Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
31 Mai 2011
Pour faire un apologue moderne, on pourrait die qu’au stade anal / oral, l’enfant a pu développer une image de lui comme un intérieur (stable) s’opposant à un extérieur (changeant), avec lesquels il a des échanges sporadiques, mais répétitifs. Cette image du tube est une généralisation de la sarbacane ou de la pipe que l’on rencontre dans les mythes indiens. Les limites de cette représentation viennent de la séparation intérieur / extérieur qui génère souffrances et frustrations, frottements dans la zone de contact avec ce «Père», qui dans cette période représente typiquement l’ «Autre». Pour réconcilier ces contraires, le travail symbolique consiste à effacer la différence entre intérieur et extérieur en tordant ce tube Imaginaire pour en faire une bouteille de Klein Symbolique.
Ce jeu constitutif du sujet auquel participent l’enfant et le Père, solution symbolique d’une dialectique entre intérieur et extérieur, peut se mettre sous la forme canonique suivante (j'en reparle ultérieurement: voir "le mythe de la potière jalouse") :
F Extérieur(Père) : F Intérieur (enfant) ::
F Extérieur(enfant) : F Père-1(intériorisé)
Le membre de gauche Fx(a) : Fy(b) pose le problème: «quel rapport y a-t-il entre l’image du Père, ce qu’il m’est accessible de lui (le petit a de Lacan) et mon sentiment intime d’exister, qui est le «Je» moteur de mon être »
Avec l’élément Fx(b), la question est complètement exposée :
« Si le «Moi» du sujet est comme l’image de mon Père, d’où vient mon sentiment d’exister ? »
La réponse tient là aussi à une double inversion appliquée sur le dernier terme:
F Père-1(intériorisé) = J’existe de ne plus être mon Père
Tuer le Père en nous est un acte symbolique qui n’implique pas le passage à l’acte, une action réelle et sanglante. Il importe beaucoup d’éviter tout contresens: il ne s’agit pas ici d’accepter la violence comme une fatalité, mais simplement de reconnaitre un processus symbolique en action, derrière des actes que l’on peut par ailleurs réprouver ou même devoir combattre. Cette mise en garde étant faite, force est de constater l’universalité du recours à un processus symbolique pour dépasser des contradictions, pour initier une étape dans un développement.
Même parmi les bouddhistes, les plus pacifistes qui soient, Lin-Tsi, maître chinois qui vécut sous la dynastie des T’ang au IXème siècle a pu s’exprimer ainsi : «si tu rencontres le Bouddha, tue le Bouddha». Il signifiait par là que le bouddhisme invite à faire une expérience, entreprendre une transformation personnelle et non à suivre un enseignement délivré par un maître. Il n’est pas question de rester dans la posture de l’élève mais de devenir soi-même son propre maître; ce qui consiste peu ou prou à changer de niveau. La transformation en question étant indicible par le maître dans le langage de l’élève, il ne peut en rapporter que des images changeantes adaptées au niveau d’écoute de l’élève, c’est ce dont on parle en disant que Bouddha fait tourner la roue du Dharma.
La formule lapidaire de Lin-Tsi vient donc confirmer qu’il s’agit d’une transformation symbolique de l’élève par un processus mythique, d’une initiation, impliquant le meurtre symbolique du Père, Bouddha en l’occurrence, pour atteindre à l’état d’éveillé (de bodhisattva). Il ne s’agit en aucune façon d’une pratique prescrite ou d’un but recherché, mais le simple constat d’une nécessité logique de l’ordre de la tautologie: s’il est pleinement éveillé à l’instar de Bouddha, alors le bodhisattva est libéré de Bouddha lui-même.
J'avoue ne pas être mécontent de celle-là ;)
Au plaisir,
Hari