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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Psy-chic / phys-hic

- J'ai une grande flemme ces temps-ci, et mes efforts pour mieux comprendre la physique, pour m'approprier le langage mathématique, me semblent bien vains. À quoi bon tout ceci puisqu'il n'y a personne avec qui échanger ?

- C'est peut-être une médication à son seul usage ?

- Mais n'y a-t-il pas d'autres choses à faire, d'autres horizons à découvrir, d'autres personnes à rencontrer, plutôt qu'à me lamenter article après article de ne rien comprendre au mystère que je m'efforce de percer ?

- Tu as malgré tout quelques beaux moments, lorsque sans crier gare, un noeud se dénoue de lui-même...

- Sans doute... Je vis un moment d'hésitation. 

Mais je ne te convoque pas sur cette page pour m'épancher ainsi. Non : j'ai vu hier sur ma page Facebook cette petite vidéo montrant un poulain s'ébrouant, tout étonné de ses longues pattes.

En le voyant, je me suis fait cette réflexion: on dirait que le poulain enfile ses pattes comme un marionnettiste glisse sa main dans sa poupée... Ou comme l'enfant se glisse dans sa langue, et plus tard dans sa culture et ses croyances... Comme une tortue dans sa carapace...

Par association d'idées, j'en suis venu à celle-ci: et si tous les  êtres étaient fait d'une seule pâte qui se glisserait ainsi, dans chaque individu comme dans un moule à gâteau ?

- Où veux-tu en venir ?

- Comprends l'idée : et s'il n'y avait aucune différence de "nature" entre ma propre conscience de moi et celle d'un chien, comme de ce poulain ou d'un éléphanteau découvrant avec étonnement qu'il a une trompe et s'en amuse, avant d'en maîtriser le mouvement ?

Autrement dit la "prise de conscience" n'aurait aucune qualité en soi, ce serait juste l'expérience de se trouver confiné dans une structure articulée avec vue sur le Monde.

- Une peu comme dans le film "Dans la peau de John Malkovich" ?

- Non, parce que le visiteur n'est pas un individu qui se glisserait dans la peau d'un autre, se serait plutôt comme l'eau qui prendrait la forme du gant de vaisselle que tu remplirais avec...

- Mais lorsque Lacan dit, au niveau Symbolique, "Je est un Autre", n'est-ce pas de cela qu'il parle ?

- Si, mais en voyant ce poulain essayant ses pattes toutes neuves, le propos m'a frappé par son évidence, et m'a surtout paru d'une portée bien plus vaste.

Et nos histoires d'intrication Sujet∪Autre au niveau Symbolique / décohérence "objet petit a"∩"s barré" au niveau Imaginaire, m'apparaissaient d'un coup comme une bien fade représentation de cette vie qui coule en nous.

- C'est l'expérience inverse de celle de Roquetin dans "La Nausée" ?

« ... Et puis voilà : tout d’un coup, c’était là, c’était clair comme le jour : l’existence s’était soudain dévoilée. Elle avait perdu son allure inoffensive de catégorie abstraite ; c’était la pâte même des choses, cette racine était pétrie dans de l’existence. Ou plutôt la racine, les grilles du jardin, le banc, le gazon rare de la pelouse, tout ça s’était évanoui ; la diversité des choses, leur individualité n’étaient qu’une apparence, un vernis. Ce vernis avait fondu, il restait des masses monstrueuses et molles, en désordre – nues, d’une effrayante et obscène nudité.  »
Cité dans « L'Homme Quantique - Essai sur les fondements d'une entropologie. » Apple Books. 

- Oui: là où Sartre est très négatif, dégoûté, je le vis comme extrêmement jubilatoire.

- Tu parles cependant d'une perte d'identité: ce Sujet, sorte de pâte commune serait comme une énergie indifférenciée ?

- Je n'en sais rien, qui suis-je pour le dire et dans quelle position pourrais-je en faire l'expérience? Je suis typiquement en I'm, dans une approche résolument locale d'un Sujet que je ne peux approcher qu'en position ex ante. La limite à I'm<Im étant Im<S, avec cette dissolution de l'être singulier.

- Mais n'est-ce pas ce que tu ne cesses de répéter en parlant de l'objet vide en I0, comme stade ultime du moi : Im≤I0 ?

- Oui mais ce n'était qu'un discours, de la rationalisation, tandis que je te parle ici d'une impression fugace que j'ai eue en regardant ce poulain.

Eh bien cette impression m'a semblé beaucoup plus convaincante que tous les discours que je tiens ici, que toute ma quête, si vaine au demeurant.

Et je me demande s'il est vraiment utile de continuer. Parce que j'ai une grande sérénité: je me sens comme une petite vaguelette rassurée de n'être qu'une émergence très locale liée par en dessous à une mer immense qui la porte et la malaxe...

- Je te fais confiance, ça va passer...

- Sans doute, d'ailleurs toutes ces pensées me ramènent déjà à mes réflexions concernant la différence "vitesse de groupe / vitesse de phase".

- Quel rapport ?

- J'imagine la mer fluer et refluer avec une "vitesse de groupe", le mouvement étant porté par une infinité de vagues se déplaçant comme un train d'ondes, avec sa vitesse de phase...

- Tout ramène à la mer !

- Le poète le sait depuis longtemps ! 

"Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer".

("L'homme et la mer" Charles Baudelaire)

Après tout, si Lacan repique à Rimbaud son "Je est un autre", je ne vois pas pourquoi je me priverais de Baudelaire, tant il est vrai que :

"Les poètes, qui ne savent pas ce qu'ils disent, c'est bien connu -c'est vrai- disent toujours quand même les choses avant les autres"
(Lacan, 1954-1955, p.14)

Sur ces fortes paroles, je vais faire un petit tour et profiter de ce temps merveilleux !

Hari

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S
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et un blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo) Au plaisir.
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H
Merci.<br /> J'ai fait un petit tour sur votre blog. Il y a de très belles photos et images.<br /> J'y retournerai avec plaisir pour y fureter à loisir.<br /> Au plaisir.