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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

L'ennui nuit

- Je tourne en rond comme un cheval de cirque, et puis ma dernière visite à mon père m'a un peu déprimé. À cause des mesures de confinement, j'étais séparé de lui par une plaque de Plexiglas, et avec le soleil dans le dos, je voyais plus le jardin derrière moi que mon père en face.

En l'écoutant ressasser les quelques traces de son passé autour desquelles il s'amarre, je me voyais en ombre à son côté, si proche, si semblable en restant, lui de son côté et moi du mien. J'en ai fait une photo, que je livre dans la mesure où sa très mauvaise qualité garantit notre intimité.

Comme lui, je tourne en rond dans ma tête et ce curieux face-à-face me le rappelait.

- Te voilà bien morose aujourd'hui.

- L'ennui mon ami, l'ennui... Mon plus vieux compagnon, le plus fidèle aussi. Du plus loin que je me souvienne, j'ai crevé d'ennui.

- Tu as pourtant fait un assez grand nombre de conneries dans ta vie pour te distraire...

- C'était des "distractions" précisément, au sens pascalien du terme.

- Arrête ton spleen, l'ancien ! Est-ce pour ça que tu me déranges ?

- Non, non, mais cette figure de manège me renvoie à mes errements concernant l'article que je concocte depuis quinze jours maintenant sans pouvoir l'achever.

- Avance donc !

- Je m'étais fixé comme but de comprendre et commenter la dernière intervention d'Anatole Khélif d'il y a deux semaines. Je n'entre pas dans des détails, que tu verras ou pas, selon que cet article trouve sa forme ou reste à l'état de brouillon. Il s'agissait, en gros d'un essai liant les aspects quantiques et relativistes de nos représentations.

Et depuis, je joue au ping-pong entre ces deux attracteurs étranges de la pensée contemporaine. Mais comment rendre tout ceci intuitif?

- Si je comprends bien, tu n'y arrives que très modérément...

- Je suis dans les limbes de quelque chose. Un peu comme un trisomique comprenant qu'un voile obscurcit sa pensée.

- Je ne sais pas si la comparaison est très heureuse.

- Rien de désobligeant là-dedans. Je me remémore simplement l'interview d'un trisomique, un acteur je crois, qui parlait de cette impression qu'un voile l'empêchait d'avoir une claire appréhension des choses. Et bien je ressens la même chose lors de certains exposés. Si l'image te déplaît, pense à une cataracte qui voilerait ta vision...

- Mais tu ne réponds pas à ma question implicite: progresses-tu ?

- J'ai des pistes.

Du côté relativité, d'abord. Anatole ayant fait référence au groupe de symétries de Poincaré, j'ai fouiné un peu là-dedans, pour en arriver à cette idée qu'en I#, il faut traiter de l'espace-temps comme un malaxeur de fête foraine triture de la guimauve.

- Quelle drôle d'idée ?

- Oui, ce qui fascine, c'est de voir la pâte visqueuse s'étirer en même temps qu'elle se rétrécit, en conservant sa masse volumique donc. Il en est de même de l'espace et du temps. Dans le sens du déplacement, la longueur se réduit dans la même proportion que le temps se dilate.

Avec t.x=a, tu retrouves l'équation d'une hyperbole, qui conduit à la forme t2-x2= 1. Ce qui te ramène à la norme de Minkowski et à ce lien implicite avec les fonctions hyperboliques sinh et cosh... Et l'expression des transformations de Lorentz sous forme de "rotations hyperboliques" me met cette cinématique en tête : 

- Très sincèrement, on est loin de ta guimauve ! 

- Tu ne sais pas regarder ! Chaque courbe est à volume x.t constant, et lorsque tu étires ta guimauve dans un sens, elle se rétracte dans l'autre pour conserver un volume constant. Je ne vais pas spoiler cet article en cours, mais toute la relativité restreinte est là.

- Bon, admettons-le en attendant; mais ça te mène où ?

- Il me semble que cette "viscosité" caractérise les transformations, et j'emploie ce terme de "transformation" en pensant au Yi King, comme "livre des transformations". Tout le niveau I# traite des transformations et des lois qui s'y rattachent. Nous traiterions comme des "transformations" en I# ce que nous comprenons comme des "mouvements" en IR, résultant d'un tirage au sort des figures de ce livre...

- Arrête! J'ai compris: tu es sur ton rail : Noether, Maupertuis etc., et tu cherches le lien avec ta représentation du Sujet (voir "Le Sujet à livre ouvert")

- Bien sûr, et donc, la question est de suivre cette dégénérescence jusqu'en I01.

- Là tu radotes carrément : ça fait un an bien sonné que tu tournes autour du saut I01/IR.

- C'est vrai, mais il s'agit de le situer dans une perspective globale, se prolongeant jusqu'en I#, tel que je le définis, pour voir si ça colle.

Venons-en donc à la mécanique quantique. J'ai revu la vidéo commentée dans l'article "vitesse de groupe- vitesse de phase", et plus particulièrement la présentation de l'approche de Feynman, avec cette petite animation à 59" de la pellicule :

Quelle idée de représenter un "instant" par un vecteur ! Et là, j'ai eu un déclic, avant même de comprendre la démonstration dans son détail !

- J'avoue que je décroche un peu. J'en étais resté au quaternion de Hamilton, avec le temps orthogonal aux dimensions d'espace ?

- Oui, oui, mais ce que je vois dans cette animation me dit que je n'en ai pas encore fini avec le temps ! Ne trouves-tu pas étrange que dans ce blog je ne parle jamais de la thermodynamique, qui conduit à penser l'irréversibilité du temps, alors que je suis parti de là il y a une cinquante d'années pour finir par pondre "l'Homme Quantique" en 2014 ?

J'avais en particulier mis le doigt sur une dualité dans le concept de "stabilité", tantôt d'ordre diachronique, lorsque la loi se consolide au fil du temps (je joue à pile ou face entre I1/I01), tantôt synchronique, lorsque ex post, je constate un résultat (je lance x pièces en l'air et fait le décompte les piles et les faces en I01).

- Il y en a quelques traces, malgré tout :

- Sans doute, mais depuis que je m'intéresse aux maths d'un peu plus près, je n'y ai plus prêté attention; et là, ça me revient en pleine face, avec la vigueur d'une amante trop longtemps délaissée...

Je note donc ici, comme on gribouille sur une nappe de restaurant dans le cours d'une conversation, mon intuition de ce jour :

Les "instants" sont orthogonaux entre eux.

- Attends, attends ! Tu me bassines depuis fatigué avec ton temps élémentaire comme un va-et-vient entre I1 et I01, pour me dire ça aujourd'hui ?

- Oui, lorsque je suis dans la position la plus élémentaire, rationnelle logique, avec I1<I01<Im, mais lorsque je passe à l'approche topologique ?

- Eh bien, tu as cette idée du quaternion, avec une dimension temporelle, orthogonale à l'espace...

- Certes, mais n'y a-t-il là rien de déséquilibré ? D'une part une quantité de dimensions d'ordre spatial, et de l'autre une seule malheureuse dimension temporelle ?

Oh, bien sûr, tu passes du concept de "successeur" pour construire N à partir d'une "succession" de sauts I1/I01, pour tracer une ligne droite (en I01), et "voyant" cette droite exposée à tes yeux dans l'espace, malin comme tu es, tu te dis : et si l'on mettait des points entre 0 et 1? Et tu crées l'ensemble R des Réels, avec des tas de considérations fort intelligentes sur la "continuité" et la "séparabilité", dont nous venons juste de sortir (voir "axiome de choix et de continuité"), et sans te poser de question, puisque le temps est pratiquement comme une dimension d'espace, tu nous ponds un temps réel et "comme" R.

Mais au fond, à quoi ceci correspond-il dans mon expérience vécue ? Ai-je la moindre possibilité de revivre cette rencontre d'hier avec mon père? Ai-je la moindre idée de ce qu'il peut m'arriver demain ? Chaque instant de ma vie n'est-il pas irrémédiablement coupé de tous ceux qui précèdent comme de ceux qui peuvent lui succéder ?

- Où veux-tu en venir ?

- Chaque instant de ma vie est irrémédiablement étranger à tous ceux dont la collection forme le récit de mon existence.

- Il y a pourtant un déroulement du temps: hier n'est pas demain.

- Mais il ne s'agit là que d'un discours concernant l'indiciation des éléments de cette collection, non des instants eux-mêmes, et le passage de N à R concerne uniquement la nature de cet indice.

Penses-y : lorsque l'on passe I01, dans une approche topologique, la nature profonde de la répétion, c'est l'orthogonalité et non plus la succession...

- Mais à quoi cela te mène-t-il ?

- Je ne le sais pas encore. Je vais avoir besoin de temps pour apprivoiser cette idée. Mais déjà, cette représentation vectorielle des instants me séduit, car ainsi le "temps" échappe déjà à la simple succession du semblable au semblable: il s'étoffe en passant au-dessus de I01.

L'autre idée dont je ne peux me défaire est la suivante:

La mécanique quantique de Feynman est basée sur une interprétation de la fonction d'onde de Schrödinger en termes de probabilités, mais je pense qu'il y a derrière ceci quelque chose d'extrêmement fondamental, voire primitif. J'ai dans la tête que chacune de ces probabilités attachées à un état potentiel est orthogonale aux autres, en d'autres termes, que cette courbe de Gauss est une image spectrale de l'objet, et que la nature quantique des choses doit se trouver derrière tout ceci.

La réponse se trouve dans le calcul de Planck : comment en régressant d'une intégrale à une suite, évite-t-il la catastrophe ultraviolette ? Si seulement j'étais matheux !

Il faut encore laisser mûrir cette intuition, me laisser porter par les mots...

Tiens, à propos: je suis tombé sur ce moment de télé qu'est l'interview de Gainsbourg par Pivot dans "Apostrophe". Je pense qu'il le dit de façon très percutante: les idées viennent des mots... Lacan aurait apprécié :

Ça vient assez bien après le dernier article "Psy-chic,phys-hic", non ?

Hari

Note du 20/ 07/2020

- Je relis cet article, après avoir pris conscience de la différence entre le temps lié à l'Objet dont on parle et le temps lié au narrateur lui-même, voir :

Je me demande si l'embarras dont je parle dans cet article, le flou entourant le concept de temps au niveau Imaginaire IR, tiraillé entre cette idée de quaternion d'une part et d'orthogonalité des instants entre eux d'autre part, n'est pas lié à la difficulté "d'en parler" ?

Plus fondamentalement, le concept de temps est-il un concept nécessaire ?

- Tu dis n'importe quoi : si les gens ont dans toutes les langues (à vérifier) un concept de temps pour articuler leurs discours, cela doit bien servir à quelque chose, non ?

- Mais nous venons de voir que toute narration se limite à une utilisation élémentaire du temps, de niveau I01 ! Quant au physicien, il se hâte de se débarrasser d'un temps dont il ne sait que faire au profit du concept de vitesse ou de quantité de mouvement. D'ailleurs, la quantité conservée au niveau I#, c'est bien la vitesse généralisée : v.v=c2, et pas le temps !

Ce qui trouble, c'est l'interprétation d'un temps de niveau intermédiaire, en IR.

La façon la plus heureuse de nous l'imaginer, serait peut-être de le voir comme un indice de chacune des scènes dont la succession forme la "narration" du Sujet. Ce serait quelque chose à vérifier en imagerie du cerveau. On sait que la "prise de conscience" résulte de l'accrochage, au niveau de l'hippocampe entre un percept et un concept, nous en avons déjà suffisamment parlé, mais de quelle façon le cerveau engrange-t-il les souvenirs? Il y a certainement un lien entre les scènes encryptées dans le cortex, avec un "avant" et un "après".

- Comment est-ce que tu te repères, personnellement dans ta mémoire?

- Je me raccroche à mes périodes d'activité, ce qui est facile car j'ai changé maintes fois de boulot et longtemps tenu mon CV à Jour. Ou alors je date par rapport à mes mariages, ou la naissance de mes filles : c'était du temps de C. ou de F. ou de I. etc., ou en fonction de mon habitation, vu que j'ai déménagé en moyenne tous les 3 à 4 ans. Ces différents criblages me permettent de retrouver assez facilement, par exemple, la date à laquelle telle ou telle photo de mes albums a été prise.

- En bref, tu as une collection d'images que tu indices pour reconstruire une succession.

- Oui, je pense que c'est le plus simple: le temps, au sens le plus commun du terme, nous sert à indicer nos souvenirs. Ça doit pouvoir faire le lien entre un temps vu comme une grandeur réelle en IR, qui régresserait en grandeur discrète en I01, niveau où, finalement, s'établit la communication entre individus...

Il faudrait raconter la dégénérescence du temps, depuis I#, jusqu'au concept diachronique de base : la flèche du morphisme identité (*)∈I1↑{1}∈I01.

 

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