Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
19 Avril 2008
J’ai reçu récemment d’un ami cet email :
La Réalité est souvent bien au-delà de toutes nos certitudes...
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Je pense en fait que l’ami en question, par cet article concernant une thèse selon laquelle un autre univers a précédé le nôtre, avant le Big Bang donc, cherchait à me montrer qu’au-delà de mes propres certitudes, il y a bien des choses que j’ignore.
C’est vrai que parfois je dois paraître bien pédant à ressasser quelques vérités à mes yeux premières, d'où cette petite leçon d'humilité sans doute. Pourtant cet exemple me semblait bien mal adapté à l’usage qu’on lui destinait.
En effet, que nous dit-on ?
Qu’avant notre Univers, avant le Big Bang, existait un autre Univers. La thèse est peut-être difficile à comprendre parce qu’elle utilise un vocabulaire scientifique pointu, que seuls quelques personnes peuvent comprendre et discuter, cependant, la problématique posée est vieille comme le Monde.
Les Incas, par exemple pensaient que nous vivions dans le 4ème Univers qui a existé (pour vous épargner des lectures fastidieuses, reportez-vous aux aventures de Corto Maltès dans l’album Mû).
Plus proche de nous, la Bible nous parle du déluge qui fît disparaître un monde pour que de celui-ci surgisse le nôtre. D’ailleurs, le mythe du déluge est extrêmement ancien : on le retrouve dans les aventure de Gilgamesh,
Le premier roman akkadien de l’histoire qui a aussi bien inspiré les récits mythologiques grecques, que religieux judaïques. Ce mythe est non seulement très ancien, mais également connu dans d’innombrables civilisations d’un bout à l’autre de la Terre.
Et d’une façon encore plus archaïque, les tribus africaines ont en commun cette idée qu’avant le monde des hommes existaient de grands anciens.
On pourrait encore se référer aux Bouddhistes, pour qui Siddhartha Gotama est le 4ème Bouddha de cet éon fortuné (qui en connaîtra 10.000), mais cet éon n’est ni le premier, ni le dernier.
Vous me direz que je suis hors sujet : la mécanique quantique comme la relativité n’ont rien à voir avec ces croyances.
Pas si sûr, car en fait cette théorie tente de répondre à une question vieille comme le monde, à laquelle chaque civilisation a tenté de répondre à sa manière. De tout temps, les hommes sont frappés par la succession de cycles qui règlent leur vie : le jour et la nuit, le cycle des saisons, sans parler des cycles lunaire et annuel. Par contraste, l'histoire des hommes se développe en un cycle ouvert, les hommes portent en eux une évolution : ils sont historiques, contrairement aux animaux. Ils savent qu’ils naissent et meurent, que les villes qu’ils établissent, leurs civilisations même vivent et meurent. La raison commande d’inscrire ces évolutions dans des cycles à long terme. Et tout l’effort des hommes tendra à «fermer la boucle». Sinon il y a hiatus, cassure, chaos. J’appelle ce type de problème un « effet de bord ».
C'est-à-dire que nous n’arrivons pas à imaginer quelque chose avant le début ou après la fin. L’impossibilité d’imaginer cela est portée par les mots eux-mêmes : avant le début comme après la fin sont des non-sens.
S’il n’y a pas d’écoulement du temps avant le début, ni après la fin, l’un comme l’autre accolés au néant, ne pourrions-nous pas dire qu’il y a une durée nulle entre le début et la fin des temps, autrement dit qu’ils sont contemporains ?
Dans cet ordre d'idées, pourquoi ne pas imaginer que la fin de l'Univers d'avant le Big Bang, dont parle cette nouvelle théorie, n'est autre que la propre fin de notre Univers actuel. Nous avons alors reconstitué un cycle, pensée somme toute en harmonie avec notre forme de pensée et qui évite le recours à une suite infinie d'Univers.
Difficile de s’imaginer parcourir le temps, mais l’espace pose le même type d’ «effet de bord».
Tant que l'on pensait la Terre plate, il y avait un problème de "bord". Les marins de l’antiquité, jusqu’à Christophe Colomb en fait, avaient peur de « tomber » dans le vide s’ils atteignaient le bord du monde.
Et puis, comment expliquer que le monde tienne sur « rien » ?
Les chinois, par exemple, pensaient que la Terre était portée par une tortue géante. Mais sur quoi reposait cette tortue, me direz-vous. Et bien c’est simple : sur une autre tortue, et ainsi de suite en une régression infinie. Il n’est pas inintéressant de se souvenir que les idéogrammes chinois étaient à l’origine les figures formées par les craquelures des carcasses de tortues que l’on jetait au feu pour y deviner l’avenir. D’une certaine manière le monde était porté par le verbe, ce qui fait un rapprochement inattendu avec la Bible : au début était le verbe.
Vous allez me dire que je fais des enchaînements de présentateur de télé, mais effectivement, nos représentations, nos imaginations, nos découvertes mêmes sont limitées par notre verbe. Notre questionnement est porté par notre possibilité de l’exprimer, de le mouler dans notre langue. La façon dont nous sommes capables de l’exprimer (au sens ou l’on exprime le jus d’un citron) est modelé par notre langue (Lalangue de notre mère comme dirait Lacan).
En ce qui concerne la Terre, le problème est résolu lorsque l'on conçoit la Terre comme ronde. Le français (ou le latin) pour cela dit bien ce qu'il veut dire : on "résout" le problème comme on trouve une "solution" à un "calcul".
C'est à dire, littéralement que l'on dissout (solution/résoudre) la pierre (le calcul).
Dit autrement: on a la réponse finale quand la question ne se pose plus, ou mieux: il n'y a jamais de réponse, simplement des questions qui ne se "posent plus", qui ne s'énoncent plus.
Nous rejoignons alors le domaine de l'"indicible".
C’est pourquoi, sans doute, le Bouddhisme, qui n’est pas une religion basée sur un écrit, me semble en cela supérieure aux religions du Livre. Bouddha, pour enseigner tourne 3 fois la roue du Dharma, et cet enseignement n’est pas non contradictoire, car il tient compte de l’évolution de son auditoire, d’un tour de roue à l’autre. Ce besoin de trouver plusieurs sens (le sens derrière le sens) à la lecture d’un texte explique peut-être la démarche des hermétismes et autres kabbalistes?
Pour donner un exemple simple de problème lié au fait de "dire", prenez le paradoxe du menteur:
Si je dis :
"Je mens":
Ou bien je dis vrai, ma phrase est vraie, donc je mens, et mon hypothèse est fausse,
Ou bien je mens, ma phrase est fausse, donc je ne mens pas et mon hypothèse est fausse.
Ce type de phrase indécidable, transgresse la logique élémentaire qui stipule qu'une assertion doit être vraie ou fausse, mais pas les deux ou ni l'un ni l'autre (principe du tiers exclu des grecs).
C'est ce type de limite qui me fait douter que l'on puisse imaginer mettre la vérité en phrases.
Pour en revenir à l'Univers, je pense personnellement qu'il faut trouver un modèle "fractal" dans toutes ses dimensions (tant spatiales que temporelles), c'est le sens de tous mes développements.
Ceci veut dire, en particulier, que l'on existe sur plusieurs plans de temps, que nous étions, d'une certaine façon déjà présents au commencement des temps, et que nous serons là à la fin des temps, et de plus que la durée du début à la fin (d'une certaine façon) est nulle. Pour avoir une image de ce à quoi je fais allusion, je vous engage à voir des images fractales.
De la même façon, je pense qu'une distance infinie sépare mon pouce de mon index: en effet, si "à l'extérieur de l'univers", il n'y a plus rien, donc pas de distance, alors, en passant par l'extérieur les points opposés de l'Univers sont à une distance nulle. Corollaire: entre mes deux doigts serrés l’un contre l’autre, je peux faire tenir l'Univers entier.
D’ailleurs, vu la taille initiale de l’Univers lors du Big Bang, je n’aurais eu à l’époque aucun mal à le tenir entre mon pouce et mon indexe serrés l’un contre l’autre. (Bien entendu, cette expérience était impossible, puisque précisément, à l’époque du Big Bang, tout ce qui me constitue actuellement était dans cet Univers minuscule, et donc je n’aurais pas pu le tenir de l’extérieur, puisque j’étais dedans…)
Comme le disait mon ami "la réalité est au-delà de nos certitudes", mais sans doute bien au-delà de ce que lui-même est près à imaginer !