Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
15 Mai 2014
En quoi donc, mon approche peut-elle arrêter le regard d'un psychanalyste?
En ce qu'elle permet de reprendre, de façon simple, une partie de son expérience, et d'en montrer la cohérence avec un corpus théorique plus élémentaire. Essayons, par exemple, de caractériser la différence clinique qui s'observe entre névrose et psychose. C'est un problème complexe et sujet à moult évolutions, pourtant il y a entre ces deux dysfonctionnements de la psyché, une différence très simple à mettre en évidence:
Qu'est-ce à dire? Considérons deux niveaux Imaginaires (Ik & Ik+1) d'un sujet (Is) que j'observe (Im). Un fonctionnement correct de cette structure consiste en ce que les actions (synchroniques) qui se déroulent au niveau Ik, sont des actualisations d'états potentiels préalablement définis au niveau Ik+1. Formalisme qui peut avoir une expression mathématique.
Cette scène fait l'objet de deux récits:
Retenons simplement que si le sujet a soif (état de niveau Ik+1) il va à la cuisine chercher un verre (niveau Ik) et non pas des couverts ou une assiette. Mais, bien entendu, il y a toujours un moment où ayant soif il n'a toujours pas son verre en main: un moment non structuré, indéterminé où tout peut arriver.
C'est précisément ce moment indéterminé qui nous intéresse ici.
Lorsque le sujet est dans l'attente, l'espérance du verre, il est dans la répétition, jusqu'à ce qu'il l'ai trouvé, comme nos canetons essaient de sauter la marche (voir article précédent) et recommencent jusqu'à ce qu'ils y arrivent. On pourrait parler de frustration si la situation durait trop longtemps.
La situation est névrotique lorsque le niveau Ik+1 est (ou devient) inconscient. Le sujet bascule en position ex-ante: il cherche un verre sans savoir pourquoi.
Ce qui fait la souffrance, c'est la conscience du temps, basée sur la répétition de cette situation (Ik) à laquelle le sujet ne sait comment échapper.
La situation du psychotique est toute autre: ses actions au niveau Ik correspondent aux états potentiels déterminés au niveau Ik+1. Il est de ce fait en position ex-post par rapport à ces actions élémentaires (en Ik) et ne souffre pas d'un manque comme le névrosé. Ce qui frappe l'observateur, c'est la cohérence des propos. Et la théorie du président Schreber, comme le remarque Freud lui-même, présente la cohérence d'une religion...
Ce qui manque, précisément à Schreber (c.f. Lacan), et le distingue d'un Saint en adoration devant son Dieu, c'est la possibilité de passer en position ex-ante. Schreber ne doute pas. Ce qui en fait un malade à nos yeux, c'est que ses actions ne correspondent pas à ce que nous (nous, gens normaux !!!) considérons comme "la réalité"; mais il est difficile d'opposer notre conviction au malade (et vice versa).
On l'aura compris, de même que nous sommes tous juifs-allemands, nous sommes tous à la fois névrotiques et psychotiques, de façon naturelle, à chaque passage d'un niveau Imaginaire à l'autre. Ce qui fait symptôme, c'est l'incapacité à passer d'une position à l'autre.
Et cette caractérisation névrotique/psychotique en fonction d'un blocage dans l'une des position ex-post/ex-ante, est repérable également au niveau du groupe ou d'une société dans son ensemble...
Si, par exemple, j'étais dans l'incapacité de surmonter mon sentiment particulier face à la culture anglo-américaine (que j'ai décrit ici) et avant même toute discussion argumentée concernant l'économie que je puisse avancer, je serais de facto dans un état névrotique.
Quant aux états psychotiques de groupes constitués, je suis sûr que vous trouverez par vous-même des exemples tirés de l'actualité...
Joyeux cauchemars
Hari