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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Géométrie et symétries

Géométrie et symétries

Je n’arrive pas encore à situer correctement la représentation d’une rotation par rapport à celle d’un plan. Je n'arrête pas de tourner autour de cette question que j'ai déjà abordée ici (voir l'article tournez, glissez). Il est évident, certes, qu’un cercle ne peut se repérer que dans un plan, mais la question n’est pas tranchée, de savoir si l’intuition du cercle est antérieure à celle du plan, moins élevée dans la structuration de notre Imaginaire.

Formellement : est-ce que le saut diachronique qui me fait passer de la représentation d’une droite à celle d’un plan (Id = > Is) est le même que celui qui me fait passer de la droite au cercle (Id = > Ic).

Ce qui m’en fait douter c’est que la construction du cercle est intuitivement plus élémentaire que celle d’une surface : pour créer un cercle, je fais « pivoter » un segment de droite autour d’un point, tandis que le plan se génère par la "translation" d’une droite. Vous remarquerez que je tente toujours de distinguer le mouvement derrière la figure, partant de l’idée que nos représentations sont primitivement destinées à assurer la survie d’un prédateur (nous) qui dépend de son habileté à détecter, voire anticiper, les mouvements d’une proie ou d’une menace.

Donc le cercle se construit à partir d’un segment de droite (en Id) tournant autour de l’une de ses extrémités (voir l'article précédent sur les éléments de la géométrie d'Euclide), d'un point (i.e.: en Ip < Id, repéré sur Id) alors que la surface se construit à partir d’une droite (en Id) se translatant en Is avec Id < Is. Autrement dit la « surface », à partir de la rotation s’engendre dans le mouvement lui-même, alors qu’elle est « déjà là », pour que l’on puisse y repérer la « translation » d’une droite.

La preuve que l’intuition de la rotation est plus élémentaire que celle du plan, est peut-être apportée par les solutions au problème de Kakeyra concernant la rotation d’une aiguille.

Il s’agit de savoir quelle est la surface minimum balayée par une aiguille lorsqu’on la fait tourner de 360°. La surface maximum est celle d’un cercle du diamètre de ladite aiguille. Mais l’on peut construire par itération une suite infinie de mouvements qui permet cette rotation complète, dont la surface balayée soit nulle. L’image d’un camion faisant un demi-tour dans une forêt, en évitant les arbres, permet de se faire une idée du problème : déplacer un élément linéaire, sans percuter les obstacles disséminés sur la surface de manœuvre.

  • Soit Id le niveau Imaginaire où je repère l’aiguille,
  • Soit Is le niveau Imaginaire où je garde la trace des mouvements de l’aiguille

Alors chaque « mouvement » proprement dit associe un concept synchronique (en l'occurrence une aiguille repérée en Id) et un saut diachronique entre Id et Is (voir ici plus en détail: le principe d'incertitude d'Heisenberg sans les maths)

Le point intéressant est que, si j’oublie les « mouvements », pour ne plus m’intéresser, en Is qu’au repérage de l’ensemble des positions de mon aiguille, alors je peux reprendre (i.e. : étant moi-même en position ex post) à ce niveau Imaginaire supérieur Is, le problème de Kakeyra pour me poser la question suivante : Existe-t-il une figure de plus petite aire qui contienne l’aiguille dans toutes ses directions ?

La réponse est un Nouveau théorème de Besicovitch. – Il existe une figure d’aire nulle qui contient l’aiguille dans toutes ses directions.

Le plus intéressant étant peut-être que cette figure (fractale par construction) de surface nulle a une dimension fractale de 2. Autrement dit, par une répétition infinie de mouvements, on arrive à construire une figure qui n’a pas de mesure (i.e. : n’a pas de surface, mesure propre au niveau Imaginaire Is) mais permet de « balayer » une surface.

Il y a là un lien à établir avec le principe d’inertie en physique comme avec l’automatisme de répétition qui guide toutes les actions du vivant et structure profondément notre façon de penser. Mais ce qui nous importe pour l'instant, c'est que l’existence même de cette répétition infinie marque un gap infranchissable, un saut diachronique nécessaire entre le repérage d’une rotation et la représentation d’une surface.

Maintenant, la question à se poser (ex ante) est de caractériser le saut qui permettrait de passer du repérage d’une rotation (Ic) au plan (Is).

Pour être cohérent avec notre façon de voir la forme canonique des mythes comme la structure commune à toutes nos « créations » Imaginaires (i.e. : la signature d’un saut diachronique), il nous suffit d’articuler une interrogation selon cette forme. Autrement dit, trouver ce qui est concevable en Is et non en Ic.

La réponse évidente, c’est le sens de rotation. Lorsque je construis un cercle avec un compas, je trace mon cercle en tournant mon compas dans un sens. Mais je ne peux prendre conscience du sens de rotation qu’au niveau Is : il faut en effet que je puisse comparer le sens actuel de mon mouvement à l’ensemble de mes possibilités, qui ne peuvent s’imaginer qu’au niveau d’une surface, ex post par rapport à mon mouvement.

=> La bascule ex ante / ex post, est liée à une question de symétrie.

Problème qui n'est pas sans rappeler la "déconstruction" de Derrida.

Corrélativement, une fois en position ex post, le passage d'un niveau Is au niveau inférieur Ic peut se caractériser comme une brisure de symétrie : pour tracer effectivement le cercle que je vois fini en Is, il faut bien que je fasse une rotation dans un sens ou dans l'autre. On retrouve, bien entendu ce qui a été déjà vu concernant tout phénomène de décohérence (voir l'article émergence et décohérence) ainsi que le théorème de Noether (voir l'article principe d'incertitude et théorème de Noether).

Où l’on retrouve en mathématiques, la trace de cette notion de « brisure de symétrie » issue de la physique, comme conséquence de l'application de la forme canonique des mythes qui selon Lévi-Strauss nous permet de transcender les incohérences de nos représentations. Il y a à partir de là, me semble-t-il, tout un champ d’investigation à défricher.

Bonne méditation

Hari

Ajout au 19/07/2016

Ce matin, au réveil cette idée : et qu’en est-il d’un vecteur par rapport à une droite ?

L’idée immédiate serait qu’un vecteur est une droite + quelque chose : le sens pour aller d’une extrémité à l’autre. Mais ce qui vient d’être dit concernant la représentation du cercle par rapport à celle du plan permet de remettre en cause cette intuition.

La forme canonique du mythe permet, comme nous l’avons vu, d'imaginer le cercle, dans l’instant où je le trace (avec un sens de rotation particulier) à un niveau Imaginaire inférieur à la figure d’un cercle, terminé et représenté dans un plan "constitué". Plus exactement : dans le temps du mouvement circulaire, j'inscris mon mouvement dans un "entre-deux" ; entre la représentation d’une droite et celle d’un plan. Autrement dit il y a entre le cercle en création et le cercle achevé, une question de "décohérence", en ce sens que j’actualise par mon geste avec mon compas, une potentialité : l’un des sens de circulation possible (lévogyre ou dextrogyre). Avec en arrière pensée dans ma tête cette question : quelle est la nature du "spin".

Et je peux très bien voir un vecteur comme l’actualisation particulière d’une droite constituée. En effet je peux réaliser un segment de droite AB en partant de A vers B ou de B vers A. De ce point de vue, un vecteur est l’actualisation d’une potentialité représentée par la droite achevée. Le vecteur s’obtient par la décohérence d’une droite. Il y a entre le vecteur et une droite la même différence conceptuelle qu’entre un cercle et un plan.

Et je sais pourquoi cette idée m’est venue : c’est pour me rapprocher de la différence qui m’a toujours interpellé entre vecteurs covariants et contravariants. Je sais que je suis tout près, tout près…

Sticker du 20/07/2016

Et remontant dans notre Imaginaire, vers les notions les plus élevées du langage mathématique, il est clair que les discussions précédentes se retrouvent au niveau des "Catégories". En particulier, la dualisation des catégories permet de rendre symétriques les énoncés mathématiques.

Ceci tendrait à prouver que notre exercice consistant à décanter les notions élémentaires des mathématiques, au plus près du Réel, là où le langage lui-même se délite, reste pertinent, sinon de première nécessité pour relever des traces "anthropomorphes", intactes, au plus haut niveau de l'abstraction. Grothendieck lui-même ne disait-il pas que les notions fondamentales des mathématiques sont à la portée des enfants, plus réceptifs que les adultes ? Point de vue partagé par Picasso, autre grand créateur, qui ne tolérait que les enfants dans son atelier...

Résolution du 21/07/2016

J’ai sollicité un prof de maths (je suis tombé sur l’un de ses textes en feuilletant internet) qui a bien voulu m’indiquer un livre d’introduction aux "catégories" que je vous recommande : "conceptuel mathematics. A first introduction to categories". J’en suis au début de ma lecture, et j’en éprouve une grande joie : enfin quelque chose de compréhensible, et qui part de zéro. Cela s’avale assez facilement, et me permet de remettre en perspective mes interrogations.

Il y a bien un manque, qui se perçoit dans le premier exemple donné (une confusion entre "mouvement" et "temps"), mais ce n’est pas grave pour l’objet de l’ouvrage.

Je n’en suis qu’au début, mais dès à présent, il me semble nécessaire d’aller au bout de cette lecture avant de continuer mon exploration des maths, et de réécrire mes propres développements dans ce formalisme que je découvre (je n’ai que 50 ans de retard !). A piece of work, indeed.

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