Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
24 Août 2019
- Je n'ai pu résister à la tentation d'utiliser ce GIF à la première occasion.
- Ça devient du grand n'importe quoi ce blog !
- Comme je te l'ai déjà dit, je laisse flotter les rubans ces temps-ci, je suis en vacances, en repos, je fais relâche. Du coup je suis plus sensible aux petites choses qui traînent à la périphérie du regard.
- Allez vas-y sans te faire prier...
- Puisque l'auditoire m'y invite !
En jouant avec cette idée d'oignon, piquée à Grothendieck, dans deux articles (note 1), l'un traitant de chamanisme et l'autre de relativité restreinte, j'avais mon petit démon personnel qui me susurrait à l'oreille : "il y a deux façons de couper un oignon".
Et puis hier, je vais au bout des vidéos de Richard Taillet sur la relativité générale, dans lesquelles il aborde la représentation des trous noirs, et la définition du rayon de Schwarzschild, qui conduit à imaginer un horizon infranchissable au-delà duquel le trou noir absorbe tout. En l'écoutant, je comprends qu'en fait cette "limite" est intimement liée au choix de la représentation, qu'il existe d'autres systèmes de coordonnées permettant de concevoir le passage de cet horizon (note 2).
- D'où le parallèle avec les façons de couper un oignon ?
- Oui, et j'en étais là lorsque je tombe ce matin sur cette intervention de Yves André à l'ENS en 2007: "La maïeutique mathématique selon Poincaré et Grothendieck" !
Là encore, deux sensibilités différentes se reflètent dans un même objet: les maths.
- OK, tu nous refais une énième resucée, une exégèse poussive du stade du miroir, et pourquoi ne pas nous ressortir du formol le bouquet de fleurs de Lacan, pendant que tu y es ?
- Tu me coupes l'herbe sous le pied, oui, j'y pensais figure-toi, et même à J. P. Changeux, avec son dytique percept/concept!
- Tu tournes vraiment à vide mon pauvre vieux.
- Attends ! N'envisage pas ces images comme tu en as l'habitude, mais change de point de vue, regarde ailleurs pour mieux les voir. C'est ce que dit Poincaré.
- Je te pensais plus proche de Grothendieck ?
- Eh bien restons-en à eux précisément. Lorsque Grothendieck nous parle d'oignon, il en cherche le germe en son centre, autrement dit, il coupe l'oignon en rondelles. Du coup, il évacue une dissymétrie fondamentale de cet oignon, visible dès que tu le coupes en lamelles : il est fait pour être planté en terre et s'ouvrir au soleil.
- Autrement dit, Poincaré aurait une vision perpendiculaire, plus spirituelle ?
- Non pas ! Il était au contraire extrêmement cartésien, persuadé de pouvoir trouver son chemin dans l'entrelacs des combinaisons que lui propose son imaginaire. À l'inverse, Grothendieck est en recherche spirituelle.
Autrement dit, Poincaré n'a pas à se poser de question métaphysique, parce qu'il est parfaitement centré sur son axe, dans une coupe polaire pourrait-on dire, droit dans ses bottes. À l'inverse, la seule certitude de Grothendieck, c'est de pouvoir se retrouver au centre d'une coupe équatoriale, et sa quête philosophique tient à cet axe qui lui échappe, par nécessité.
- Encore cette idée d'orthogonalité qui te travaille depuis quelque temps (note 3). Mais si tout t'y ramène, n'est-ce pas le symptôme d'une répétition, et donc d'un blocage ?
- C'est la question que je me pose, figure-toi. Je m'attarde autour de ce stade du miroir, je fais des effets de manches pour épater la galerie, mais la vérité est que je n'arrive toujours pas à comprendre pleinement le stade suivant, à caractériser complètement le niveau I# de l'imaginaire.
- Mais dis-moi, si comme tu le soupçonnes, tu restes personnellement coincé en IR pour exprimer tes pensées, comment pourrais-tu représenter un Sujet qui te dépasserait en I# ?
- Tout ce que j'en imagine est faux, ou déformé par la vision ex ante que j'en ai... Coincé au centre de ma rondelle d'oignon ! D'où la nécessité de laisser flotter les rubans...
Profitez du Soleil !
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À propos de Soleil, il fait si chaud qu'il est impossible de faire rien d'autre qu'une sieste, dont je m'éveille avec cette image d'une fourmi sur un fil incapable de mesurer la courbure de son espace en 1D (note 4) ...
Et si le niveau I# s'était développé pour que nous mettions un peu d'ordre dans cette multitude de dimensions orthogonales qui se développent à foison, à force de répétition du saut I01/IR ? Un peu comme une glaneuse rassemble en bouquet les épis de blé jetés à terre en désordre ?
Je passerai sans doute de la sieste au sommeil en ruminant cette idée !
Hari
Note 1 Voir :
Note 2 Voir :
"Description de la chute radiale de corps massifs et de photons dans un trou noir. Discussion de la singularité de coordonnées au niveau de l'horizon."
"Introduction des coordonnées d'Eddington Finkelstein pour décrire la traversée de l'horizon d'un trou noir et présentation du diagramme de Kruskal."
"Ce court épisode est consacré à l'exploration des diagrammes de Kruskal, on y parle notamment de trou de ver et de fontaine blanche."
Note 3 Voir :
Je me réfère à un commentaire et une réponse de Taillet, que j'ai vu au passage en repérant les liens à mettre sur ce texte, mais que j'aurais du mal à retrouver... Toujours la vision périphérique !