Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
30 Juin 2019
- Et si tu mettais un peu les mains dans le cambouis, histoire de voir de quelle façon ton exploration de la théorie des catégories peut éclairer les principes de la physique des quanta ?
- Tu sais bien que je suis loin d'être prêt, mais soit, après tout il serait intéressant de voir de quelle façon mon approche résiste à l'exercice, de tester sa résilience.
Revenons à "Principles of Quantum mechanics", page 15 et suivantes, au moment où Dirac explicite en termes mathématiques le principe de superposition.
Premier postulat
Il vient d'introduire le premier postulat, à savoir que l'état (note du 25/07) d'un système quantique à un instant t est complètement décrit par un vecteur A qu'il appelle un "ket" et écrit |A〉.
Il va un peu vite, mais il faut comprendre que ce ket, de dimension finie ou infinie est dans un espace de Hilbert, avec comme corps de base les complexes C, et que ce vecteur est normalisable. En fait, ça fait un grand nombre d'hypothèses à accepter pour ce qui se présente comme une évidence première.
Je ne reviens pas sur ce que nous en avons déjà vu (noter 1), juste pour indiquer que:
Autrement dit, le niveau Imaginaire où se déploie la théorie de la mécanique quantique est en I#.
- Tu retrouves la physique symplexitique de Souriau ? (note 2)
- J'évite de m'y référer pour reprendre la différence entre géométrie commutative/ non-commutative d'Alain Connes, qui me semble être la brisure de symétrie signifiante.
Principe de superposition
Revenons à Dirac: un état quantique peut être défini comme combinaison linéaire d'autres états quantiques, c'est proprement dit le principe de superposition.
Par exemple: c1|A〉 + c2|B〉 = |R〉 où c1 et c2 sont des nombres complexes.
Cette définition implique certaines conséquences que Dirac passe en revue:
1/ L'ordre des superpositions n'a aucune importance:
C'est dire que notre description est atemporelle.
- Mais il l'a déjà dit en parlant d'un état à un instant t !
- Bien sûr, mais comprends qu'il est ici dans une description purement topologique de la physique (note 3) où le temps, tel qu'il se construit en I01 à partir de répétition de sauts diachroniques I1/I01, n'a plus court. (note du 11/09/20 bis)
2/ Symétrie des états:
Si R peut être défini par A et B, il en est de même de A à partir de R et B ou de B à partir de A et R. Il n'y a là rien d'étonnant puisque ces éléments sont susceptibles de mesure, donc d'un niveau Imaginaire I#.
Et tu vois, je l'espère la distorsion qui va s'instaurer dès lors que tu vas restreindre ta description à un espace non-commutitaf, en passant de I# => IR. Mais suivons Dirac pour l'instant.
3/ Superposition d'un état à lui-même:
Cette symétrie implique que je puisse écrire : c1|A〉+c2|A〉=(c1+c2)|A〉,
Nous pouvons avoir, nous dit Dirac (c1+c2)=0 ce qui conduit à aucun état, le vide. Ceci n'a rien pour nous étonner, puisque dans une approche topologique, le référé ultime est l'objet initial, vide.
Ce cas mis à part, Dirac fait l'hypothèse qu'en fait notre opération laisse l'état |A〉 inchangé, autrement dit : (c1+c2)|A〉 = |A〉:
"if the ket vector corresponding to a state is multiplied by any complex number, not zero, the resulting ket vector will correspond to the same state".
Et là j'ai mis un certain temps à comprendre la suite:
"Thus a state is specified by the direction of the ket vector and any length one may assign to the ket vector is irrelevant".
- Sur quoi as-tu bloqué ?
- Pour moi, lorsque je multiplie un vecteur par un nombre complexe ρeiθ, le module du vecteur est multiplié par ρ et il subit une rotation d'un angle θ, or là, Dirac ne parle que de longueur. C'est pour ça qu'hier j'ai lâché ma lecture pour surfer sur Wikipedia, ce qui a donné l'article précédent sur l'orthogonalité (note1).
- T'en es-tu sorti ?
- J'étais inattentif ! Nous sommes ici dans un espace de Hilbert H, et non dans C !
Dans H, les nombres c1 ou c2 sont purement des scalaires, et la "rotation" d'un ket |A〉 est d'un autre ordre. Nous retombons dans notre difficulté à nous représenter l'orthogonalité entre concepts que j'avais pointée lors de ma présentation. (note 4).
Mais c'est tellement évident pour Dirac, qu'il ne voit même pas l'obstacle auquel je me suis heurté. Or donc, la "direction" du ket |A〉 n'a rien à voir avec ce que je suis tenté de me représenter comme la "direction" d'un vecteur dans un espace Euclidien. Il suffit d'être prévenu ! Dirac continue ainsi :
"All the states of the dynamical system are in a one-to-one correspondance with the possible directions for a ket vector, no distinction being made between the direction of the ket vectors |A〉 and -|A〉."
Et là tu retrouves cette symétrie entre états qui me fait porter le concept au niveau I# de notre Imaginaire, là où se conçoit la mesure.
4/ Différence avec la mécanique classique:
Pour marquer cette différence, Dirac prend l'exemple de la superposition des vibrations sur une peau de tambour. Lorsque l'on superpose à lui-même un mode de vibrations en mécanique classique, l'amplitude de la vibration est modifiée, l'état considéré est modifié, ce n'est plus le cas en mécanique quantique:
"There is no physical characteristic of a quantum state corresponding to the magnitude of the classical oscillations"
C'est sans doute ici que la différence entre les référés ultimes de l'une et l'autre mécanique pointe le bout de son nez:
Dans un cas, on se réfère à un objet (ici un tambour) et ceci nous renvoie à l'objet final, dans l'autre cas nous sommes renvoyés à l'objet initial.
Je pense qu'il n'y a pas de façon plus radicale de marquer la différence entre les deux approches. La difficulté, pour l'expérimentation des états quantiques, étant la nécessité de se rabattre sur la mécanique classique pour l'observer à partir du Réel.
Sur ces fortes paroles, je fais un break, car j'ai encore pas mal de choses à faire avant l'arrivée de V. !
Hari
Note 1 Voir :
Note 2 Voir mes commentaires de l'approche de J.-M. Souriau:
Comme mon approche d'Alain Connes:
Je ne saurais trop insister sur la distinction logique / topologique qui émerge de mon approche depuis maintenant un an. Voir par exemple la dernière mise au point que j'en ai faite dans cet article :
Note 4 Voir:
- Relisant l'introduction de Dirac, pour bien m'en imprégner, je repasse par la page 11, où il précise ce qu'est un "état", avant de parler de leur superposition:
"Let us take an atomic system, composed of particules or bodies with specific properties (mass, moment of inertia, etc.) interacting according to specified laws of force. There will be various possible motions of the particules or bodies consistent with the laws of force. Each such motion is called a state of the system. (...)
Thus a state of an atomic system must be specified (...) at some instant of time."
- Je ne vois pas ce qui attire ton attention dans ce passage ?
- Comment peut-il figer un "objet" à un instant "t" donné dans un "mouvement", puisque par définition le "mouvement" se déroule "dans le temps".
- Il fait une sorte d'arrêt sur image dans le déroulement d'un film.
- Mais, précisément, soit le film est sur "arrêt" et il nous présente une image (ce dont il récuse la possibilité), soit il défile, et nous avons à préciser ce qu'est le temps, ce qu'il ne questionne pas.
- Sa théorie est pourtant relativiste, tout du moins en accord avec le relativisé restreinte.
- Nous y reviendrons en son temps, mais ceci ne résout pas la question présente: qu'est-ce qu'un "mouvement" à un temps "t" donné ?
- Ne fais pas la bête: à un temps "t", tu peux avoir la valeur d'un vecteur vitesse, ou mieux : le moment d'une particule.
- Admets que ceci implique que l'on adopte mon point de vue, à savoir que la vitesse est perçue en Ik+1 par Im ex post, à partir d'une particule vue en Ik, avec Ik<Ik+1<Im.
- Tu nous l'a déjà dit (voir "le principe d'incertitude d'Eisenberg sans les maths").
- Je pense que nous pouvons aller un peu plus loin, après nos considérations récentes sur la dualité des points de vue logique/ topologique.
Considère le dispositif suivant : I'm≤Ik<Ik+1<Ik+2≤Im.
Dans cette dualité de points de vue, tu vois je l'espère de quelle façon le temps de l'expérience (Ik/Ik+1) se reflète en Ik+1 dans les potentialités du Sujet ( i.e.: actualisation en Ik+1 de potentialités en Ik+2).
Pour faire image, l'actualisation d'une potentialité (passage Ik+2=>Ik+1) reflète notre "arrêt sur image" précédent (passage Ik=>Ik+1).
- Et nous retrouvons Dirac à l'arrivée !
- Oui, et ce qu'il dit est essentiellement ceci:
L'état du système observé est limité aux potentialités que le Sujet lui assigne:
"The word "state" may be used to mean either the state at one particular time (after the préparation), or the state throughout the whole of time after the préparation. To distinguish this two meanings, the latter while be called a "state of motion" when there is liable to be ambiguity." p.12
En fait, cette idée de la globalité du temps futur (après la préparation de l'observation), c'est purement et simplement un renvoi à une navigation au sein des potentialités Imaginaires du Sujet.
Nous sommes ici au coeur des réflexions qui nous animent.
Il y a erreur dans mon préjugé quand à la nature de la géométrie non-commutative, j'y reviens ces temps-ci. Voir :"Rencontrer Alain Connes", et articles suivants.
Je n'avais pas à l'époque disctingué entre le temps dont on fait la théorie et le temps de la narration. Voir : "Entropologie vs sciences du langage et de la narration".