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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Regard "entropologique " sur les maths. Suite 1

Regard "entropologique " sur les maths. Suite 1

Des lois de composition internes

Dans mon précédent billet, j’ai cherché à situer le concept de « loi de composition interne » dans cette structure générale que j’utilise pour représenter l’organisation de notre imaginaire. Et nous avons vu que l’ensemble d’arrivée d’une telle loi, est à une niveau imaginaire supérieur à celui de départ ;

C’est vrai pour l’addition, comme pour la multiplication, ce qui nous a conduit au schéma suivant :

Regard "entropologique " sur les maths. Suite 1

Ceci repose sur le constat liminaire que les objets que je manipule sont représentables  sur un seul niveau de mon imaginaire.

Revenons à la scène du petit Ernest jouant avec sa bobine au fort/da. Il jette la bobine,  pour la voir disparaître puis, tire sur la ficelle pour la faire réapparaître. L’enfant est complètement dans son jeu, sans notion du temps qui passe. Par contre, moi, qui suis en retrait, je peux mesurer la durée du jeu, en comptant tout simplement le nombre d’aller-retours de la bobine. C’est une approche très grossière mais suffisante pour ce qui nous ocupe ici.

Dans cette description, l’action d’Ernest (jeter/tirer) et la situation de la bobine (fort/da) sont représentatbles sur un seul « niveau synchronique », I0 de mon propre imaginaire Im ; avec Im > I0 .

Il en est de même de ces allumettes dont je fais le décompte: je les tire une par une d’une boite (le réel R), pour les faire apparaître à ma vue (en I0) et ensuite les exposer, l’une à côté de l’autre, sur ma table, avatar du niveau imaginaire I1.

Ensuite nous avons pu définir Z à partir du niveau imaginaire I1, et dire que cette structure demeurait compréhensible, représentable pour tous les niveaux imaginaires de niveau supérieur.

Nous avons donc implicitement caractérisé les « objets » que je manipule, les éléments comme les collections d’éléments, ou tout regroupement de tels groupements, comme des concepts « synchroniques ».

La question suivante est alors celle-ci : quelle est la nature exacte des « lois de composition internes » que nous avons manipulées, en l’occurrence l’addition et la multiplication ?

D’instinct, je les ai situées dans mon schéma « entre deux niveaux imaginaires ».

Je propose, comme hypothèse de travail de considérer, qu’effectivement, une « loi de composition interne » est par définition un concept diachronique.

Ce qui ramène cette notion mathématique par rapport à l’objet, à ce que l’on appelle en physique un « mouvement », que l’on décrit grâce à un couple de variables espace (synchronique) /temps (diachronique).

Le langage mathématique garderait ainsi la trace du « mouvement physique » qui se comprend dans « j’additionne » et se cache au sein du substantif « addition ».

En combinant des lois de composition internes, nous avons vu que l’ensemble d’arrivée s’élève progressivement, et que la structure des objets se complexifie d’autant. Il faut monter en I 2. pour décrire une structure de groupe et en I3. pour un anneau.

Des applications

Jusqu’à présent, nous nous sommes contenté de parler des objets, soit la bobine du petit Ernest, soit mes allumettes.

Mais nous pouvons faire un pas de plus. Par exemple, lorsque je dis que le jeu d’Ernest consite à tirer sur sa ficelle pour ramener sa bobine à lui, ou la rejeter pour qu’elle disparaisse ; je peux structurer ainsi la situation :

Regard "entropologique " sur les maths. Suite 1

Autrement dit : à chacun des états de la bobine correspond une action d’Ernest.

Ce que l’on peut définit comme une « application ».

Il y a là aussi, derrière le substantif du mathématicien, la trace d’une action. Dans son jeu, Ernest  « applique » une décision à chaque état de la bobine.

Et l’on voit immédiatement la différence avec une loi de composition interne : l’application est un concept synchronique.

Ceci se comprend assez facilement, compte tenu de notre définition du temps comme concept diachronique (i.e. : repérage d’un battement à un niveau, rapporté au niveau supérieur, plus stable.) En effet :

  • Si je suis Ernest (en I0): je suis dans mon jeu, sans conscience du temps : à chaque état de la bobine, je réponds automatiquement par mon état correspondant. Le mouvement ne connaît aucune évolution (tant que l’on ne modifie pas la liste des états potentiels, ni l’application telle que définie) ;
  • Si je suis le modélisateur de la scène (en Im), en position ex-post (i.e. : Im > I0), je peux prendre conscience du temps qui passe, en comptant les aller-retours de la bobine. Mais ceci me concerne, prend sens, à mon niveau, pas pour l’enfant dans son jeu.

Des morphismes

Qu’est-ce qu’un « objet » ? 

Lorsque nous avons pris des allumettes pour étayer nos raisonnements, je les ai d’emblée situées à un niveau imaginaires I0, au moment où elles s’offrent à ma vue. De là, j’aurais pu les distinguer, pour séparer celles qui ont déjà servi des neuves, avant de les compter etc….

Mais je n’avais pas besoin de telles considérations : leur existence suffisait pour ce qui nous occupait, à savoir définir une addition. Autrement dit le niveau d’arrêt de ma description est arbitraire. Je jette un coup d’œil à l’objet et le reconnaîs comme tel. Je le fait exister du néant, ici et maintenant, en tant qu’élément, en fonction de mes besoins.

Et à partir de là, en structurant mon imaginaire, en les comptant en I1, mes allumettes son devenues « dénombrables ».

D’une certaine manière la complexification de cet objet « allumettes », suit celle de mon imaginaire. Je peux toujours les manipuler, et maintenant, en plus, elles sont dénombrables.

Le point d’entrée dans mon imaginaire se faisant au niveau I0, mon « allumette » garde une signification qui s’enrichit en I1 ; puis I2 etc…

Quel est mon rapport à l’objet ?

Avec l’âge et l’éducation, il y a très longtemps que j’ai structuré mon imaginaire d’une certaine façon, et je ne peux plus me limiter au niveau imaginaire du petit Ernest, tout entier plongé dans la réalité de son jeu. Cette scène a été vue par son grand-père, Freud, et un siècle plus tard, nous en parlons encore… La scène primitive s’est chargée de sens depuis lors.

En fait, lorsque je tire de leur boite mes allumettes, j’ai un objectif et je suis armé d’une structure imaginaire déjà formée…

C’est dire que je ne me contente pas, comme Ernest, d’une application entre ce que j’envisage de faire et l’objet de mon attention sur un seul niveau synchronique, mais que mon attention portant sur plusieurs niveaux, j’envisage de telles applications à chaque niveau imaginaire.

Et c’est là que le mathématicien va nous aider à comprendre de quelle façon notre regard façonne le monde que nous voyons.

Qu’est-ce qu’un morphisme ?

Restons sur les niveaux les plus élémentaires. 

  • Au niveau I0, j’ai repéré l’existence d’un élément par 1 et son absence par 0 ;
  • Au niveau I1, j’ai défini l’ensemble N des entiers naturels ;
  • L’addition est l’opération diachronique qui m’a permis de constituer N à partir de 0 & 1

En reprenant le terme d’« application », je peux définir mon action au niveau I0  comme étant l’application suivante :

  • Si absence d’allumette => 0
  • Si présence d’allumette => 1

La question est de savoir si, lorsque je reporte mon attention du niveau élémentaire I0 au niveau I1 mes allumettes acquièrent les caractéristiques que j’ai attribuées à N ?

La réponse est oui : pour passer de 5 allumettes à 6 allumettes, il me faut poser une allumette en plus sur la table.

Autrement dit, nous pouvons faire au niveau I1, une application entre des allumettes (vues comme dénombrables à ce niveau) et l’ensemble N.

Le mathématicien précise ceci : quelque soit la façon de passer de I0 à I1, la structure d’arrivée de mon ensembe d’allumettes sera toujours semblable à celle de N.

C’est difficile à voir ici, parce que d’une certaine façon le niveau I0 est dégénéré, et plus facile à mettre en évidence à un niveau plus élévé, par exemple entre I1 et I2 .

De fait, pour mettre 5 allumettes de côté, je peux les manier une par une, ou toutes ensemble, ou en déplacer 2 puis ensuite 3, pour arriver toujours au même résultat. Et je suis sûr par avance du résultat, parce que je peux réaliser ces opérations imaginairement sur l’ensemble N, en m’évitant une manipulation réelle de mes allumettes.

En fait, j’ai projeté sur l’objet  physique « allumette » une structure imaginaire associée à la notion d’entier naturel N.

De la fonction d’identité

Il nous manque, pour retrouver le langage mathématique, de préciser, dans ce language lui-même ce qui serait l’équivalent d’un « saut diachronique » élémentaire.

Ce qui nous ramène au plus élémentaire de tous les « mouvements », et au tirage d’une allumette pour la poser sur ma table.

  • Si « zéro » allumette:            0 (au niveau I0) => (je pose) => 0 (au niveau I1) ;
  • Si « une » allumette :            1 (au niveau I0) => (je pose) => 1 (au niveau I1)

Nous retrouvons ici le couplage d’un concept diachronique (poser) et d’un concept synchonique (un état 0 ou 1) pour définir un mouvement, repérable au niveau imaginaire supérieur.

Nous pouvons généraliser à tous les niveaux supérieurs, en parlant du la « fonction interne » identité.

Regard "entropologique " sur les maths. Suite 1

Ce qui garde un sens assez naturel : parler de l’identité d’un objet, c’est envisager une comparaison avec « autre chose », et donc, prendre un certain recul imaginaire, pour envisager (même virtuellement) l’existence une collection d’autres objets dont il puisse être un élément.

La fonction identité se réduisant, au niveau élémentaire à installer l’élément au sein d’un ensemble.

Procédant ainsi :

  • La disjonction (synchronique) initiale entre 0 et 1 se propage d’un niveau imaginaire à l’autre où elle est toujours repérable ;
  • Nous rendons manipulable, nous « objectivons » le saut (diachronique) élémentaire en le définissant comme la fonction identité.

Retour sur les opérations addition et multiplication

Il arrive un niveau imaginaire où le mathématicien en vient à considérer les fonctions et les applications du même œil qu’il considère des « objets », se serait le prochain pas de notre réflexion.

Pourtant, avant d’en arriver à ce point, nous n’en avons ps tout à fait terminé avec la caractérisation d’une « fonction interne ».

En théorie des ensembles, une foncion interne f fait correspondre à deux éléments x de E et y de E, un autre élément z de E.

Qui s’écrit de façon générique (E x E) = f => (E)

Ceci ne pose pas de problème pour l’addition : soit 1 allumette plus 1 allumette, ceci nous donne 2 allumettes. Nous avons déjà vu que l’ensemble d’arrivée Ik+1 était à un niveau supérieur au niveau de départ Ik, où j’ai repéré mes allumettes. Et, pour l’addition, je n’ai aucune difficulté à considérer que le E d’où je tire la première allumette est soit le même soit semblable à celui d’où je tire ma seconde allumette.

Par contre, je reste un peu perplexe dans le cas d’une multiplication : multiplier 1 allumette par 1 allumette n’a aucun sens commun. Et lorsque je dis, par exemple :

1 tirage de 1 allumette (au niveau Ik) = 1 allumette (au niveau Ik+1) ; bien que je repère par le chiffre « 1 » le nombre d’allumettes comme le nombre de tirage, il y a quelque artifice à voir mes deux ensembles « E » de départ comme étant de même espèce.

Essayons de voir si notre façon de discriminer concept synchronique / concept diachronique peut nous aider à caractériser la différence entre ces deux types de fonctions internes.

Je propose ceci :

  • Dans l’addition, les deux ensembles de départ concernent des « objets » de même niveau synchronique Ik,
  • La multiplication est liée à la répétition d’une action sur un objet. Or, le repérage d’une action diachronique ne peut se faire qu’au niveau Ik+1.

En repérant le niveau synchronique de l’ensemble E en indice, nous avons donc :

  • Addition                     : (Ek x Ek) = f => (E k+1)
  • Multiplication            : (E k+1 x Ek) = f => (E k+1)

Très sincèrement, je n’ai aucune idée de l’intérêt de ces quelques considérations pour un mathématicien. Mais cette intrusion dans un champ qui m’est étranger m’a permis de retrouver dans ce champ, comme en physique, la difficulté que nous avons à comprendre et représenter le mouvement…

Si ceci vous inspire quelque réflexion, vos commentaires sont les bienvenus.

A suivre ?

Hari

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