Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
26 Mars 2020
- Pour meubler mes longues heures de confinement je me suis inscrit à un cours d'introduction à la physique quantique en ligne, présenté par l'ENSTA (note #1), qui démarre par un survol de la mécanique analytique.
- Si tu reviens sans cesse sur tes pas, tu n'avanceras jamais !
- Mon but était de vérifier que ma démarche respecte le développement historique des concepts, d'où ce survol de la mécanique Q. Or donc, hier après-midi, en écoutant l'orateur, je comprends que mon approche de la relation entre énergies cinétique et potentielle est dépassée.
D'où le choc !
- Ce que tu as écrit sur le sujet dans "L'Homme Quantique" est-il faux ?
- Pas faux au sens où j'aurais fait des erreurs de calcul, mais dépassé au sens où j'écrivais dans une posture de rationalité logique, qui n'était pas de mise.
- Explique-toi.
- J'avais dans l'idée que l'énergie potentielle est un principe diachronique, du fait qu'elle résulte d'une différence entre deux niveaux. Pour coller avec ma différence synchronie/ diachronie, j'en induisais que l'énergie cinétique est d'ordre synchronique, en m'appuyant sur le principe de conservation de Galilée. De ce point de vue, le mouvement, conjoignant un principe synchronique et un autre diachronique, résulterait des échanges entre énergie potentielle/ cinétique, l'exemple canonique étant le pendule de Foucault.
J'étais donc dans une posture rationnelle logique Ik<Ik+1<Im :
Avec l'idée que cette différence était ancienne, puisque les Grecs opposaient déjà énergie/ dynamique: (note #2)
Or, l'orateur me fait comprendre en deux phrases que je suis totalement à côté de la plaque. D'une part, c'est Lagrange qui introduit l'énergie potentielle dans ces calculs, donc très récemment, et d'autre part il le fait dans un esprit totalement étranger à ce que j'avais supposé (voir Linga & Yoni)
il n'est pas question "d'échange" entre deux types d'énergie mais d'établir une équivalence entre deux façons de "représenter" l'énergie !
En voyant cette vidéo, j'ai eu comme un flash, en comprenant combien j'étais dans l'erreur! (note du 27/04/2020)
- Dois-tu renoncer à ton approche ?
- Non pas ! Il s'avère simplement que Lagrange se pose un problème par essence topologique, et non de logique pure ! En ce sens, Lagrange est un précurseur de Galois.
- Peux-tu préciser, car je suis perdu.
- Dire que Lagrange recherche une équivalence entre deux écritures implique tout simplement que si l'objet du discours ne change pas, alors c'est le Sujet qui change de posture entre ses deux discours.
- Et comment caractérises-tu le changement de posture en question ?
- Tu ne peux prendre conscience d'une chose que dans la mesure où tu es prêt à lui donner sens. En l'occurrence, il me semble que si j'ai pu entendre ce que l'orateur disait, c'est parce que mon attention est focalisée ces temps-ci sur l'évolution qui s'opère chez le Sujet dans son expérience de ce que Lacan appelle le stade du miroir.
- Comment fais-tu le lien ?
- Nous avons vu de quelle façon le point de vue de I'm reflète en l'inversant celui de Im. Pour le dire d'une façon très générale, les deux approches sont chirales l'une de l'autre: gauche/ droite, avant/ après, cause/ conséquence, etc... (note #5), ce qui me porte à rechercher dans nos deux types d'énergie ce qui pourrait être l'expression de leur chiralité.
- Et ces deux types d'énergies sont-ils le reflet spéculaire l'un de l'autre?
- C'est la question. Revenons à Lagrange. Que cherche-t-il à l'origine?
- Il part de la seconde loi de Newton : F=mdv/dt.
- Certes, mais en regardant le ciel, il se pose en gros la question suivante: la force qui s'exerce sur un corps céleste à un moment donné ne résulte-t-elle pas de l'influence qu'exercent sur lui les autres corps célestes ? Autrement dit, cette force ne résulte-t-elle pas de leur positionnement relatif ?
Dans cette expérience de pensée, je fais abstraction du corps céleste en question pour mesurer, à la place qu'il occupe, l'influence générale qu'il subit. Je suis typiquement dans une approche orientée vers l'objet initial, vide, que je tente de cerner par un "champ" qui l'entoure. Autrement dit il s'agit d'une approche topologique.
En comparaison, l'approche de Newton, centrée sur l'objet caractérisé par sa masse m, orienté donc vers l'objet final, semble essentiellement rationnelle logique.
- Si je te comprends bien, l'énergie potentielle V(x) serait vue de I'm< et l'énergie cinétique T=1/2mv2, serait vue de <Im ?
- Oui, à ceci près que l'idée d'un "champ" potentiel, cause du mouvement, est par essence globale quand l'équation de Newton s'attache à la description locale, sur l'objet lui-même, de l'effet de la force.
Vois-tu de quelle façon notre idée de chiralité commence à prendre forme ?
- Mais dans quelle posture pourrais-tu accorder ces deux points de vue ?
- Ils doivent coïncider localement sur l'objet lui-même où la cause doit correspondre à l'effet.
Autrement dit le Sujet Im de Newton est le I'm de l'énergie potentielle de Lagrange, et l'égalité entre cause et conséquence correspond à une bascule I'm< (description locale de la cause de la force appliquée) / <I'm (description locale de la conséquence de la force appliquée).
Je suis donc avec Lagrange en I'm<Im capable de concevoir globalement le champ d'énergie potentielle, pour exprimer l'équivalence locale entre un point de vue logique <I'm et un point de vue local topologique I'm<.
- Mais quid de ton idée fondamentale selon laquelle un mouvement est décrit par un couple de concepts synchronique/ diachronique ?
- C'est effectivement ce qu'il convient de représenter. Mais je te retourne la question: de quel mouvement parlons-nous ?
- Eh bien de celui d'un corps dans l'espace. De quel autre pourrions-nous parler ?
- De celui du Sujet autour de l'objet dans la bascule <I'm< ou bien du passage local/ global I'm<Im.
Tu vois bien que ta façon de poser la question du mouvement d'un corps dans l'espace n'a de sens que si tu précises la position du Sujet ! Lorsque Im sert de référence globale et voit l'objet animé d'une vitesse v par rapport à lui, son avatar I'm, collé localement à lui se verra immobile. C'est une vérité universelle, qui se retrouve en relativité : le photon que tu vois se déplacer à la vitesse c, se voit immobile dans un éternel présent. D'où la notion de temps propre en relativité restreinte.
- À l'époque de Lagrange, il n'est pas question de temps propre !
- Effectivement, mais il a déjà la relativité Galiléenne. On en reste au battement d'un pendule, que l'on suppose définir un temps universel, tandis que ma mise en perspective est faite par un homme d'aujourd'hui, qui sait que la physique ne s'arrête pas avant Planck.
La question n'est donc pas tant de rendre compte du discours historique de Lagrange que de comprendre pourquoi l'équation de Schrödinger garde la forme de celle de Lagrange ! C'est cette modernité-là qu'il nous faut comprendre, à travers les avatars de l'équation initiale de Lagrange; ce qui nous mènera à Euler (ou Hamilton) et Poisson pour finir par Schrödinger et Dirac.
Le pari que je fais, c'est qu'à la racine de ce déploiement, Lagrange a défini une façon de voir les choses, un point de vue qui perdure jusqu'à nos jours malgré l'évolution des concepts de temps, d'espace ou de masse qu'elle a permis.
D'une certaine façon, nous singeons la démarche de Galois: chaque étape est comme une extension, dont l'enchaînement serait prédéterminé par un principe général. Je fais l'hypothèse que le principe en question tient à la posture initiale de Lagrange.
Nous garderons donc l'idée que le temps est fondamentalement un concept diachronique, se traduisant en langage mathématique par la répétition du morphisme identité (*)↑{1} entre les niveaux I1 et I01, avec I1<I01<Im.
Il en résulte que l'espace, comme concept synchronique associé, est concevable dès I01. Mais il s'agit là d'un espace dégénéré, sans l'axiome de continuité. Or, les calculs de Newton, ou de Lagrange, s'expriment par des fonctions différenciables. Autrement dit, nous sommes de plain-pied en IR, avec les axiomes de continuité et séparabilté qui caractérisent ce niveau Imaginaire. Newton est donc dans une position, I1<I01<IR<Im.
- Mais dans ce cas, le concept de temps évolue lui aussi : il devient continu et orthogonal à l'espace, comme nous l'avons vu en discutant des quaternions. (note #3)
- Tout à fait, nous y reviendrons. Maintenant que nous avons fixé la place de Newton, il est facile de voir que Lagrange se situe, mécaniquement pourrait-on dire, un cran au-dessus, autrement dit : I1<I01<IR<INewton<I#<ILagrange.
Or, nous avons vu que le niveau I# est celui de la relativité, (note #6), où l'espace et le temps s'expriment en fonction d'une norme, celle de Minkovski en l'espèce.
- Mais Lagrange est bien loin de tout ceci !
- Sans doute, quoiqu'il le préfigure.
- De quelle façon ?
- En passant de la vitesse définie comme un vecteur chez Newton (une quantité orientée dans l'espace) à sa norme chez Lagrange, lorsqu'il calcule le moment mv à partir de l'énergie cinétique T(v)=1/2mv2, en écrivant : mv=dT/dv.
Or ce passage de x2 à x ne te rappelle-t-il rien ?
- Tu veux parler de ce que nous avons vu des travaux de Galois, qui inaugurent le concept moderne de recouvrement ? (note #7)
- Oui ! Lagrange décrit le moment en fonction de l'énergie cinétique à partir de I#:
Et c'est avec cette réécriture du moment, que Lagrange reprend le discours de Newton :
Tu remarqueras que si Lagrange a pu évacuer une référence explicite au temps dans l'écriture du moment mv=dT/dv, échappé de I#, il est malgré tout obligé d'y faire référence dans cette expression Newtonienne de la force.(note #8)
Il reste alors à réécrire F en fonction de l'énergie potentielle, qui est le concept introduit par Lagrange :
- Pourquoi cette introduction d'un signe moins ?
- J'aurais tendance à y voir un signe supplémentaire de la chiralité entre les deux représentations de l'énergie: l'une augmente quand l'autre diminue. Cette dualité spéculaire, ou symétrie en IR, renvoi en I# à un principe de conservation de l'énergie totale.
- Quid du principe d'incertitude ?
- Il reste implicite, dans le changement de posture <I'm <=> I'm< entre les deux discours. Mais Lagrange n'a pas à son époque les outils pour en prendre conscience.
Tout ceci nous permet de rapprocher en IR:
Maintenant, l'astuce de Lagrange, c'est d'introduire un "objet" L=T-V, en utilisant le fait qu'en IR, la différence entre concepts se traduit par leur orthogonalité (ou indépendance) avec dT(v)/dx= 0 et de V(x)/dv=0.
Et c'est là véritablement le point de départ de toute la physique que nous connaissons jusqu'à nos jours.
- Ce n'est donc que le début de l'histoire ?
- Tout à fait, et la suite est passionnante !
Hari
Voir le site : "Fun Mook"
Voir en particulier :
Voir :
Voir :
Note 5 :
Voir à ce sujet les développements récents que j'ai fait concernant le stade du miroir et le renversement de perspective entre Im et I'm qui en découle :
Note 6 :
Voir en particulier:
Note 7 :
Voir :
Note 8 :
Voir la discussion sur le sujet, qu'il nous faudra reprendre sans doute, dans:
En balayant la liste de mes "vidéos à regarder", je redécouvre celle-ci :
Conférence organisée le 26 novembre 2013, par la Société Française de Physique et l'Université de Toulon. Animée par Monsieur Madjid MESLI, Centre National de Recherche Scientifique (CNRS).
Or, lorsqu'il en arrive à Lagrange (à 35" sur la vidéo), l'orateur reprend l'idée d'un "échange" entre énergie potentielle et cinétique.
Cela m'amène à penser que mon approche n'était pas tant une incompréhension de ma part que le résultat de mon apprentissage "classique" de la physique !
Mais par ailleurs, j'apprends dans cette vidéo un rapprochement que j'ignorais totalement entre l'optique et la mécanique, avec l'importance du concept "d'indice de réfraction". (vers 34")
Et puis, cette visite en accéléré de notre généalogie de physiciens mettant en contact immédiat Newton et Lagrange, m'amène à cette idée que je note avant de l'oublier: Newton a une approche globale, et Lagrange une approche locale de la physique... Bref, tout ceci m'amène à penser que mon approche est véritablement un changement de paradigme, dans le prolongement de Bohr, s'il fallait me définir par rapport à un père ! (à 5"30)
Quand à Planck et Einstein, leur quête d'une description de la chose "en soi", en voulant exclure le Sujet de sa description, ne fait qu'indiquer une position "globale", ex post par rapport au discours, intenable pour les raisons que nous découvrons au fil des articles de ce blog !
Je développe ce sujet dans l'article: