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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Du principe premier de la physique : la simplicité

- Après ma prise de conscience que le concept de "gravitation"  n'est qu'un habillage inconscient de ma capacité à passer d'un point de vue local à un point de vue global, dans un type de pensée "rationnel- topologique" ( voir "gravitation et géométrie"), j'ai cooconné deux jours entre fauteuil et divan à le digérer.

Et ce matin, je me lève avec cette idée en tête: si toute la physique se résume à des considérations topologiques, comme la gravitation qui, historiquement, en marque les débuts, alors le principe même de cette physique est implicitement acquis au stade du second niveau des opérations concrètes (voir "l'épistémologie génétique de Piaget").

- Pourquoi à ce stade et non au dernier ?

- Parce que les progrès suivants ne consistent qu'à réutiliser les outils développés à partir d'actions concrètes, pour manipuler des objets de langage. Si, par exemple, tu bases toute une théorie sur l'utilisation d'un groupe de symétries locales, tu peux ensuite caractériser ce groupe, puis généraliser tes réflexions à l'ensemble des groupes de symétries ayant mêmes caractéristiques, pour définir d'autres "objets" sur lesquels les appliquer etc. La démarche est récurrente et conduit à la théorie de jauges, mais les concepts de base sont déjà acquis.

- Soit, mais où cette réflexion te mène-t-elle ?

- À ceci : la dernière capacité acquise par l'enfant de 9-10 ans consiste à pouvoir passer d'un repérage local à un repérage global des objets.

- Et c'est tout ?

- Presque. Il faut avant cela considérer notre propension à limiter nos efforts.

- Là tu en reviens au principe de moindre action de Maupertuis !

- C'est justement tout le problème : avant d'en arriver à ce principe, qui conduit à Lagrange, et la physique symplectique, que j'ai toujours en ligne de mire, quelle est la manifestation la plus élémentaire de ce principe? Revenons aux constatations de Piaget (voir "gravitation et géométrie").

  • L'enfant de 7-8 ans pense que la règle tombe en suivant son inclinaison;
  • L'enfant de 9-10 ans pense qu'elle tombera verticalement.

Nous avons vu que le premier en reste à une description "locale" de l'objet, quand le second peut passer du "local" au "global" et situer la règle par rapport au sol.

- Oui, tu nous l'as déjà dit.

- Bien, mais au-delà de ça, pourquoi l'enfant trace-t-il des droites dans l'un et l'autre cas ? Pourquoi pas  suivre le vol d'un papillon?

- Parce que cela ne recoupe aucune expérience de l'enfant.

- Certes, mais l'enfant de 7-8 ans n'a pas non plus l'expérience d'une règle qui tomberait en suivant sa pente.

- Parce que sa réponse est la plus simple ?

- Voilà, nous y sommes : l'enfant donne la réponse la plus simple. Mais ce qui est "simple" à 7-8 ans devient compliqué à 9-10 ans. À cet âge, il est plus simple d'envisager une descente verticale, et géométriquement ça se traduit par "la distance la plus courte" pour arriver au sol.

Autrement dit: le principe qui guide l'enfant, c'est la simplicité.

- Et c'est tout ?

- Oui, absolument. Toute la physique se ramène à ce principe.

- C'est bien gentil, mais concrètement, ça te conduit où ?

- À adopter le bon point de vue. Par exemple, en optique quel est le chemin suivi par un rayon lumineux réfléchi par un miroir ?

- Le chemin le plus court (note 1) !

- Et en thermodynamique: quel est l'arrangement le plus simple ?

- Celui qui peut être obtenu par grand nombre de voies possibles.

- Maintenant arrivons-en au coeur même du mécanisme "local/ global", ce qui nous ramène à mon billet "Symétrie et rotation".

J'étais tombé à l'époque sur une série de vidéos de M. Gilles Bailly Maître (voir en particulier "Groupe symétrique 4/5"), qui m'avait donné beaucoup à réfléchir. J'y reviens aujourd'hui parce qu'il utilise très simplement un jeu de 52 pour illustrer son propos, et c'est tout ce dont nous avons besoin ici.

Prends un jeu de 52 cartes battues ensemble. Le nombre de configurations possibles est un nombre à 68 chiffres, et donc n'importe quel arrangement que tu puisses produire est certainement unique. Maintenant, la question est: de quelle façon arriver simplement à décrire une configuration particulière sans avoir à la tirer d'une collection aussi gigantesque ?

Et c'est là que nous retombons sur notre capacité à passer d'un point de vue local à un point de vue global!

Nous allons nous limiter à deux actions élémentaires:

  • Une permutation consistant à échanger la place de deux cartes consécutives. C'est une action locale;
  • Une transposition consistant à faire passer la première carte du "paquet" à la dernière. C'est donc une action globale modifiant le repérage de l'ensemble des cartes dans le paquet.

Je ne vais pas te le refaire, mais reporte-toi à 21'40 sur la vidéo en question. Le point important, c'est que pour permuter 2 cartes quelconques dans le paquet à l'aide d'une permutation "locale", je procède ainsi :

  • un changement de point de vue global (un certain nombre de transpositions) ;
  • une permutation locale;
  • le changement de base inverse du précédent; pour restituer les deux cartes changées localement, dans leur environnement global précédent.

Et c'est ça tout le secret de la simplicité ! Je n'arrête pas de changer de point de vue global, pour me mettre dans la meilleure configuration locale afin d'atteindre l'objet sur lequel agir ou pour le représenter. Comme tu le vois la route est maintenant assez bien tracée.

- Oui, je vois surtout que tu es encore obnubilé par tes difficultés à comprendre une inversion de matrice, mais comment cela se raccroche-t-il à la physique symplectique ?

- Avoue que nous avons là un principe très élémentaire pour comprendre la nécessité de ces changements de base qui occupent toute la physique ! Mais tu as raison de me recadrer car le principal n'est pas là.

Lorsque je dis que l'enfant répond par la "plus simple" des hypothèses qu'il puisse formuler, il faut expliciter ce que "plus simple" veut dire.

D'une façon générale, tout organisme vivant vise "au plus simple"; ce qui   le porte à faire des choses parfois très compliquées. Pour en rester aux animaux supérieurs, je t'ai déjà parlé de la courbe du chien. Le plus simple, pour un chien en chasse, c'est de courir droit vers le lapin, ce qui au final lui fait suivre un chemin assez compliqué vers sa proie. Un chasseur, capable de prévoir la trajectoire de sa cible, visera un point en avant du lapin, pour l'intercepter dans sa course.

Dire que le tir en ligne droite du chasseur est "plus simple" que la trajectoire du chien, demande:

  • que l'on puisse prendre le recul nécessaire pour comparer des distances.
  • que l'on puisse choisir un cas parmi une multitude de potentialités, hors du temps.

Autrement dit, un jugement sur la "simplicité" d'une action n'est pas d'ordre logique, mais topologique.

Second point: nous ne sommes pas dans une simple géométrie affine, car il nous faut la notion de "mesure", c'est-à-dire au minimum celle du carré (i.e.: le théorème de Pythagore); ce qui nous ramène à Lebesgue pour qui tout est question de volume (voir "d'Archimède à Lebesgue").

- Tu retombes toujours sur tes pattes. Soit tu as raison, soit tu es profondément atteint !

- La réponse est simple : je suis psychotique si je reste seul, et j'ai raison si quelqu'un d'autre arrive aux mêmes conclusions, par ses propres voies.

Mais revenons-en à notre "principe de simplicité". Nous avons établi :

  • Qu'il s'agit d'un principe d'ordre topologique;
  • Qu'il implique au minimum la notion de surface (toujours Pythagore).

Nous en arrivons à Newton démontrant la loi des aires de Kepler avec des considérations de conservation de l'aire d'un triangle (voir "au coeur de la physique"). Autrement dit Newton, après Galilée, nous parle de "conservation". 

Maintenant avec notre principe de simplicité, il s'agit de comprendre cette "conservation" comme la solution la plus simple de "tous les possibles".

- Je te vois venir avec tes gros sabots : tu veux arriver à la géométrie symplectique.

- Oui, bien sûr, mais comment le justifier ?

L'idée que j'en ai aujourd'hui, après mes réflexions déclenchées par la lecture de Piaget, est la suivante : nous avons défini IR comme le niveau Imaginaire à partir duquel on peut parler de topologie, et plus particulièrement de géométrie affine (i.e.: sans notion de surface), et I# celui où l'on a cette notion, et par itération, celle de volume. Mais c'est également celle où l'on peut avoir des formes antisymétriques de type "ab'-a'b"; avec, bien entendu IR< I#< Im.

Dans ce contexte, ma balade "local/ global", consiste à passer d'un niveau à l'autre. Et mon "jugement", en Im concernant la simplicité d'un objet en IR, est rapporté aux critères à ma disposition en I#.

Prends deux vecteurs (a;b) et (a';b') en IR, l'aire du losange qu'ils délimitent est mesurable en I# et sa valeur est s=(ab'-a'b). Maintenant, en passant d'une représentation locale (en IR) à une caractéristique globale (en I#), je peux, le plus simplement du monde qualifier globalement l'arrangement local de mes deux vecteurs:

  • Ils sont orthogonaux <=> s maximum ;
  • Ils sont parallèles <=> s minimum (=0).

- Autrement dit, pour en revenir à ta déception de ne pas voir de fracture nette entre topologie et physique, la réponse est qu'il n'y en a pas: arrivés en I#, nous aurions tous les outils à notre disposition pour imaginer nos théories physiques ?

- Oui, c'est mon hypothèse.

Le principe de simplicité que je vois au coeur de la physique n'est donc pas à chercher au-dessus de la topologie, comme je l'imaginais, mais en dessous de la logique, comme un principe général d'organisation de notre cerveau lui permettant de représenter "au mieux" nos expériences. De ce point de vue, nous devrons y rapporter le triptyque d'Emmy Noether, qui s'énonce si facilement en physique symplectique, ce qui achèvera de boucler la boucle...

Je te laisse méditer là-dessus car le soleil pointe son nez et j'ai du jardinage en attente !

Hari

Note 1:

Je vous passe les détails concernant le "chemin optimum". Strictement parlant il faudra distinguer le plus court et le plus long, mais seul le plus court est stable...

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