Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
30 Décembre 2019
Depuis deux jours je bute dans ma relecture de l'article sur la "propriété universelle en théorie des catégories". Je n'arrive pas au sentiment d'évidence qui me permettrait d'avancer.
- Sur quoi achoppes-tu ?
- La dernière note que je viens d'y ajouter soulève un lièvre de taille ! Je la rappelle ici :
"... ce que nous avons dit dernièrement de la "chiralité du temps" pourrait nous aider quelque peu, il faudra que je reprenne mon développement à partir de ce nouveau point de vue.
L'idée que j'en ai ce matin concerne l'enchaînement des morphismes f et g selon que le foncteur F est covariant ou contravariant:
Si tu penses en termes de temporalité, et de cause à conséquence, alors dans l'enchaînement des actions g◦f, f précède g.
Autrement dit, lorsque :
Or, l'orthogonalité du temps et des dimensions d'espace, qui est la façon cohérente de représenter le temps au-delà de I01 s'écrase en I01 en une opposition simple passé/futur, qui s'accorde avec la façon élémentaire de comprendre le temps, établie à partir de la répétition du morphisme (*)∈I1↑{1}∈I01 entre I1 et I01.
Ça n'est peut-être pas lumineux au premier abord, mais pense à la rotation d'un nombre z de norme 1 dans C (i.e.: en IR): n répétitions d'une action z=eiθ font tourner z de φ=nθ dans un sens: zn=einθ=x=eiφ, et en régressant, c'est-à-dire en cherchant les racines ou les antécédents de x, tu tournes dans l'autre sens : x1/n=eiφ/n=eiθ=z et φ/n=θ. Tu vois bien dans ce cas la corrélation entre temporalité et rotation au-delà de I01 !"
- Et qu'est-ce qui te choque là-dedans?
- L'idée d'inverser le rapport de causalité lorsque le Sujet se regarde dans un miroir ! Ce n'est pas quelque chose que j'avais prévu en écrivant sur "la chiralité du temps".
- Faut-il remettre en cause ton approche ?
- Non, au contraire, je pense qu'il faut creuser l'idée pour mettre à jour ce qui s'est glissé sous le tapis ! Il y a certainement quelque chose qui m'a échappé.
- Par où ravauder le discours ?
- À la réflexion, le point fondamental tient à la fermeture de l'Imaginaire lorsque l'on passe de I01 à IR.
- Quel rapport ?
- En fait, dans la situation I'm<Im<...≤I0, on peut dire que Im "bouche l'horizon" Imaginaire de I'm, et qu'il se substitue à ce qui lui reste intangible, à savoir l'objet initial ( ) en I0. Autrement dit, le Sujet en Im est le deus ex machina de son reflet en I'm.
Lorsque le Sujet en Im se représente la vision de I'm, il ne peut que se heurter à ses propres limites, c'est ce que le mathématicien constate, et pour couper cours à cette réflexion sans fin I'm/Im, il objectivise cette limite en adjoignant le point à l'infini, noté ∞, à la droite R. Tu noteras que nommer ce qui t'échappes est la façon usuelle de procéder. C'est ce que nous faisons en notant i tel que i2=-1, c'est ce que fait Évariste Galois avec ses extensions.
Mais cette clôture a un autre effet: puisque Im est en quelque sorte "donné d'avance", comme limite à I'm., la fin de tout développement en I'm lui préexiste en Im.
- Je ne te suis plus.
- Tout tient au changement de posture du Sujet en I01.
1/ Dans ce que j'ai appelé une posture de "rationalité logique" avec R<I1<I01≤Im, la répétition du morphisme élémentaire (*)↑{1} te permet d'imaginer N et Q, dans un processus indéfini, sans limite.
2/ Dès que tu t'élèves à partir de I01=I'm≤Im, tu adoptes une "rationalité topologique", avec cette approche duale locale/globale, qu'il nous est si difficile de cerner complètement.
Mais dans le changement de pied opéré en I01, lorsque tu passes de Im tourné vers I1 à I'm tourné vers I0, nous disons ici qu'en fait, ton Imaginaire est limité aux potentialités de Im.
- Tu retombes sur la différence Deleuzienne entre virtualité et potentialité?
- Évidemment ! C'est en clôturant ses champs que le pasteur monade devient agriculteur, et géomètre par nécessité. En évoluant, tu t'enfermes dans ton Imaginaire pour te préserver du Réel.
- C'est une attitude paranoïaque !
- Le Moi est essentiellement paranoïaque, selon Lacan. Mais on peut le voir de façon plus positive: nous construisons notre Imaginaire pour satisfaire notre pulsion, c'est ce que j'ai développé dans "L'Homme Quantique". De ce point de vue, toute construction rationnelle est téléologique, rapportée à la volonté du Sujet. D'où l'importance de l'axiome de choix, qui se pose en I01, comme nous l'avons déjà souligné, je n'y reviens pas ici (voir :"axiome de choix et création").
Autrement dit: la fin précède toute cause que tu construiras a posteriori pour la justifier. C'est ce que signifie fondamentalement le fait que "Im bouche l'horizon Imaginaire de I'm".
Et c'est une ambiguïté qui se retrouve à chaque pas que tu fais, en mathématique comme en physique. Il y a là un exercice à faire, qui prendrait sans doute l'épaisseur d'un livre!
Mais pour aujourd'hui restons-en là: au niveau Imaginaire I01 l'enchaînement de cause à conséquence s'inverse:
- Ça me fait penser au rôle particulier du point origine dans un espace projectif.
- Absolument, et la raison est du même ordre: le plan projectif se constitue autour du point de vue du Sujet. C'est d'ailleurs par des considérations de ce genre que les peintres Italiens du Rinascimento au XIVème siècle amorcèrent la grande révolution intellectuelle qui mènera à Galilée. C'est dire, pour reprendre l'expression de Foucault, que nous sommes ici dans un travail d'archéologues et que nous revenons aux sources mêmes de la relativité de l'expérience par rapport au Sujet.
Et donc, pour en revenir à nos moutons, je pourrais doubler cette idée de la chiralité du temps par celle de la chiralité de la causalité.
On en revient toujours à notre bonne vieille bouteille de Klein vue comme une surface non orientée, ne coupant pas un espace en 4D. (voir "Lao Tseu dans un miroir")
- Pourrais-tu être plus clair?
- Le principe de causalité est une mise en ordre rationnelle de notre Imaginaire, et non une donnée immédiate du Réel. Nous creusons encore l'idée de relativité dans la lignée des peintres de la Renaissance, de Galilée et d'Einstein:
Le principe de causalité lui-même est relatif au point de vue du Sujet.
Voilà, c'est dit: du Réel nous ne pouvons rien dire d'essentiel, même pas s'il a un début et/ou une fin, ni sa cause première (la causa sui de Spinoza) ou son but ultime. Le plus sage en la matière étant de suivre Wittgenstein...
Comme tu le vois on n'en finit pas de décrasser nos cellules grises de nos idées reçues !
- À la relecture, je me demande si tu n'enfonces pas des portes ouvertes?
- Comment cela ?
- Il ne t'est pas venu à l'idée que l'image dans le miroir ne peut exister que dans la mesure où le Sujet se place devant, autrement dit que le Sujet, en Im, est cause de son Image en I'm et que bien évidemment, de là découle la dépendance dont tu parles ?
Si tu veux une approche plus "physique" : avant que l'image se réfléchisse dans le miroir, il faut qu'un flux de photons la forme, avec un décalage temporel sensible entre la présentation du Sujet devant le miroir et sa représentation dans le miroir...
- Oui, bien sûr, et plus tu y réfléchiras, plus l'idée te semblera évidente. Mais essaie de dire à un mathématicien que l'enchaînement de cause à effet s'inverse lorsque l'on passe d'une construction logique à une approche topologique, et tu verras sa réaction !
- Et pourtant c'est ce qu'il fait en distinguant entre foncteur covariant et contravariant...
- Mais il ne se pose pas ce genre de question, parce qu'il ne met pas en perspective la différence fondamentale d'attitude du Sujet, de même lorsqu'il construit un produit ou un coproduit, un tenseur covariant ou contravariant etc...
Essaie de dire à un physicien que la causalité en mécanique quantique (i.e.: dont les effets sont observables en I01) n'est pas du même ordre qu'en relativité générale (i.e.: utilisant la norme de Minkovski au niveau I#) et nous en reparlerons !
Relecture au 01/01/2020
En relisant cet article, je pense irrésistiblement à cette vidéo d'Étienne Ghys "Le groupe fondamental par les revêtements", dont je parlais dans "Les groupes d'homologie du Sujet", et aux deux exemples fondamentaux de revêtements qu'il présente à 8mn.
Il y a deux et seulement deux types de revêtements fondamentaux, l'un de R↓S1, l'autre de S1↓S1. Avec un R sans point à l'infini (i.e.: dans la mesure où le nombre d'images de R sur S1 est dénombrable), la différence entre les deux tenant précisément à l'existence ou non de cette fermeture.
Toute la discussion se tient au niveau IR (puisque la base B est S1 en C), mais Étienne Ghys exprime explicitement que la base B est "en-dessous" de ce qui s'y rapporte.
On peut voir notre discussion présente comme une dégénérescence en I01 de la notion de revêtement située en IR; avec en particulier un changement de perspective fondamental, lorsque l'on passe de R en IR à N en I01.
Il faudrait faire le lien entre cette notion de revêtement et celle de foncteurs, c'est certainement déjà fait, mais je n'ai pas encore suffisamment avancé dans ma lecture de Mc Lane pour en saisir l'évidence !
Relecture au 09/01/2020
En rapportant ainsi le principe de causalité à la posture du Sujet, je renforce ce que j'avançais déjà il y a un an sur "l'impossibilité d'une théorie unitaire" en ce sens que le changement de posture entre logique et topologie, qui s'initie en I01, ne concerne pas seulement la façon qu'a le Sujet de se situer dans l'espace-temps, mais également sa façon de comprendre la causalité des évènements.
Ceci radicalise la nécessité d'une claire représentation du Sujet dans ses rapports à l'objet pour faire le pont (je pense à Olivia Caramello) entre l'indétermination quantique et la relativité générale; c'est tout le sens de ma démarche.
Relecture au 23/04/2022 :
- Je retombe "par hasard" sur cet article en pianotant sur le nouveau Mac que je viens d'acquérir hier ! Or cet article fait écho à un autre, beaucoup plus récent "Cohérence épistémologique suite 1", dans lequel je cherche à définir la différence immanence-S↑ / S↓-transcendance dans des termes propres à la pensée en mode ♢ "relationnelle", quand en mode ♧ "objectif", elle se décrit naturellement en termes de procédure (...)⇅ 𓂀♧.
J'en arrive à la conclusion qu'en mode ♢, cette différence s'exprime en termes spatiaux droite/gauche:
"Du coup, le passage d'un entendement de 3e espèce aux deux premiers S↑ et S↓, que l'on peut voir comme une brisure de symétrie, dans un récit d'ordre temporel ou causal (...) ⇅𓂀♧, trouverait sa correspondance en mode ♢, dans le passage de groupe commutatif, à groupe non-commutatifs gauche/ droite, dans une expression graphique (...) ⊥𓂀♢. "
- Et qu'en tires-tu comme conclusion aujourd'hui ?
- Ma discussion d'alors est en quelque sorte "diaphonique", en ce sens qu'elle ne distingue pas :
Le premier est d'ordre "géométrique", c'est par exemple la représentation d'un mouvement linéaire sur deux axes orthogonaux l'un pour les distances "x" et l'autre pour le temps "t".
Le second traite d'un changement d'objet final : on passe du singleton (*) en mode ♧ au monoïde •⟲, et l'on passe de la géométrie à la topologie.
Or, dans mon texte de 2019, faute d'avoir théorisé cette différence de "modes de penser", les deux aspects géométrique/ topologique se superposent. L'effet de diaphonie vient de ce que l'expression propre au mode ♢ est spatial (...) ⊥𓂀♢, quand l'expression propre au mode ♧ est temporel (...) ⇅𓂀♧.
- Amen !
Hari