Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
15 Avril 2021
Lecture du 15/04/2021
Chapitre 3: Le couple critique sociale - émancipation et la gauche resituée dans l'histoire
Nota : La signification et l'usage de mes glyphes, comme le schéma général de l'Imaginaire du Sujet sont présentés ici: "Résumé" ☯[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯𓂀 (1) J'ai situé certains concepts Japonais, tels que Ma/Aïda 間, Mu 無, espace 空間 et temps 時間 dans cette grille de lecture, ici : "L'espace-temps / Ma" ☯[∃]𓁝⇅𓁜[時間]𓁝⇅𓁜[空間]𓁝⊥𓁜[間]𓁝⇆𓁜[無]☯𓂀 (2) |
- Merci au Professeur Corcuff pour cette présentation, et si j'avais une requête à lui présenter, ce serait de publier ce chapitre en libre accès afin que tous puissent s'y ressourcer...
- Tu as quelque chose à te faire pardonner ?
- Oui, j'avoue avoir été très frustré jusqu'à maintenant dans la lecture de ce livre, faute de comprendre à quoi Corcuff se référait en parlant de "critique sociale" et d' "émancipation".
- Reconnais que tu n'as aucune culture politique !
- Je l'avoue bien humblement, et je remercie Corcuff pour cette mise au point qu'il fait ici, j'ai enfin quelque chose de consistant à me mettre sous la dent.
- Tu es pourtant parti dans des délires topologiques pour définir l'émancipation comme une "ouverture" Imaginaire (cf: "philosophie politique - récapitulatif"). Faut-il tout reprendre ?
- Non, car je n'avais pas fait de contresens, mais les précisions qu'il donne ici vont me permettre d'approfondir ma réflexion. Par ailleurs, je comprends mieux l'articulation entre "critique sociale" et "émancipation".
- Donc tout est bien, il n'y a plus qu'à s'y mettre ?
- Petit bémol cependant: faute d'une conception du Sujet un peu claire, avec en particulier son ouverture nécessaire hors de l'Imaginaire (𓁝⇆[∅]☯)𓂀, la discussion politique telle que nous la prépare Corcuff manque une étape : au nom de quoi vouloir l'émancipation de l'Autre ? Qu'est-ce qui fait le lien entre les individus, la Ma 間 Japonais? Je regrette de ne pas avoir vu de référence à Slavoj Žižek (qui, lui, fait le lien entre Freud-Lacan et Marx) dans le large tour d'horizon qu'il nous offre ici. Mais nous verrons tout ceci au fil de notre relecture.
Les liaisons historiques de la critique sociale et de l'émancipation : un pilier intellectuel de la gauche :
Je trouve très significatif que la distinction gauche/ droite soit originellement d'ordre strictement "spatial" : c'est la répartition des députés par rapport au point de vue du président de l'assemblée Constituante. À sa droite, ceux qui souhaitent laisser au Roi un droit de veto absolu et un principe monarchique, à sa gauche ceux qui s'y opposent au nom de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, adoptée en août 1789, attribuant la souveraineté au peuple.
- En quoi est-ce significatif ?
- Il ne s'agit pas d'une opposition franche oui/non, ou royaliste/ anti-royaliste, de niveau [⚤]⇅𓁜, mais d'une recherche d'appartenance : il s'agit de se regrouper malgré des différences de sensibilités et de définir une frontière afin de se compter, les deux territoires étant alors "étrangers" l'un à l'autre ou orthogonaux: [#]⊥𓁜. Par ailleurs, et Corcuff ne le dit pas, mais cette lutte catégorique# se double d'une autre, en lien avec le Symbolique : faut-il éradiquer la religion, ou bien se référer à un principe fédérateur autour duquel se rassembler. N'oublie pas que le préambule de la Déclaration commence par :
"l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen"
Avec Robespierre à la manoeuvre pour imposer cet "Être suprême", venu tout droit des loges maçonniques, contre un athéisme radical des premiers jours. Cette bataille contre l'idée d'un roi "de droit divin", n'était certes pas oubliée à l'époque, et se plaçait bien entendu en [♲]⇆𓁜.
Mais cet Être suprême ayant très vite disparu des radars, il a fallu donner un peu de "substance♲" à ce qui, au départ, n'était que catégorique#. D'où le "bricolage" que Coruff relève :
Autrement dit : il s'agit d'un mouvement hybride:
Le second mouvement émergeant à partir d'un questionnement en termes de "classes sociales#", explicite chez Marx et Engels.
La prise de conscience, ou rencontre des deux mouvements ⇅ en 𓁝⊥[♲]⇆𓁜, formant ce que l'on peut voir comme "l'essence♲" de la "gauche", en comprenant cette essence♲ comme se conservant♲ sous les différents habits# qu'elle peut revêtir. Formellement : (expérience# ⇆ concepts♲)⇆𓁜.
Le problème, c'est que sans l'ouverture finale des concepts énoncés, sur un principe indicible : ([♲]𓁝⇆𓁜[∅]⏩[♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯)𓂀, le discours se ferme, par définition !
- Attends un peu. Tu es en train de nous dire que Corcuff restreint le concept de gauche à un discours fermé (...)𓁜 ? Mais quelle est la différence avec la progression Imaginaire que l'on voit dans la pensée mythique, lorsque le Jivaro arrive à surmonter une contradiction entre les états de "femme" et de "potière" ?
- Reporte-toi au "Point #3 - la forme canonique des mythes" : là où le conteur Jivaro ne conclut pas le mythe (i.e.: [♲]𓁝⇆𓁜[∅]) en restant sur le sacrifice d'Engoulevent, totem de la femme, l'anthropologue Lévi-Strauss trouve l'antithèse de cet oiseau mal élevé dans le fournier, et conclut l(i.e.: [♲]𓁝⇆𓁜[∅]) en offrant cette solution...
L'ouverture est non seulement nécessaire au niveau individuel, mais également comme principe fédérateur. Il faut toujours un mystère vivant pour qu'une assemblée se retrouve unie dans la même espérance...
- Tu retrouves le vocabulaire de ton curé d'enfance.
- Oui, parce qu'il est profondément juste. Toute religion est fondée sur un mystère, sur une interrogation ouverte, et le Saint n'est pas celui qui sait 𓁜, mais celui qui doute 𓁝. Or, s'il y a bien des organisations résilientes, résistant aux vicissitudes séculaires, ce sont les religions... Leur espérance de vie se compte en millénaires, celle d'un parti en décennies...
Elle est là l'erreur fondamentale de Chevènement : à l'universalisme, compris comme une espérance dans le genre Humain, et une ouverture au monde, il se focalise sur un "plan B" de comptable en défendant le franc contre l'euro, la France coupée du Monde, dans l'espoir d'une émancipation limitée à la France... C'est mort d'entrée de jeu en [♲] et ce, avant même d'en discuter en termes économiques et tactiques en [⚤] ou stratégiques en [#] !
- OK, j'ai compris, mais avance un peu.
- C'est à ce niveau [♲] que Corcuff voit le lien, critique sociale - émancipation, comme constitutif de la conscience de gauche. À rapprocher du mouvement général : (expérience# ⇆ concepts♲)⇆𓁜.
De ce point de vue, la critique sociale vient de l'expérience du terrain, et de la lutte des classes en particulier, d'un terrain de niveau [#], quand l'émancipation⚤ serait une aspiration, explicitée par la devise Républicaine "Liberté, Égalité, Fraternité".
- Tu vois bien qu'elle est là ton ouverture, non ?
- La référence à la Fraternité se fait de nos jours du bout des lèvres mon ami, mezza voce. Elle se pratique à titre individuel, chez les bénévoles des Restos du Coeur, d'Emmaüs ou de Caritas, mais pas franchement dans les partis politiques. Chez les Écolos, l'Autre passe même au second plan, jusqu'à vouloir subordonner son rôle de citoyen à l'écologie dans la Constitution.
- Tu es contre l'écologie ?
- Certainement pas, mais vouloir enfermer la liberté du citoyen dans des règles intangibles, c'est ne pas lui faire confiance, le traiter comme un objet et fermer le discours [♲]𓁜. C'est tout sauf en accord avec l'idée de son émancipation, et d'une ouverture 𓁝[∅]!
- Nous nous éloignons du sujet, et donc, tu proposes de caractériser le lien entre critique sociale et émancipation au niveau [♲], avec :
(critique sociale# ⇆ émancipation♲)⇆𓁜
- Ça me semble pas mal, avec la discussion sur l'ouverture finale reportée sur le désir d'émancipation : 𓁝émancipation∅, au nom d'un principe en suspens.
Problématique moderne du couple critique sociale - émancipation :
- Dans l'articulation de cette liaison, tu vois immédiatement les limites de l'épure.
- Comment cela ?
- Corcuff attaque en disant que la critique porte sur des écarts par rapport à un modèle que l'on se donne, ce qui est vrai, mais regarde précisément de quelle façon il en parle :
"Cet horizon [positif] a pu être nommé liberté, égalité, justice sociale... ou émancipation." p. 183
D'entrée de jeu, la fraternité est réduite aux acquêts : "la justice sociale" ! Il y a là une pudeur de jeune fille mal venue : une transcendance ↓ est tendue par une 𓁝espérance∅ ↑ (i.e.: [♲]𓁝⇆𓁜[∅]) et non par un tract⚤ revendicatif (i.e.: [⚤]𓁝⇅𓁜[#])!
Par ailleurs, les dominations dont il s'agit de s'émanciper, sont elles aussi limitées:
À part les inégalités de ressources économiques, de niveau procédural⚤ [⚤], toutes les autres limites sont de niveau [#], rien de niveau [♲] !
- Lesquelles par exemple ?
- Tout ce que la psychologie nous apprend des rapports entre Sujets, des rapports du maître et de l'esclave, par exemple, ou de la lutte pour se défaire d'une religion imposée, d'une pensée imposée, d'une autorité imposée, de mots imposés. La critique sociale telle que définie n'évoque même pas la possibilité d'un état de dépendance psychique pouvant faire préférer une domination "paternaliste" et sécurisante, à la perspective d'une liberté sans horizon... C'est bien pour cela que le névrosé 𓁝 s'échappe dans la psychose 𓁜 : la peur de l'autre, le complotisme du parano le préservent d'une angoisse existentielle (voir "névrose psychose une question de posture").
- Tu sors du cadre politique !
- Crois-tu que l'on puisse aborder la question de la soumission à un ordre étatique, ou à un Sujet quelconque, en posture de ce que j'ai défini comme "docteur de la loi " [♲]𓁜 sans se poser de question de cet ordre ? Dès qu'il y a incarnation d'une doctrine, la question est incontournable.
La soumission à un "docteur de la loi" est tellement économique, comme nous l'avons vu (cf. "La grande confusion #2"), que la majorité des poliques lorgnent sur la place, quelques-uns y parviennent...
L'insuffisance de sa problématique n'échappe d'ailleurs pas à Corcuff :
"... Dans cette configuration conceptuelle, la justice sociale serait une des composantes, importante mais non-exclusive, de l'émancipation, qui créerait par ailleurs des intersections, non exemptes de tensions, entre liberté et égalité..." p. 183
Autrement dit, et désolé d'enfoncer le clou, mais faute d'une assise Symbolique (i.e.: [♲]𓁝⇆𓁜[∅]) à partir de laquelle fonder les principes de la "gauche" ou plus généralement de la République ("Liberté-Égalité-Fraternié"), la devise se ferme (i.e.: [♲]𓁝⇆𓁜[∅]) et peut être rejetée en récusant celui qui l'énonce. En cela parler comme Rousseau de "contrat" social est faible, tout comme envisager de limiter la laïcité ou la liberté d'expression au non d'un réalisme qui n'est pas de mise ici !
- Tu t'énerves, reviens au texte !
- Tu as raison : un point intéressant noté par l'auteur, est ce glissement de sens du mot "émancipation".
À l'origine, il s'agit de l'émancipation d'un Sujet par un autre (le fils par le père, l'esclave par le maître etc.), puis, avec Kant en 1784, il s'agit de "s'émanciper" par soi-même :
"Emmanuel Kant caractérise les Lumières comme "la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable" p. 184
Évolution qui passe par un "usage public de la raison".
Or, ceci n'est concevable qu'après la révolution cartésienne, dont je t'ai déjà rebattu les oreilles : le passage d'une pensée confinée en [#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯ (nous l'avons vu en suivant Foucault) à celle de Descartes inaugurée par la crise de conscience du cogito, tournée vers le Réel, et coupée de toute référence divine : ☯[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜.
- Stop ! Tu viens de nous faire toute une tirade sur la nécessité de garder une ouverture spirituelle, et tu repars sur Descartes, qui a tué, intellectuellement la référence à Dieu.
- Oui, parce qu'il s'agit précisément d'une étape intellectuelle qui n'a pas fonctionné. La dialectique, adossée à la logique seule ne fonctionne pas, la chute du mur le prouve; et il ne s'agit pas tant de stigmatiser un fonctionnement de l'URSS dévoyé ou d'une doctrine mal employée, mais de comprendre que la doctrine elle-même était déficiente. On commence à s'intéresser à l'homme comme Sujet à part entière en prenant la peine de l'écouter, avec Freud, à la charnière du XIXè et du XXè siècle, au même moment où la relativité comme la quantique ont obligé à penser au-delà de la logique et nécessité l'approche topologique de Henri Poincaré, qui fait le pont entre les deux modes de penser précédents: 𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜 .
Au XIXè siècle la question n'était pas de comprendre ce que pouvait signifier l'émancipation du Sujet, mais de passer de l'émancipation individuelle au collectif. C'est un questionnement positiviste, pratiquement en termes mathématiques limités à la logique (i.e. : de niveau [⚤]𓁜 avec les individus vus comme "éléments⚤" d'un "groupe⚤").
- Attends ! Il y avait une mystique communiste, un espoir dans le genre humain qui soudait les camarades au sein des cellules du Parti...
- Très vite dévoyée en manipulation d'individus réduits à des caricatures. La Symbolique devient moyen de pression, ou de coercition. La gestion des brigades internationales venus combattre le franquisme en Espagne, aux côtés des Républicains ou bien les camarades forcés de s'accuser pendant les procès de Moscou sur l'autel du Parti, montrent parfaitement ce qu'il en était.
On a fait de Marx et Engels des "docteurs de la loi", à leur corps défendant, mais Staline et Mao ont pris la posture en toute connaissance de cause.
- Admets alors les réticences que peut soulever ta demande d'ouverture... N'es-tu pas en train de chatouiller la queue du dragon ?
- Je parie au contraire que c'est en prenant conscience de nos mécanismes inconscients que l'on devient adulte, et je m'adresse aux Autres comme à moi-même. Si l'on ne s'empare pas du problème à bras-le-corps, d'autres le feront, avec d'autres systèmes de valeurs♲. Regarde la facilité avec laquelle les gens s'agglutinent autour du moindre prophète, c'est écoeurant... Je ne cite pas de nom ici, parce qu'il faut avancer.
Corcuff arrête donc son exploration du concept d'émancipation à cette définition issue des Lumières : "c'est sa forme moderne que je viens de synthétiser" p. 184, c'est dire que c'est mal parti...
Repérages-1 : de la critique sociale :
- Là, ça part en couilles, désolé du mot...
- Explique-toi
- Nous venons de voir que la critique se comprend comme la face négative d'un vécu rapportée à une figure idéale positive; Celle-ci étant à gauche en relation avec l'idée d'émancipation. Autrement dit, une prise de conscience venant du rapprochement entre un percept ↑ et un concept ↓.
Or ici, il reprend une idée de Michael Walzer selon laquelle :
"Le rôle spécifique de la critiqe sociale, c'est de faire la description de ce qui ne va pa de manière à suggérer un remède." p. 185
C'est-à-dire un pur processus immanent ↑ sans référence ou critère de jugement donné d'avance. Or, en parlant des prophètes du judaïsme antique, il me semble qu'il oublie un peu vite toute pensée transcendente dans l'histoire...
Continuons :
"La polarisation moderne entre critiques "conservatrices" et critiques "progressistes" renverrait à des différences d'inscription dudit remède dans l'histoire :
La césure passé/ avenir entre les deux est très mal articulée !
- Je la trouve au contraire très claire.
- Sauf qu'ici il faut comprendre :
Or la césure se fait entre pensée "ouverte" 𓁝 et pensée "fermée" 𓁜, qui est d'un autre ordre. J'ai connu un prêtre ouvrier à l'esprit ouvert et un Chevènement à l'esprit fermé.... Encore une fois, faute de porter le débat au niveau [♲], nous sommes ici en train de définir des catégories# faciles à manier, en dehors de la réalité du terrain. (note # 1)
Ensuite, l'idée de "critique" évolue, mais toujours dans le domaine de "la raison", passant de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert à Rousseau :
"J'ai tâché d'explorer l'origine et le progrès de l'inégalité [...] par les seules lumières de la raison, et indépendamment des dogmes sacrés qui donnent à l'autorité souveraine la sanction du droit divin." p. 187
Il faut avouer qu'à l'époque de la parution de son "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" en 1755, l'année du grand tremblement de terre de Lisbonne et de l'autodafé qui s'ensuivit, en provoquant une réaction de Voltaire que l'on connaît, c'était révolutionnaire.
Mais n'y a-t-il eu aucun progrès intellectuel depuis cette époque ?
"Les grands théoriciens sociaux du XIXe siècle, comme Pierre-Joseph Proudhon, Karl Marx, Mickaïl Bakounine ou Louise Michel, radicaliseront le geste des Lumières en rendant plus consciente, assumée, volontaire, l'insertion de la critique dans les luttes sociales et politiques." p. 188
Apparemment pas : toute l'énergie se porte sur l'exercice de la critique et non sur sa mécanique elle-même.
À part peut-être chez Marx qui se doute de quelque-chose :
" ... D'où l'hypothèse de Renaud d'une "tentative de transformation de la rationalité" chez Marx. Peut-être dans une tension, non clairement consciente chez Marx, en tant que non dépassée ni dépassable, entre raison, histoire et action politique" p. 188
Note l'idée de "tension", qui est évidemment la clef du problème.
Repérages historiques-2 : de l'émancipation :
RAS : nous avons déjà vu l'évolution de l'idée de l'émancipation par quelqu'un à l'auto-émancipation chez Kant. Il est juste à noter sa préoccupation quand aux conditions sociales qui peuvent accompagner ou favoriser cette auto-émancipation individuelle.
La gauche, du XXe siècle à aujourd'hui :
Ici, Corcuff teste la validité de sa présentation du duo critique sociale - émancipation comme axe central de la pensée de gauche dans son développement historique au cours du siècle dernier, et franchement, merci pour ce travail, qui me permet à mon tour de tester ma mise en perspective Imaginaire:
(critique sociale# ⇆ émancipation♲)⇆𓁜.
Je trouve déjà significatif qu'un théoricien comme Federico Tarragoni intitule un de ses ouvrages "l'émancipation dans la pensée sociologique : un point aveugle?" car c'est exactement ça 𓁝[∅] : un point aveugle, autrement dit une ouverture dans le discours.
Par ordre d'entrée en scène, Corcuff commence par Max Weber :
"... La configuration que je viens de proposer de la critique sociale, de l'émancipation et de leurs relations, de la fin des Lumières de XVIIIe siècle au mouvement socialiste des XIXe et XXe siècles doit être considéré [...] sous la forme d'un idéal-type dans le sens donné à cette notion pas Max Weber. Pour le sociologue on ne trouvera nulle part empiriquement un pareil tableau dans sa pureté conceptuelle il est une utopie. [...] Elle a pris la forme d'un idéal dans nombre de luttes sociales et politiques se réclamant de gauche.
[...] Les notions "d'idéal-type" pour les chercheurs et "d'idéal" pour les acteurs se rejoignent ici dans leur dégonflement de l'arrogance intellectualiste prétendant faire le tour du réel au moyen d'ensembles contextuels prétendant englober par avance par le haut ce que nous faisons" p. 191
J'ai pris le temps de transcrire ce passage pour montrer l'erreur méthodologique de Corcuff.
- Tu ne peux pas laisser ça sans l'expliciter en détail.
- Oui, d'autant plus que cette erreur découle d'un manque conceptuel.
1/ Tout d'abord, Corcuff loupe quelque chose dans l'approche de Max Weber : lorsque ce dernier parle d'idéal-type ou d'utopie, ce n'est pas vu comme un une sorte de perspective qui se profilerait à l'horizon d'une démarche immanente ↑, à partir de l'expérience du terrain, de même qu'au tableau noir, en représentant le mouvement d'un mobile par une courbe (temps⊥espace), on le prolonge dans le futur par un trait en pointillé.
Max Weber part d'une nécessité éthique, qui n'est pas propre à son analyse d'une utopie de gauche, mais à toute théorie sociale, comme le capitalisme par exemple, qu'il voit comme conséquence d'une approche Protestante du rapport du Sujet à Dieu (i.e.: la parabole des talents). Autrement dit, l'utopie en question n'est certainement pas une construction de type purement immanent ↑, mais doit rencontrer quelque transcendance ↓.
2/ L'opposition "d'idéal-type" pour les chercheurs et "d'idéal" pour les acteurs participe à "l'arrogance intellectualiste" qu'il dénonce, en revoyant les acteurs à leurs espérances, des rêves d'utopie, que les chercheurs, seuls, seraient capables d'objectiver. C'est rien moins que voir en l'Autre non pas un égal, un Autre-Je, mais l'objet "petit a" de son désir de chercheur.
- Tu es injuste : Corcuff se compte lui-même comme militant.
- Dans ce cas, il y a une fermeture du discours dûe à son incapacité à prendre en compte l'ouverture du Sujet 𓁝, dans un discours nécessairement fermé (...)𓂀 alors que nous y sommes parvenus ([♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯)⇆𓂀. Il reste dans un discours de niveau [#]⊥𓂀, en séparant deux facettes de lui-même:
(militant⊥unversitaire)⊥𓂀...
3/ C'est aussi renoncer à théoriser cette aspiration d'ordre éthique.
4/ C'est enfin se tromper sur le sens profond de la nécessaire "ouverture" du discours.
L'idée de "faire le tour du réel au moyen d'ensembles contextuels prétendant englober par avance par le haut ce que nous faisons" en reste encore à l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert. C'était également l'objectif de Wittgenstein dans son Tractatus de 1921.
Mais fort heureusement, Wittgenstein lui-même se reprend dans le dernier point de son essai :
« ... sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. »
À la même époque, Gödel détruit tout espoir de "faire le tour" des mathématiques comme l'espérait encore Hilbert dans son programme, quand aux physiciens, il y a déjà 120 ans qu'ils ont tiré les leçons quantiques de la catastrophe ultraviolette.
Autrement dit, personne à l'heure actuelle, un tant soit peu au fait de ce qu'est une démarche scientifique, ne saurait imaginer "faire le tour" de quelque objet de discours que ce soit.
- Il ne s'adresse pas aux "intellectuels" versés dans les sciences dures...
- À qui alors ? Faut-il penser qu'en sciences sociales, les esprits aient deux siècles de retard sur la pensée qui se déploie en sciences physiques ou mathématiques? Il faudrait à tout le moins en retrancher la psychanalyse et l'ethnologie, je ne saurais dire pour les autres...
Ce qui m'intrigue le plus est ceci : "prétendant englober par avance par le haut ce que nous faisons", qui nous ramène à notre discussion autour des discours "ouvert" et "fermé" (voir "Philosophie politique - récapitulatif").
Je l'interprète comme ceci : Corcuff,
Il y a dans cette démarche un manque conceptuel qui tient à l'incapacité de comprendre la nécessité de différents niveaux synchroniques de discours, avec entre eux un "gap" diachronique, se traduisant par un changement dans le mode de penser lui-même. Un "idéal-type" se traite avant tout en termes éthiques: Weber l'a vu, Corcuff, se voulant, sans doute plus proche du terrain, l'oublie.
Après ce passage sur Weber, Corcuff décrit l'évolution de la pensée de gauche au XXe siècle, comme délaissant l'aspect individuel de l'émancipation, pour se focaliser sur son aspect collectif.
"Ainsi, il est aujourd'hui courant d'entendre au cours de réunions publiques des dirigeants, des militants et/ou des sympathisants dénoncer "l'individualisme" comme une des principales sources des difficultés rencontrées par ce secteur de la gauche "c'est la faute à l'individualisme" et "c'est la faute aux médias" se présentant comme deux des formes d'explication les plus usités des malheurs de ce qui a été ma famille politique depuis les années 90." p. 192
J'ai envie de dire, que vu comme c'est parti, ce n'est pas près de s'arranger! Penser "c'est la faute à x ou y" si l'action ne suit pas le plan prévu, c'est penser que le terrain n'est pas conforme à la carte, quand il est temps de rectifier le tracé sur la carte pour coller au terrain...
Un mot concernant un lien possible entre "individualisme" et "médias": par définition, le marketing, contrairement à cette gauche, accorde la plus grande attention au Sujet, certes pas sur un plan éthique, mais tout au moins comme Sujet désirant... Autrement dit, le capitalisme, dans sa compréhension de consommateurs dont il cherche à profiter, a une longueur d'avance sur les théoriciens de gauche quant à leur compréhension du Sujet... En pensant à Franck Lepage, je me dis que le capitalisme a également une meilleure compréhension des mécanismes de domination. Dans ses deux approches complémentaires de producteur/ consommateur, le capitalisme apporte une plus grande attention au Sujet que les théoriciens de gauche voyant le "peuple" comme collection d'individus indistincts.
Enfin, certains intellectuels notent une régression de l'auto-émancipation, à l'émancipation par untel ou untel, nous en avons déjà parlé comme d'une facilité (le passage de la loi au "docteur de la loi").
Corcuff termine ce paragraphe sur une description du "pamphlétaire" très intéressante, qui pose une question de fond : pourquoi la critique sociale, cherchant à traiter les causes structurelles des inégalité et des obstacles à l'émancipation de tous et de chacun, se résume-t-elle aujourd'hui à des attaques à titre individuel contre d'autres individus, sans aucune argumentation intelligible, mais par des invectives ? Je retiens cette idée de "ressentiment", qu'il faudrait analyser en détail.
De la fragilisation actuelle des liens critique sociale- émancipation :
Passage dense, qui me pose d'emblée une question : comment vais-je caractériser la distinction champ politique/ champ intellectuel qu'il propose ?
Pour moi, qui en suis resté à Sun Tzu :
- Comment dès lors caractériser le clivage entre communisme et sociale- démocratie, cette dernière ayant accepté un certain libéralisme économique comme une donnée objective ?
- Je te propose ceci :
1/ Le communisme :
2/ Dans l'expérience de la lutte, le capitalisme est apparu si résilient que les socio-démocrates le considère comme une "réalité" incontournable, d'où des ajustements entre [⚤] ⇅ [♲]. Attitude que l'on pourrait qualifier de "pragmatique", dans des aller-retours historiquement repérables ⇅:
↑ ou ([⚤]𓁝⇅𓁜⏩𓁝⇅[#]⊥𓁜⏩[#]𓁝⊥𓁜⏩𓁝⊥[♲]⇆𓁜⏩𓁝⊥[♲]⇆𓁜)⇅𓂀
↓ ou (𓁝⊥[♲]⇆𓁜⏩𓁝⊥𓁜[♲]⏩𓁝⇅[#]⊥𓁜⏩𓁝⇅𓁜[#]⏩[⚤]𓁝⇅𓁜)⇅𓂀
3/ L'opposition serait donc la suivante :
- Ça paraît un peu radical comme caractérisation. En particulier, la démarche socialiste n'est pas que pragmatique⚤, elle s'appuie sur une éthique♲, qu'elle soit chrétienne, humaniste voire communiste à l'origine.
- Je dirais que la rencontre de la praxis et de l'idéal se joue en 𓁝⊥[♲]⇆𓁜 pour se cristalliser dans une "prise de conscience" de la réalité... La réactualisation de la ligne politique♲ tenant comme toujours aux 𓁝aspirations∅ de uns et des autres.
- Soit, mais si tu en revenais au texte et à la distinction politique/ intellectualisme?
- Nous avons repéré un mouvement ⇅ propre à la politique, car, finalement, il n'est pas seulement de gauche (seul diffèrent les 𓁝aspirations∅) tenant à la nécessité d'adapter une théorie à la réalité du terrain. En ce sens, il n'y a pas rellement de différence entre politique/ intellectuel , car dans les deux champs on repère le même va-et-vient ⇅ entre théorie et pratique.
- J'ai pourtant l'impression d'une différence# nette : politique⊥intellectualisme.
- Certes : l'action politique s'incarne dans les êtres et les choses, elle a des effets "réels", quand l'intellectuel en reste à mesurer des écarts entre une réalité qu'il ne contrôle pas et une théorie qu'il se donne. Cependant, les processus⚤ intellectuels en jeu sont du même ordre, et le contraire eût été étonnant puisque l'un comme l'autre sont des "Sujets♲", ayant tous la même structure Imaginaire...
- Voilà que tu en arrives à dire que tout est dans tout et réciproquement, précisément l'attitude intellectuelle que dénonce Corcuff !
- D'où la nécessité de cadrer parfaitement ce que l'on dit, en supposant que l'intellectuel en question est un observateur# 𓁝 du politique acteur⚤ 𓁝⊥𓁜 :
𓂀/𓁜 | ☯[∃] [⚤] [#] [♲] [∅]☯ | |
[⚤] | ([⚤]𓁜⇅[♲]𓁜)⇅𓂀 | l'analyse est commune |
[#] | (𓁝⊥𓁜)⊥𓂀 | politiciens ⊥ intellectuels |
[♲] | (𓁝⇆𓁜)⇆𓂀 | le champ éthique est commun |
- Soit, partons de là pour en arriver à ce que Corcuff nous donne à lire.
- Il parle d'une perte d'influence de l'idéologie communiste dans les deux champs, due au constat de son échec sur le terrain de l'observation, en [⚤]𓁜. D'après ce que nous venons de voir, rien d'étonnant, même s'il n'est pas besoin de tout ce détour intellectuel pour s'en rendre compte.
La perte de vue du couple (critique sociale# ⇆ émancipation♲)⇆𓁜 en découle évidemment : on jette le bébé avec l'eau du bain, c'est effectivement dommage car on confond cause et conséquence, la doctrine communiste n'étant qu'un avatar de cette structure plus profonde.
Un autre facteur inquiétant tient à la fragmentation des compétences et à la parcellisation du travail universitaitre (un vrai cauchemar pro domo). Les sciences sociales s'occupent de saucissonner la critique (genre⊥racisme⊥féminisme...) en relégant à ce que Corcuff appelle "des secteurs secondaires de la philosophie politique (sic), le traitement de la question de l'émancipation." p. 196.
J'ai l'impression que Corcuff lui-même, n'échappe pas à sa propre critique, on n'est pas universitaire impunément ! Mais il apparait relativement éveillé au regard d'une tendence à :
"une rupture nette des sciences sociales avec les idéaux émancipateurs ou encore, plus radicalement, avec toute critique comme avec tout éthique extra-scientifique" p. 197
Quand je pense au crépage de chignons entre Einstein et Bohr au sujet de ce que peut faire ou pas Dieu, ou à l'expérience d'Alain Aspect sur le choix retardée à partir de l'expérience de Young, j'ai l'impression que nos modernes intellos ont un TGV de retard sur la réflexion des physiciens !!! Pathétique...
Pierre-André Taguieff ou la tentation de la déconstruction conservatrice de l'émancipation :
Le titre de l'ouvrage de Taguieff me semble significatif : "L'émancipation promise. Exigence forte ou illusion durable". En questionnant l'émancipation qui est l'élément faible dans l'approche de Corcuff, comme nous venons de le voir, Taguieff s'attaque effectivement au coeur du problème.
Cependant je bute sur le terme "promise", qui a promis à qui ? Comme me le rappelait quelqu'un qui m'avait escroqué un jour : "les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent", j'ai retenu la leçon. Il me semble que nous sommes ici en plein dans la différence entre [♲]𓁝⇆𓁜[∅] et .[♲]𓁝⇆𓁜[∅].
- Tu ne vas pas y revenir,? Ça commence à être fastidieux !
- Non, c'était juste pour expliquer en quoi ce livre me semble s'attaquer à l'essentiel, même si l'approche est légèrement biaisée au départ.
- Et qu'en dit Corcuff ?
- Ses critiques me semblent parler autant de lui-même que de Taguieff, et ça m'empêche de me faire une opinion.
- Dis toujours...
- J'ai l'impression d'un dialogue de sourds entre Corcuff, Taguieff et Lordon, aucun n'ayant conceptualisé la nécessité d'une ouverture éthique ([♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯)𓂀 :
"... Il valorise "l'appartenance" et les "racines", croquées [...] contre "la passion de la désappartenance" et la "frénésie de la déliaison", associés à l'émancipation [...]
Une exécration de la notion de "citoyen du monde", "humain vague, de nulle part" pour Taguieff et "vide de sens" pour Lordon" p. 199
Bien entendu, chaque Sujet a une histoire, et je me suis développé, comme chacun, à partir de celle-ci, et je me suis opposé au père, et j'ai récusé mes maîtres, et oui, je suis blanc, mâle et hétéro, mai est-ce que cela m'empêche de comprendre le Ma 間 japonais appris au Brésil, de faire shabbat si l'on m'y invite, de fréquenter un temple Bouddhiste à Nouméa, ou de compter des amis très chers en Iran, en Côte d'Ivoire et ailleurs?
Je me sens profondément proche de l'Autre au niveau [♲]𓁝⇆𓁜[∅], avec des aspirations semblables sinon communes, ce qui ne m'empêche aucunement d'être enraciné à la terre de France, que je ressens physiquement à chaque retour au village. Plus je voyage, plus les Autres me renvoient à moi-même, à ma langue, en questionnant mes limites, et ces moments de remise en cause, d'incertitude♲ me font sentir vivant. Je ne suis ni le citoyen du monde de Lordon, ni un bouseux à béret, le Figaro coincé sous l'aisselle par une baguette de Corcuff, mais avant tout un Sujet♲, et je me définis (ou pas) par mes appartenances# devant qui je veux, en fonction des circonstances⚤...
- Reviens au texte!
- Oui, bon, j'ai l'impression que nos intellos cherchent à se démarquer les uns des autres en oubliant de parler d'eux, lorsqu'ils parlent des autres. Une extraction hors du discours qui signe formellement sa clôture. À partir de là, c'est râpé pour parler d'émancipation, point barre.
En particulier la distinction que tente d'introduire Corcuff entre un recul du concept d'émancipation par des attaques "de droite" ou une déréliction "de gauche" me semble mal fondée (au sens propre: fondée en [♲]), d'où la "confusion" ressentie par Corcuff.
Une petite dernière pour la route : cette formule de Laclau (commentée par Taguieff et Corcuff):
"Peut-être sommes-nous arrivés au terme de l'émancipation et au commencement de la liberté". p. 200
Belle formule qui selon moi est un total contresens :
- Ça paraît paradoxal de présenter la liberté comme un concept "fermé"...
- Pense à la clôture de R par le point à l'infini dans le saut N⚤ ↑ R#. En N, l'infini est juste "indéfini" : il y a toujours le suivant n+1 d'un entier n, mais le passage au continu nécessite de repérer le point "au bout" de R en le nommant "∞". C'est un procédé absolument général de nommer à un niveau Imaginaire, ce qui est inatteignable au niveau précédent, c'est même un principe général d'organisation qui s'impose partout. (note #2)
Pour en revenir à la différence liberté / émancipation :
Je crois qu'on tient quelque chose ! En particulier, on pourrait y voir l'articulation d'une émancipation :
À partir de là, je dois pouvoir rendre la "problématique de la gauche", s'il en est une, en termes évitant toute confusion.
- As-tu une idée en tête ? (a)(retour)
- Ça prend forme car la liberté♲ renvoie au principe d'incertitude♲. J'imagine que d'autres pourraient se focaliser sur l'un des deux autres concepts associés: la conservation♲ ou la symétrie♲, ce qui donnerait deux alternatives à une pensée de gauche et non pas une seule dite "de droite"; sans compter des mariages intéressants en prenant les concepts deux à deux...
"Politiquement incorrect" et "critique du ressentiment" dans l'hypercriticisme aujourd'hui :
Nous avons déjà discuté de cette culture du "politiquement incorrect" en réaction au "politiquement correct", j'y ai repéré la structure d'une crise d'ado...
La notion de "critique du ressentiment", plus neuve à mes yeux a été travaillée par Bourdieu qui y voit une affection de la classe moyenne.
C'est intéressant car cela nous renvoie à une très profonde conception trinitaire de la société (voir Dumézil) dans les civilisations Indo-Européennes, que l'on retrouve d'ailleurs dans notre étagement [⚤][#][♲]. Cette notion de "middle class" prend naturellement sa place au niveau [#] comme chargée par le puissant en [♲] de définir, planifier et encadrer l'action du dernier niveau [⚤].
C'est aussi là que le développement du Sujet, inauguré au "stade du miroir" se résout à l'adolescence par un dernier saut (𓁝⊥[♲]⇆𓁜⏩𓁝⊥[♲]⇆𓁜)⇅𓂀 avec le sacrifice de la figure du père...
Dès lors, le "ressentiment" de la classe moyenne serait semblable au sentiment de l'ado en période d'opposition lorsque, doutant de lui, il teste sa force en asticotant de façon systématique la figure du père. Le procédé n'est pas nouveau et Frans de Wall l'a repéré chez les chimpanzés depuis bien longtemps dans les tactiques de prise de pouvoir !
- Autrement dit, rien de nouveau sous le Soleil ?
- Je pense qu'à cet égard, on pourrait relire les mémoires de Saint Simon, pour y trouver quelques portraits d'actualité... On peut y retrouver de même Gilles Deleuze commentant Nietzsche :
"Haïr tout ce qu'on sent aimable ou admirable, diminuer toute chose à force de bouffonneries ou d'interprétations basses, voir en toute chose un piège dans lequel ne pas tomber : ne jouez pas au plus fin avec moi." p. 202
En ce sens, il y a une évidente parenté entre le "politiquement incorrect" et le ressentiment.
- Corcuff attire notre attention sur un biais à éviter, qui serait d'associer le ressentiment aux classes populaires.
- Certainement : ce n'est pas une question de classe mais de position relative. Et la question n'est pas tant d'associer ressentiment et classes populaires que de s'étonner de l'y repérer: le ressentiment suppose une pulsion vers la position supérieure, et donc peu ou prou, un espoir d'émancipation.
Une plèbe écrasée par le pouvoir n'a aucun ressentiment. Dans 84, les esclaves de Big Brother n'ont pas de ressentiment... Le retrouver dans les classes populaires est donc plutôt un signe d'éveil.
D'ailleurs, la mécanique peut se retrouver dans d'autres problématiques. Je pense en particulier à un certain ressentiment des Sénégalais vis-à-vis des Français (très lisibles dans les rapports de travail !), que l'on pourrait mettre en regard de leur ancienne situation de "go between" entre le blanc perdu au fin fond des territoires colonisés, et les populations autochtones (lire Hampâté Bâ).
Je crois que notre façon de voir les choses recoupe assez précisément les observations de Bourdieu, reprises par Corcuff:
" "Ce ressentiment serait ambivalent contre les enjeux qu'ils ne peuvent ni s'approprier complètement ni davantage ignorer et refuser complètement." Parfois, dans certains contextes historiques, le vieillissement social dans un univers petit-bourgeois conduit à des usages du ressentiment "où la fidélité verbale aux convictions passées sert de masque au désenchantement présent", en tendant à enfermer les personnes "dans le remâchement et la rumination des scandales et des complots""p. 203
Comme tu le vois, nous pouvons reprendre tout ceci avec notre schématique des mouvements Imaginaires... Nous sommes ici en plein dans l'automatisme de répétition.
- Corcuff tente de rattacher ceci à "un aspect de l'actualité ultraconservatrice et confusionniste" p. 204.
- Le rattachement au conservatisme est intéressant. Revenons à (a) l'idée que si la gauche est attachée à la liberté♲, d'autres axes sont possibles, rapportant le passage [#]↑[♲] soit au concept de conservation♲, soit à celui de symétrie♲. Il est facile à partir de là d'identifier ce conservatisme comme un principe de conservation♲ plus général.
- Mais ceci n'a pas grand-chose à voir avec la notion de "droite".
- Effectivement, il s'agit encore une fois d'une posture archétypale, qui n'est pas propre à tel ou tel camp politique. Tu peux avoir des conservatismes "de gauche" et des progressistes "de droite"...
- Quoique, comme dit Gabin dans "Le Président", "il y a aussi les poissons volants, mais ce n'est pas la majorité du genre". Mais pour en finir avec ce tripyque d'Emmy Noether auquel tu nous ramènes, que donnerait l'axe symétrie♲ ?
- C'est sans doute le plus intéressant. Historiquement, c'est Évariste Galois qui ouvre le bal en définissant en [⚤]⇅𓁜 le concept de "groupe de symétrie⚤", qui serait à ce niveau [⚤] l'expression d'une notion très générale de symétrie♲. Et il s'en sert pour cadrer la production de ses "extensions galoisiennes#" au niveau intermédiaire [#]⊥𓁜 sur un mode d'orthogonalité.
En partant du principe que cette "révolution galoisienne" ne soit en fait que la mise à nu d'un processus intellectuel ancestral, dans le sens que Foucault donne à son archéologie du savoir, là où le conservatisme♲ se déclinerait préférentiellement en termes de "classes#", la recherche de symétrie♲ se traduirait plutôt en termes d'identité⚤ entre individus, afin de les "manipuler" commes les éléments d'un groupe⚤. Cela se remarque dans les tribus primitives, avec en particulier les relations de parenté. Lévi-Strauss y avait retrouvé le groupe de Klein, grâce à son ami mathématicien André Weil.
De ce point de vue, on pourrait sans doute rattacher le capitalisme à un tropisme de cet ordre. Si l'on en revient à Max Weber, pour les Protestants, les Sujets sont seuls et égaux face à Dieu, sans intermédiaire; ce qui permet ensuite, de les penser en termes d'individus vus comme "éléments" (Adam Smith fut pasteur avant d'énoncer ses théories) et l'équilibre économique est une pure expression d'un équilibre thermodynamique (ça me renvoie au "Barre" de ma jeunesse)!
L'appartenance de classe s'acquiert ↑ dans la théorie capitaliste dans l'espace [⚤]𓁝⇅𓁜[#]⊥𓁜, quand le conservateur en hérite ↓ dans l'espace [#]𓁝⊥𓁜[♲]⇆𓁜. D'où un certain regard condescendant de la bourgeoisie Européenne envers les "red necks" Étatsuniens, etc...
- Nous aurions donc un ménage à trois ?
- Désolé, mais cela vient directement sous la plume !
Si l'on étiquette provisoirement le tropisme propre à chaque "axe" définit par nos 3 concepts de base de cette façon :
On peut commencer à mettre un peu d'ordre dans nos représentations et mieux lire certains regroupements de deux axes contre le troisième.
- D'où le "confusiannisme" dont nous parle Corcuff...
- CQFC, et je ne suis pas mécontent de celle-là !
Le 19/04/2021 :
- J'étais tellement content de moi en terminant sur le triptyque de Noether hier soir, que je ne suis pas allé jusqu'au bout du raisonnement !
- Tu fatigues mon pauvre, vieux, il y a du grippage dans tes neurones...
- Peut-être, en tout cas, en regardant les statistiques du blog ce matin, j'ai vu que l'article "le Sujet comme topos" était passablement visité, et en le relisant, je me suis dit, tel l'inspecteur Bourel "bon sang, mais c'est bien sûr" ...
- Vas-tu y arriver ?
- J'hésite parce que c'est énorme :
Le corps social est repésentable par un topos
Le discours politique doit se faire en termes de topos.
À partir de là, il n'y a plus qu'à dérouler...
- En fait, s'était implicite depuis que tu as pris conscience que tout discours complet sur un objet devait se faire en termes de topos.
- Certes, mais cela restait une idée générale, tandis qu'en suivant Corcuff nous y sommes parvenus à partir d'une problématique particulière : l'articulation critique sociale - émancipation.
Bonne méditation...
Hari
Note 1 :
Ce n'est pas ici le lieu de le développer, mais l'idée d'un temps s'écoulant vers le passé ou l'avenir est de niveau [#].
En [♲] la question n'est plus de cet ordre mais s'analyse en termes de "conservation♲" du mouvement, comme en relativité (qu'elle soit de Galilée ou d'Einstein) ou en quantique avec la quantité de mouvement, l'énergie etc...
Ce qui appuie encore sur le constat d'une pensée limitée à [#]𓁝⊥𓁜[♲].
Note 2 :
Pour développer le thème, il faudrait écrire une thèse, mais c'est au fond la raison qui m'a poussé à reprendre le terme d' "entropologie" à Lévi-Strauss.