Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
7 Septembre 2019
Un réveil bien trop tardif pour profiter d'une journée magnifique, en m'activant sérieusement. J'en reste donc à l'idée d'une promenade en fin d'après-midi, avec ce soleil pour m'éclabousser de lumière jusque là.
Mais je suis incapable d'arrêter mes pensées pour jouir de l'instant. Les idées me frappent comme des moustiques sur une vitre: terminer de décaper le mur de la cave avant d'y faire un enduit à la chaux; à en croire le soleil sur ma peau, je suis sûr qu'une véranda sur le balcon suffirait presque à me chauffer l'hiver; mais faut-il changer les portes fenêtres avant ça ? Si véranda, ou fenêtres, pas possible de changer la voiture... etc...
J'en reviens à mon blog, dont j'ai entrepris de collecter tous les articles sous format pdf. J'en suis à 321, ce qui fait quelques milliers pages format A4, et mes derniers articles font tellement de renvois vers les anciens, qu'il serait bon de démêler cet écheveau.
- Fais un second livre !
- Mais je n'ai pas terminé mon exploration des maths et de la physique.
- Cependant la voie est tracée, non ?
- Oui, je vois à peu près la direction, quoique dernièrement j'ai encore eu des surprises, concernant les caractérisation du stade du miroir (note 1) par exemple.
- Cependant, n'est-il pas temps d'arrêter de divaguer pour choisir une voie que tu développerais en cours d'année, ça te fixerais un but, non ? Et puis, tu ne peux pas toujours rester dans le vague lorsque l'on te demande de caractériser ta démarche. Tu touches à tout sans t'impliquer dans rien...
- C'est très difficile, car le but s'explicite par des mots, des concepts, qui ne se dégagent qu'en fin de parcours.
- C'est tout l'enjeu de ce livre à venir. Vas-y lance-toi puisque tu es ici sur ton blog, ton "blog-notes" en quelque sorte.
- Il y a tout un aspect "analyse de l'auteur" qui me semble aussi indispensable pour en comprendre la genèse, qu'impossible à exprimer en préface tant celle-ci prendrait de place. Et puis, comment conjuguer dans un même ouvrage une analyse de l'auteur, suivi d'un texte qui se voudrait théorique ? C'est un peu comme présenter sur un même plan l'analyse de la psychose du Président Schreiber, suivi d'un exposé de sa théorie concernant son rapport à Dieu...
- Tu prends le problème par le mauvais bout: s'il s'agit d'une "théorie", tu dois l'envisager sous l'angle de son utilité, comme d'un outil. En achetant un couteau, qui s'intéresse à la santé mentale du fabriquant? Certainement pas l'acheteur.
Pose-toi la question de l'utilité de ce que tu développes.
- Mais comment en juger? Je traite des hommes et des choses, comme du langage, et je passe des uns aux autres sans m'arrêter.
- Eh bien, une bonne mesure de l'utilité des concepts que tu exposes pourrait être l'agacement que tu suscites.
- C'est à toi de m'expliquer cette fois-ci.
- Vois la manifestement d'un agacement comme une amorce de dialogue. Si tu demandes à ton interlocuteur de préciser ce qui l'agace dans tes propos, tu l'amènes du terrain primitif du ressenti, de la pulsion, vers une expression intelligible, une mise en mots. Dès lors, il ne peut que chercher sa propre cohérence dans son refus de tes propositions. De deux choses l'une:
- La belle victoire ! En position ex ante, il est dans la pensée mythique, autrement dit: soit il se détourne en haussant les épaules, soit il m'accepte comme un guru.
- Tu oublies la possibilité qu'il apprenne, et te rejoigne, voire te dépasse.
- C'est très aléatoire !
- Oui, comme toute nouveauté, il suffirait qu'un seul en ait l'envie, pour faire le pas, nous en avons déjà parlé: si l'idée devient commune, elle ne t'appartient plus, elle vit sa propre vie en s'émancipant de ton cerveau.
- D'accord, partons de là. Mon approche pourrait trouver son utilité auprès de trois types de public, les uns s'intéressant à la représentation du Sujet, les autres à celle des objets, les derniers à la représentation en elle-même.
- C'est vaste, mais qu'est-ce qui pourrait trouver un écho dans chacun de ces trois champs ?
- Sans doute la question du temps et de l'espace.
- Voilà qui est ambitieux, mais vas-y, continue à tirer sur le fil. Qu'est-ce qui, dans ton approche, pourrait être vu comme "révolutionnaire"?
- Sans doute l'idée que la conception freudienne d'un "feuilleté Imaginaire", implique que ces deux notions d'espace et de temps, dépend du niveau Imaginaire auquel on se situe.
- D'accord, et dans cet ordre d'idées, que peux-tu proposer qui fasse sauter la baraque?
- Peut-être celle-ci:
"la physique ne peut pas produire de "théorie unitaire", c.-à-d. rendre compatibles les approches quantique et relativiste, sans réintroduire formellement la représentation du Sujet face à celle de l'Objet".
Je tourne autour depuis déjà un certain temps (note 2).
- Tu sais bien qu'il n'y a rien de plus difficile que de prouver une impossibilité!
- J'en ai pleinement conscience... Mais c'est le meilleur couteau à huitre auquel je puisse penser pour ouvrir ceux auxquels je m'adresse.
- Supposons que ce soit ton but. Comment penses-tu y arriver?
- Ah ! Nous y sommes. Nous pouvons déjà dire que la physique s'exprime dans un langage formel : les mathématiques.
On peut discuter de la relation physique/ mathématiques, et c'était mon dernier sujet (note 3), mais on ne peut nier que la physique s'exprime par les mathématiques. En particulier, la représentation de l'Objet s'exprime en termes mathématiques. C'est déjà totalement assumé, je te renvoie par exemple à Dirac.
Le second pas, c'est de montrer comment l'univers mathématique est lui-même conditionné par le Sujet. C'est toute la discussion que nous avons eu au sujet du niveau Imaginaire à partir duquel tel ou tel axiome mathématique s'exprime, pour en arriver à cette structure minimum de l'Imagine : I1<I01<IR<I#<I0.
L'idée que je m'en fait en ce moment, c'est que la représentation la plus complète qu'un Sujet puisse se faire d'un "Objet" est une métaphore de sa propre représentation; d'où mon intérêt pour le stade du miroir. De ce point de vue, l'idée la plus générale d'un "Objet" en théorie des catégories étant celle d'un topos, conduit à l'idée d'un "pont" (note 4) entre cette représentation et celle du Sujet lui-même.
- Et de là tu passes à la représentation du Sujet, mais qu'en diront les psychanalystes, les Lacaniens en particulier?
- Le problème c'est qu'en la matière, nous ne sommes plus dans un domaine scientifique. Les lectures de Freud et Lacan ont été pour moi source d'inspiration, mais je n'ai aucune envie de me lancer dans des querelles de chapelles. Par ailleurs, je m'intéresse plus à la "normalité" qu'aux aspects psychotiques ou névrotiques de la représentation. Je ne me sens pas le courage de me battre sur ce terrain. Les outils sont à disposition de qui voudra, mais je n'irai pas en première ligne.
- Je ne sais pas si ta position est tenable: tu reprends de Freud ta description de l'Imaginaire, tu veux l'imposer aux mathématicien, et tu t'en laves les mains ? Mais quelle justification vas-tu donner à cette structure de la pensée?
- Tu as raison, il faut que j'argumente un peu mieux. Disons que j'ai testé l'hypothèse de Freud dans le langage des mathématiques, et que j'y retrouve effectivement des ruptures, correspondant soit à l'introduction (ou non) de l'axiome du choix et l'hypothèse du continu, ou bien à l'introduction d'une double approche locale/globale. Ce sont des ruptures franches, et je n'ai plus besoin, à partir de là, de me référer plus avant à Freud. Le langage mathématique peut ensuite trouver un écho dans ce que Piaget rapporte de la genèse progressive de l'Imaginaire de l'enfant (note 5), mais de tels rapprochements ne sont que métaphores.
- Attend ! Ton approche du langage demande malgré tout que tu avances ta propre conception du rapport du Sujet à son langage, avant de l'appliquer au langage mathématique; et ça, tu dois bien le tirer de quelque part.
- Mais c'était l'objet de "L'Homme Quantique"! Il est vrai que j'ai bien avancé depuis et qu'il faudra que je reprenne et condense ma démarche, mais ce n'est que de la réécriture: j'ai déjà tout sous la main. Le point délicat, c'est qu'actuellement j'ai déjà intégré pas mal de concepts de la théorie des catégorie; autrement dit mon approche est contaminée par l'objet sur lequel je l'utilise. Un peu comme les maths sont contaminés par les questionnements du physicien.
- Et si tu abordais ton bouquin comme une thèse philosophique, de même que Descartes commence par son cogito ?
- Mais je n'ai aucune culture philosophique !
- Pas plus que tu n'as de culture scientifique ou mathématique. Cependant, il ne s'agit pas ici d'écrire un bouquin sur les théories philosophiques, mais de te questionner, voire de te poser en homme philosophant sur les fondements de son propre Imaginaire.
- Tu en reviens à mon introspection liminaire, et je retombe dans un conflit entre un préambule en forme d'auto-analyse et l'exposé sec d'une théorie réfutable.
- Nous tournons en rond, signe que nous n'avons pas encore la solution ! Fais un break et va te promener sur les berges de la Charente, ça te fera le plus grand bien...
- Amen.
Hari