Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
11 Octobre 2006
Je reste perplexe de voir ma fille de 8 ans additionner des chiffres représentant des quantités hors de son appréhension, apprendre, avec une orange et une ampoule électrique comment la nuit succède au jour et aller sur Google Earth pour repérer la maison de grand-mère et je songe avec émotion à mon frère Giordano Buno.
La culture permet à un homme très ordinaire d'accéder à des mystères pour lesquels des génies avant lui ont pu donner leur vie, suivre un chemin initiatique long et périlleux ou développer des trésors d'intelligence.
La façon même de transcrire nos idées nous guide dans leur développement. Imaginez, par exemple, qu'Omar Khayyam a résolu les équations du troisième degré sans signe mathématique, sans l'algèbre (l'art de "rabouter" développé par les arabes, lire le Perroquet Vert).
Prenez encore la découverte par les pythagoriciens des nombres irrationnels. Ce fut un scandale à l'époque, car cette notion perturbait l'harmonie du monde et la démonstration qui suit était un secret jalousement gardé.
Pourtant quelques siècles plus tard ce que vous allez lire vous semblera élémentaire:
Raisonnons par l'absurde et supposons que √2 = P/Q:
Tout tient à ce que 2 étant le premier des nombres pairs, il est difficile qu'il soit engendré par une racine paire comme c'est la règle pour les nombres pairs suivants, et donc √2 se tortille entre pair et impair, comme une folle entre masculin et féminin, sans savoir où s’attacher d'où le scandale dont je faisais état plus haut.
Vous voyez qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chas, mais on oublie tous les trésors d'ingéniosité déployés derrière cette moderne facilité.
Il faudrait la plume du poète Basho Matsuo pour rendre toute la légèreté et l’élégance de cette démonstration dans les 17 syllabes d’un haïku.
Un vieil étang
Une grenouille saute
Des sons d'ea
A moins que l'on ne préfère l'allégresse des roubaïates d'Omar Khayyam:
"O toi qui es venu tout ardent du monde de l'esprit;
Toi qui, stupéfait, t'interroges sur le cinq, le quatre, le six et le sept,
Bois du vin, car tu ne sais d'où tu es venu.
Réjouis-toi, car tu ne sais où tu vas"
Méditez également sur la simplissime formule d’Euler qui regroupe en 6 signes d'une calligraphie moderne, les constantes fondamentales de notre univers: eiπ=-1
Et bien je pense que d'ici peu nous aurons le même sentiment d'évidence, d'harmonie à lire Jacques Lacan (ou ceux qui évoluent dans son sillage). La lecture de son séminaire m'émerveille, car l'on y voit une pensée au travail, construisant au fur et à mesure les outils conceptuels qui lui permettront de s'exprimer (de sortir d'elle-même au sens littéral) comme un pont en construction projette son tablier au-devant de lui-même, vers le vide d'un pilier en devenir.
Il y a des fulgurances dans son dire, qui déchirent des voiles devant mes yeux. En particulier, tout ce qui touche au rapport de l'individu au langage.
Il y a certainement là en germe de quoi sortir de l'Humanisme, comme annoncé par Foucault (je vois bien l’un en Messie, l’autre en Saint Jean Baptiste, mais vus par Dali bien sûr)
;-) cool, je blague!
quoi que...
Hari Seldon