens en dessous d’un certain seuil Imaginaire et sa mesure au niveau quantique serait aussi incongrue que celle du pH d’une soupe primitive de quarks et de gluons…
Quelles leçons tirer de nos trois derniers articles centrés sur la physique? Tout simplement que la physique conforte la thèse présentée dans "L'Homme Quantique".
Vous voyez que la "relativité" de nos représentations touche non seulement le monde physique auquel se réfère notre Imaginaire, mais également cet Imaginaire lui-même qui nous sert à en rendre compte... C'était évident déjà en ce qui concerne la représentation du temps, d'où nous sommes partis, et nous voyons maintenant que cette caractéristique contamine nos autres concepts, comme ici la gravitation.
Cette position épistémologique n'interpèle pas seulement les théories déjà établies, mais questionne également celles qui se cherchent encore. Vous aurez compris que je fait référence à toute cette noirceur qui contamine la cosmologie actuellement: masse noire, énergie noire, tourbillons noirs.
Voilà donc un sujet tout trouvé pour le prochain article.
Amen
Hari
Note du 22 août 2019:
Il vaut mieux laisser tomber cette lecture, et reprendre la théorie de la relativité générale par le début ! Voir ici :
Je laisse cet article comme trace de ma propre évolution concernant la question !
Note du 12 mai 2017:
J'ai profondément revu cet article en vue d'un nouveau bouquin: c'est beaucoup plus radical et intéressant. À l'époque de cet article de blog, je n'avais pas encore en tête que la masse grave est originellement un concept diachronique, et la masse inerte, plus "tardif", un concept synchronique. Le premier concept portant l'autre.... Pour les curieux: reportez-vous au fichier pdf en suivant le lien. Comme toujours les commentaires sont bienvenus...