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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Récoltes et semailles # 8 Les portes sur l'Univers #2


Les portes sur l'univers
(appendice à "La clef du Yin et du Yang")

  1. Le roc et le sable
  2. Choses polyandres et choses polygames
  3. L'ambiguïté créatrice (1) paires, ribambelles et rondes
  4. L'ambiguïté créatrice (2) Le renversement des rôles
  5. L'ambiguïté créatrice (3) la partie contient le tout
  6. L'ambiguïté créatrice (4) les extrêmes se touchent
  7. Mes perplexités "contenant-contenu et "le lourd-le léger"
  8. La quête de l'unité
  9. Généralité et abstraction — ou le prix à payer
  10. Histoire d'icosaèdre et d'arbres de Noël
  11. Désir et nécessité — ou la voie et la fin
  12. précision et généralité — ou la surface des choses
  13. L'harmonie — ou les épousailles de l'ordre et du mystère
  14. Le caractériel et le caractéristique  — ou l'accordéon cosmique
  15. Découverte ou invention ? - ou le scribe et l'autre"
  16. la fleur et son mouvement — ou : plus je m'éloigne, plus je m'approche
  17. Chaos et liberté — ou les soeurs terribles
  18. Le vague et le précis — ou l'épuisette et la mer
  19. Ordre et structure — ou l'esprit de précision
  20. L'abstrait et le concret (1) : naissance de la pensée
  21. L'abstrait et le concret (2) : le miracle de la simplicité
  22. L'abstrait et le concret (3) : les strates du langage — ou la peau et l'étreinte
  23. Abstraction et sens — ou le miracle de la communication
  24. La langue des images — ou le chemin du retour
  25. Les portes de l'Univers :
    • A) Portes et trous de serrure (répertoire)
    • B) L'Arbre
    • C) La fenêtre
    • D) Le biicosaèdre

Le 23/ 01/ 2025 : (suite de #7)

7/ Mes perplexités "contenant-contenu et "le lourd-le léger"

- Quelques-uns des couples que A.G. a définis ne lui semblent pas "figés" dans leur rôle yin ou yang...

- Tu m'étonnes...

- Trêve d'ironie, l'épochê, mon ami, l'épochê ! Le couple :

contenant (yang)- contenu (yin) ( ou enveloppant - enveloppé

pose problème quand il en arrive à : 

matrice - embryon ou vagin - pénis

Où il apparaît que le classement yin/ yang n'est pas ici déterminé par la forme concave ou convexe mais par le fait de nourrir (la matrice) ou de recevoir (le vagin)...

- Dommage qu'il n'ait pas entendu Freud ou Lacan parler du "phallus", sa perplexité aurait eu de quoi se nourrir abondamment.

- Passons, plus intéressant peut-être :

présence- absence, le plein-le vide (ou plénitude - vacuité)

Voilà ce qu'il en dit :

"(voisins également des couples «affirmation-négation» et «positif-négatif»), la distribution des rôles est yang-yin, et il en est de même dans le couple

concentration-disponibilité,

où la concentration est perçue comme un état de «plein», et la disponibilité comme un état de «vide», en conformité avec le deuxième des deux couples introduits à l'instant. Pourtant, l'état de concentration peut être vu comme un état d'absence (à toute autre chose qu'à celle sur laquelle on se concentre), et la disponibilité comme un état de présence (à tout ce qui pourrait solliciter notre attention). Aussi ce couple pourrait-il nous suggérer l'existence d'un couple yang-yin qui serait

absence-présence.

C'est bien là un couple en effet, mais yin-yang..." p. 1174

Quand tu as eu le Tao Te King entre les mains (voir ici), et médité quelques fois cet aphorisme de Lao Tseu :

"On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison.
C'est de leur vide que dépend l'usage de la maison.
C'est pourquoi l'utilité vient de l'être, l'usage naît du non-être."

Quand tu as ouvert pour la première fois "Conceptual mathematics" de Lawver pour t'émerveiller de la profondeur de la propriété universelle attachée aux objets initial (le vide) et final (le singleton) de la Catégorie des Ensembles, tu ne peux qu'être déçu de constater le traitement réservé au couple "le plein-le vide) par Grothendieck.

Non seulement je regrette que la discussion du couple "plénitude - vacuité" soit si courte, mais ce manque met l'accent sur un autre oubli : les distinctions entre "attention - intention", ou entre "utilité - usage"...

- Ces couples ne se conçoivent que dans une optique résolument relativiste, centrée sur le Sujet, nous revenons toujours au constat initial. Ne t'étonne pas après ça du point suivant.

- Avant d'y arriver, A.G. attire notre attention sur une autre de ses perplexités au sujet  de 3 couples proches de "concentration - disponibilité":

Le lourd-le léger / le dense - le dilué / le concentré - le diffus

L'idée étant que ce qui va vers le bas, comme l'eau est Yin, et ce qui s'élève (comme la flamme) est Yang. Oui, sans doute, mais encore une fois, ces considérations ne sont-elles pas "relatives" ? 

Dernier couple commenté dans ce chapitre : 

l'abstrait - le concret

L'abstrait, associé au léger, est yang, le concret au lourd, dense, est yin.

8/ La quête de l'unité

A.G. veut rapprocher le dernier couple "abstrait - concret " de celui-ci :

le particulier - le général

pris comme variante de "La partie yang - le Tout yin". L'idée essentielle de A.G. étant que le Tout ou le général nourrit le particulier, même rapport que celui de la mère (yin) à l'enfant (yang).

"La relation du «particulier» au «général», je viens de le rappeler, est celle de la «partie» au «Tout» — le général «contient» ou «implique» le particulier, comme le Tout contient la partie. Ce n'est nullement la relation qui existe entre le «concret» et l'«abstrait». La chose concrète peut être vue comme une «réalisation», ou une «incarnation» ou une «manifestation» de telle notion abstraite qu'elle nous rappelle d'une façon ou d'une autre. Ainsi un chaudron en cuivre, ou plutôt son rebord, est une réalisation de la notion de cercle, et la surface d'un ballon en cuir (ou celle de la planète Terre...) est une réalisation de la notion de sphère. Personne ne songerait à dire que la notion de sphère, disons, «implique» ou contient l'objet concret qu'est tel ballon de football que je désignerais du doigt, et dont la forme (approximativement sphérique) n'est qu'un aspect parmi une infinité d'autres, dont aucun ni sans doute tous ensemble ne sauraient l'épuiser.

Il est vrai que le propre de la pensée est d'appréhender tant bien que mal le «concret» par l'«abstrait», c'est-à-dire justement par la pensée, véhicule privilégié (et peut-être unique) de l'«abstraction». Cela dit, suivant le tempérament de l'un ou de l'autre, la pensée aura tendance à suivre des formes d'un plus ou moins grand degré d'abstraction. La pensée mathématique est l'une des plus abstraites, certes. Mais dans la pensée mathématique même, il y a un grand nombre de degrés d'abstraction différents26 , suivant le genre de réflexion poursuivie. Mais quel que soit le niveau d'abstraction auquel on se place, ce niveau (il me semble) n'est par lui-même ni «général», ni «particulier». En fait, il comporte toujours et «du général», et «du particulier». Tout ce qui est connu du général s'applique ipso facto au particulier...."

26En mathématique, le degré d'abstraction d'une notion peut s'expliciter dans une certaine mesure à l'aide de la notion technique de «structure» (introduite par Bourbaki). À toute  espèce de structure est associé un nombre entier naturel, qu'on peut appeler son «rang», et qui exprime jusqu'à quel «échelon» on doit monter dans l'«échelle des types» des structures (virtuelles), associée aux «ensembles de base» qui interviennent dans la description de l'espèce de structure envisagée. Ce rang peut être considéré comme mesurant le degré de «complexité» ou d'«abstraction» de celle-ci. Une notion mathématique (qu'il s'agisse d'un type d'objets mathématiques, ou d'une propriété pour des objets dun type déterminé) peut alors être considérée comme étant d'autant plus «abstraite», qu'elle fait intervenir des espèces de structure d'échelon plus élevé. Cette description me semble correspondre approximativement à l'impression (subjective) de «plus ou moins grande abstraction» d'une notion mathématique. Elle foire cependant dans les cas, de plus en plus nombreux, où une notion mathématique s'enracine dans le langage et les intuitions spécifiques liés au point de vue des «catégories» (où c'est l'«équivalence» de catégories, et non l'«isomorphisme», qui constitue l'étalon de comparaison entre catégories différentes). Pour donner juste un exemple : la notion de topos (comme une catégorie satisfaisant à certaines propriétés) serait justiciable de la notion de «loi de composition non partout définie», qu'aucun mathématicien professionnel ne songerait à qualifier de terriblement abstraite. Pourtant, il ne doit guère y avoir de mathématicien à qui la notion de topos (en tant qu'incarnation d'une intuition topologique, appelée à se substituer à la notion d'espace), ne semblerait fort abstraite !" p.1176-1178

Lorsque A.G. nous parle mathématiques, il importe de l'écouter attentivement ! Ici je retiens :

  1. La théorie des Ensembles est fondamentalement structuraliste;
  2. La hiérarchie des structures est dénombrable;
  3. Le passage des Ensembles à la théorie des Catégories marque un saut qualitatif des isomorphismes aux équivalences de catégories.

J'y vois bien entendu une confirmation de mon découpage entre modes ♧ et ♢ :

  • Un isomorphisme est un rapprochement entre éléments de mode ♧, par une action directe de mode ♡♧, pour rapprocher des "objets" ou "structures" et en déterminer les isomorphismes;
  • Une équivalence de Catégories implique de réifier cette action ♡♧, et d'en exprimer la syntaxe en mode ♢, ce qui se traduit par un changement d'objet final : on passe
    • du singleton (*) en [∃];
    • au morphisme (•⟲) en [∃].

Quant à la distinction partie-Tout, c'est au fondement de notre démarche avec la différenciation des postures du Sujet ::

  • Partie 𓁝[α]
  • Tout [α]𓁜

- Donc là, tu recolles au peloton ?

- Encore heureux, lorsqu'il  nous parle de la théorie des catégories ! 

"Mais indépendamment de toute mode et de tout esprit d'époque, il semble bien que la pensée scientifique ne peut s'empêcher, par sa nature même, de revenir sans cesse à la recherche de ce qui est commun dans la multiplicité déconcertante des situations particulières, donc de discerner le «général» qui relie et englobe l'infinie profusion du particulier. Pour le dire autrement, cela semble chose inhérente à l'esprit même de la «pensée scientifique», que de rechercher l'unité à travers la diversité inépuisable des phénomènes. La même chose peut se dire, peut-être, de toute pensée réfléchissante, s'efforçant de sonder et de connaître le Monde dans l'un ou l'autre de ses aspects. C'est peut-être là un trait universel de la pulsion de connaissance en nous, nous poussant sans cesse, que nous le voulions ou le sachions ou non, à rechercher Un à travers le multiple. Et dans le couple yang-yin qui exprime cette quête,

multiplicité-Unité

ou

le multiple-Un,

je ne puis m'empêcher de me sentir comme étant moi-même ce «multiple» à la poursuite de l'unité, élusive, insaisissable - «à la fois lointaine, et très proche, à la fois bien connue, et pleine de mystère»..." p. 1178

- Pourquoi copier tout le texte, quasiment ?

- Parce qu'en lisant l'intitulé du chapitre, et compte tenu de ce qui a déjà transpiré du texte, à savoir la présence d'un dieu tutélaire gardien d'une unité cachée (à la mode d'Adam Smith ou d'Einstein) j'aurais parié qu'il allait nous le recaser ici, mais non.

Il en reste, bien sagement, à une "pulsion de connaissance" tendant à la recherche de l'un derrière le multiple, qui me semble de bon aloi. Cette pulsion renvoyant évidemment à la pulsion unaire de Lacan, et le couple "multiple-Un" faisant bourdonner à mes oreilles les abeilles de Socrate (cf. "La querelle des Universaux #7")

Il reste en cela platonicien, mais sans se raccrocher à un "principe unitaire" en objet initial [1], avec une vision claire d'une approche explicitement immanente :

"je ne puis m'empêcher de me sentir comme étant moi-même ce «multiple» à la poursuite de l'unité, élusive, insaisissable"

en accord avec sa posture finale, que l'on peut représenter par 𓁝[∅] sans distorsion de sens.

9/ Généralité et abstraction — ou le prix à payer

A.G. s'intéresse ici à la distinction "généralité - abstraction", qui l'amène à développer l'idée que la recherche d'une "plus grande généralité", en surface, s'accompagne, ou implique une "plus grande abstraction" en profondeur.

- L'abstraction est comme "le prix à payer" ?

- Oui, avec cette remarque que tous n'ont pas la même "tolérance" à cette nécessaire montée vers l'abstraction. Il remarque, en particulier qu'en mathématique, sans que l'abstraction le rebute, ou l'attire particulièrement, il peut sans limite adopter le niveau d'abstraction que nécessite le sujet mathématique qu'il aborde. En note il précise que dans le cercle limité des mathématiciens qu'il côtoie, il ne peut citer que Pierre Cartier, Pierre Deligne et Olivier Leroy ayant cette même capacité.

- Ce qui m'étonne c'est de présenter cette capacité comme un "prix à payer" ?

- À le lire, je comprends qu'il en a souffert, à cause de ceux qui, mal à l'aise dans ces développements abstraits, demandent du concret, les mêmes sans doute qui parlent un peu vite d' "abstract no sens" à propos de la théorie des Catégories...

"Pour faire un aphorisme : j'ai découvert, ou j'ai su d'instinct depuis toujours, que la «différence» appartient à la surface, et que la parenté apparaît en profondeur. C'est ainsi que la quête de l'unité m'a conduit souvent, sans même que je l'aie cherché, ni même ne me sois soucié de m'en rendre compte, à plonger profond.

Rechercher le commun dans le disparate, ou la parenté dans le dissemblable, c'est aussi chercher le «général» à travers le particulier. À un moment où la mode mathématique est au mépris de la généralité (assimilée à des «généralités» gratuites, voire à des bombinages), je puis constater que la force principale manifeste à travers toute mon œuvre de mathématicien a bien été la quête du «général». Il est vrai que je préfère mettre l'accent sur l'«unité», plutôt que sur la « généralité». Mais ce sont là pour moi deux aspects d'une seule et même quête. L'unité en représente l'aspect profond, et la généralité, l'aspect superficiel. Ces aspects se manifestent, l'un par la perception de la «parenté», et l'autre par celle dune «similitude» ou d'une «ressemblance»."  p. 1181

- Qu'est-ce qui t'arrête ici ?

- Il y a dans cette différence généralité / unité qui renvoie à celle de surface / profondeur, quelque chose de l'ordre de l'orthogonalité entre les 2 axes de notre topologie Imaginaire.

- Développe un peu...

- Tentons ceci :

1/ Dans ce que nous avons identifié comme "la voie des choses" (𓁜𓁝), dans le passage [⚤][#][♻], il y a bien un mouvement du "multiple""général", nous passons des "nombres"  [⚤] à "la quantité" [♻], en passant par des formes intermédiaires en [#].

2/ En regard de ce développement "en surface", on pourrait sans doute avancer que dans "la voie des mots" (♧𓁜𓁝♡), le passage ♡, peut se comprendre comme un approfondissement de notre compréhension en  des signifiants de mode ♧, par l'analyse de leur syntaxe en mode ♢, répondant à ce que A.G. appelle abstraction.

3/ Notre fermeture Imaginaire sous forme torique, illustre l'idée que nous revenons au point initial après 3 tours dans la voie  (𓁜𓁝), et donc que le passage direct de mode ♧♡ est un raccourci...

- Cette connexion entre "généralité" et "abstraction", me rappelle l'idée de "linguistique générative" de Noam Chomski ou de "grammaire générative" de Luigi Rozzi.

- Quel rapport ?

- C'est un peu loin (voir "Entre syntaxe et matière active" et "L'Imaginaire du Sujet et son langage"), mais il y a dans ces démarches linguistiques, une montée abstraite, permettant d'élargir leur domaine, jusqu'aux langages les plus exotiques. En maths comme en linguistique, élargissement va avec approfondissement, et cette lecture de A.G., me renvoie à d'autres pensées du même ordre, quelque peu oubliées... Où je rejoins A.G. dans cette remarque :

"Mais la chose remarquable à laquelle je voulais en venir surtout, c'est qu'il semblerait bien qu'au niveau de la pensée scientifique tout au moins, la recherche de la généralité s'accompagne nécessairement, que nous le voulions ou nous en rendions compte ou non, d'une abstraction croissante. Je le constate ici comme une simple vérité d'expérience, dont j'ai connaissance en tout premier lieu par mon propre travail de mathématicien, mais qui m'est confirmée également par ce que je sais sur la mathématique et sur les autres sciences, et sur l'histoire de la pensée scientifique. Mon propos ici n'est pas de sonder les raisons de ce fait , mais surtout, d'en faire le constat." p. 1182

Ensuite, il recentre son propos sur le duo Yin - Yang :

"En termes d'une dynamique yin-yang dans la progression de la pensée scientifique, on pourrait reformuler ce constat ainsi. La recherche de l'«unité» à travers la diversité, du «général» à travers le particulier, est la recherche aussi d'une certaine tonalité yin dans notre appréhension de notre compréhension des choses. La poursuite de cette quête semblerait donc nous mener vers une modalité «de plus en plus yin» dans notre intelligence des choses. Cette poursuite d'autre part semble s'accompagner nécessairement d'une abstraction croissante, c'est-à-dire aussi d'une intensification d'un certain aspect yang dans notre appréhension des choses. Celle-ci deviendrait donc, par cette même quête, «de plus en plus yang». " p. 1182

Là, je suis plus réservé tant le lien me semble simpliste.

- C'est dur !

- Non, cela tient à notre prise en compte que toute "prise de conscience" est une rencontre entre un percept et un concept (cf. J.P Changeux). À l'extrême, le percept vient du Réel et part de [∃]𓁜, quand le concept est conditionné par 𓁝[∅]. Pas besoin d'en référer à Brouwer pour comprendre qu'un partant chacun d'une extrémité de la route 𓁝 et 𓁜 vont se rencontrer quelque part entre les deux. La rencontre déterminant le "point fixe" de Brouwer ou point de capiton de Lacan : la prise de conscience de quelque chose, où l'attention recoupe l'intention du Sujet.

Si tu considères la posture finale 𓁝[∅] comme Yin et la posture initiale comme Yang, tu vois bien qu'il y a effectivement une circulation dans les deux sens : du Yin vers le Yang et du Yang vers le Yin. 

Et nous divergeons sans doute quant à la façon d'exprimer des choses semblables :

  • S'il y a "intensification d'un aspect Yin"; allant par exemple jusqu'au blocage du Sujet en posture 𓁝[∅], le Sujet ne tient plus compte du Réel;
  • S'il y a "intensification d'un aspect Yang", allant jusqu'au blocage du Sujet en posture  [∃]𓁜,  nous avons une posture psychotique 𓁜, face à un Réel "dépourvu de sens";
  • Tu peux, bien entendu imaginer de tels "blocages" à chaque niveau de la topologie imaginaire (le DSM-5 répertorie 400 troubles mentaux);
  • Pour que le Sujet ait un "point de contact" où son expérience prend sens (ce que A.G. appelle par ailleurs des "trous de serrure"), alors toute "intensification" (unité à définir) du Yin ne peut que s'accompagner d'une "intensification du yang" de même niveau.

J'arrête là pour aujourd'hui, car cette lecture nous donne suffisamment de grain à moudre, et il y a une vie au-delà de cet écran de Mac.


Le 24/ 01/ 2025 :

10/ Histoire d'icosaèdre et d'arbres de Noël

A.G. cherche à arranger entre eux les 22 couples qu'il a retenu... RAS.

11/ Désir et nécessité — ou la voie et la fin

A.G. dégage deu "groupes" de couples intéressants :

Yang Yin   Yang Yin
La partie — Le Tout   le simple — le complexe
Le particulier — le général   l'abstrait — le concret
Multiplicité — unité   le précis — le vague
effet — cause   ordre — chaos
pureté — fécondité   structure — substance

Avec en gras ce qu'il définit comme les "pôles d'attraction de la pensée", "une tonalité qu'elle semble rechercher d'instinct".

Dans le premier groupe :

Nous retrouvons des couples bien connus, et longuement discuté sur ce blog, en particulier : le tout et la partie. À noter que A.G. fait, comme nous, le rapprochement entre Tout/ partie de l'ordre de l'espace, et effet/cause d'ordre temporel. Je ne sais comment il fait le rapprochement, mais nous nous, c'est évident en s'en tenant à la posture du Sujet :

  • 𓁜 : ex post — cause — Tout
  • 𓁝 : ex ante — conséquence — partie

Quant au couple Multiplicité / Unité , il renvoie à Socrate,,  nous en avons déjà parlé, dans une pensée limitée aux modes ♧ ♡, avec cette fois-ci 

  • [∃][⚤]𓁜 : la répétition du saut élémentaire [∃]→[⚤]
  • [∃]𓁜 : le Un, comme point de trauma du Réel;
  • 𓁝[∅] le Un comme principe Unitaire Symbolique

Tu vois tout de suite l'ambivalence du "Un", tantôt principe Unaire, et à ce titre "source" de tout, donc Yin, tantôt brique élémentaire du multiple, vu ex post et à ce titre, Yang.

Pour le couple "pureté/ fécondité", je vois moins. Encore peut-on voir la "fécondité" comme l'objet initial vide [∅], d'où tout peut advenir, et donc Yin de ce fait; sans doute, mais pourquoi l'opposer à la "Pureté" ? On n'est pas loin de l'Immaculée conception, et à milles lieux du Linga/ Yoni !

En ce qui concerne le second groupe :

Je trouve les rapprochements moins évidents, et surtout, je vois des couples plus fondamentaux que d'autres, alors qu'ils sont tous mis au même niveau. 

- Exemple ?

- Un couple dont nous avons déjà parlé : ordre/ chaos, très profondément enraciné dans notre culture Occidentale, puisqu'il a donné la césure : monde sublunaire (corruptible) / sphères célestes, qui est à rapprocher Dun couple Socratique Multiplicité / Unité (dans le 1er groupe de A.G. ...). Par ailleurs, la circulation

  • chaos(ou ) ordre indique une progression immanente, quand le passage
  • chaos(ou ) ordre indique la voie transcendante.

De là tu en viens aux 2 premiers entendements de Spinoza, etc.

Par ailleurs, le couple structure / substance est une resucée de la querelle des Universaux autour du statut de la substance, et des catégories d'Aristote.

Quant au couple simple/ complexe, il me semble éminemment subjectif... Avec ce "complexe" renvoyant à la "pensée complexe" d'Edgar Morin, que je fuis comme la peste !

Le précis - le vague; me renvoie plutôt au couple de Lévi-Strauss : connoter / dénoter. Un symbole étant "dénoté" par des variations dans une série de mythes, quand la chose concrète est "dénotée" ou montrée du doigt; d'où :

  • 𓁜 : ex post : on dénote, et c'est "précis";
  • 𓁝 : ex ante : on peut connoter (multiple) un concept qui nous échappe, d'où le "vague".

Comme tu le vois, notre syntaxe me semble plus précise (c'est le cas de le dire) que le classement auquel tente de parvenir A.G.

Rapprochement des deux groupes :

Comme nous venons de parler au point 9/ d'une différence entre généralité et abstraction qui tenait sans doute à une différence entre les voies suivies, on peut étendre la remarque aux deux groupes. Je te propose donc ceci :

Voie des choses  (𓁜𓁝)   Voie des mots (♧𓁜𓁝♡)
Yang Yin   Yang Yin
𓁝 La partie  Le Tout 𓁜   le simple — le complexe
𓁝 Le particulier le général 𓁜   l'abstrait — le concret
𓁝Multiplicité𓁜 𓁝unité𓁜   le précis 𓁜 — 𓁝 le vague
𓁝effet — cause𓁜   ordre 𓁜 — 𓁝 chaos
pureté — fécondité   structure — substance

Comme tu le vois, je n'arrive pas à adjoindre de façon univoque des "postures" simples 𓁜 𓁝 de notre Sujet, aux couples de A.G., tout simplement parce que rien n'est en soi Yin ou Yang.

- Exemple ?

- Le Tout, comme l'Unité est soit un principe unificateur, au niveau le plus haut, tel dieu, et :

  • Soit le Sujet est ex ante face à lui : 𓁝[1];
  • Soit le Sujet explique la loi : "dieu est Un" [♻]𓁜;
  • De plus l'unité comprise comme élément du multiple est :
    • Soit éprouvée en [∃]𓁜;
    • Soit définie, dénotée, comptée en [∃][⚤]𓁜

À cet égard le couple objet final—𓁝[∅] / [∃]𓁜— objet initial est beaucoup moins ambigu, puisque la propriété universelle qui y est attachée détermine la posture du Sujet : Yin—𓁝[∅] / [∃]𓁜— Yang.

Autre exemple : "fécondité" : de quel point de vue faut-il en parler ?

  • Du point de vue de la mère qui enfante :  [♻]𓁜;
  • Du point de vue de l'enfant :  𓁝[♻].

Par contre, la distinction selon les 2 voies des choses et des mots, semble plus pertinente, mais c'est alors de l'intention du Sujet (ici A.G.) dont il s'agit..

Remarque importante, A.G. ne cherche à structurer que la "pensée au travail", comme outil entre les mains de "l'enfant-ouvier". Il laisse de côté les autres modes de penser :

"il y a la pensée qui découvre, comme il y a la pensée qui recouvre (ou qui élude). Elles peuvent cohabiter chez la même personne, et il arrive certes qu'on prenne l'une pour l'autre - pourtant elles ne se ressemblent guère! L'une est animée par la soif de connaître, et l'autre par la peur de connaître. Mais, faute de discerner à vue d'œil laquelle de ces deux forces est à l'œuvre, c'est à leurs fruits qu'on peut les distinguer. Dans ce que je vais dire, rien ne s'applique à la pensée «deuxième manière» (de loin la plus courante !), la pensée au service du «patron» en nous." p. 1190

Voilà quelque chose d'extrêmement dérangeant : A.G. nous dit que l'on ne peut distinguer les deux types de pensées que par "le fruit qu'elles donnent", autrement dit :

  1. il se fait juge a posteriori du résultat,
  2. comment peut-il passer de ce constat ex post, à l'affirmation que la structure des deux types de pensées diffère ?

- Ça me fait penser au test de Turing pour déterminer si une intelligence est humaine ou pas, comme dans le film "Blade Runner".

- Oui, mais plus fondamentalement, pense à Platon qui du, en son temps, reprendre la pensée de Parménide (ce qui est est) pour batailler contre les Sophistes, dont les discours n'avaient pas pour but de dire le vrai ou de rechercher la vérité, mais de convaincre l'agora jugeant leurs clients. Pour distinguer entre "bon" et "mauvais" discours, Platon a du s'extraire de son jugement personnel en s'en référant à un principe Unaire, considéré comme "universel"; et Grothendieck est ici dans ses pas... 

- C'est noté. Continue ta lecture.

- Il se trouve que A.G. vient de lui-même à notre distinction entre les deux voies :

"Si j'essaye de décrire cette nature par un seul terme suggestif, dans l'un et l'autre cas, je dirais que dans le premier l'attraction est de l'ordre de la pulsion, qu'elle a qualité de désir, et que dans l'autre, elle est de l'ordre d'une nécessité, d'une contrainte, imposée par la nature même de la pensée et par les limitations qui lui sont propres. C'est cette double intuition que je voudrais essayer de préciser à présent tant soit peu" p. 1191

Il nous donne même une excellente piste de réflexion pour étoffer notre distinction entre les deux voies :

  • Voie des choses  (𓁜𓁝) : pulsion - désir
  • Voie des mots (♧𓁜𓁝♡) : contrainte de la pensée.

Ça ne te rappelle rien ?

- Oh si ! un parallèle que tu avais présenté dans l'homme Quantique entre Libido/ Pulsion et Énergie cinétique/ Énergie potentielle.

- Oui, mais il faudrait faire un peu le ménage entre tous ces termes. Je te propose cette thèse, à vérifier par la suite :

  • Voie des choses (𓁜𓁝) : nous sommes ici dans le rapport du Sujet à l'objet, qu'il soit d'ordre physique, ou l'objet "petit a" de Lacan, avec une énergie mise en jeu dans ce rapport Sujet/ objet. Je pense que c'est de cela dont parle A.G. sous les termes "pulsion - désir". Sous réserve de vérification, ça nous renverrait à une énergie cinétique <=> libido.
  • Voie des mots (♧𓁜𓁝♡) : Là, je placerais la "pulsion Unaire" de Lacan, que A.G. a repérée en lui comme un désir de connaître, d'où une méthode pour organiser sa pensée, chez lui, comme chez Descartes. L'énergie attachée à la position dans un discours, est comme une énergie potentielle, ce qui nous renvoie à : énergie potentielle <=> pulsion.

C'est quelque chose qui me trottait dans la tête ces jours-ci, A.G. me donne l'occasion de l'exprimer ici !

- Reste à voir si A.G. est dans la même perspective que toi...

- Continuons notre lecture... D'ailleurs, il n'y a pas à aller bien loin pour trouver de quoi donner plus de corps à notre thèse. 

"Je me suis exprimé en diverses occasions déjà dans Récoltes et semailles, et pas plus tard qu'avant-hier et hier encore, au sujet de la fascination puissante qui accompagne cette sorte de «prescience archétype » en nous d'une unité essentielle derrière l'apparente disparité des choses. Au niveau de la pulsion de connaissance, je crois reconnaître dans cette fascination la principale force en œuvre dans la progression de la pensée scientifique..." p. 1191

Tu vois ici à l'oeuvre la "pulsion unaire", et c'est bien dans la voie des mots qu'elle s'active !

- Sans doute, mais tu lis le texte à ta façon : ce n'est pas le propos de l'auteur, qui nous explique ses regroupements.

- Oui, bon, il nous parle de la méthode scientifique à sa manière, mais je trouve cela plus convenu. Peut-on réduire la démarche scientifique à l'examen précis du "particulier", pour ensuite par synthèses successives se hasarder à parler du général ?

Sans doute, mais ce n'est pas le plus marquant, il manque les ruptures épistémologiques, le passage au système hélio centré chez Galilée, l'hypothèse des quanta chez Planck, la promenade familiale des Hamilton sur le Broom bridge à Dublin, ou la nuit de Heisenberg à Helgoland, sans parler de la révélation de Descartes durant la nuit d'Ulm. Là il nous parle uniquement du travail de fourmi de Tycho Brahe, et des calculs de Kepler, sans s'arrêter à la révolution Newtonienne... Lorsqu'il écrit :

"C'est plutôt que la pensée est inapte (semblerait-il) à appréhender directement le «Tout». Il lui faut faire le détour par le particulier pour appréhender le général, par le multiple pour appréhender l'Un, par la multiplicité des effets pour appréhender l'unité de la cause. Une fois accompli ce détour seulement, sommes-nous en mesure de revenir là où nous porte le désir, à la cause et la racine commune des choses. Et ce faisant, parvenir à une compréhension, qui donne un sens à ce qui, de prime abord, n'était guère autre chose que des contacts, des répertoires et des descriptions." p. 1192

Tout ce qu'il dit est juste bien entendu, mais il manque l'essentiel. Passer de l'examen minutieux en posture  𓁝[α]  à la "compréhension du tout" [α]𓁜 est marqué d'un saut diachronique, entre deux images du film, temps vide de tout récit, rapporté ensuite,  ex post, par le rêveur lui-même lorsqu'il a "compris".

"La méthode est restée la même: précision avant tout" p. 1192

Toujours oui, bien entendu, mais il nous parle plus de sa propre expérience, de son rapport à la mathématique que de la marque essentielle de la démarche. Lorsque Ticho Brahe découvre que l'urine de lapin attaque la pierre de sa paillasse (ici), ça l'a interpellé en tant qu'alchimiste, et n'a pas laissé un grand souvenir dans les sciences, mais lorsque Claude Bernard fait la même observation, les conséquences sont d'ordre scientifique. Autrement dit : oui, pour la précision, mais ce n'est pas l'essentiel !

Et d'ailleurs, A.G. lui-même ne suivait pas cette méthode : il n'ouvrait pas les noix à coups de marteau, mais ramollissait la coquille pour récupérer les cerneaux, autrement dit, c'est en passant par le général, auquel il rattachait le cas particulier à l'étude, par le haut donc, qu'il appréhendait les problèmes particuliers. Avec, bien entendu, ensuite, toute la précision qu'il apportait à ses démonstrations...

- Méthode qu'il ne semble pas suivre ici, en parlant du Yin Yang...

- On peut le regretter... Il revient en fin de chapitre sur le rapport de la pureté à la fécondité, et j'ai l'impression de lire un traité d'alchimiste parlant de la purification de l'oeuf alchimique :

"Pour le dire autrement : le pur est un moyen pour nous mener vers le fécond" p. 1193

 - C'est tout pour aujourd'hui !

Hari

Ça

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