Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
23 Août 2024
Le 24/ 08/ 2024 — Pau :
- Hier, je voulais terminer (ici) l'article #3, en vérifiant rapidement si la dualité que je distingue entre deux façons l'envisager la topologie de l'Imaginaire selon (☯𓁝𓁜☯) ou (♧𓁝𓁜♡) était quelque chose d'évident ou bien était passé sous les radars des philosophes.
"Es-tu sûr que cette petite phrase
"un bord n'a pas de bord"
soit une nouveauté dans notre façon de penser ?"
Par jeu pour ainsi dire, et pratiquement en faisant la sieste, j'ai questionné Mistral, l'IA installée sur mon Mac pour dégrossir le sujet, et en tamisant ce qu'il en ressort, me reste Jean Cavaillès.
- Tu ne vas pas nous reproduire sa biographie Wikipédia ?
- Sa vie paraît si dense, si intense qu'il fascine, mais tu as raison : l'objectif est d'asseoir la cohomologie selon 2 perspectives (☯𓁝𓁜☯) & (♧𓁝𓁜♡).
Bien entendu, avant cela, il faut fonder les groupes d'homologie à partir de ce principe "un bord n'a pas de bord", ma thèse étant que cet aphorisme est dans une perspective (♧𓁝𓁜♡) orthogonale à tout développement logique antérieur envisagé en (☯𓁝𓁜☯).
- Bref, Bohr (♧𓁝𓁜♡) contre Einstein (☯𓁝𓁜☯)... Mais ce n'est pas nouveau, puisque précisément Bohr s'est imposé...
- Je dirais plutôt qu'ils arpentent la même cour, mais circulent perpendiculairement. (Note 2)
- Pour en revenir à Cavaillès ?
- Il était au centre du champ de tir (désolé pour l'image), ayant échangé en particulier avec Hilbert, Noether, le groupe Bourbaki, Tarski, André Weil, Brouwer, Heyting, etc., sans parler des philosophes, bien entendu (focalisé sur notre interrogation, j'élague le reste à coups de machette).
- Mais concrètement ?
- Encore une fois, je vais la faire courte, le considérant comme un philosophe plongé dans le monde mathématique et à ce titre susceptible d'avoir capté une certaine tournure d'esprit de l'époque, tel un bâton plongé dans une mine facilite l'accrétion du sel autour de lui.
Son milieu déjà, protestant et militaire, doit lui donner un sens aigu de la rigueur intellectuelle autant que morale (comme il l'a prouvé en risquant sa vie). L'intéressant pour nous, c'est son retournement progressif vers un athéisme spinoziste, auquel cette rigueur toute parpaillote l'a conduit... et son intérêt pour la rigueur mathématique.
- Plaidoyer pro domo ?
- Oui, bon, je suis également d'un milieu protestant par mon père qui naquit à La Mothe-Saint-Héray, à deux pas de Saint-Maixent-L'école ville natale de Cavaillès.
- En bref, il est élevé en 𓁝☯ et se retrouve du côté ☯𓁜 de la Force, en ne sachant plus trop à quoi raccrocher la posture 𓁝☯ ?
- Exactement, j'en veux pour preuve les témoignages d'une vraie crise, lorsqu'il était encore à l'ENS :
"Trentenaire et célibataire au bord de la dépression qui un jour s'amuse à terroriser avec son pistolet semi-automatique de réserviste un lecteur allemand en tirant dans la porte de la chambre que celui-ci occupe en face de la sienne sous les toits de l'ENS, Jean Cavaillès vit une période de doutes. C'est alors que, sous l'influence de Léon Brunschvicg, dont toutefois il critique désormais l'idéalisme, la relecture de l'Éthique et de son mos geometricum le conduit d'une philosophie à la rigueur mathématique sur la voie d'une mathématique à la profondeur philosophique. Plus qu'une rupture, c'est un dépassement des arrière-mondes de la philosophie, des fondements métaphysiques des mathématiques dont continuent de s'encombrer la philosophie des mathématiques et des fondements religieux de la morale. À partir de 1935, il ne se départira plus de l'athéisme spinozien des rationalistes tel que Brunschvicg."
- Bon, OK, il se balade en (☯𓁝𓁜☯), c'est le point de départ; mais est-ce qu'il a senti l'existence d'une voie (♧𓁝𓁜♡) ? Après tout, l'échange entre Bohr et Einstein concernant l'approche de Copenhague date des colloques de Solvay, le 5è en 1927 et le 6è en 1930.
- Et bien, justement, ça n'est pas évident. Pour le dire d'un mot il gravite dans la sphère Bourkakiste naissante, et se focalise sur les ensembles. Je passe tout le début de l'article que Wikipédia lui consacre, pour aller à "une approche de son oeuvre" :
"Le saut cavaillèsien.
Jean Cavaillès s'inscrit dans la voie des logiciens français initiée par Louis Couturat malgré l'opposition d'Henri Poincaré, conventionnaliste"
Or, en creusant "conventionnalisme" tu trouves ceci :
"Le conventionnalisme est une doctrine stipulant une séparation fondamentale entre les données de l'intuition et des sens, et les constructions intellectuelles permettant de fonder les théories scientifiques ou mathématiques1. Cette notion a été développée notamment par Edouard Le Roy, Pierre Duhem et Henri Poincaré, sous des formes assez différentes, à la frontière du xixe siècle et du xxe siècle (bien qu’aucun de ces auteurs n'ait employé le terme de «conventionnalisme».
Elle trouve son origine profonde dans la séparation kantienne entre intuition et concept."
- Du coup, tu retrouves une référence à Kant qui t'avait échappé, pour baliser l'émergence de ta démarche !
- Oui, mais compte tenu de ma grande ignorance, ce n'est pas étonnant. Ceci dit, ce courant "conventionnaliste" est bel et bien attaché aux travaux de Poincaré, et ça me rassure beaucoup. Et donc Cavaillès ne fait pas que passer à côté, il néglige la topologie; ou plutôt : il fait une confusion :
"Jean Cavaillès a été vraisemblablement le premier dans la philosophie d'expression française à discerner, sur le plan même de la technique logique et philosophique, certaines des critiques qu'on pouvait adresser au programme du positivisme logique du Wiener Kreis, par exemple l'ambition déclarée de réduire la logique de la science à une syntaxe. Tout en qualifiant de «totalitaire» ce projet, il louait, et maîtrisait, les acquis de cette école, principalement la technique d'analyse et de clarification du discours.
- De quelle confusion parles-tu ?
- Il comprend l'intérêt pour le pur langage en (♧𓁝𓁜♡), comme une tentative de substitution à une approche logicienne en (☯𓁝𓁜☯), quand il s'agit au contraire de passer d'une pensée unidimensionnelle à une représentation proprement topologique en 2 dimensions... Ça s'appelle louper le coche.
- Mouais, facile à dire un siècle plus tard... Mac Lane a publié l'article fondateur de la théorie des catégories "General Theory of Natural Equivalences" en 1945, et tu voudras bien excuser Jean Cavaillès de ne pas l'avoir attendu pour avoir été fusillé en 1944.
- Tu as raison, mes jugements ne montrent qu'un brin d'envie envers un homme qui a eu le privilège de côtoyer tellement de gens intéressants, avec Emmy Noether, excuse-moi du peu, pour le guider dans sa compréhension de la logique et jeter un oeil sur sa thèse. Toujours est-il que le mot "substitution" me semble juste pour comprendre l'opposition frontale que l'on fit entre les deux approches (☯𓁝𓁜☯) et (♧𓁝𓁜♡). On pourrait sans doute expliquer de la même façon l'opposition Popper/ Wittgenstein autour d'un tisonnier. (Note 1)
Autre problème, dans la lignée du constructivisme anglo-saxon, et du positivisme français ambiant :
"Jean Cavaillès s'inscrit dans la voie des logiciens français (...) mais une voie déjà, enfin libérée de tout apriori métaphysique, qu'il soit kantien, platonicien, idéaliste, empiriste."
- Autrement dit en posture ☯[∃][⚤]𓁜 sans perspective 𓁝[∅]☯?
- Exact :
"La fréquentation de Brunschvicg le conduit à celle de Spinoza. Il admire chez celui-ci, malgré l'absence d'humanité que cela implique, la sévère démonstration que l'exigence éthique n'a pas besoin de religion, ni d'Église, ni d'aucun fondement transcendantal. Inversement lui répugnent les artifices et la débauche de luxe intellectuel que déploie Leibniz pour sauver cette transcendance par les causes finales et les fins optimales. La monadologie lui «fait penser au calvinisme des marchands de cochons américains»."
Mais sans la dualité objet initial—𓁝[∅]/[⚤]𓁜—final, il lui manque un pied pour avancer.
- Ça, c'est ton point de vue actuel, sur une pensée antérieure à la théorie des catégories. Est-ce tout ce que tu tires de ce survol ?
- Il y a malgré tout la prise de conscience chez Cavaillès du rôle du mathématicien dans l'évolution des maths...
- C'est idiot comme remarque.
- Tu me comprends mal : il s'agit de dire que le mathématicien ne "découvre" pas des idées mathématiques telles les "idées" platoniciennes, déjà là, mais qu'il les invente.
"En s'attachant à décrire ainsi le processus du progrès dialectique de la pensée scientifique, sans recourir à des présupposés transcendantaux ni à une immanence, Jean Cavaillès, critique de son maître Léon Brunschvicg, va à contre courant d'une époque illustrée tant par Edmund Husserl que Henri Bergson qui ont, dans la tradition cartésienne que dénonçait en son temps Benoît de Spinoza, fait de la philosophie une méditation sur lui-même du sujet pensant, fût ce comme une condition pour penser le monde."
Bref, le mathématicien "thématise" les problèmes qu'il rencontre, et créé des concepts.
- Ce qui renvoie à la forme canonique, et à la place de l'axiome de "choix" qui détermine totalement le mode sémantique ♡?
- Exactement. En résumé, en suivant Cavaillès dans son demi-siècle d'avant la théorie des catégories, nous avons pu suivre l'émergence de notre duo (☯𓁝𓁜☯) / (♧𓁝𓁜♡), à partir des travaux de Poincaré, mais qui seront discutés primitivement dans la seule perspective (☯𓁝𓁜☯) unidirectionnelle, et donc une opposition logique (ou dialectique), faute d'une représentation topologique selon 2 dimensions, où nous sommes aujourd'hui.
- Je sens que tu es pressé, et bien attendons la suite, à partir de cette idée qu'un bord n'a pas de bord qui détermine cette vision orthogonale à la logique.
- Amen
Hari
Note 1 :
Je n'ai pas résisté à la facilité en demandant à Mistral de relater l'incident :
"Q— Les circonstances de l'opposition Popper / Wittgenstein autour d'un tisonnier
R— L'opposition entre Karl Popper et Ludwig Wittgenstein est souvent évoquée dans le cadre d'un incident célèbre impliquant un tisonnier. Cet incident s'est produit lors d'une réunion du Moral Sciences Club à l'Université de Cambridge en 1946. Voici un résumé des circonstances entourant cet événement :
Bon, pour une fois, je pense que l'IA s'est trompé, la séquence est inverse, selon ce dont je me souvient, et que je retrouve dans Wikipédia :
"Wittgenstein manipule un tisonnier pour souligner ses points, le brandissant en faisant de grands gestes avec lui alors que la discussion s'enflamme. Lorsqu'il a été mis au défi par Wittgenstein de donner un exemple de règle morale, Popper (plus tard) a affirmé avoir répondu : «Ne pas menacer les conférenciers invités avec des tisonniers», sur quoi (selon Popper) Wittgenstein a jeté le tisonnier et est sorti en trombe. Wittgenstein's Poker est un recueil et une mise en contexte des différents récits qui ont été faits de cette scène, tout en établissant le contexte des carrières de Popper, Wittgenstein et Bertrand Russell, qui était également présent à cette réunion."
- Comme quoi il faut rester prudent avec l'IA !
- Oui, mais dans l'histoire, on voit clairement :
(♧𓁝𓁜♡), comme une tentative de substitution à une approche logicienne en (☯𓁝𓁜☯) avec :
Et leur dispute, qui renvoie à celle de Bohr/ Einstein, vient de ce qu'ils se considèrent en concurrence quand leurs points de vue sont orthogonaux.
Note 2 :
Pour illustrer cette orthogonalité des points de vue, j'avais en tête 2 prisonniers dans une cour, chacun suivant une trajectoire perpendiculaire à l'autre.
Et j'ai fait tout mon possible pour trouver une image illustrant cette idée.
Sur Google, je n'ai trouver que des hommes se croisant, allant dans la même direction voire s'enlaçant, mais impossible d'obtenir satisfaction. Par curiosité, j'ai poursuivi sur Bing, même chose. Pas plus de succès en passant par Opéra... Comme si l'idée de ne pas se trouver sur des chemins parallèles était inconcevable !