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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Eros et Thanatos.

Le 10/ 10/ 2024 - Kyoto :

- Pourquoi cette image qui n'a rien à voir avec le titre ?

- Laisse-moi t'expliquer. Ce matin au réveil, et avant d'aller voir si le Mont Fuji était bien à sa place, j'ai rajouté une petite Note 9 à mon article "Japon — Les mots et les choses", que je reprends ici :

- En pensant ce matin au samouraï, je me dis que ma référence à la Légion n'est pas forcément exemplaire. Tout comme l'aspirant légionnaire, en rupture avec son passé lorsqu'il signe son engagement, le samouraï doit se trouver un maître faute de quoi il n'est rien d'autre qu'un ronin.
- Autrement dit le samouraï à travers son seigneur sert un domaine comme le légionnaire à travers la Légion sert un pays ?
- C'est à peu près le même schéma, à l'échelle près. Par ailleurs, comme toujours au Japon, l'art militaire va se codifier au fil du temps en bushido (la voie du guerrier, "do" signifiant "voie"). Ce qui marque peut-être une différence : le légionnaire le devient après son engagement quand le samouraï choisit sa voie avant de se trouver un maître...

- Mouais, c'est discutable, en tout cas pas très discriminant.
- On peut se mettre d'accord sur un schéma général : dans l'un et l'autre cas, il y a tout d'abord un choix et une rupture individuelle de type 𓁝[⚤][⚤]𓁜 , suivi d'un engagement strict à suivre une discipline: 𓁝[⚤]𓁜[⚤]𓁜.

- Et alors, qu'est-ce qui te chagrine là-dedans ?

- Il y a bien un schéma général qui se dégage : dans les deux cas, il s'agit d'un choix personnel, et de se plier à une règle (syntaxe) très rigoureuse, mais quelque chose me gênait car du coup, ce rapprochement trop évident, fichait par terre la distinction que j'avais tenté d'établir entre France et Japon. Et c'est alors qu'en surfant bêtement sur FaceBook comme toujours pour me réveiller (oui, ça me sert à m'endormir mais également à sortir des limbes du sommeil antes do café da manhã), je tombe sur une courte vidéo où quelqu'un explique cette histoire concernant Coca-Cola et Pepsi:

Dans un endroit où seul trônait un distributeur de Coca, un jour vient se coller un distributeur de Pepsi. Or il s'avère qu'au lieu d'enregistrer une baisse de ses ventes, le distributeur Coca vit au contraire ses ventes augmenter.

L'explication psychologique est la suivante :

  • Lorsqu'il n'y a qu'un distributeur, le Sujet est confronté au choix "j'ai envie d'un Coca ou pas"?
  • Lorsqu'il est face à 2 distributeurs, le Sujet change de registre et se demande "je préfère Pepsi ou Coca" ?

- Tu veux dire que la bouteille de Coca n'est pas dans le même contexte ?

- Voilà, et j'irais même jusqu'à dire que dans le premier cas, il s'agit d'un horizon ouvert, quand dans le second, l'horizon est limité à une alternative. C'est un schéma, bien entendu, le Sujet peut encore passer outre le choix offert, mais disons que son horizon se rétrécit, et la hausse des ventes en atteste. Vois-tu maintenant où je veux en venir ?

- Sans doute :

  • Lorsqu'un Sujet choisit de devenir Légionnaire, il peut ne rien connaître, ni de la France, ni de sa langue, n'avoir aucune attache culturelle ni aucun membre de sa famille ou de sa culture à proximité et sauter quasiment dans l'inconnu;
  • Lorsqu'un Japonais se fait Samouraï, il est déjà dans une culture bien déterminée, sachant quelle place est celle du samouraï et lorsqu'il choisit la voie du sabre, il choisit également de ne pas être paysan à passer sa vie le dos courbé à planter du riz.

- Pour discriminer les deux attitudes, il faudrait ne pas te limiter au niveau [⚤]...

- Oui. Si le Japonais doit se déterminer par le choix d'une classe, il faudrait passer au niveau [#], Quand au Légionnaire, j'avais parlé pour le Français d'un "choix existentiel" et là je crois qu'il faudrait situer le choix en [♻]. 

- Il faut approfondir tout ce que tu as écrit dans ton article alors, non ?

- Je n'en ai pas le courage ce soir...

Mis il y a autre chose à pointer avant que je l'oublie. Nous parlons ici de choix potentiellement mortels, pour le Légionnaire comme pour le Samouraï, et j'avais laissé couler de mon clavier ceci, à propos d'être Français:

"En fait, être Français est un choix éthique en 𓁝[⚤]♡ avant toute chose, conduisant à l'affirmation de soi en tant que citoyen en [⚤]𓁜♧, sans passer par aucune syntaxe ou règlement prédéfini de mode ♢. (Note 5)
La meilleure preuve que je puisse donner de ce passage direct 𓁝[⚤]♡↓[⚤]𓁜♧ est sans doute que nos héros sont en rupture : qu'il s'agisse de Jeanne d'Arc, de Robespierre, de Napoléon ou de de Gaulle. La rupture étant ce saut diachronique ↓ lui-même.

[...]
Il y a dans ce passage ↓ un instant suspendu comme dans le saut de l'ange, un pari, une incertitude, et une mort possible... Pour elle un Français doit mourir, Gavroche, Camerone ou Manoukian —fusse Louis XVI. (Note 8)
Note 8 :
Ça m'a échappé, mais oui, à la réflexion, il faut le rappeler ici, en pensant à la forme canonique des mythes. La mort de Louis XVI est aussi essentielle à la République Française que celle de la déesse Engoulevent pour les Jivaros."

- Oui, je vois où tu veux en venir : si le choix est un acte créateur, on doit voir réapparaître la forme canonique des mythes, et donc une disparition pour une création, comme la déesse Engoulevent meurt pour que la Femme, dont c'est le totem, puisse faire de la poterie.

- Voilà, et à partir de là, j'ai deux chemins :

  • Celui de François Cheng, parlant de l'âme (ou l'anima Latin), souffle de vie (voir "Comment parler de l'âme avec François Cheng") que je rapproche de la vertu/ virilité/ Eros, bref, cette énergie qui nous traverse, et nous anime un temps; quand la chose animée (ou animus) est mortelle, comme une mue d'un serpent éternel (va pour le Kundalani, tant qu'on y est);
  • Celui de Yuikio Mishima qui se fit seppuku après avoir loupé un "coup d'état" qui n'était que théâtral.

- Je ne vois pas le rapport.

- Mishima a fait un "choix", suivant la voie du Bushido —à ceci près qu'il n'avait aucune chance de vie— pour un Japon fantasmé, disparu depuis 1946.

- Autrement dit une mort pour une vie ?

- Tout ceci fantasmé bien entendu, et l'acte n'est pas franchement créateur du Japon, esthétique tout au plus. Par contraste, Louis XVI n'a pas choisi sa mort, mais cette fois-ci, la République s'est "dépouillé" de lui, et l'on peut y voir un mythe —notre histoire nationale— se créer, et la forme canonique est bien là...

- Et le rapport avec l'âme de Cheng ?

- Ce qui est mortel c'est l'animus, et lorsque au plus profond de lui le Sujet fait un choix, c'est l'anima qui fait sa mue, en se dépouillant de l'animus —tout ou partie.

- Choisir c'est mourir un peu... Eros et Thanatos ?

- Sauf qu'il ne faut pas inverser le processus : le serpent se dépouille de sa mue pour grandir, soit, mais ce n'est pas en le dépeçant que tu vas l'y aider. On ne peut pas mettre Eros et Thanatos en opposition dialectique.

- On peut quand même dire que Mishima a fait un choix existentiel.

- Paradoxalement, oui, mais cet acte, créatif dans sa forme le plus pure, n'est lié qu'à son propre anima et non au Japon.


Le 12/ 10/ 2024 — Kyoto :

-J'ai l'impression que tu t'égares dans des considérations bien philosophiques ces temps-ci, au risque de t'y perdre, non ?

- Pour reprendre la métaphore de nos distributeurs de soda, on pourrait sans doute présenter le problème sous un autre angle : nous est-il possible de nous représenter —nous Humains— d'une autre façon que comme la peau mortelle (une mue) d'un serpent éternel (le Kondalani), ou si tu préfères le corps mortel (et l'esprit) d'une âme éternelle (en reprenant le langage de François Cheng). (Note 1)

- Tu tournes en rond mon pauvre vieux, c'est un chemin que tu as déjà emprunté mille fois sur ce blog.

- Je m'exprime sans doute assez mal : est-ce que cette métaphore Kondalani-âme/ mue-esprit:

  • est un choix philosophe personnel guidé par une expérience ou un conditionnement Symbolique imputable à ma culture en 𓁝[∅]☯, dans un contexte indéfini, c'est le distributeur de Coca seul dans son coin, ou bien,
  • est-ce quelque chose de plus concret, potentiellement déterminable, dicté par exemple par la configuration de mon cerveau qui prend conscience des choses en rapportant un percept à un concept au niveau de l'hypothalamus ? Dans ce cas, je peux raisonner ce choix par comparaison à d'autres organisations possibles de ce que serait "un cerveau", celui d'un poulpe ou d'une IA, et je suis dans le cas du distributeur de Coca dans une rangée d'autres distributeurs, Pepsi, Schwepps et j'en passe. 

- En gros, tu voudrais rationaliser —au sens propre du mot— un discours qui t'échappe en terrain philosophique, n'est-ce pas?

- Oui, car si je m'en tiens à mon idée de représenter tout Imaginaire du Sujet par un topos, par exemple, il faudrait que ma représentation ne dépende pas d'un choix philosophique qui me soit personnel.

- Bref, tu es comme ces mathématiciens qui voudraient construire les raisonnements sans faire appel à l'axiome de choix... Et bien je vais tout de suite te rassurer : c'est impossible.

La seule chose possible, c'est la répétition indéfinie [♻]𓁝⇆𓁜[∅], ce qui revient dans ta métaphore à aligner les distributeurs en série dénombrable, sans jamais sauter le pas rationellement au-delà de 𓁝[∅].

Désolé mais non, il est impossible d'éviter l'ouverture finale sur une la posture 𓁝[∅]☯. C'est non seulement dans ta représentation de l'Imaginaire, mais également dans ta présence, ta présentation au Monde. Il suffit d'en être conscient et de l'annoncer d'entrer de jeu comme au bridge. C'est l'aspect fractal du discours...

- Bon soit, je n'ai pas à m'en excuser, mais je ne voudrais pas non plus manipuler l'Autre de mon discours en lui imposant comme évident, ou pire "scientifique", ce qui ressort de ma propre croyance ou choix.

- OK, il y a d'abord cette annonce à exprimer clairement, ensuite, tu peux avancer que ce "choix" est le plus universel (au sens de "propriété universelle" en théorie des catégories (Note 2)) que tu puisses proposer. Ça ne ferme pas la porte à la contradiction, mais ça va demander à ton contradicteur éventuel un sacré effort d'imagination !

- Comment cela ?

- Et bien oui, car cette "force vitale" ou Kondalani qui te traverse le temps que tu en a conscience, est une métaphore du rapport de l'énergie à la matière en physique. Tu peux en exprimer :

  • la conservation en [♻]
  • les symétries en  [#]
  • l'indétermination en  [⚤]

et c'est Noether, etc., tu connais la leçon par coeur. Bon, est-ce que la crise est passée ?

- Oui, merci ça va mieux. Il est temps d'aller voir la forêt de bambous.

 

Hari

Note 1 :

- Ça revient, in fine, au vieux débat entre le multiple, périssable et sublunaire, opposé à l'Un, renvoyé à la sphère Céleste et lao moteur immuable de Platon ou la "causa sui" de Spinoza, et de bien d'autres, dont Descartes.

"Par cause de soi, j'entends ce dont l'essence enveloppe l'existence, autrement dit ce dont la nature ne peut être conçue sinon comme existante." Éthique, Partie I, Définition 1 (merci MISTRAL)

Franchement, ce n'était pas la peine de vouloir s'en émanciper (voir '"Qui a tué Platon?") pour y revenir à pas feutrés.

- Oui, je m'en suis rendu compte en cherchant à définir ce qu'était de se "sentir" Français (ici), en dehors de toute syntaxe et sans catégorie, autrement dit dans une pensée réduite à cet espace (celui qui se dégage de nos réflexions sur la querelle des Universaux) :

  [∃] [⚤] [♲] [∅]
  [∃] [⚤] [♲] [∅] 

Avec un discours bouclant l'intention sur l'attention (i.e.: 𓁝⏩𓁜) qui se calque sur celui de Descartes, (i.e.: bouclant la substance [♲]♡ sur l'existence [∃]) : j'existe comme Français𓁜♧ parce que je le 𓁝choisis.

Ce qui, il faut le reconnaître, est un discours un peu grandiloquent, style Appel du 18 Juin, loin de ma réalité quotidienne, dans laquelle je ne traîne pas derrière moi un drapeau tricolore.
Note 2:

Voire de catégorie nécessaire à l’entendement comme l’espace et le temps au sens de Kant.

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