Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
31 Mai 2024
Débriefing de ma présentation à l'atelier Catégorie-Logique-Etc. du 22/ 05/ 2024, dont tu trouveras le schéma ici;
J'avais initialement écrit ce texte à la fin de l'article précité, mais comme il se développe en prenant ses aises, il m'a semblé opportun qu'il s'émancipe.
Réap :
Le 27/ 05/ 2024 : Retour à Saintes
- Finalement, j'ai réussi à bafouiller cette présentation voir ici.
- Prestation qui expose à l'envie ton manque de savoir faire... Et une mémoire en forme de passoire.
- Oui, mais je voudrais revenir sur quelques remarques auxquelles je n'ai pas su répondre correctement sur le coup.
Il et vrai que le mot "entropologie" fait référence au concept d'entropie et que Lévi-Strauss évoque un "échange d'information" .
Cependant, c'est bien à une "baisse" du niveau d'énergie que correspond le passage d'une répétition de type [α]𓁝𓁜[β] au saut 𓁝[β]𓁜⏩𓁝[β]𓁜. Baisse observable grâce aux instruments d'imagerie du cerveau.
Le rapport entre cette considération énergétique et une "diminution de l'entropique" (ou gain d'information), tient au fait qu'en se déplaçant de gauche à droite → et de bas en haut ↑ dans le tableau Imaginaire, nous diminuons le nombre d'états envisagés, ou, dit autrement, nous organisons et structurons nos représentations. En diminuant (regroupant) le nombre d'états pris en considérations, de facto, nous diminuons mécaniquement l'entropie de notre représentation Imaginaire (i.e.: en termes d'information : en tirant une carte parmi 2, j'ai une chance sur deux de trouver la bonne; parmi 3, je tombe à 1/3 etc.). (j'en parle dans "L'Homme Quantique").
Pour reprendre l'exemple de la lecture (ici): en classant les traits constitutifs d'une lettre en horizontal/ vertical/ oblique, nous diminuons le nombre de cas à discriminer, et cette baisse d'entropie est associée à une baisse d'activité du cerveau. Lorsqu'une synapse prend le pas sur les autres dans un même groupe de neurones d'une certaine aire corticale, et active (par exemple) les neurones "trait vertical", cela correspond à un certain seuil bas d'activité de cette aire.
Si tu veux un exemple plus "mathématique" : dire qu'un pneu#♧ est semblable à une tasse à café#♧ ou un donut#♧ parce qu'ils peuvent être déformés continument pour se réduire (𓁝[#]♧↑[#]♢𓁜) à la forme topologique d'un tore#♢, caractérisé♻♢(i.e.: [#]𓁝𓁜[♲]→𓁝[♲]𓁜)) par son groupe fondamental⚤♢, ou toute autre mesure♻♢ (exprimée⚤♢ par nombre de Betti, polynôme de Poincaré, groupes d'homologie etc.) procèdnt de ce mécanisme réducteur.
Mécanisme où tu vois très bien à l'oeuvre la trilogie nombre/ forme/ mesure :
1 | multiple | |||
Mesure ♻ | => | # Forme | ||
1 | ⇘ | ⇙ | 1 | |
1 | ⚤ | multiple | ||
Nombre |
C'est à mon avis en ce sens qu'il faut comprendre Grothendieck lorsqu'il parle de la forme# comme médiateur entre la quantité♻ et le nombre⚤ : c'est par la forme# que l'on passe de la conservation♻ (principe unificateur♻♡) de sa mesure♻ à la multitude de ses éléments⚤.
Le tableau montre ainsi l'ambivalence du nombre⚤ (où l'on retrouve la problématique platonicienne):
Mécanisme tout à fait en accord avec l'idée générale♻♡ que nous avons d'un processus Imaginaire qui à la fois économise notre énergie intellectuelle en agrégeant les concepts ET diminue par là même l'entropie de nos représentations.
Curieusement, après avoir vu cette vidéo de ma très mauvaise prestation, cette vidéo d'Étienne Klein "peut-on comprendre d’où provient l’efficacité des mathématiques" s'est activée.
- Et qu'en as-tu retenu ?
- Il définit très bien la question de la représentation de notre Univers à l'aide des mathématiques. Il s'arrête à la physique, mais rien n'interdit de prolonger la réflexion au Sujet lui-même d'autant plus que le Sujet fait partie du problème dès lors que l'on parle de mathématique comme d'un langage. Klein donne plus d'étoffe que je ne l'ai fait, à la différence Einstein/ Bohr évoquée rapidement dans ma présentation.
Il parle également de tasse à café (à 44'44"), comme lors de mon échange Avec J.J.R.; mais je vais plus loin que lui en ce sens qu'il se contente, en évoquant Dirac, de dire qu'en changeant de point de vue, il faudrait pouvoir exprimer que cette tasse à café résiste à ces changements d'attention, sans rapporter son usage même à une culture donnée et l'intention culturellement déterminée qu'elle réifie (boire du café), conditionnant par là même, l'attention qu'un Sujet peut porter à une tasse.
Il a une présentation extrêmement intéressante de l'efficacité selon 3 niveaux, et je pense qu'il faudrait jauger mon approche à l'aune de cette grille. L'objectif étant de faire carton plein, bien entendu !
Il conviendrait sans doute de parler également d'efficience, pour en revenir à de très vieux souvenirs et à Jean-Louis Le Moigne qui fit partie de mon jury de soutenance de thèse. (Note 15)
Nos considérations précédentes quant aux questions d'énergie et d'entropie sont relatives à l'efficience de système Imaginaire Sujet, en liaison à l'attention que nous lui portons.
L'efficacité dont parle Étienne Klein est relative à notre intention d'avoir une représentation aussi simple et universelle que possible de l'Imaginaire du Sujet.
Pour en revenir à ma présentation elle-même :
La partie difficile de ma présentation, c'est la dualité des deux approches ☯𓁝𓁜☯/ ♧𓁝𓁜♡. Ce doit être au coeur de l'apparente dualité entre processus homologique↓ / cohomologique↑; mais en discutant avec J.J.R. de l'orthogonalité entre vecteurs/ applications linéaires dans une matrice, il m'a forcé à porter mon attention sur un point essentiel : (et c'est dans l'attente de tels moments que J.J.R. m'est si précieux!)
Il va falloir revoir tout ce que j'ai pu en dire, pour faire le lien entre ces trois dualités :
Réflexions sur la dualité qui m'amènent à la Note 14.
En avançant dans ma lecture de Récoltes et Semailles, j'en viens à mieux identifier ma propre approche comme d'un tempérament plutôt "Yin"—𓁝, ce qui par contraste me fait apparaître l'ami J.J. R. comme tératologiquement 𓁜—"Yang".
- Sois plus précis.
- J'utilise à dessin des glyphes aux contours flous pour mieux voir les concepts s'y agglutiner au fil de l'agitation du Sujet, comme dans un film en accéléré le mouvement fait émerger le tronc d'arbre du flou des branches et des feuilles agitées par le vent, ou encore pour reprendre Stendhal, mes glyphes sont comme des bâtons jetés dans une mine autour desquels se cristallisent les concepts, tels des cristaux de sel.
J.P.R. est absolument hermétique à cette approche, et tu le vois à plusieurs reprises dans nos échanges:
- Il y a la logique interne et une logique externe au champ sous observation...
- Oui, bien entendu, c'est ce qui résulte du triangle des modes ♧ ♢ ♡. Encore faudrait-il éviter de systématiquement faire appel à la sémantique (dans la posture du maître𓁜 assénant à l'𓁝élève un argument d'autorité♡) quand je m'occupe de syntaxe♢. C'est d'ailleurs ce qui ressort de son intervention concernant la "mesure" de l'intelligence, à laquelle je n'ai pas eu besoin de répondre, puisque D. S. s'en est chargé à ma place...
- Tu en restes à ton opposition névrose—𓁝 / 𓁜—psychose ?
- Pas évident. Pour en revenir à Grothendieck se voyant dans une approche Yin—𓁝 des maths, sa charge contre Deligne et Serre (produisant tout de même quelques centaines de pages), me paraît plutôt 𓁜—Yang... Sans avoir terminé ma lecture, notre Grothendieck semble a priori (avant que je puisse à ce jour en juger en détail) un tantinet parano.
- Il y a peut-être chez Grothendieck une distinction à faire entre :
- En ce sens, il y aurait chez Grothendieck une distorsion entre une attention proprement tatillonne 𓁜 portée aux choses comme à ses relations aux autres, et l'ouverture à laquelle il aspire 𓁝...
Sans vouloir faire de la psychologie de comptoir, et pour avoir discuté avec lui lors de nos troisièmes mi-temps au Dupont ou ailleurs, il y quelque chose de cet ordre chez J.P.R. : une 𓁝aspiration humaniste extrêmement exigeante, alliée à une volonté𓁜 tout aussi farouche se raccrochant à une rationalité binaire sans appel.
- Pourquoi s'étendre ainsi sur le sujet ?
- Je me demande si l'énergie mise dans la posture 𓁜 n'est pas directement liée à celle qui la sous-tend en posture 𓁝 ?
- Pas très clair, peux-tu développer ?
- Il faut que j'y réfléchisse encore, mais je fais le lien avec ce que j'avais développé dans l'Homme Quantique, autour du couple pulsion/ libido. Il faudrait sans doute y revenir sous cette forme.
Pour répondre à D.S. disant qu'une bonne représentation de l'imaginaire devrait tenir compte du désir, on pourrait partir de l'idée que :
- Tu avais à l'époque fait le rapprochement :
- Oui, je pense qu'il y a quelque chose à creuser dans cette perspective...
Le 01/ 06/ 2024 :
- Ce que je lis ce matin de Grothendieck
me ramène à mes méditations provoquées par un questionnement sur l'entropie lors de ma présentation.
"quand je suis curieux d'une chose, mathématique ou autre, je l'interroge. Je l'interroge, sans me soucier si ma question est peut-être stupide, ou si elle va paraître telle, sans qu'elle soit à tout prix, mûrement pesée." p. 200
Grothendieck retrouve Dirac, comme nous l'avons vu à propos de la mesure (ici)
Une mesure ([♻]♧𓁜) est une réponse à un choix (𓁝♡[⚤])
(cf. : "The principes of quantum mechanics" de Dirac)
♡ | [∃]𓁝⇅𓁜[⚤] ⏩ | [∃]𓁝⇅𓁜[⚤] | |
⇅ | |||
♧ | [♻]𓁝⇆𓁜[∅] | ⏩ [♻]𓁝⇆𓁜[∅] |
- Tu en avais également discuté à partir de cette phrase "Jeder Einfall hat die Struktur der Frage" (Toute idée qui vient à l'esprit a pour structure celle d'une question) lors de la présentation de Léonore Bazinek (voir "Du Moi topologique au Sujet comme topos")
- Oui, et il est temps de considérer ce processus d'un point de vue "entropique".
Dans l'attente de cette "décharge" énergétique (un psy parlerait de "jouissance"), le Sujet ne peut que rester coincé dans une répétition [α]𓁝𓁜[β], où il ne peut aborder [β] qu'avec les outils forgés en [α] !
Il est donc évident :
Je retranscris ici les passages en gras dans le texte de Grothendieck :
"La découverte de l'erreur est un des moments cruciaux, un moment créateur, entre tous, dans tout travail de découverte, qu'il s'agisse d'un travail mathématique, ou d'un travail de découverte en soi. C'est un moment où notre connaissance de la chose sondée soudain se renouvelle." p.201
- J'ai l'impression qu'il redécouvre l'eau tiède, non ? Tout le monde sait qu'avant de savoir marcher un bébé tombe environ 2000 fois.
- Sans doute, mais considère ce qu'il en conclut :
"Craindre l'erreur et craindre la vérité, est une seule et même chose." p.201
D'un constat que nous pouvons "comprendre𓁜" en termes d'énergie et d'entropie, c.-à-d. de mode syntaxique ♢ (i.e.: relations du Sujet au Monde), il passe à un jugement sémantique en mode ♡ ce qui, à mon sens, faiblit le propos.
- Affaiblit ?
- Oui. Il est en guerre contre la classe des matheux, et leur assène un principe d'autorité, en leur faisant la leçon à partir de sa propre interprétation de la "vérité" ([♲]𓁝𓁜[∅]☯⏩[♲]𓁝𓁜[∅]).
¬ erreur ≅ ¬ vérité | ♡ | [♲]𓁜Grothendieck | ← | [♲]𓁝𓁜[∅]☯ |
↓ | ||||
♢ | 𓁝matheux[♲] | → | [♲]𓁜matheux |
- C'est le discours du maître ?
- Ou de l'universitaire (il faudra revoir "Les 4 discours" après ajustement des aspects covariance/ contravariance des postures). Alors qu'en restant en mode ♢, une théorie basée sur les concepts d'énergie et d'entropie reste "discutable", et falsifiable au sens de Popper, ce qui lui donnerait d'autant plus de force qu'elle résisterait♲♡ à l'expérience.
Même Hegel, en définissant sa dialectique, prend soin d'en parler en mode ♢, comme d'une démarche⚤♢ où l'erreur informe le Sujet (voir "Hegel- La dialectique").
- Tu me sembles insister beaucoup sur quelques lignes de texte...
- J'en reviens à cette discussion Yin/ Yang si chère à Grothendieck. On voit dans ce court texte le mal de chien qu'il a à parler de la posture ouverte Yin—𓁝 où il se voit, quand son tempérament le ramène irrésistiblement en posture 𓁜—Yang pour emporter la conviction du lecteur. Plus il crie fort, plus le décalage est patent.
- D'où sans doute le côté "grothendieckien" dont on l'affuble et dont il souffre.
- Plus encore : il est lui-même conscient de ce décalage et d'être dans l'état d'esprit 𓁜—Yang de ceux contre lesquels il rage, malgré son aspiration à la posture Yin—𓁝:
"Je sens souffler un vent de suffisance, de cynisme et de mépris.
[...]
Et si son souffle revient sur moi, et sur ce que j'avais confié à d'autres mains, c'est là un retour des choses dont je n'ai pas lieu à me plaindre, et qui a beaucoup à m'enseigner." p. 182
- La répétition d'erreurs ([α]𓁝𓁜[β] ⏩[α]𓁝𓁜[β] ⏩[α]𓁝𓁜[β]) est le "travail" au sens maïeutique du terme, caractérisé par la répétition des contractions d'une femme haletante lors d'un accouchement. Pour filer la métaphore, le "résultat" donné à voir est le bébé issu de ce "travail"; sa naissance étant représenté par le saut : (𓁝[β]𓁜 ⏩ 𓁝[β]𓁜).
"Le consensus, intériorisé en moi je ne saurais dire depuis quand, me dit (et c'est la première fois que je prends la peine de tirer à la lumière du jour, dans le champ de mon regard, ce qu'il me marmonne avec une certaine insistance depuis des semaines, sinon des mois): il est indécent d'étaler devant autrui, voir publiquement, les hauts et les bas, les tâtonnements foireux sur les bords, le "linge sale", en somme, d'un travail de découverte." p. 203
Je n'insiste pas sur les images de pipi-caca, liées à l'accouchement, qui viennent à l'esprit à l'évocation du "linge sale" et du "foireux sur les bords",(il y revient plus loin : "... comme il serait indécent de faire l'amour sur une plage publique, ou d'exposer, ou seulement laisser traîner les draps tachés de sang des labeurs d'un accouchement.") pour aller à l'essentiel : ce qui se transmet, c'est ce qui est présentable ou observable en posture ex post : le bébé [β] porté aux nues par les bras de son père [β]𓁜.
- Et s'il est si bien intériorisé par Grothendieck, ce serait du à son tempérament 𓁜—Yang ?
- Tout juste, comprends maintenant l'effort qu'il a du accomplir sur lui-même pour en venir à cette constatation qu'il devait se sortir de là pour passer en posture Yin—𓁝 !
- Et "en parler" en posture 𓁜—Yang...
- Oui, bien sûr. Seul un sage tel Bouddha peut transmettre quelque chose en se taisant (voir ici)...
Mais pour en revenir à nos considération énergétiques, Grothendieck continue ainsi :
"Ça ne fait que perdre du temps aux lecteurs, qui est précieux. De plus, ça va faire des pages et des pages en plus, qu'il faudra composer, imprimer — quel gâchis, au prix où est le papier à imprimer scientifique ! Il faut vraiment être bien vaniteux pour étaler comme ça des choses qui n'ont aucun intérêt pour personne, comme si mes cafouillage même étaient quelque chose remarquable, une occasion de se pavaner en somme." p.203
Le problème d'une telle économie, est bien entendu qu'elle shunte tout le souffle qui porte au résultat, l'esprit qui a conduit à la chose objectivée.
- Et donc on perd l'essentiel ?
- C'est là qu'il faudrait reprendre la discussion en termes de libido/ pulsion, d'ailleurs Grothendieck nous y invite en continuant sur une métaphore sexuelle :
"Le tabou ici, prend la forme insidieuse et impérieuse à la fois du tabou sexuel. C'est au moment d'écrire cette introduction que je commence à entrevoir seulement sa force extraordinaire, et la portée de ce fait lui-même extraordinaire, attestant sa force : que la démarche véritable de la découverte, d'une simplicité si déconcertante, une simplicité enfantine, ne transparaisse pratiquement nulle part ; qu'elle est silencieusement, escamotée, ignorée, niée. Il en est ainsi même dans le champ relativement anodin de la découverte scientifique, pas celle de son zizi, ni rien de tel. Dieu, merci — une "découverte" en somme bonne à être mise entre toutes les mains, et qui (pourrait-on croire) n'a rien à cacher..." p. 203
Nous avons déjà longuement discuté du glissement sémantqiue entre une identification élève—𓁝/𓁜—maître et femelle—𓁝/𓁜—mâle, en particulier en commentant la fracture entre Freud et Ferenczi (voir "Freud - de Fliess à Ferenczi").
Il n'y a donc rien d'étonnant à le retrouver ici sous la plume de Grothendieck, dès qu'il 𓁝approche d'une identification𓁜 de 𓁝/𓁜. Son étonnement de retrouver en sciences un "tabou" qu'il identifie facilement dans le champ sexuel, vient simplement du fait qu'il n'a pas véritablement conceptualisé𓁜 cette dualité 𓁝/𓁜, bien qu'il en perçoive des effets 𓁝partiels.
- Ton rappel du lien de Freud à Ferenczi, me fait penser à un parallèle entre :
- Comme quoi le rapport du père au fils a une longue barbe ! 😏
Infaillibilité (des autres) et mépris (de soi) :
- Il faut que je t'avoue un truc : je me fous complètement de l'opinion des autres, et n'ai aucune honte à exposer mes faiblesses (cet présentation en est la preuve). Plus encore : j'ai peur de mes certitudes, comme de mes humbles possessions qui, pour moi, sentent la mort. Dans mon expérience professionnelle, mes plus grandes satisfactions ont été de me dépatouiller de situations inextricables (une turbine de 70 tonnes dans un fossé sur la route de Neyshabour par exemple). Même lorsque nous avons été envahis par une foule passablement excitée lors des évènement de 2011 à Abidjan, j'ai réussi à récupérer ma caméra, et à leur faire boire du Coca au lieu du whisky piqué dans mon frigo. Mon kiff, c'est mon passage (𓁝[β]𓁜 ⏩ 𓁝[β]𓁜), sans avoir pour cela à forcer quiconque en posture 𓁝[β], pour me sentir dans une posture [β]𓁜 stable d'un ennui proprement mortel. (cf. l'ennui de Schopenhauer par Comte-Sponville)
- Autrement dit, tu ne vois pas les autres comme infaillibles, ne ressens pas de mépris envers toi, et ne te reconnais pas dans ce texte de Grothendieck ?
- Exactement, ce qui ne nous empêche pas d'en discuter.
"... en lisant le texte final, l'impression certes flatteuse qui s'en dégageait comme de toute autre texte scientifique, c'est que l'auteur (ma modeste personne en l'occurrence) était l'infaillibilité incarnée." p. 204
"Qu'on juge de l'effet produit sur un lecteur qui ne se doute de rien, un élève de lycée, disons, apprenant le théorème de Pythagore, ou les équations du second degré, voire un de mes collègues des institutions, de recherche ou d'enseignement dit "supérieur' (à bon entendeur, salut !), s'escrimant (disons) sur la lecture de tel article de tel collègue prestigieux !.
[...]
On le constate en soi, comme en les autres, pour peu qu'on se donne la peine d'y être attentif : c'est la conviction intime de sa propre nullité, par contraste avec la compétence et l'importance des gens "qui savent" et les gens "qui font"." p. 205
Je ne peux que rapporter ce texte à ma propre personne : si j'ai effectivement le sentiment de ma propre nullité (et ma fréquentation du CLE suffit à m'en convaincre !), dans une posture d'attente et d'espérance 𓁝[β], je n'en suis aucunement écrasé car j'ai l'expérience maintes et maintes fois répétée de la possibilité d'un rétablissement [β]𓁜. D'ailleurs, mon blog en garde les traces tout au loin de cette recherche sans fin.
- OK, et donc, par rapport à ton expérience, comment caractériser cette différence ?
- Elle tient à la stabilité recherchée du maître 𓁜 ou subie de l'esclave 𓁝 dans le texte de Grothendieck, quand ma propre expérience me porte à considérer que seule l'impermanence 𓁝𓁜 est pérenne.
- Mais ne se voit-il pas lui-même dans une recherche en posture Yin—𓁝 ?
- À mon sens c'est bien ce qui le gratte aux entournures !
- Il est temps de tourner la page, non ?
Le 13/ 06/ 2024 :
- Juste une petite dernière.
Je reste bloqué depuis quelques jours dans le développement d'une méditation sur la dualité covariance/ contravariance (voir ici), et j'ai repris la lecture de récoltes et semailles dans l'attente d'une éclaircie.
Mais comme ma méditation m'a ramené à des considérations plus anciennes sur les origines de notre "philosophie" occidentale (voir cette Note) et à l'opposition entre le Un platonicien et le multiple des abeilles de Socrate dans le Menon, j'ai fait le rapprochement entre cette dualité Un/ Multiple ou la pureté du Ciel opposée à la corruption du monde sublunaire et celle que Grothendieck découvre en lui entre le matheux amoureux des maths et son attitude envers certains de ses élèves, qu'il illustre par cette métaphore :
"Celui qui boit une eau boueuse dira-t-il que l'eau et la boue sont une seule et même chose? Pour connaître l'eau qui n'est pas boue, Il suffit de monter à la source et regarder et boire. Pour connaître la boue qui n'est pas eau, il suffit de monter sur la berge séchée par le soleil et le vent, et détacher et égrener dans sa main, une boule d'argile grenue." p.301
Il y a bien dans cette image, un lien implicite entre le multiple (l'argile que l'on égrenne𓁜), l'aspect corrompu de l'Homme (ici par la vanité) que l'on rattache facilement à l'idée d'entropie, opposé à l'unicité de la source vertueuse qui étanche la 𓁝soif.
- Tu pourrais également y retrouver une métaphore avec les hexagrammes du Yi King où l'Homme (l'eau boueuse) est situé entre "ce qui est en haut" et "ce qui est en bas" (voir ici)
- Amen.
Hari
Note 14 : 30/ 05/ 2024
- En lisant ce matin le rêve que Grothendieck relate dans le passage "rêve et accomplissement" p. 165 et suivantes, je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement entre cette tête dont il a rêvé et qui le représente et mon 𓁝𓁜. Rêve qu'il nomme "Traumge-sicht meiner selbst" (i.e.: visage rêvé de moi-même)
- Je ne vois pas le rapport ?
- Il dis à son propos deux choses qui font sens à mes yeux, bien qu'il ne s'y attarde pas :
Or, et c'est ce qui me frappe dans tout son développement, la dualité joue un rôle prépondérant dans ses préoccupations. Je pense, par exemple à la "dualité de Verdier" (voir note de la page 158), sans parler bien entendu de ses constantes références au Yin Yang : (☯𓁝𓁜☯)𓂀...
- C'est étonnant quand même qu'il ne se soit pas arrêté à cette antinomie entre "image immobile" et ce profil "regardant de droite à gauche"....
- Je pense qu'il n'est pas le seul à ne pas la voir... J'avancerais même que personne ne se donne la peine de la voir, repense à ma surprise lorsqu'Alain Connes a pris la parole lors du colloque de Dimpsy (voir "Lacan et Grothendieck - L'impossible rencontre ?")
Mon questionnement sur le regard de soi à soi ou de soi à l'autre est déjà dans l'introduction de Michel Foucault aux "Mots et aux choses"...
- Tu singes Foucault en illustrant cet article d'une réinterprétation des Ménines par Picasso ?
- Juste un clin d'oeil 😏
Le 31/ 05 :
À l'appui de l'importance de cette dualité à travailler, j'arrive à ce texte p. 186 sous le titre "8. La fin d'un secret" :
"l'autre texte est une esquisse d'un "formulaire des six variances", rassemblant. Les traits communs à un formalisme de dualité (inspiré de la dualité de Poincaré et de celle de Serre), que j'avais dégagé entre 1956 et 1963, formulaire qui s'est avéré avoir un caractère 'universel' pour toutes les situations de dualité cohomologique rencontrées à ce jour. Ce formulaire semble être tombé en désuétude après mon départ de la scène mathématique, au point qu'à ma connaissance personne à part moi n'a pris encore la peine d'écrire seulement la liste des opérations fondamentale, des isomorphismes canoniques fondamentaux auquels celles-ci donne lieu, et des compatibilité essentielles entre ceux-ci.
Cette esquisse d'un formulaire cohérent sera pour moi le premier pas évident vers ce vaste tableau d'ensemble du "rêve des motifs", qui, depuis plus de 15 ans, "attend le mathématicien hardi qui vaudra bien le brosser"."
Note 15 :
Selon Le Moigne :
En d'autres termes,
Les deux concepts sont importants dans l'évaluation de la performance d'un système, mais ils se concentrent sur des aspects différents.