Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
21 Mars 2020
- Ça devient n'importe quoi ce blog : pourquoi ce titre, pourquoi ce logo du journal Hara-Kiri ?
- Je revendique le droit au n'importe quoi.
Hier après-midi, confiné en mode vieille fille au fond de mon canapé, réchauffé d'un soleil printanier inondant le living, à travers les portes-fenêtres orientées plein sud, derrière lesquelles se dessinait le jardin, je me disais que c'était le lieu idéal pour partir à l'aventure de soi-même.
- Drôle d'aventure casanière.
- Ne t'y trompe pas ! Philosopher c'est parier comme le disait Jean-Toussaint Desanti, et c'est ce que nous faisons ici, dans le creuset de ce blog.
- Tu ne risques pas grand-chose.
- Le crois-tu vraiment? Ne vois-tu pas qu'en abordant chaque article je fais tapis, puisque je ne sais jamais ce qu'il adviendra sous ma plume, quitte à m'avouer vaincu, acculé dans une impasse, et repartir à l'assaut d'un autre moulin, dans l'article suivant, voire changer jusqu'à ma façon de penser pour faire une percée ?
Je prétends qu'il est plus difficile de se remettre en cause, au point d'accepter de se renier, de se faire hara-kiri intellectuellement à chaque développement de sa pensée, que d'explorer le monde pour se retrouver intact à chaque défi qu'il nous lance, et se rassurer d'exister en s'y frottant.
Si tu ne remets pas ton ego en cause, tu n'as rien fait.
- C'est pourtant de là que part Descartes.
- Et c'est le père qu'il faut tuer ou, faute de père après lui, renoncer à son propre ego.
- Ce n'est plus la révolution permanente, mais le hara-kiri permanent !
- Oui camarade ! Faute d'atteindre à l'illumination en échappant d'un coup à ton Imaginaire, tu es condamné à dépiauter couche par couche cette pelure d'oignon qui protège le vide germinatif au plus profond de toi. En bref, tu es dans l'automatisme de répétition jusqu'à la mort ou l'illumination, sinon, tu restes dans la distraction et dans ce cas, il vaut mieux voyager!
- Pas facile en ces temps de coronavirus... Mais d'où te vient cette humeur ?
- En écrivant mon dernier article ("Identité et idempotence"), j'avais le plus grand mal à maîtriser ma plume. Je voulais revenir sur mes premiers pas dans la théorie des catégories, avant de continuer ma relecture de la présentation de juin à l'atelier d'Anatole Khélif, et pour ce faire, il me fallait remettre en cause ma propre façon de penser.
C'est pour cela sans doute que je me suis remémoré cet épisode avec mon ami H. B. à Téhéran. L'exercice ne consistait pas seulement à comprendre un nouveau point de vue, mais à m'abandonner, dire adieu à une ancienne façon de penser, pour me convertir à une autre. D'où cette idée de hara-kiri, comprends-tu ?
- Si je te suis bien, il s'agissait de passer de Descartes à Galois, de la pensée rationnelle logique à l'approche topologique, du saut diachronique I1↑I01 au suivant I01↑IR. Mais dis-moi, tu n'as pas fini de muer puisqu'il te reste au minimum le suivant IR↑I#, pour aborder la physique !
- Absolument, d'où la nécessité d'assouplir mon esprit pour qu'il accepte de sauter sans rechigner devant l'obstacle. Je dois accepter d'être fou pour me libérer, puisque je sais déjà que ma pensée actuelle porte à faux.
- Mais tu te retrouves comme Menon face à Socrate: dans quelle direction chercher, si tu ignores ce que tu recherches ?
- Ah ! C'est là que Galois prend la place de Socrate.
Je ne sais pas encore de quelle façon caractériser le saut IR↑I#, puisque je suis à l'évidence en position d'attente, ex ante, par rapport à ce que je n'ai pas encore vécu, autrement dit, dans une vision locale I'm<, au sens de la topologie, par rapport à I# et globale <I'm, par rapport à IR.
Je suis donc dans cette posture IR<I'm<I#, ou tout au moins pourrais-je le dire lorsque j'aurai suffisamment compris les fondements mathématiques de cette topologie, disons que les travaux sont en cours.
J'ai néanmoins une petite idée globale (en Im) des principes qui sont en oeuvre au niveau I# (i.e.: I#<Im), tels que:
Et cette situation est comparable à celle de Galois lorsqu'il adjoint au corps de base d'un polynôme, des extensions répondant à un principe de symétrie.
Les extensions se construisent étape par étape, localement depuis I'm, en répondant à des principes édictés globalement depuis Im.
J'espère que tu vois que ma description de cette éventuelle évolution, suit la voie tracée par Galois ? Et ceci n'est concevable qu'en me coulant dans une pensée topologique !
- Tout ceci me semble bien raisonnable, et ne correspond pas à ton excitation matinale, tu nous caches ta folie. Vas-y, vide ton sac...
- Tu as raison, j'ai des coquetteries hors de saison. À la fin de mon dernier article, j'ai eu le plus grand mal à domestiquer ma plume, lorsqu'en écrivant <I'm et I'm<, ceci m'a rappelé les bra 〈| et ket |〉 de Dirac.
Je me suis levé ce matin, avec les idées les plus saugrenues à ce sujet, et j'hésitais à en faire état pour ne pas risquer de paraître fou, jusqu'à ce que je prenne conscience que ce jugement prévisible serait au contraire la marque de ma propre liberté.
- Accouche donc !
- L'idée qu'un objet α est observable par un Sujet lorsqu'il conjoint un bra 〈α| et un ket |α〉 sous la forme 〈α|α〉 m'a fait penser à la possibilité de dire que le Sujet s'observe lui-même, lorsqu'un objet (notre éternel miroir) le fait passer de <Im à I'm<, ce qui pourrait se noter |Im|2=〈Im|Im〉, le terme |Im|2 renvoyant à une mesure, qui serait la prise de conscience, ou la réification par le Sujet de son Moi...
Vois-tu l'élégance de la représentation ?
- Bravo pour l'esthétique, mais est-ce que cela a le moindre intérêt?
- À ce stade natif d'une idée, ce qui importe, c'est de jouer avec, comme un enfant s'amuse à rouler un bonbon dans sa bouche.
On pourrait encore jouer avec l'idée 〈α|Im|α〉. Je te rappelle que dans 〈α|β|α〉, le terme β pris en sandwich entre 〈α| et |α〉 est une matrice Hermitienne, ce qui nous ramène doublement à nos considérations sur le Sujet:
De là à dire que le Sujet créé l'objet en l'observant...
- Tu penses aux fentes de Young ?
- Évidemment !
Quand à la formule 〈Im|α|Im〉, on pourrait s'amuser à dire que tout objet est un miroir dont nous nous emparons pour "réfléchir" le Réel.
- Ça ne veut pas dire grand-chose !
- Reviens à J. P. Changeux: la prise de conscience d'un objet correspond dans notre cerveau, au niveau de l'agmydale, à la rencontre entre un percept, arrivant de nos sens périphériques ou centraux via l'hypothalamus et un concept déjà acquis et inscrit dans notre cortex.
En ce sens un "objet pour moi", α, refléterait une certaine symétrie ou congruence entre un percept, représenté par exemple par 〈Im| et un concept représenté par |Im〉 (ou l'inverse, cela reste encore à déterminer).
La notation de Dirac renforce l'idée que le rapport entre l'objet et le Sujet n'est pas dialectique, ce qui relèverait de la logique, quand l'approche topologique introduit le concept d'orthogonalité. Ce serait à rapprocher de la relativité des concepts diachronie/ synchronie, que nous avions déjà vu dans "V.I.T.R.I.O.L.", je n'y reviens pas.
En passant au domaine mathématique, je ne peux m'empêcher de rapprocher notre observable 〈α|α〉, ou le Moi du Sujet 〈Im|Im〉, du topos de Grothendieck T=(C,J) où C est une catégorie et J une topologie (Voir sur cette vidéo de Laurent Lafforgue à 19:00).
Par simple souci esthétique, j'écrirais bien ce topos en réutilisant l'écriture de Dirac: T=〈C|J〉; à moins, qu'à la réflexion, il faille dire que la catégorie C est repérable si ses éléments sont stables malgré leur mouvement relativement à l'observateur, avec C=〈J|C|J〉, ce qui rappelle la forme générale d'une rotation sur un élément q tel que q⟼q1.q.q2-1, à partir de C2 (ou H) (note #4)
- Là, franchement, tu cherches des verges pour te faire battre!
- Crois-tu? Il me semble au contraire entendre Grothendieck dire que le topos est "le lieu de rencontre du discret et du continu", dans "Récolte et Semailles". Nous en avons déjà discuté quelques fois. (note #2)
Or, cette double approche discret/ continu, renvoie, comme je ne cesse de m'y heurter, à l'opposition <I'm/ I'm<, et à nos réflexions du jour. Il me semble donc que nous sommes en plein dedans, et que les embarras dans l'élocution de notre orateur viennent de ce qu'il n'en a pas pris la mesure.
Et tant qu'à passer pour fou, quittons les maths en poursuivant au-delà de la physique, pour continuer à s'amuser en pensant à l'Autre de Lacan. J'ai depuis déjà longtemps situé le couple (Sujet∪Autre), comme un état intriqué au niveau Symbolique, qui en tombant dans l'Imaginaire donne le s (Sujet barré) s'opposant à l'autre (petit a), dans le couple (s,a). (note #3)
Par analogie avec ce que nous avons dit de l'objet emmailloté dans sa topologie, comme un oeuf dans son nid, on peut "voir" le Sujet 〈s|s〉 comme conditionné par l'Autre sous cette forme 〈s|a|s〉, ou dire que "l'autre" est un fantasme du Sujet sous cette autre : 〈a|s|a〉... Enfin bref, il y a de quoi s'amuser !
- Mon ami, je pense que tu as eu raison de prendre quelques précautions liminaires avant de nous exposer tes élucubrations. Fort heureusement pour toi, personne ne lit ton blog !
- Amen !
Hari
Note 1 :
C'est tout le développement que j'ai fait à partir de considérations sur le produit et le corrodait. Voir:
Note 2 :
Voir par exemple ici :
Note 3 : Voir :
Note 4: Voir :
Reporte-toi à sa vidéo "Quaternions et rotation", à 3'19" où il commence par deux choses:
En conséquence, pour (q1,q2) de S3XS3, une application faisant correspondre à tout élément q de H l'élément tel que q⟼q1.q.q2-1 est une rotation. Autrement dit : S3XS3→SO(H)=SO(4).