Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
5 Septembre 2006
Pour explorer l'Univers, sortir de notre petite condition d'individu demandera certainement de changer radicalement notre façon de penser, de voir, de sentir notre environnement. C'est l'objet des quelques articles de ce blog d'explorer -avec vous bien sûr- les pistes possibles.
Il est clair que jusqu'à présent, pour élargir notre champ de vision à chaque fois nous (humains/observateurs) nous sommes "décentrés" par rapport à nos propres observations. Tout a commencé par l'abandon de l'héliocentrisme, à la Renaissance, puis la mécanique s'est emballée, pour aboutir à la relativité du début du siècle dernier.
Ensuite, le parcours devient plus ardu: c'est de l'Homme même qu'il faut se déprendre. Les psychanalystes, nous ont appris que l'Homme n'est pas seulement dans son discours, mais aussi dans le non-dit, les lapsus, tout un tissu inné et acquis qui forme la toile sur laquelle ressort le discours. Pour reprendre l'image de Foucault introduisant "Les mots et les choses", c'est la table d'opération sur laquelle s'exposent le parapluie et la machine à coudre de Lautréamont (merci à qui me transmettra une image du tableau!).
L'effort même que nous faisons pour nous représenter le Monde, notre logique, a montré ses limites (sans revenir au théorème d'incomplétude de Gödel - toujours bon à placer dans une dissertation de lycéen), nous n'avons que peu progressé depuis les grecs et le paradoxe du menteur, sauf à prendre conscience que l'absurde n'est plus aux marges de la pensée et qu'à l'inverse, la logique fait maintenant figure d'îlot perdu au sein d'un océan irrationnel (et je ne dis pas cela parce que je suis à Nouméa).
Bref, l'Homme s'extrait de l'Homme pour parler de lui (c'est au niveau scientifique l'équivalent du stade du miroir - stade auquel nous ramène encore Foucault, lorsqu'il commente la peinture de Velasquez "las Meninas"). Dans ce recul par rapport à nous-mêmes, l'idée de fractale vient immédiatement à mon esprit. En fait, notre discours ne résout jamais rien, mais rapporte à un niveau de discours, d'analyse ou d'observation (c'est selon) quelque chose vu à une autre échelle.
L'illustration que l'on en peut donner c'est Isaac Newton, qui se dit qu'il y a entre la Terre et la Lune le même rapport qu'entre la Terre et la pomme qui tombe. La conservation des propriétés de ce qui nous entoure, malgré les changements de perspectives de nos observations est le guide de nos découvertes. Sans revenir à la théorie de la relativité, les recherches récentes de la physique tournent autour du respect des symétries (ce qui nous ramène au miroir). L'exemple simple est qu'une montre et son exacte réplique telle que reflétée dans un miroir, doivent toutes deux marcher, l'une dans un sens, l'autre dans l'autre, à la même vitesse. Mais le respect des symétries est moins évident à l'échelle atomique.
Bref, là aussi, il faut sortir de soi pour voir quelque chose d'intéressant, tout en sachant que nous ne pourrons rien faire d'autre que de ramener nos observations à une construction gigogne, faite des couches successives de nos discours (d'où cet aspect fractal: les motifs se répètent d'un niveau d'observation à un autre).
Lorsque je dis que pour survivre, il nous faudra échapper à notre seule et unique Terre, notre âme d'adolescent rêve encore à Star Treck ou tout autre vaisseau du Space Opera. Mais, pourtant, ne sommes-nous pas déjà d'une certaine façon dans un vaisseau spatial, coincés entre la terre, la mer et le ciel qui tiennent ensemble par la gravité qu'engendre leur masse ?
Ne sommes-nous pas déjà confinés dans une mince couche d'air qu'un rien peut déchirer ?
Si au moins nous avions ce sentiment d'une extrême fragilité, peut-être serait-il plus facile de faire les efforts nécessaires pour coordonner la manœuvre au sein du navire Terre ?
Ceci serait à mon sens le second pas à réaliser avant de tenter l'aventure.
Hari Seldon
PS : Le tableau des Menines me fait souvenir d'une analyse d'un tableau de Breughel, par quelqu'un s'inspirant d'Abellio pour analyser les rapports entre le spectateur et l'aveugle qui se tourne vers lui:
Il y a là aussi un jeu de miroirs. Pour ceux que cela intéresse, voir aussi l'interprétation des Menines par Picasso.