Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
25 Décembre 2016
Nous étions assis l'un contre l'autre dans le canapé du salon. V... regardait par le côté la page Facebook que je faisais défiler distraitement, juste pour voir ce qui se présentait. Elle se faisait câline de me savoir un peu bougon. Elle venait d'écouter les cours enregistrés d'un rabbin depuis 5 heures du matin et ce que j'en entendais ne me plaisait pas trop... Bref, ce n'est pas le sujet.
Donc, nous étions en recherche de conciliation, lovés dans notre cocon, et je tombe sur ce tableau de Mandéléiev, dans lequel les éléments sont colorés en fonction de leur origine (Big Bang, petites étoiles, supernova et...).
J’en profite pour indiquer à V... que pour être ici et maintenant, à mon côté, elle a du voyager depuis le Big Bang, et traverser au moins une étoile est une supernova. Pensée virale, dans l'espoir de lui instiller d’autres idées que celles qu’elle rumine depuis un moment. Pas un affrontement direct, bien sûr, car malgré ses 40 kg toute mouillée, elle a l’inertie d’un porte-avions et ne se laisse pas manoeuvrer facilement…
Et ce tableau me ramenait à ma dernière discussion sur FaceTime, avec ma fille cadette qui me faisait le point de ses devoirs. Elle en était justement à l’étude de la valence des éléments, et aux atomes qui cherchent à compléter la couche externe de leur couronne électronique, soit en cédant, soit en attirant les électrons d’un autre corps… Sujet survolé de loin, car je n’ai jamais beaucoup aimé la chimie : il y avait dans tout ceci un côté "tambouille" qui ne m’attirait guère.
La chaleur du lieu, la douce quiétude de l’instant, cette réminiscence, firent que je partis en bavardage automatique, comme en parle Lacan :
« Je crois que l’image qui nous vient montrerait la marche d’une dynamo branchée sur la prise de gaz, une plume de paon en sort et vient chatouiller le ventre d’une jolie femme, qui est là à demeure pour la beauté de la chose. La chose commence d’ailleurs à devenir intéressante de ceci, que la pulsion définit selon Freud toutes les formes dont on peut inverser un tel mécanisme. »
Comme V... semblait écouter, je continuais donc en mode automatique et cherchant un exemple commun, nous tombons, je ne sais comment sur le "bicarbonate de sodium" dont voici la formule :
Je parle plus ou moins bien de la signification de ces traits qui caractérisent un regroupement d’atomes. Dans ma tête, j’imagine une sorte de nuage, avec une mise en commun d’électrons. Et puis, de façon plus lâche une liaison entre cet ensemble HCO3- et l’atome Na +.
Et je pense : "en bref, cette liaison est plus lâche que les précédentes : elle se dissout dans l’eau". Remarque banale qui pourtant produit des résonances en moi... Il y a des niveaux de description qui de strate en strate vont du plus fort au plus faible. Les 4 forces fondamentales de la physique (nucléaire forte, faible, électromagnétique, gravité) qui agissent sur des ordres de grandeur significativement différents, et là, de façon plus fine, en chimie, ce qui peut se disloquer par l’eau ou plus difficilement par le feu…
À cet instant précis, j’entends le bruit d’une eau qui goutte. C’est l’eau qui se met en circulation dans mon radiateur, neuf, mal purgé. Le son est étonnamment cristallin, comme si les longues colonnes de ce radiateur mural faisaient office de tuyaux d'orgue. Je me souviens du chauffagiste me disant hier qu’il faut deux ans avant qu’un circuit soit totalement purgé de l’air dissout dans l'eau de remplissage…
L'image de ce lent processus de dégazage, au cours duquel le subtil s'exprime du lourd, vient en contrepoint de notre discussion et cette idée s'impose alors à moi : la physique a-t-elle pris en compte tous les niveaux énergétiques possibles ? Et si le prochain pas de la physique était de s’intéresser à quelque chose de plus subtil que la gravité ? Cette pulsion forçant le vivant à évoluer, et dont l’humanité prendrait peu à peu conscience, par exemple...
Comprenons-nous bien : il ne s’agit en aucune façon d’un scientisme style XIXème siècle. Il n’est pas question de vouloir supprimer toute pensée religieuse, mais plutôt de l’apurer en repoussant la limite de l’exprimable. En bref, d’envisager un saut diachronique qui nous permettrait de rationaliser ce qui est encore perçu en position ex ante.
Nous en sommes peut-être à ce stade… Mais qui sera le premier à mettre en évidence de façon rationnelle cette 5ème force ?
Ou ce 5ème élément ;-)
Joyeux Noël, ou Hanoucca si vous préférez, à tous
Hari