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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Une épistémè en gestation

Tintin et Haddock — le crabe aux pinces d'or

Le 28/ 04/ 2025 — Châtenois-Les-Forges

- Vendredi dernier, lors d'un banquet, j'ai tenté de présenter à mes voisins de table, l'idée selon laquelle notre Imaginaire ne se résume pas à un discours linéaire mais se projette selon deux directions orthogonales...

- Ce que tu présentes ici comme : 

  • (𓁜𓁝) La voie des choses;
  • (♧𓁜𓁝♡) La voie de mots ?

- Oui, exactement. C'était la base nécessaire avant de parler du cogito cartésien (Note 3), qui s'invitait dans notre discussion. Mais force est de constater que ce qui est, pour moi, ici et maintenant, comme le fondement incontournable de tout discours quelque peu substantiel, reste de l'Hébreu pour mes amis proches, que je connais et côtoie depuis 30 ans ou plus.

- Bref, tu es sur une autre planète ?

- Oui, je passe un peu pour le Tryphon Tournesol de la bande.... Et c'est d'autant plus déprimant que c'est à ces amis éloignés que je m'adresse in petto, en écrivant ici. 

- Mais tu le sais depuis longtemps, non ?

- Bien sûr, mais j'ai le sentiment que le fossé s'élargit au fil du temps. Plus j'avance dans ma démarche, plus je m'éloigne d'eux.

- Comment pourrais-tu exprimer clairement par la parole ce qui est par essence une représentation visuelle de notre façon de penser ? Il faudrait trouver le bon canal de communication.

- C'est ce qui me tarabuste, et c'est un peu pour cela que je me suis inscrit à ces séminaires de Cerisy (Note 1).

Julia Pagé

- Tu n'es pas le seul à te poser ce genre de questions : ce matin je lisais encore dans Courrier International qu'un collectif de journalistes de Radio Canada tente de présenter "autrement" leurs articles pour atteindre les jeunes (et moins jeunes) accrochés aux réseaux sociaux, en adoptant des formats adaptés à Tic Toc (projet RAD). 

- À ceci près qu'il s'agit pour eux d'aller encore plus vite, de condenser le discours, quand il s'agit pour nous de passer au visuel, de l'étaler en quelque sorte. C'est pour cela qu'il faut aller voir du côté du cinéma...

- Tu as déjà fait quelques tentatives, souviens-toi de la textique de Ricardou, toujours dans le cadre de Cerisy. (voir "Perception du temps" de 2017, déjà!), ou encore de tes contacts avec Mioara Mugür Schachter en 2013 lorsque tu écrivais "L'Homme Quantique". Elle t'avait parlé de la méthode MRC (Méthode de Conceptualisation Relativisée) qu'elle développait alors pour renouveler notre approche de la mécanique quantique... Bref, tu es au creux de la vague...

- Oui, mais vois comment vont les choses : ce matin, en parcourant mes emails, je tombe sur celui de Frédéric Lepage qui fait de la promotion pour ses cours d'écriture (Note 2). Il y parle des difficultés d'un auteur qui ne sait plus quoi faire de son héros, et tout d'un coup, j'y vois comme une mise en abîme de ma propre situation !

- Parfait, et donc si tu étais le héros de ton histoire, que te donne-t-il comme conseil pour en sortir ?

- "Ma méthode personnelle pour traverser le gué :
Avant tout, je m’impose une règle simple : écrire. Même n’importe quoi. Écrire, encore et encore..
Car de cette matière brute jaillit souvent l’étincelle.
"

- Et quel serait ton "n'importe quoi" du moment ? 

- Avant de lire ces lignes, je cherchais une façon concrète, visuelle, voire cinématographique, de faire comprendre la nécessité de la double posture 𓁜𓁝 du Sujet, et je pensais aux couples de héros qui ont bercé ma jeunesse. Pour m'amuser j'en ai tiré cette galerie de portraits :

Tintin & Haddock
Dupond & Dupont
Astérix & Obélix
Tanguy & Laverdure
Holmes & Watson
Black & Mortimer
Poirot & Hastings
Laurel & Hardy
Boule & Bill
Spirou & Fantasio
Bouvard & Pécuchet
Bouvard & Pécuchet
Gaston & Prunelle

- Et je suppose que dans ce dialogue que tu tisses entre nous, j'occupe la place du faire-valoir ?

- Disons que je te mets bien souvent dans la posture 𓁝, par rapport à la posture 𓁜 que j'assume en tant qu'auteur 𓂀.

𓁝- Tu pourrais reprendre l'idée de Damasio dans "Les furtifs", en caractérisant chacun par le symbole qui identifie sa posture lors de son intervention...

𓁜 - Oui, et ça rejoindrait le soucis de Ricardou de commencer toute assertion dans ses textes théoriques par un "oui" marquant ce que j'appelle la "posture ex-post"....

Mais c'est plus complexe que cela : il faudrait également marquer la diffénce (𓁜𓁝)⊥(♧𓁜𓁝♡) : nous en avons vu toute l'importance dans l'article "Des métaphores à la folie". Bref il y a toute une chorégraphe du Sujet valsant sur son Imaginaire (la valse en question étant le topos en lui-même) à représenter par une typographie simple et élégante. (Note 4)

- Je vois que tu n'es pas trop sérieux aujourd'hui, et qu'il est temps de clore cet échange avant d'en arriver aux dialogues d'Audiart...

- Amen.

Hari

Note 1 :

Le premier répond à mon goût pour le "Space opera", quant au second, il me donnera je l'espère le plaisir d'entendre François Jullien qui m'a donné beaucoup à méditer avec son "Traité de l'efficacité" comme introduction à la pensée Chinoise.

Si d'aventure quelques-uns d'entre vous pouvaient s'y rendre, cela nous donnerait l'occasion de bonnes et belles discussions ! 😋

Note 2 :

Voici le texte de l'email de Frédéric Lepage :

"Il y a dans toute traversée un moment où l’on ne voit plus ni le rivage d’où l’on vient, ni celui vers lequel on se dirige. J'appelle ce moment : le milieu du gué.
Votre héros peine à le franchir, en plein cœur du récit ; et vous aussi, alors que vous tracez ce récit depuis plusieurs semaines, avez du mal à vous projeter au-delà. Ce point de bascule, entre énergie initiale et accomplissement final, est redouté par tous les écrivains. C’est là que naissent les plus grands doutes, les peurs les plus sourdes, et parfois… l’envie d’abandonner.
Mais laissez-moi vous rassurer : ce creux, aussi inconfortable soit-il, est aussi un passage obligé. Il est la preuve que vous avancez. Que vous êtes investi. Que vous tenez à ce que vous écrivez.
Le syndrome du milieu : entre vertige et silence
Vous avez passé des semaines à donner vie à un monde, à des personnages, à des intrigues savamment nouées. Et soudain, tout se fige. Vous n’avez plus d’élan. Vous ne savez plus comment sortir vos personnages du piège dans lequel vous les avez enfermés. Vous doutez de la pertinence de votre intrigue, de la solidité de votre structure. Vous vous dites : “Et si je m’étais trompé dès le départ ?”
Ce vertige, qui survient au pire moment, ne vient pas de l’extérieur. Il vient de vous.
Les trois peurs tapies dans l’ombre

  1. La peur d’être jugé.
    Celle qui vous murmure que vos proches riront de vos personnages, de votre style, de votre ambition même.
  2. La peur d’échouer.
    Celle qui vous dit que tout cela ne servira à rien, que vous êtes un imposteur, que vous n’avez pas le talent nécessaire.
  3. La peur… de réussir.
    Oui, réussir fait peur. Car cela implique un changement. Une nouvelle exposition. Un bouleversement de votre équilibre.

Ces peurs sont normales. Elles sont humaines. Mais elles ne doivent pas devenir vos guides. Apprenez à les reconnaître. Puis à les dépasser.
Que faire quand on ne sait plus avancer ? Commencez par respirer. Puis, revenez à l’essentiel. À la structure. Avez-vous perdu le fil ? L’avez-vous abandonnée volontairement ? Ou votre histoire vous a-t-elle emmené ailleurs ? Analysez. Réfléchissez. Réparez. Et, si nécessaire, reconstruisez. Ce n’est pas un échec, c’est un passage obligé, au cœur du travail de l’écrivain.
Parfois, il suffit de relire une phrase bien écrite. Une seule. Et tout revient. L’élan. La confiance. Le désir.
Ma méthode personnelle pour traverser le gué Avant tout, je m’impose une règle simple : écrire. Même n’importe quoi. Écrire, encore et encore. Car de cette matière brute jaillit souvent l’étincelle.
Exercice pratique de la semaine
Prenez votre personnage principal et placez-le dans une impasse. Pas une impasse narrative : une vraie impasse émotionnelle. Offrez-lui trois nouveaux obstacles. Trois coups durs. Trois péripéties inattendues. Et observez. L’énergie revient. Le feu se rallume.
En attendant, souvenez-vous de cette phrase de Dean Ray Koontz :
« Les meilleures œuvres sont le fruit de l’humilité. Elles naissent dans ces moments à la fois angoissants et exaltants où les écrivains prennent conscience des limites de leurs compétences. »
C’est dans la difficulté que se forgent les grands livres.
"

Note 3 :

- Je n'avais bien entendu pas l'espace pour développer ce que nous avons pu dire ici du cogito. Voir en particulier la fermeture de l'Imaginaire comme plan projectif dans "Syntaxe de l'Entropologie".

Note 4 :

- J'ai proposé à Perplexity de réécrire cette phrase en Alexandrins, voici sa proposition :

🤖 : "Une danse du Moi valse au cœur de ses songes,
Le topos lui-même guide ses mensonges.
Il faudrait l’esquisser, d’un trait pur et subtil,
Par la grâce d’un style élégant et facile
."

- J'aime bien l'ajout de cette idée de "mensonge" qui rime avec "songe" : c'est tout le combat philosophique entre Platon et les Sophistes qui nous est proposé par l'IA !

- Et que penser de la "danse du Moi" ? 

- Pourquoi pas, puisque le "Moi" ne se livre que dans ses mouvements. Tout est mouvement, et l'IA semble l'avoir compris !

- Et puis "le topos lui-même guide ses mensonges" ?

- J'y vois l'actualisation (il guide) d'un acte parmi un ensemble de possibilités. Que l'actualisation, pris comme décohérence d'un état intriqué, soit un mensonge me semble très intéressant : toute mesure répondant à une intention du Sujet porte à faux, et trahit l'essence même de l'objet de son attention.

- Je m'imaginais pas notre IA si philosophe ! 

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