Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
20 Février 2008
En feuilletant le Tao Te King, (ou "livre de la voie et de la vertu") de Lao Tseu, que l'on vient de m'offrir pour mon anniversaire (ceci ne nous rajeunit pas) je tombe sur le chapitre 11 du livre 1, qui traite du Tao:
On retrouve l'image de la roue, composée de rayons qui tous convergent vers le moyeu, chez les boudhistes où elle représente l'enseignement de Bouddha ou Dharma. Ici l'accent est mis sur l'idée de rotation: Bouddha tourne 3 fois la roue du Dharma. En effet les mots ne peuvent qu'être des indices de la voie, qu'il faut reprendre de différentes façons, pour affiner le balisage.
Or, l'essence de cet enseignement, c'est que la libération vient par la contemplation de la vacuité (qui n'est pas le vide, mais plutôt les potentialités qu'il porte, comme un big bang "personnel", si ce dernier terme a un sens). On retrouve bien là l'idée taoïste du Tao Te King.
"L'utilité vient de l'être, l'usage du non-être".
Il y a là à méditer, et ça me renvoie personnellement à mon interrogation sur "être et ne pas être".
Le problème n’est pas de s'évader dans des considérations intellectuelles, mais d'essayer de rester au plus près d'une évidence à saisir. Peut-être pourrons-nous bientôt éclairer ce texte d'un jour nouveau, simplement parce qu'entre temps notre langage s'est constitué, parce qu'aujourd'hui, nous avons forgé les concepts de relativité, de mécanique quantique, parce que de l'Orient, nous sommes passés à l'Occident. Peut-être tout tient-il dans une balance de l'un à l'autre, du Ying, passif, le non-agir taoïste, au Yang, actif, grec pour tout dire. Je vous renvoie à ce sujet au traité de l'efficacité de François Jullien.
Tout un chacun, sans doute, tourne autour d'une aporie qui le gratte quelque part, la mienne est trop obsédante pour me laisser en repos, et je tourne autour de ce vide que je ne peux éviter, de cette vacuité que je ne sais atteindre, ou que je ne me sens pas le courage d'atteindre, trop dure la méditation, encore trop incertaine la voie.
Mais revenons sur ce vers qui me ronge: l'utilité vient de l'être, l'usage du non-être.
Il s'agit bien entendu d'une traduction, on ne peut donc pas trop se fier aux mots utilisés, néanmoins, je serais tenté d'y lire ceci:
Ce changement de niveau fait que l'on puisse à la fois être et ne pas être. Cette simultanéité est du même ordre que celle que l'on retrouve dans le paradoxe du menteur: "Je suis un menteur" est une phrase impossible et pourtant, le fait est plausible (je me connais).
Là aussi la langue n'arrive que maladroitement à exprimer la réalité: les règles du langage, qui règlent notre pensée, ne sont pas celles de la nature, fût-elle humaine...
Le langage serait comme la caisse que Saint Exupéry dessine au Petit Prince faute de pouvoir saisir l'essence d'un mouton. Il y a là encore balancement entre l'utilité pour moi de l'objet (la caisse / le verbe) et l'usage que l'on en fait, qui est de retenir en son creux un référent qui s'échappe.
Bonne méditation pour les uns et bonne fermentation pour les autres à qui je lève mon verre...
Hari
Note du 02 août 2018 :
Je retrouve mon questionnement sur le vide à partir de considération mathématiques, et après un très long parcours dans un billet écris 10 plus tard : "élégance du vide"; c'est dire que la voie Occidentale retrouve la voie Orientale et sans doute que les deux approches sont nécessaires, de même que le cerveau droit a besoin du cerveau gauche ou qu'une pensée consciente nécessite la rencontre entre un percept et un concept...
Enfin bref, on marche sur la voie du Tao sur ses deux jambes, comme sur n'importe quelle autre voie...