Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
8 Juillet 2008
Voilà, je me retrouve établi dans une autre sinécure, à Abidjan, sur un nouveau projet. Je quitte Nouméa sur une fin de contrat, pour reprendre un projet à son début : c’est ce que j’aime dans ce métier, la possibilité de construire au sens le plus basique, comme un bousier
Phase un peu délétère du projet où l'équipe se met en place, l’essentiel sera d’éviter les écueils dans cette sorte de rafting industriel, mais les rapides sont encore à quelque distance.
J’en ai profité pour aller régler quelques affaires à Nouméa où j’ai, par chance, assisté à une transmission de pouvoir du bouddha de la compassion Avalokiteshvara avec un invité de choix : Guèn Rabten venu d’Australie pour la circonstance. Je suis reparti de Nouméa par le même avion que lui pour Sydney, ce qui nous a permis de discuter un peu en salle d’attente.
J’ai essayé d’amener la conversation sur le point suivant : est-ce que l’imagerie dont s’entoure le bouddhisme, issue de la culture ambiante indoue, et qui a pour vocation de facilité la transmission de l’enseignement bouddhiste dans cette culture, n’est pas un obstacle pour un Européen. En effet, ce dernier doit assimiler une culture nouvelle, une imagerie qui lui est largement étrangère, comme préalable à l’enseignement proprement dit. La conversation a dévié sur les différences culturelles, mais je n’ai pas eu de réponse….
J’y reviendrai lors de notre prochaine rencontre, en novembre à Paris.
Puis, je tombe sur ce numéro hors série du Point alors que l’on n'entend parler que de la réédition de Lévy Strauss à la Pléiade (qu’il me faudra lire, forcément lire). Quelle chance d’être en France et d’avoir ce genre de périodiques !
Enfin je comprends un peu mieux la filiation entre Husserl et Descartes à travers l’article sur Sartre (et donc le substrat phénoménologique d’Abellio, à la base de mes développements):
Nous n’avons pas d’appréhension directe des choses, simplement notre point de vue.
Toutes ces savantes discussions pour en arriver là : appliquer dans le domaine de la perception humaine le principe de relativité qui se propage de proche en proche dans toutes les sphères de l'entendement depuis l'antiquité et marque dans sa progression, le progrès de la connaissance humaine.
C’est tellement évident, mais dit de façon bien alambiquée par Sartre, qui en fait se dépeint plus qu’il n’avance dans la théorie.
C’est normal : la pensée s’élabore avant de disposer des outils adéquats. C’est la même chose en mathématiques : d’abord un génie résout un problème dont il a l’intuition, puis il élabore les concepts nécessaires au dialogue, afin d’emporter l’adhésion de ses pairs.
Un enfant de 9 ans d’aujourd’hui connaît ses tables de multiplication, mais combien de millénaires ont-ils été nécessaires pour mettre au point la numérotation décimale qui nous est triviale ?
Autre découverte de Sartre : l’Homme n’« est » rien en soi, sa conscience est « conscience de quelque chose », simple tension vers le Monde. L’Homme, par sa conscience n’est pas, mais ex-iste. Ce qui est amusant, c’est que ce néant lui donne la nausée, alors que depuis 2500 ans, les bouddhistes, cherchent à se fondre dans cette vacuité pour atteindre à l’état de Bouddha.
Quand je vous disais que Sartre nous parle de lui à travers sa philosophie !
Aurait-il seulement été philosophe s’il avait été beau ?
Car enfin, d’un même constat (la vacuité de l’Être), c’est bien l’intention qui détermine la position philosophie de Sartre ou de Bouddha. Nous retrouvons ici, au niveau de l’élaboration des concepts le même relativisme qu’au niveau de l’observation des choses de la nature.
Ce recul dans la réflexion, cette prise de conscience permet d’élargir le domaine d’application du principe de relativité et en ce sens, marque me semble-t-il un progrès.
Ceci me fait penser à cette blague célèbre : un ange et un démon parlent boutique et se racontent leur univers. Le démon dit : c’est terrible en enfer, nous sommes tous attablés à un grand banquet, où sont servis les mets les plus délicats mais nous n’arrivons pas à manger parce que les couverts sont trop longs et ne permettent pas de porter les aliments à la bouche. L’ange dit : le paradis, c’est un endroit merveilleux, où nous sommes tous attablés à un grand banquet, et nous avons nous aussi de très grands couverts, ce qui nous donne la joie de nous nourrir les uns les autres….
Pas sûr que l’enfer ce soit les autres.
Hari