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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

La grande confusion de Philippe Corcuff # 09 - Critique de l'hypercritisisme conspirationniste

Lecture du 26/04/2021

Chapitre 5 : Critique de l'hypercritisisme conspirationniste (suite de #8)

- Je relis ce chapitre, après avoir proposé dans l'article précédent une structure du conspirationnisme, qu'il vaut mieux avoir lue pour comprendre ce qui suit...

J'en reprends juste ici la conclusion :


1/ Pour répondre à une incompréhension de niveau [α] soit :

[α]=[♲] du sens des règles sociales ([♲]𓁝⇆𓁜[∅]⏩[♲]𓁝⇆𓁜[∅])𓂀
[α]=[#] de l'appartenance catégorique#  ([#]𓁝⊥𓁜[♲]⏩[#]𓁝⊥𓁜[♲])𓂀
[α]=[⚤] de l'enchaînement des faits  ([⚤]𓁝⇅𓁜[#]⏩[⚤]𓁝⇅𓁜[#])𓂀

2/ Le complotisme est :

  • une 𓁝quête de sens mythique : ([♲]𓁝⇆𓁜[∅]⏩[♲]𓁝⇆𓁜[∅])𓂀 
  • dévoyée en identifiant la cause: (𓁝𓁜[α][∅][∃][β]𓁝𓁜)𓂀 

En termes mathématiques : tu passes de l'objet initial à l'objet final.
En termes méta-psychologiques : tu passes du Symbolique au Réel.

3/ Le niveau d'élaboration du complot dépend du niveau [β] :

[β]=[♲] le politiquement correct, (𓁝⇆𓁜[∅][♲]𓁝⇆𓁜)𓂀
[β]=[#] les bobbies, les juifs, les femmes, les homos, les Serpents etc. (𓁝⇆𓁜[∅][#]𓁝⊥𓁜)𓂀
[β]=[⚤] c'est Bill Gates, Rockfeller etc.  (𓁝⇆𓁜[∅][⚤]𓁝⇅𓁜)𓂀

Il faut être attentif à ceci :

1/ La pensée narrative :

Même lorsque l'Auteur complotiste (...)𓂀 nous parle de valeurs ou de catégories#, il ne s'exprime que sous une forme narrative⚤ (...⏩...), au niveau [⚤]𓂀 de son propre Imaginaire, en particulier la causalité est affaire de succession : B se présente après A, donc A est cause de B.

2/ Le sens de l'action :

  • Dans la pensée mythique, les sacrifices ont un effet magique, en ce sens que le sacrifice de l'image du référé Symbolique a un effet sur celui-ci;
  • Dans la pensée complotiste la suppression physique (ou la lutte contre) "le politiquement correct", "les lobbies" ou les "brebis galeuses" ont un effet rationnel puisque l'on s'attaque à la cause identifiée du mal.

Deux pôles de la narration complotiste :

Corcuff distingue deux types de complots :

1/ Sous forme "hard" : ce sont les illuminati de Bavière ou les Reptiliens dont le but est ni plus ni moins que le gouvernement du Monde.

2/ Sous forme "soft"; comme le modèle de propagande défendu par Chomsky, ou un complotisme climatosceptique.

Je pense que l'on peut y voir, pour le type "hard", ce que j'ai repéré en [♲] qui s'apparente à une doctrine générale gouvernant le monde, quand le type "soft" s'intéresse plutôt à la logique déployée par les comploteurs, au niveau [⚤].

En ce sens le négationnisme des chambres à gaz, concernant la négation d'une discrimination de "classe" serait plutôt de niveau [#]...

Les sciences sociales contre le conspirationnisme :

J'en ai tiré l'essentiel dans l'article précédent #8.

Face aux illusions conspirationnistes d'un doute illimité : les ressources philosophiques :

On peut compléter ce que j'en ai déjà dit de la façon suivante:

  • La pensée narrative (...⏩...)𓂀 au niveau [⚤]𓂀 de l'auteur est par construction indéfinie, de même qu'à tout nombre entier n, on peut imaginer une successeur n+1;
  • Au niveau supérieur, [#]𓂀, l'infini de l'Imaginaire est "borné". En mathématiques, on "clôt" l'ensemble des nombres réels par un point à l'infini, ou encore la métrique "naturelle" de l'espace R2 (ou C) est hyperbolique. Ce fut une grande découverte de Poincaré. C'est dire, par exemple, que l'observateur prête moins d'attention aux détails d'un objet se déplaçant à 10 km de lui que lorsqu'il est sous son nez.
  • La fermeture Imaginaire est encore plus forte au niveau [♲]𓂀 puisque l'on ramène des observations disparates à des principes généraux. En physique, on recherche une "théorie unitaire". Dans le champ éthique, on cherche des règles de comportement générales (comme l'impératif catégorique de Kant).

En ce sens, il est facile de comprendre qu'un scientifique cherche à vérifier, soit en [#]𓂀, soit en [⚤]𓂀 une hypothèse ou un principe de niveau [♲]𓂀. De même un mathématicien développe sa pensée dans un cadre axiomatique explicite de niveau [♲]𓂀.

Conséquence : un complotiste dont la pensée se développe sur un mode purement narratif, au niveau [⚤]𓂀 n'a aucune limite à son exploration Imaginaire et peut développer sa critique à l'infini, ou plus exactement dans un processus indéfini.

C'est ce que Freud a repéré comme "automatisme de répétition" : tant qu'un traumatisé n'a pas su prendre un certain recul par rapport au trauma, il est bloqué dans un automatisme qui lui fait revivre en boucle la même séquence traumatique.

Il s'agit donc ici, en ce qui concerne les complotistes, d'un symptôme d'une incapacité à dépasser une pensée limitée à [⚤]𓂀. En ce sens on peut y voir un trouble de la personnalité.

Dérapages conspirationnistes à gauche :

L'"affaire Strauss-Khan" comme vecteur conspirationnisme en milieu socialiste:

En poursuivant ce qui précède, on pourrait interpréter ces différentes "gesticulations" dans l'entourage de DSK, voire de DSK lui-même, comme le signe d'une recherche de solution à ce qui est immédiatement perçu comme un "trauma" ou une irruption du Réel dans l'Imaginaire : DSK embarqué par la police ! Cette recherche en [⚤]𓂀 étant limitée au mode narratif.

Du climatoscepticisme au complotisme : le cas de Claude Allègre :

Il se trouve que j'ai quelques notions de physique, et que j'ai lu les arguments de Claude Allègre à l'époque et donc, lorsque je lis :

"Les climatosceptiques sont des personnes qui doutent

  • soit d'un réchauffement climatique en cours sur la terre,
  • soit de son importance,
  • soit qu'il soit d'origine humaine".

Ces doutes n'ont guère de légitimité face au quasi-consensus international de climatologues autour des rapports du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, créé en 1988)" p. 279

Je dis qu'il y a un amalgame entre 3 types très différents de critiques.

Je ne discute pas des 2 premières, mais je sais que l'émission de CO2 par l'industrie des hommes ne peut pas causer un "effet de serre".

1/ Il y a 3 types de transmission de la chaleur :

  • Par convection;
  • Par conduction;
  • Par rayonnement.

L'effet de serre (celle de nos jardins) est un problème de convection, le réchauffement climatique est un problème de rayonnement solaire, et il n'y a pas de lien entre les deux. En particulier, le rôle des vitres d'une serre est de retenir un certain volume d'air, en laissant passer les radiations, quel que soit leur spectre. Allègre montrait (à la suite d'une expérience) que l'effet est aussi efficace avec un verre ne filtrant pas l'infrarouge. L'explication autour du rôle du CO2 est donc techniquement idiote.

2/ La mission du GIEC :

"le GIEC a pour mission d'évaluer, sans parti pris et de façon méthodique, claire et objective, les informations d'ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d'origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d'éventuelles stratégies d'adaptation et d'atténuation. Il n'a pas pour mandat d'entreprendre des travaux de recherche ni de suivre l'évolution des variables climatologiques ou d'autres paramètres pertinents. Ses évaluations sont principalement fondées sur les publications scientifiques et techniques dont la valeur scientifique est largement reconnue."

Autrement dit, les membres de ce groupement sont payés pour confirmer la raison de leur existence (impacts d'origine humaine), ils n'ont pas de vocation scientifique directe (pas d'expérimentation) et font simplement des compilations.

En particulier: ils ne sont pas payés pour vérifier si la hausse de température constatée est en corrélation avec une augmentation de l'activité solaire, or elle l'est !

- Mais pourquoi n'en as-tu jamais parlé ?

- Parce qu'au nom d'un combat écologique nécessaire, oui, il faut changer nos modes de production et de consommation d'énergie, et donc, indirectement, cette lutte contre la production de CO2 est nécessaire; mais je suis beaucoup plus inquiet de la disparition des espèces animales... Maintenant, si l'on me force à dire ce que j'en pense, je ne voudrais pas non plus passer pour une dupe...

- Soit, cette mise au point étant faite, je te propose de continuer : Claude Allègre est-il conspirationniste ?

- En un certain sens, oui. Même s'il a raison techniquement, il attribue le succès de cette doxa à une volonté de la "technostructure internationale onusienne" par exemple.

Elle est là, la dérive conspirationniste; alors qu'il est inutile de postuler une "main cachée" derrière le succès de cette théorie.

Le fonctionnement normal de la société scientifique, comme l'usage immodéré des citations croisées entre collègues dans les revues scientifiques font qu'un groupe peut se faire mousser, même en se disputant autour d'un projet, ou d'une thématique. (note #1)

J'imagine que Claude Allègre, très attaché à la réalité scientifique, et face au rejet de ce qu'il voyait comme "évident", recherchait la cause de ce décalage, sans "comprendre" le mécanisme du rejet, qui tient simplement au fonctionnement universitaire.

Au lieu d'étudier ces mécanismes, en allant par exemple voir chez Thomas S. Khun , autrement dit, dans l'analyse du "milieu universitaire et scientifique" en [#]𓂀, il a tourné en rond en [⚤]𓂀 pour décrypter un complot et un discours "politiquement correct" en [♲]𓂀.

J'en tire personnellement la leçon que l'attitude complotiste peu se développer sur une incompréhension "raisonnable" de l'Auteur 𓂀.

Michel Onfray ou James Bond en philosophie politique :

Concernant la désignation de Benoît Hamon comme candidat du PS face à Macron en 2017 : il est facile de voir que l'argument de Onfray est de niveau [⚤]𓂀 : Si l'élection de Macron (B) suit la désignation de Hamon (A), alors A est cause de B...

Concernant le "Système" :

"C'est un système qui fonctionne avec les médias, avec l'édition, avec les universités, avec l'école. C'est ce que Marx appelait "idéologie". L'idéologie impose un dispositif qui nous contraint à un non-choix. Nous devons opter soit pour le cercle de la raison, le libéralisme, soit pour la déraison, le fascisme. C'est un piège." p. 284

Les médias, les universités etc. sont une segmentation de la société, de niveau [#]𓁜, qui serait la conséquence d'une idéologie de niveau [♲]𓁜. La trace de cette segmentation (au sens où l'on parle du corps de base d'un espace vectoriel#) se réduirait ici à une dichotomie élémentaire 0/1 en [⚤]𓁜.

Cependant, malgré cette apparence de logique dans la struture théorique, il s'agit là encore d'un simple récit, si je puis dire "à rebrousse-poil" : (...⏩...)𓂀, en remontant aux causes à partir de mon expérience A :

  • A𓁜 Je suis obligé de voter contre Marine Le Pen;
  • B#𓁜 La structure sociale ;
  • C𓁜 La doctrine du Système.

L'ordre temporel recoupe l'enchaînement de cause à conséquence:  (C𓁜⏩B#𓁜⏩A𓁜)𓂀 <=> C implique B implique A.

Corcuff relève fort à propos cette remarque du sociologue Gérard Bonner :

"La logique conspirationniste est précisément celle qui ne parvient pas à se confronter à la complexité d'un monde beaucoup plus désordonné qu'elle ne l'imagine. Par une lecture rétrospective des évènements, elle offre de dévoiler la cohérence souvent imaginaire d'éléments épars". p.285

La France insoumise et le conspirationnisme tactique au sein du champ politicien:

Il est question ici de la recherche d'un complot derrière la perquisition de JL Mélenchon au cours de laquelle il s'est illustré !

Je laisse ici l'aspect ridicule de la tactique, pour en venir à un effet intéressant de la focalisation du Sujet en posture ex post 𓁜.

  • En posture 𓁝, le Sujet fait partie d'un "tout" que l'on tente de "cerner". Un groupe familial, un club de rugby, un parti politique, une église, le vide existentiel, voire Dieu lui-même en dernier ressort.
  • En posture 𓁜 le Sujet discrimine les "éléments". Or, si le philosophe s'arrête au constat de sa propre existence, comme objet final du discours, les objets de la nature se présentent de façon "fractale" : à chaque étape de l'observation, il y a des éléments à identifier. Autrement dit : le pouvoir discriminant du Sujet en posture 𓁜 se limite à ses propres facultés d'analyse.

Les éléments d'un objet, sont eux-mêmes des objets dont on peut identifier les éléments, dans une démarche indéfinie. Ça tombe bien, puisqu'en [⚤]𓁜, la structure de la narration elle-même est indéfinie !

Comme le disait fort à propos Pasqua qui s'y connaissait en complots et en "affaires" :

"Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien."

Ce théorème de Pasqua s'applique particulièrement bien à la posture complotiste limitée à [⚤]𓁜 !

On le retrouve également dans l'émiettement en factions de plus en plus petites de groupes centrés sur leurs différences, ou occupés à se différencier des "autres"... Comprenne qui voudra...

"Affaire Benalla" Interférences confusionnistes :

Le schéma est en gros le suivant :

  1. "on" (A) a fait (B) Macron qui a nommé (C) Benalla A=>B=>C
  2. C est grillé;
  3. B vire C
  4. Si B vire C c'est que A ne soutient plus B.

Là encore, la narration assimile causalité et temporalité dans une simple ligne discursive en [⚤]𓁜. S'il y a rupture dans le déroulement de l'histoire, toute la chaîne causale saute, et nécessairement le rapport causal A=>B est questionné.

Ce n'est pas une question de positionnement politique droite ou gauche, mais une façon de penser limitée à [⚤]𓁜 !

À ce sujet, chercher à établir des glissements entre droite et gauche, à partir d'une convergence temporelle entre leurs questionnements, serait de type conspirationniste, du style "comme par hasard, la droite et la gauche se posent la même question en même temps"...

Complotisme chez les hackers "antisystème" :

Par principe, le hacker va rechercher des "faits" pour les relier par des chaînes de causes à effets basées sur le repérage de leur succession temporelle en [⚤]𓂀. Aucune analyse de type [#]𓂀, aucun cadre théorique [♲]𓂀 explicite à mettre en oeuvre dans l'analyse, pour ensuite en vérifier la pertinence par rapport à l'observation.

"Antisystème" implique le rejet de toute base théorique ou exposé d'hypothèses en [♲]𓂀, puisque nous sommes ici dans l'opposition systématique et répétitive. Par principe toute "hypothèse de travail" serait vue comme faisant partie du complot... Automatisme de répétition en [⚤]𓂀.

Le paradoxe de critiques des théories du complot... complotistes :

Ça ne devrait pas nous étonner puisque nous définissons le complotisme par une posture du Sujet et non par les matériaux de droite ou de gauche qu'il manipule, ni même par quelque valeur de vérité que ce soit, nous l'avons vu avec Claude Allègre !


Le 27/04/2021 :

De l'anticonspirationnisme sélectif et du complotisme intermittent en milieu ultraconservateur : Alexandre Devecchio et Mathieu Bock-Côté :

- La question que je me pose ce matin, en relisant ce passage est celle-ci : ne sommes-nous pas ici en face de ce que Sartre appelait "la mauvaise foi"...

- Peux-tu préciser ?

- Si quelqu'un 𓂀 peut avoir le recul intellectuel suffisant pour détecter chez l'Autre 𓁝𓁜 une "pensée complotiste" et dénoncer, comme nous le faisons ici un récit strictement limité au niveau [⚤]𓁜, son discours se développe, en passant:

  • de ([⚤]𓁜)𓂀 en [⚤]
  • à ([⚤]𓁜)#𓂀 en [#]
  • ou ([⚤]𓁜)𓂀 en [♲].

 Il démontre ainsi sa capacité d'analyse. Maintenant si, malgré cela, il se limite volontairement à employer lui-même une argumentation de type complotisme, il joue un rôle, celui du "politicien" descendant dans l'arène "politicienne" pour "combattre l'ennemi avec ses armes", il est de "mauvaise foi" au même titre que le serveur de café de Sartre....

- Autrement dit c'est un "salaud" au sens sartrien du terme ?

- Oui, et il y a tout un discours philosophique sur le sujet, qui nous renvoie également à Comte Sponville.

En d'autres termes : il ne considère pas l'Autre comme un "autre lui-même" auquel il s'adresse au plus haut de son Imaginaire, en communion ou en empathie dans le sens que nous avons donné à (𓁝⇆𓁜)𓂀, mais comme un simple "objet" ou "objet a" de son discours, et encore, au niveau le plus élémentaire de celui-ci.

- Un salaud qui te manipule ?

- En résumé.

- Attends un peu... Les auteurs identifiés par Corcuff sont faillibles comme nous tous, ils peuvent très bien être lucides dans certaines de leurs analyses anticonspirationnistes, mais moins habiles dans la construction de leurs propres théories sur un mode complotiste, qui présenteraient du même coup les mêmes fragilités qu'ils dénoncent...

- L'argument ne tient pas. S'ils ont moins de rigueur intellectuelle envers eux-mêmes qu'envers les autres, cela participe de la mauvaise foi; avec en plus une idée de moindre effort ou d'économie intellectuelle : "c'est bien suffisant comme argument pour mon auditoire". 

Fiammetta Venner et Yann Berte : le complot des conspirationnistes vu de gauche ?

Ce dont nous parlons ici n'est ni propre à la gauche, ni propre à la droite, mais tient aux postures des Auteurs. Ce paragraphe le confirme...

Des antifas centrés sur "les infiltrations" de l'extrême droite :

Il faut faire attention dans le rejet du complotisme : certains individus peuvent vouloir prendre la main sur tel ou tel rond-point de gilets jaunes, sans y voir de volonté organisée à un plus haut niveau... Ce ne sont pas des "infiltrations" organisées de façon cohérente, mais les actions individuelles de certaines personnes; qu'il s'en dégage un effet de groupe est un autre problème.

De même qu'un mouvement au sein d'une foule n'est pas la manifestation d'une volonté organisée.

Quand la critique du conspirationnisme est relativisée par des figures intellectuelles de gauche :

Luc Boltanski : de la critique de la narration conspirationniste à une impraticable critique sociologique du conspirationnisme :

Il faudrait que je lise Boltanski pour en comprendre un peu plus. A priori, je tire de la lecture de Crocuff qu'il a du mal à conceptualiser la différence entre les niveaux Imaginaires [⚤] et [#]. Disons qu'il n'est pas le seul...

Des chercheurs en sciences sociales contre la mise en place de dispositifs pédagogiques de critique conspirationniste :

Il s'agit d'une tribune parue le 13/06/16 dans Libération "les pompiers pyromanes", contre un "plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme" du gouvernement lancé le 09/05/16 après les attentats de 2015. On y parle de "commissaires politiques de la rééducation mentale" et "d'agents de contre-propagande". Les signataires (dixit Corcuff) considéreraient le Président Hollande autrement plus dangereux que Soral, Éric Zemmour ou Reanud Camus...

Les arguments des signataires s'appuieraient sur :

  • "la diversité des cultures du monde";
  • la remise en cause d'une "valorisation de la connaissance produite par les sciences sociales".

On aurait :

"d'un côté un ultrarelativisme où la connaissance ne serait que l'expression d'une forme de domination et, de l'autre, un portrait des sciences sociales comme productrices d'universalisme, sans qu'un tel fossé soit argumenté épistémologiquement" p. 301

Si tel est le cas, j'avoue que la crasse intellectuelle de ce groupe "de gauche" a de quoi faire froid dans le dos !

Tout ce que j'écris ici s'inscrit en faux par rapport à cette pensée immature !

- Pourquoi immature ?

- Déjà la posture de rébellion permanente contre l'autorité (et présenter Hollande comme un "propagandiste" me semble un peu surjoué !) 𓁝[♲] est la posture de l'éternel ado.

Ensuite en rester à la "diversité du monde" sans chercher à s'en faire une idée, au minimum en faire une taxinomie, le premier stade de la connaissance, me semble d'une fainéantise intellectuelle crasse. Ici même, dans ce blog, nous avons pu distinguer très clairement des différences significatives entre un type de pensée avant Descartes, et après.

Enfin rejeter les "sciences sociales" du fait qu'elles sont le produit d'une culture donnée, c'est en rester à l'explication narrative du complotiste, qui me paraît ici une expression d'une paresse intellectuelle parfaitement insupportable. N'avons-nous pas ici cherché à comprendre des concepts proprement japonais, malgré le fossé culturel qui nous sépare de cette pensée ?

Devant l'urgence de la situation sociale et politique, je n'accepte pas que des intellos restent figés dans une posture aussi critique que stérile, en se disant de gauche.

- Tu y vas fort ! Certains signataires ont produit une somme considérable de travail universitaire.

- Ne confonds pas quantité et profondeur, agitation thermique et travail...

Frédéric Lordon ou la délégitimisation de la critique complotiste :

Je pense que Corcuff fait un contresens dans son analyse, mais il faudrait en discuter avec les intéressés eux-mêmes.

- De quel contresens parles-tu ,

- Lorsqu'il relève ceci de Lordon :

"Le peuple est bête et méchant, le peuple est obtus. Au mieux il pense mal, le plus souvent il délire. Son délire le plus caractéristique au un nom: le conspirationnisme [...] C'est la bénédiction des élites qui ne manquent pas une occasion de renvoyer le peuple à son enfer intellectuel, à son irrémédiable minorité." p. 302

Il commente ensuite :

"Alain Soral, Éric Zemmour, Renaud Camus... ce serait" le peuple" stigmatisé par les élites ?" p. 302

 Je crois qu'il y a une confusion dans la lecture de Corcuff: Lordon place, à mon sens, ces trois-là parmi cette élite qui renvoie le peuple à son "irrémédiable minorité".

Par ailleurs, Corcuff dénonce chez Lordon un certain relativisme dans sa critique, en admettant une dose de complots :

"qui tiendrait ensemble et la régulation contre certains errements extravagants (jusqu'au scandaleux) de la pensée conspirationniste, et l'idée que la domination, si elle est principalement dans et par des structures, et aussi affaire pour partie d'actions collectives délibérées des dominants" p.303

Il me semble qu'ici, Corcuff tombe dans un travers qu'il a lui-même dénoncé plus haut dans son texte entre le complotisme et les complots.

  • Le "complotisme" est, comme nous l'avons clairement identifié (en suivant Corcuff) une forme narrative⚤ (...⏩...), au niveau [⚤]𓂀 de l'auteur du récit.
  • Un "complot" est un processus historiquement identifiable et/ ou vérifiable, initié par un ou des individus portant sur un ensemble de Sujets.

Bien entendu, l'auteur d'un complot peut lui-même avoir une pensée complotiste.  Dans ce cas-là, il va dérouler un processus.

Mais le comploteur peut mettre en oeuvre des actions d'un niveau plus élevé pour arriver à ses fins (en gros de domination):

  • En [#]⊥𓂀 il peut s'agir d'organiser des plans# d'insurrection, ou d'identifier des ennemis de classe#, afin d'opérer ensuite des actions ciblées, ou mener des campagnes contre telle ou telle catégorie;
  • En [♲]𓂀 la domination passe par l'attaque de la doctrine dominante (d'où les attaques contre le "politiquement correct"); mais il peut également s'agir d'une maîtrise du vocabulaire à la disposition du "peuple" (voir 1984) etc...

Tout ceci n'a rien de neuf et se retrouve chez Sun Tzu : "s'attaquer aux plans de l'ennemi", l'espionner, utiliser la "force extraordinaire" pour déstructurer l'organisation ennemie, sont des armes de comploteurs.  

Et il me semble que Lordon et Corcuff, font parfaitement la différence entre:

  • Une thèse complotiste, qui est un mode de penser et de compréhension linéaire de l'enchaînement des évènements,  de niveau [⚤]𓂀, et
  • L'organisation effective et le passage à l'acte, par un individu ou un groupe en vue de s'assurer la domination sur un autre groupe.

Mais :

  • Une lecture "complotiste" des évènements n'assure en rien de l'existence d'un complot;
  • On peut mener un complot, sans avoir soi-même une compréhension "complotiste" de la situation, c'est même conseiller pour avoir quelque chance de succès ! 

Dès lors, je me trouve moi-même dans la situation de questionner le sens qu'il faut donner à ces contresens de Corcuff ?

- Deviendrais-tu complotiste ?

- Va savoir...

Conspirationnisme et affaires :

Ce qui est drôle, c'est qu'ici Corcuff commence par préciser le distinguo dont nous venons de parler entre "complotisme" et complots, conduisant à certaines "affaires".

L'auteur parle en particulier de l'usage pédagogique que Médiapart fait des "affaires" qu'il dévoile, insistant sur les explications sociologiques et contextuelles en prévenant ses lecteurs contre toute déviance ou récupération "complotiste". Dont acte.

- La question reste malgré tout posée de l'appétence du public pour les schémas simplistes du "complotisme".

- J'ai parlé plus haut de facilité intellectuelle... Nous pouvons tenter de structurer un peu mieux ce ressenti.

D'une façon très générale, un être vivant "s'organise" en dépensant le moins possible de sa propre énergie. Ce n'est que lorsqu'une routine intellectuelle commence à lui peser, ou que son inefficacité le met en danger, qu'il va sortir de sa zone de confort pour se remettre en cause et réorganiser sa pensée. Si une explication "complotiste" suffit, alors pourquoi chercher midi à quatorze heures ? De plus, si la majorité autour de soi va dans le même sens, il est plus facile de se laisser porter par le nombre que de chercher à approfondir sa propre compréhension des choses. Disons que cet aspect "économique" des choses, complète ce que nous avons déjà dit de la préférence du Sujet à être en posture fermée 𓁜 plutôt qu'ouverte 𓁝.

Corcuff pointe une survalorisation du rôle du Président, en particulier celui de Macron gérant la crise sanitaire actuelle : tout le malheur du pays lui tombe sur les épaules ! Tous experts en Covid, tous attendant ses directives pour les contester immédiatement systématiquement. Ça en devient ridicule... Et très dommageable à court terme pour le concept de démocratie... "on veut des légendes, des légendes..."

J'en ai bien peur ! 

Conclusion de Corcuff :

Je pense que ces "espaces de transversalité" sont plus des effets d'optique qu'un mouvement objectif de thèmes passant d'un camp à l'autre.

- Je te comprends mal peux-tu préciser ?

- Le tigre sabre et le tigre que nous connaissons actuellement aux Indes, sont très semblables, par leurs morphologies, leurs mâchoires en particulier et leur aptitude à la chasse, ainsi que la place qu'ils occupent dans la chaîne alimentaire.

Cependant, s'ils sont tous deux mammifères, l'un est de l'infra-classe des marsupiaux, quand l'autre est placentaire. Leurs histoires sont totalement différentes, et tu ne peux en aucun cas imaginer que l'un a "copié" sa façon d'être par une quelconque proximité avec l'autre.

Il en est de même ici entre un "complotisme de droite" et un "complotisme de gauche". Leur positionnement au niveau [♲]𓁜 est foncièrement différent (en particulier en ce qui concerne l'axe "critique sociale - émancipation", mais au niveau le plus élémentaire de l'Imaginaire, au plus proche de l'action et du Réel, les mécanismes intellectuels étant limités à la narration de niveau [⚤]𓁜, et plongés dans le même contexte Imaginaire, leurs productions sont semblables.

- N'est-ce pas plutôt une dérive qu'il pointe sur une possible interprétation de type complotiste qui verrait de tels glissements entre droite et gauche ?

- Je ne le pense pas. Le terme "espace de transversalités" renvoie à ce qu'il a tenté de théoriser (à partir de Foucault) en introduction, et que j'avais déjà repéré (voir "#01- Introduction").

- Il est donc à craindre que le tissage de cet "espace" de circulation ne soit pas au niveau de concepts partagés de niveau [♲]𓁜, au sens d'un Ma 間 partagé, mais dans leur expression narrative, de niveau [⚤]𓁜, autrement dit qu'il participe du complotisme qu'il dénonce ?

- Oui, et j'ai peur que sa propre confusion en la matière présente le même structure que celle du "condusiannisme" qu'il dénonce...


Relecture du 29/04/2021 :

- En repensant à e que j'ai écrit au sujet de Claude Allègre, je me demande si ma propre attitude n'est pas elle-même complotiste ?

- Peux-tu développer ?

- En l'occurrence, malgré mon opinion personnelle qu'Allègre est techniquement dans le vrai, je m'abstiens de l'appuyer pour des raisons tactiques, autrement dit d'ordre procédural en [⚤]𓁜, du style "si c'est bon pour la cause écologique, laissons dire"; et je me retrouve dans la "mauvaise foi" que je dénonce par ailleurs.

- Aïe, te voilà dans la peau du "salaud" à ton tour !

- Oui, oui, mais nous pouvons aller plus loin dans l'analyse.

- De quoi veux-tu parler ?

- Du problème de la causalité liée au défilement temporel tel que nous l'imaginons en [⚤]𓁜.

Accroche-toi bien parce que ça va secouer !

Nous avons vu que le concept de "successeur" qui est toujours pertinent lors du premier saut ([⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜)𓂀 (on passe de N à R) disparaît ensuite dans l'itération des sauts (en passant de R à C puis H).

- Oui, en gros le temps devient orthogonal à l'espace, comme dans un graphique au tableau noir avec une base orthogonale (x,t).

- Bien, je continue pour les nouveaux : en [♲]𓁜, temps et espace sont à nouveaux rassemblés et nous parlons de "conservation du mouvement" sous différentes formes (vitesse, énergie etc.).

- Tu nous entraînes très loin de notre sujet, où veux-tu en venir.

- À ces expériences totalement neuves en physique de "choix retardé" d'Alain Aspect. Je n'y reviens pas ici en détail, car nous en avons déjà parlé, mais il est possible en "choisissant" de faire une mesure ou pas (i.e.: en  [⚤]𓁜), de déterminer a posteriori l'état♲ du système permettant la mesure en question.

Et je me demande si nous n'avons pas ici, un phénomène de cet ordre ?

- Je ne comprends pas ?

- Je vais le dire autrement : en choisissant a posteriori de ne pas défendre Claude Allègre, comme j'aurais dû le faire en toute transparence intellectuelle, je participe à un complot qui n'existait pas forcément a priori.

- En quelque sorte, la parole serait performative ?

- Oui : ici, le complot n'est pas la cause du récit complotiste mais sa conséquence, qui peut ensuite s'alimenter de lui-même.

- Sais-tu à quoi ça me fait penser ? Au mécanisme de la rumeur décrit par ton prof Jean Noël Kapferer à HEC.

- C'est exactement cela : 

"Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose" Francis Bacon

En fait, ce que le scientifique redécouvre ces derniers temps était déjà fort bien connu depuis la nuit des temps.

En ce sens, le combat contre le complotisme revêt une toute autre dimension !

- Comment cela ?

- Le complotisme n'est pas seulement, comme je l'avais imaginé jusqu'à présent, le signe d'un dérèglement chez le Sujet, coincé au niveau précédural de son Imaginaire en [⚤]𓁜 dans un automatisme de répétition, mais c'est la cause potentielle de la formation d'un complot. Mieux : le Sujet complotiste, conscient de l'aspect performatif de sa parole, peut utiliser un récit complotiste pour susciter le complot, pour lui donner corps en  [♲]𓁜.

En ce sens, réfuter les arguments d'un complotiste participe à la constitution même, en [♲]𓁜, de ce que l'on dénonce, car les spectateurs comprendront "il n'y a pas de fumer sans feu"...

- Mais alors, comment s'opposer au récit d'un complotiste, puisque en l'approuvant comme en le réfutant, j'alimente son discours ?

- C'est vrai : le combat est perdant au niveau de la narration en [⚤]𓁜. Ce serait encore vrai, je présume sans le développer, en termes catégoriques#, en [#]𓁜. Il faut donc porter le fer au niveau des valeurs, en [♲]𓁜.

Ceci renforce mon sentiment d'avant-hier, et j'en terminerai là-dessus : la confusion de Corcuff tenant à sa non prise en compte de la différence entre niveaux [⚤] et [♲], donne corps au "confusiannisme" en [♲] comme objet de son discours...

Hari

Note 1 :

Ce n'est pas nouveau et Thomas S. Khun en a fait l'analyse depuis bien longtemps. Les directeurs de thèses utilisent leurs doctorants pour pousser leurs propres recherches, voire interdire certaines études.

Ce fut le cas longtemps en France en mathématiques où toute recherche sur la théorie des catégories était bannie par le groupe Bourbaki avec en particulier Laurent Schwartz à la maneuvre. Seul le caractère de Grothendieck, grâce à l'évidence de son génie, pouvait braver l'oukase !

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