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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Récoltes et semailles # 10 Les portes sur l'Univers #4

L'homme du Ciguri — Moebius

Les portes sur l'univers
(appendice à "La clef du Yin et du Yang")

  1. Le roc et le sable
  2. Choses polyandres et choses polygames
  3. L'ambiguïté créatrice (1) paires, ribambelles et rondes
  4. L'ambiguïté créatrice (2) Le renversement des rôles
  5. L'ambiguïté créatrice (3) la partie contient le tout
  6. L'ambiguïté créatrice (4) les extrêmes se touchent
  7. Mes perplexités "contenant-contenu et "le lourd-le léger"
  8. La quête de l'unité
  9. Généralité et abstraction — ou le prix à payer
  10. Histoire d'icosaèdre et d'arbres de Noël
  11. Désir et nécessité — ou la voie et la fin
  12. Précision et généralité — ou la surface des choses
  13. L'harmonie — ou les épousailles de l'ordre et du mystère
  14. Le caractériel et le caractéristique  — ou l'accordéon cosmique
  15. Découverte ou invention ? - ou le scribe et l'autre"
  16. La fleur et son mouvement — ou : plus je m'éloigne, plus je m'approche
  17. Chaos et liberté — ou les soeurs terribles
  18. Le vague et le précis — ou l'épuisette et la mer
  19. Ordre et structure — ou l'esprit de précision
  20. L'abstrait et le concret (1) : naissance de la pensée
  21. L'abstrait et le concret (2) : le miracle de la simplicité
  22. L'abstrait et le concret (3) : les strates du langage — ou la peau et l'étreinte
  23. Abstraction et sens — ou le miracle de la communication
  24. La langue des images — ou le chemin du retour
  25. Les portes de l'Univers :
    • A) Portes et trous de serrure (répertoire)
    • B) L'Arbre
    • C) La fenêtre
    • D) Le biicosaèdre

Le 28/ 01/ 2024 : (suite du #09)

15/ Découverte ou invention ? - ou le scribe et l'autre"

"Est-ce une invention, plus ou moins abracadabrante de mon esprit, ou est-ce bien une découverte de quelque chose qui "existe" bel et bien, indépendamment de ma modeste personne ?" p. 1208

- À tout le moins pourrait-on indiquer à A. G. que son interrogation n'est pas neuve et nous renvoie à Socrate tentant de prouver à Ménon que son esclave sait déjà, quoique inconsciemment, que le carré de 4 n'est pas 8 mais 16.

- La question est plus personnelle...

- Elle vient aussi d'un esprit matheux, naviguant dans un milieu où la question à des accents pour le coup très platoniciens : lorsque l'on "découvre" une certaine propriété d'un nombre, est-ce que cette propriété est le fruit d'un cerveau humain, ou est-ce que les nombres sont d'un "domaine des idées" aussi concret, aussi résistant à mes désirs que la pierre du chemin heurtant le genou du maître de Jacques ?

- Notre exploration d'hier en terre Yi King (voir "de Fuxi à Grothendieck") inciterait à penser qu'il retrouve une forme de circulation entre Yin et Yang déjà explorée depuis plus de 2000 ans, et familière aujourd'hui à quelques milliards d'individus...

- Oui, cette petite balade nous a même permis de situer sa démarche par rapport à la nôtre en termes de "bagua" : il serait plutôt du "bagua du ciel antérieur", soucieux de l'équilibre entre Yin et Yang, quand je m'intéresse plutôt à l'évolution, dans le style du "bagua du ciel postérieur".

- L'approche de A.G. ne devrait pas surprendre si l'on tient compte du fait qu'il tire sa connaissance du Yin Yang de son gendre qui lui parle de médecine traditionnelle Chinoise, c.-à-d. de la recherche de l'équilibre de la circulation du Qi entre les différents chakras. Avec en particulier l'équilibre entre le coeur—Yang—feu et les reins—Yin—eau : 

La roue des 12 hexagrammes mélancoliques

- Et si nous lui rendions la parole ?

"Depuis que je fais des maths, je ne me suis encore jamais posé une telle question — je sais bien, sans avoir eu jamais à me le dire, que je n'invente jamais rien, mais bien que je découvre des choses qui existent — des choses qui existaient de tout temps. Même le bon Dieu, il n'a jamais eu à les créer, et si ça se trouve, Il ne les connaissait peut-être pas plus que moi, avant que je ne les amène au jour." p. 1208

- Qu'est-ce que je te disais, il n'y a pas deux minutes ?

- Ok, mais nous ne sommes pas ici pour entamer une discussion philosophique, avance un peu.

- Il a deux intuitions fortes :

1/ Son diagramme "d'équilibre parfait" est un fil conducteur pour pousser plus avant son exploration.

2/ C'est la "quasi-conviction" qu'il doit exister au sein de cet ensemble hétéroclite de "termes" et de "couples", une grande richesse de structures (au sens mathématique du terme).

Commentaire : 

  • Sur le point 1 : OK sur le point de départ dual Yin/ Yang. Cependant, il est limité dès l'origine par cette approche "médecine Chinoise"  à la recherche d'équilibre (le côté bagua du ciel antérieur);
  • Sur le point 2 : Oui, avec enthousiasme, et c'est même ce qui me pousse à lire son livre, passablement "étouffe-chrétien" par moments (encore 600 pages à parcourir...) parce que mon intuition à moi, c'est qu'il a déjà la clef de la serrure qu'il recherche...
Alaya Project

À propos de ces "structures", il revient sur la première qu'il a trouvée : l'icosaèdre associé aux liaisons entre les six sommets (Totalité/ Simplicité/ Unité/ Structure/ Causalité/ Ordre), sur lequel je ne me suis pas trop arrêté. Au sujet d'une structure du même type, mais à 8 sommets, tirée du Yi King, je te recommande d'aller voir cette animation 3D.

- Nous restons toujours dans l'univers Platonicien : lui avec l'icosaèdre, et toi avec l'octaèdre... Tu ne vas pas tous nous les passer en revue ?

- Non, c'était juste pour le plaisir de te taquiner; mais je suis frappé malgré tout qu'il se contente de métaphores aussi "statiques" :

"Enfin, la deuxième structure remarquable (par sa richesse en symétries, mais aussi par les connotations extra-mathématiques associées au nombre 12) vient d'apparaître aujourd'hui même, avec cette fameuse «fleur cosmique» ou «double zodiaque». Pourtant, je n'ai fait qu'amorcer à peine un travail - ou pour mieux dire, je me disposais simplement à accompagner d'un commentaire de quelques pages un répertoire de couples yin-yang et un certain diagramme de groupes d'affinité formés par ces couples. Je ne songeais nullement à aller chercher d'autres diagrammes que mon innocent arbre de Noël, et encore moins de savantes structures icosaédrales ou bi-zodiacales ! Qu'elles soient pourtant apparues est un signe qu'il doit y avoir ici une mine ignorée, attendant qu'on l'amène au jour." p. 1210

J'espère simplement que l'inventeur (ou découvreur) des "topos" ne va pas s'en tenir aux solides de Platon ! Je n'ai pas fait le voyage pour ça !

- Laisse-lui le temps de prendre son élan, et avance...

"La structure mathématique de départ, dont il s'agit de déduire des structures «dérivées» intéressantes du point de vue aussi bien mathématique que philosophique (par la signification associée aux «sommets», «flèches » et «liens» qui entrent en jeu), me semble être la suivante. L' «ensemble de base» sur lequel on travaille est l'ensemble T des «termes» qui interviennent dans un certain répertoire de couples yin-yang, qu'on aura dressé aussi exhaustif que possible. (Ce sera, par exemple, mon répertoire donné plus loin, qui a d'ailleurs été revu et augmenté plusieurs fois au cours de ces derniers jours mêmes...) Sur cet ensemble de base, je discerne à vue de nez deux structures distinctes.

  • L'une est une structure de «graphe orienté», décrit par les couples yin-yang du répertoire, interprétés comme des «couples» (a, b) (au sens mathématique du terme) d'éléments (distincts) de T, dont le premier désigne le terme yang, le deuxième le terme yin du couple. Graphiquement, représentant les «sommets» du graphe par des points (dans un plan, ou dans l'espace - attention, il y en aura un bon paquet, dans les trois ou quatre cents !), les «couples» seront représentés par des «arêtes» joignant les deux sommets correspondants, avec en plus, sur cette arête, une «orientation» ou un «sens de parcours» sur l'arête, « allant du yang vers le yin». Comme je l'ai souligné dès le début de cette réflexion, il semble bien qu'une fois choisi l'ensemble T des «termes», représentant les qualités et entités cosmiques qu'on se propose d'étudier, la structure de graphe orienté correspondante est déterminée sans ambiguïté. C'est-à-dire, pour deux termes a et b dans T, on peut décider (par une intuition ou une réflexion de nature «philosophique», visiblement extra-mathématique) si ces deux termes «forment un couple», et si oui, lequel des deux termes y joue le rôle yang (ou encore, doit figurer comme «origine» de l'arête orientée joignant les deux sommets représentatifs de a et de b). p. 1211

Comme tu le vois, il suffisait d'être un peu patient : là il nous décrit une Catégorie, faite de morphismes (les flèches entre des objets).

  • La deuxième structure qui est intervenue jusqu'à présent, se superposant à la première, est la structure d'affinité. En langage mathématique courant, c'est encore une structure de graphe (mais non orienté cette fois), consistant dans la prescription, parmi l'ensemble de toutes les «paires» possibles d'éléments de T (i.e. de parties de T réduites à deux éléments a, b), d'un certain sous-ensemble, formé des paires (a, b) = (b, a) pour lesquelles a et b sont considérés comme étant «voisins», ou comme «présentant des affinités». Cette notion d'affinité est, elle aussi, de nature «philosophique», mais cette fois beaucoup moins clairement définie. Il n'y aura guère de lecteur qui ne décèlera, sans nuance d'une hésitation, une «affinité» entre « rêve» et «imagination», ou entre «rêve» et «le possible». Par contre, la question si «rêve» est voisin de «hasard», ou de «jeu», voire de «liberté» ou d'«abandon», aura sûrement des réponses bien différentes d'une personne à l'autre, et même chez la même personne, suivant les dispositions dans lesquelles elle abordera cette question." p. 1212

Et là, j'éprouve une très grande gratitude envers Grothendieck qui nous présente en termes simples comment nous pouvons nous approprier le concept mathématique de "topologie"; et légitime de ce fait l'usage que nous en faisons, comme M. Jourdain fait de la prose sans le savoir !

- Il a quand même fallu ingurgiter 1212 pages pour apercevoir enfin une lueur d'espoir au bout du tunnel...

"Et ces choses que nous écrivons comme si un autre écrivait par notre main, et que nous croyons apprendre en les écrivant - quelque part en nous, en des profondeurs ignorées, elles étaient sues déjà bien avant que notre main ne les écrive, et n'attendaient que l'attention intense du scribe à l'écoute, qui veuille bien les consigner." p. 1213

Quel dommage de toujours s'adresser à des morts, bien plus intéressants au demeurant que des vivants muets ! A.G. n'aura jamais su quel scribe 𓁝Hari l'attendait depuis si longtemps ! 

16/ La fleur et son mouvement — ou : plus je m'éloigne, plus je m'approche

- A.G. revient sur les passages YinYang et YangYin, un "aller-retour" prenant la forme d'un mont ou d'un pétal dans sa rosace. Tu sais ce que j'en pense, mais après ce qu'il vient d'écrire juste avant, je n'ai pas le coeur à polémiquer.

- Il trouve à cette construction deux obstructions concernant des pôles passablement signifiants, qui l'amènent à hésiter entre les couples: 

Loi—Liberté & Nécessité—Hasard
ou
Loi—Hasard & Nécessité—Possibilité

À propos du hasard et de la nécessité, A.G. évoque un biais culturel qui dure depuis Démocrite (moi-même je pensais au livre de Jacques Monod). Après réflexion, il en vient à associer le hasard et la "loi" au sens que lui prête le scientifique de "loi naturelle". Il ne pousse pas l'analyse plus loin, et c'est bien dommage.

- As-tu quelque chose à dire à ce sujet ?

- Il y aurait de quoi remplir quelques livres ! Rien qu'en utilisant notre syntaxe:

  • La loi s'exprime ex post, en [♻]𓁜;
  • Le hasard est dès l'origine de la représentation dans :
    • Le passage diachronique [∃][⚤];
    • Les changements de posture 𓁜𓁝;
    • Le triptyque d'Emmy Noether qui est pour nous, une loi [♻]𓁜
  • La possibilité est vue ex ante 𓁝[α] comme faisant partie d'un tout 𓁝[α]𓁜;
  • La nécessité : ne peut qu'être relative au Sujet qui s'exprime et doit se discuter dans la dialectique de l'intention et de l'attention, avec en bouclage de l'Imaginaire l'idée de Dirac qu'une mesure est une réponse à une question : 𓁝[⚤][♻]𓁜;
  • Dans l'articulation de tous ces termes, il importe de discriminer entre ce qui relève :
    • du virtuel, et là nous sommes dans un rapport entre modes ♡♢ ou ♡♧;
    • du potentiel et là nous sommes limités à ♢♧.

Mais passons... Ensuite, il comprend qu'en décrivant un "sens" de circulation (i.e. positif pour le Yang et négatif pour le Yin) il a ipso facto, sur deux crêtes Yang consécutives un positionnement relatif du sommet amont "moins Yang" que le suivant, et donc un rapport Yin - Yang entre les deux...

- En somme il redécouvre ce qu'un oiseau sait d'instinct : s'il pose les deux pattes sur un fil à haute tension, il y a une différence de potentiel minime, certes, mais mortelle pour lui, entre ses deux pattes réputées "à la même tension".

- Exactement, ce qui devrait l'inciter à reprendre toute sa construction à la base, pour retrouver (c'est un exemple) la double circulation (également entre 12 pôles) que nous avons vu hier par hasard (voir "de Fuxi à Grothendieck"), utilisée en médecine traditionnelle Chinoise (dans l'approche même de A.G.) : 

Emmanuelle Casati — Michel Pradier

Où l'on retrouve l'idée d'une "onde porteuse"...

- L'électricité en un modèle qui formate notre Imaginaire depuis déjà deux siècles...

- Certes. Autre type de réflexions, concernant la position centrale du Yin dans de diagramme en forme de fleur; sa partie "charnue" en opposition à la partie Yang, à l'extrémité des pétales, et Yang.

- Il retrouve une opposition déjà bien connue, qui se retrouve dans la constitution des Hexagrammes, où :

  • Les 2 triaits du haut représentent "Le Ciel"
  • Les 2 traits du centre représentent "L'Homme"
  • Les 2 traits du bas représentent "La Terre".

- Bien entendu, et tu remarqueras qu'en chaque position, les traits adoptent chacune de valeurs  :

  • "- -" Yin
  • "—" Yang

- Autrement dit que "Le Ciel", Yang par construction dans l'Hexagramme peut être :

- Une pierre dans le jardin de A.G. ?

- Un caillou tout au plus.

- Toujours est-il que si la doxa place la Mère—Yin au "plus charnu" et "terre à terre", si je puis dire, et corrélativement l'aspect Yang au plus éthéré des cieux, tu sembles en contradiction avec cette évidence, lorsque tu exprimes les postures du Sujet face aux objets initial et final :

  • Yin— 𓁝, dans la posture la plus élevée (aérienne) 𓁝[∅];
  • Yang—𓁜, dans la posture la plus concrète (terrestre[∃]𓁜.

- Oui, ça ne m'a pas échappé. Mais, comme le remarque A.G., les extrêmes se touchent.

  • Rien de plus évanescent que le vide, et pourtant, c'est du vide qu'est né l'Univers, dans la théorie du Big Bang; c'est du verbe de Dieu qu'est né le monde, selon la Bible... C'est au sein—𓁜 de la Mère que le Bébé—𓁝 tire sa vie... Le sens le plus élevé est associé à la substance même de la vie;
  • En miroir, le choc immédiat, l'intrusion du Réel dans l'Imaginaire, qui est des plus concrètes dans ses effets corporels, est d'abord ce qui a le moins de sens à nos yeux.

Je ne vais pas me battre sur ce point, et te laisser avec ce sujet de méditation sur le sens de nos postures :

  • 𓁝[∅] : si le Sujet est en posture Yin, c'est que l'objet de son intention/ attention est Yang de son point de vue ;
  • [∃]𓁜 : si le Sujet est en posture Yang, l'objet de son intention/ attention est Yin, de son point de vue.

- Autrement dit un "objet" n'est ni Yin ni Yang "en soi" mais "les deux" avant son "observation" ?

- C'est la principale critique que j'ai à l'égard de l'approche de A.G. :

On ne peut pas aborder la philosophie du Yin/ Yang
avec un état d'esprit foncièrement platonicien.

D'ailleurs, il n'arrête pas de se frotter aux difficultés que suscite son parti pris non-relativiste initial.

- Pourtant, l'intuition est là :

"La dynamique de la quête suggérée par la fleur cosmique est celle de l'extérieur se portant à la rencontre de l'intérieur, de la surface cherchant la profondeur, de la lumière cherchant la nuit et se fondant en elle sans l'épuiser jamais.

Et c'est aussi Éros l'enfant, qui sans cesse renaît de la Mère et s'élance à la rencontre du Monde, de l'Illimité, pour La retrouver. Ainsi au matin la lumière naît des brumes et de la nuit, pour y retourner le soir et s'y abîmer. Ainsi l'ordre se décante du Chaos originel, pour retourner au Chaos quand meurt un Univers — avant de renaître de ses cendres à l'Aube qui suit le Soir..." p. 1218

- Oui, l'enfant—Grothendieck déborde de la cage du Patron—Grothendieck, comme le mouton du Petit Prince déborde toute représentation de l'adulte...

- Une sorte de mouton de Schrödinger que ce mouton-là !

- Nous y revenons toujours 😏

Quant à l'idée d'une dualité de 2 mouvements de sens opposés :

"Plutôt que de parler de deux mouvements, il me semble que ce serait cerner la réalité de plus près que de parler d'un seul et même mouvement. Nous le percevons par ses deux tonalités, l'une grave et l'autre claire, étroitement enlacées : celle d'un  retour» ou d'une «mort», dans le giron obscur des choses encore à naître — et celle aussi (que j'avais eu tendance d'abord à oublier) d'un «départ» ou d'une «naissance», à la claire lumière du jour.

Il peut paraître difficile, voire impossible, de représenter par une image géométrique un «mouvement» qui se ferait dans deux directions opposées à la fois - une direction de départ qui éloigne du centre, et une de retour qui y ramène. L'idée même dun tel mouvement pourrait sembler en contradiction avec la saine logique. Il n'en est rien pourtant. Nous pouvons nous figurer la fleur cosmique comme une figure immergée, non dans le plan, mais dans une sphère, avec les deux cercles du yang et du yin figurés encore par des cercles concentriques. La figure la plus belle, la plus riche en symétries, sera obtenue en traçant les cercles yin et yang de part et d'autre et équidistants d'un même équateur. Ceci fait, si on prend le mouvement de «départ» en direction perpendiculaire au cercle yin, ce mouvement se poursuivrait le long des «méridiens» issus du «pôle yin» (ou pôle nord), en s'éloignant de ce pôle. On voit alors qu'en poursuivant ce mouvement tout le long d'un tel méridien, en commençant à s'éloigner de la calotte yin, on finit par y revenir (après la traversée de la calotte yang). C'est donc bien là un mouvement où « tout en s'éloignant (du pôle yin), on se rapproche » — mais « par l'autre côté »." p. 1230

Avoue que cette "bande équatoriale" ressemble fort au raboutage d'une surface topologique selon un bord commun (le côté "a" du dessin).

- À ton avis, combien de temps lui aurait-il fallu pour qu'il pense de lui-même à tordre la représentation pour arriver à ton ruban de Moebius ?

- Nous ne le saurons jamais, mais remarque de quelle façon il en est venu, de lui-même, à une représentation de l'Imaginaire en 2D, avec la nécessité de penser à une "perpendicularité" pour s'exprimer. Remarque également combien nous sommes proches de la surface double dont parle Alain Connes en introduction de sa géométrie non-commutative.

- J'aimerais bien savoir s'il y a une relation entre leurs deux parcours ?

- Il faudra le demander à Alain Connes à l'occasion !

17/ Chaos et liberté — ou les soeurs terribles

- A.G. revient sur les couples Yang qu'il étudiait en 11/ , pour remarquer qu'en couplant "simplicité — ordre", il avait laissé tomber sans plus de façon le "chaos" aux oubliettes ce qui, effectivement, m'avait semblé pour le moins cavalier ! (voir ici)

"Cela m'a fait constater tout d'abord que parmi les quarante qualités et entités différentes qui figurent soit dans la Fleur cosmique, soit dans l'un ou l'autre de nos deux «paquets attracteurs», il y en a deux exactement qui se distinguent de tous les autres comme des sortes d'«anti-attracteurs », pour ne pas dire, de «repoussoirs». Ce sont justement deux parmi les trois épouses de l'ordre (résolument polygame...) dont nous avons fait connaissance jusqu'à présent, à savoir les dames
chaos, liberté
à l'exclusion donc, de dame mystère, qui elle, par contre, exerce une attraction de force exceptionnelle. Il semblerait que l'idée même du chaos suscite dans l'esprit humain une répugnance quasi insurmontable. Nous le ressentons, «viscéralement», comme chose irréductiblement opposée à l'ordre, objet de notre quête incessante, tout comme nous ressentons la «destruction» comme opposée à la «création», ou le «mal» opposé au «bien». Sentir la nature complémentaire de l'ordre et du chaos, et la réalité de leurs épousailles, se heurte à des conditionnements puissants, que je peux constater aussi bien chez moi-même que chez autrui. Chez beaucoup de personnes, l'horreur du chaos doit s'amalgamer avec la peur et l'horreur de la mort, ressentie comme la négation de la vie, comme son ennemie puissante et implacable."
p. 1223

- Je ne dis pas aimer particulièrement le chaos, mais enfin, de là à l'oublier comme A.G.... Ça sent le refoulement à plein nez...

- Arrête ta spy de comptoir, et reviens au texte.

- Oui, bon; n'empêche que son mépris envers la physique lui joue des tours. La notion d'entropie, en particulier, me semble indispensable à la moindre idée de "mouvement". Et l'ordre tiré du chaos, ce n'est pas moi qui l'ai inventé, et c'est Denis Papin qui en a montré l'utilité à l'aide d'une simple chaudière...

- Tu nous l'as déjà dit et cesse de regimber comme une vieille carne, avance donc !

- Passons à la Liberté :

"La relation de l'esprit à la «liberté», et plus particulièrement, à sa propre liberté, m'apparaît plus ambiguë. Elle serait plutôt dans la nature d'une méfiance instinctive, que celle d'une véritable répulsion, comparable à l'horreur du chaos . J'ai eu ample occasion de constater cette méfiance ou ce malaise, et notamment chez moi-même, dans mon travail de mathématicien. Peut-être cette propension y est-elle plus forte encore chez moi, que chez d'autres mathématiciens ou scientifiques. Mais d'une façon générale, je crois que l'esprit à la quête de l'ordre caché dans les choses, aime à se sentir constamment tenu (pour ne pas dire, contraint) par le sentiment d'une nécessité, laquelle lui serait «dictée» à chaque moment par les choses mêmes qu'il interroge, quand ce n'est pas par les usages et habitudes de pensée légués par la tradition, et par les règles péremptoires d'une sécurisante méthode ; alors qu'il répugnerait plutôt à se mouvoir librement dans le champ illimité du «possible», quand l'imagination se donne libre cours et que tout contrôle provenant du conscient est aboli.

Je soupçonne que cette répugnance n'est pas inhérente à la nature même de l'esprit, qu'elle fait partie plutôt du «poids» dont il se trouve lesté par des conditionnements puissants, produits d'une répression qu'on retrouve dans toutes les sociétés humaines. Cette «méfiance» vis-à-vis de sa propre liberté, et cette fringale d'un «contrôle» dans le processus de la pensée et de la découverte (que ce contrôle provienne d'un centre intérieur, ou extérieur à la personne), m'apparaissent comme inséparables de notre «aliénation par la méfiance» des sources mêmes de la créativité et de la création en nous. Ces sources sont profondément enfouies dans l'inconscient, et (je crois) à jamais dérobées au regard conscient. Et la méfiance qui vit en nous, quand ce n'est une peur (laquelle jamais ne dira son nom...), est elle aussi, presque toujours, confinée à l'inconscient, dans des couches moins profondes il est vrai, accessibles à un regard curieux et pénétrant.

Dans ces dernières années, je perçois avec une acuité croissante cette pesanteur de l'esprit en moi." p. 1224—1225 (en gras dans le texte)

Désolé d'avoir souligné certains passages dans le texte, mais avoue que là, ce n'est plus moi qui fait de la psychanalyse de bistrot mais A.G. qui s'invite sur notre divan ! Car enfin, lui qui est fils d'un couple libertaire, qui pense à sa mère comme farouchement "Yang", lui qui a filé sa démission de l'IHES dès qu'il a eu vent de subsides de l'armée, "se méfie de sa liberté" à un point qui, pour le dire gentiment, m'interpelle !

- Il parle en matheux, de sa pratique.

- Déjà que d'une manière générale, les matheux se hérissent à l'idée de devoir utiliser l'axiome de choix, tu m'excuseras de penser qu'il y a là un "biais cognitif" de magnitude 5 sur mon échelle pifométrique.

- Ceci, ajouté à son mépris de la physique, il n'avait aucune chance de rapprocher les concepts de liberté (à l'échelle humaine) de sa nécessité ressentie en physique comme indétermination.

- Exact, donc, sans entropie, ni indétermination (ni jeu, qui est l'âme de la mécanique!), il va avoir du mal à faire tourner son manège...

- Arrêtons là pour aujourd'hui, je sens que tu fatigues...

- Un peu, oui, mais très heureux d'avoir assisté à ce début de réflexion autour des concepts de "catégorie" et de "topologie", après tout, nous sommes ici dans l'espoir d'un développement à partir de là.

- À suivre, donc.

Hari

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