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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

La grande confusion de Philippe Corcuff # 07 - Renaud Camus et Hervé Juvin

Lecture du 19/04/2021

Chapitre 4 : Quatre figures de l'extrême droite idéologique Soral, Zemmour Renaud Camus, Hervé Juvin (ici les deux derniers)

Nota : La signification et l'usage de mes glyphes, comme le schéma général de l'Imaginaire du Sujet  sont présentés ici: "Résumé"

[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]𓂀 (1)

J'ai situé certains concepts Japonais, tels que Ma/Aïda 間, Mu 無, espace 空間 et temps 時間 dans cette grille de lecture, ici : "L'espace-temps / Ma"

[∃]𓁝⇅𓁜[時間]𓁝⇅𓁜[空間]𓁝⊥𓁜[間]𓁝⇆𓁜[無]𓂀 (2)

- C'est difficile d'analyser sérieusement les thèses de ces deux personnages, et Corcuff ne m'y aide pas, car il n'en fait pas réellement d'analyse en partant de l'idée que son lectorat partage les siennes... Ce n'est pas faux, mais porte à la caricature...

- D'où cette image de Bouvard et Pécuchet ?

- Oui, j'ai balancé entre ces deux-ci et les Pieds Nickelés, mais ils étaient trois. Mais trêve de plaisanterie, il faut nous contraindre à la rigueur car j'ai entendu aujourd'hui que Marine Le Pen devance Macron dans les sondages, il n'est plus temps de rigoler.

Renaud Camus et le fantasme conspirationniste du "Grand Remplacement" :

Le plus dur dans cet exercice, est de ne pas partir de ses propres idées, ou de faits "évidents" au nom desquels nous pourrions contrer le discours. Ce serait un jeu intellectuel très valorisant, mais sans aucun effet, puisque le récit de l'Auteur est coupé du Réel, restreint à un récit de niveau [⚤]𓂀 comme nous l'avons vu dans l'article précédent (Corcuff #6) au sujet des traits distinctifs de l'ultraconservatisme : (rappel)


  • L'essentialisme : c'est à la base même du repli archaïque sur un principe "conservatif";
  • Une trame narrative conspirationniste. Cela tient à deux phénomènes concomitants :
    • La régression archaïque fait appel au mythe pour expliquer le Réel;
    • La posture de "docteur de la loi"  [♲]𓂀 implique que le docteur en question face justice et dise le droit sur tous les cas qu'on lui soumet.
      • C'est vrai pour les religions du Livre, avec le Pape, le Rabbin ou le Mollah, intercesseurs entre Dieu et les hommes,
      • C'est vrai également dans la société civile où le juge doit trancher (sinon, il se rend coupable d'un déni de justice).

Je ne l'ai peut-être pas encore suffisamment explicité, mais si au niveau archaïque la "conservation du mouvement" n'est pas conceptualisée, faute d'incertitude ou "jeu" dans la mécanique en [♲]𓂀, avec comme seul horizon temporel le "temps des grands anciens", l'expression mythique en [⚤]𓂀 se fait sous forme de récit avec un temps narratif  (i.e.: que je représente par ⏩ dans mes schémas) de niveau [⚤]𓂀, (le même que le nôtre), où l'opposition avant/ après renvoie à cause/ conséquence. En d'autres termes, le récit sert de justification causale.

La grande supériorité du mythe (fertile) sur le complot (stérile) tient à une différence de posture des conteurs :

  • Le mythe reste  "ouvert" ([♲]𓁝⇆𓁜[∅])𓂀;
  • Le complot est "fermé" par le docteur de la loi ([♲]𓁝⇆𓁜[∅])𓂀

La première question est de savoir quel est le "docteur de la loi" de Renaud Camus ?

J'avoue qu'en lisant son pedigree Wikipdia, je ne vois pas de maître à penser dont il se réclamerait. Je ne vois pas non plus une foi particulière qui puisse déterminer son système Symbolique, ni de références doctrinaires. Il a au contraire voyagé, il est cultivé, avec une vie remplie de rencontres éclectiques...

- Peut-être son homosexualité ?

- Mais il l'a revendiqué, et s'est même engagé dans les années 70. Il a écrit au "Gai Pied", inspiré par Michel Foucault, et y a peut-être côtoyé à l'époque Jean-Louis Bory ? Que penserait ce dernier de ce Camus-là ? Tout ceci n'est que mouvement, alors que la figure de l'homosexuel est repoussée pour cela, par l'extrême droite dont il se rapproche,. Où est la cohérence du personnage?

Et puis, lui l'homosexuel, s'acoquine en 2015 avec Karim Ouchikh d'origine kabyle dans un mouvement proche du FN : le SIEL (pour "Souveraineté-Identité-Liberté"), bizarre, non ? Et il s'attaque aux Juifs car "sur-représentés" dans l'audiovisuel en 2000 :

« Je ne trouve pas convenable qu'une discussion préparée [...] à propos de « l'intégration » dans notre pays, sur une radio de service public, au cours d'une émission de caractère général, se déroule exclusivement entre cinq personnes juives » émission France culture source Wikipedia

Mais ne pourrait-on pas en dire autant des homosexuels ? Franchement, il y a un truc qui m'échappe.

- Il y a malgré tout quelques signes de "fermeture" intellectuelle. Il a côtoyé Chevènement au CERES, et se réclame d'Enoch Powell...

- Oui, oui, mais pas comme des références, pas comme maîtres à penser indiscutés.

- Il se recentre également sur le château de Plieux, dont il est l'animateur culturel; n'est-ce pas un petit paradis qu'il voudrait préserver, ainsi que cette vie culturelle qu'il a traversée ? À ce propos, as-tu regardé ses candidatures malheureuses à l'Académie Française ?

- Il a été blackboulé trois fois : en 1999, 2000 et 2009 :

  • Fauteuil 22 : René de Obaldia remplace Julien Green en 1999;
  • Fauteuil 10 : Florence Delay remplace Jean Guitton en 2000;
  • Fauteuil 32 : Alain Robbe-Grillet remplace Maurice Rheims en 2004.
  • Fauteuil 32 : François Weyergans remplace Robbe-Grillet en 2009

En cherchant des corrélations je trouve les proximités suivantes : :

Autrement dit, ils font partie d'un "club" littéraire, qu'il a approché dans sa folle jeunesse (élève de Roland Barthe, influencé par Alain Ricardou, ayant fréquenté Alain Robbe-Grillet), sans en faire partie. On peut avancer l'hypothèse qu'il a pu être vu dans les années 70 comme "le jeune homo de service" distrayant la galerie par ses articles dans le Gai Pied. Ses candidatures à l'Académie seraient alors des tentatives "pour en être".

La dernière, de 2009 l'écartant du fauteuil d'Alain Robbe-Grillet, figure de proue s'il en est du nouveau roman peut l'avoir sonné. Son livre "Le grand Remplacement" date de 2010, juste après.

- "Grand Remplacement"... Chaises musicales, Fauteuil d'académicien,  il y a bien un air de famille.

- Dans cette optique, son ultime candidature à la présidence de la République en 2017, et son repli sur son petit cénacle du château de Plieux peuvent sembler pathétiques...

- Mais avant cela, en 2000, il avait soulevé contre lui une vague de protestations mémorable après sa sortie antisémite sur France culture.

- Effectivement, on peut dire que tout le gratin intellectuel lui a prêté attention:

  • Soit une mobilisation de ses amis et lecteurs : Jean-Jacques Aillagon, Frédéric Mitterrand, Emmanuel Carrère, Christian Combaz et Camille Laurens,
  • Soit pour l'attaquer dans une tribune "Déclaration des hôtes trop nombreux de la France de souche" signée par Michel Deguy, Jacques Derrida, Serge Klarsfeld, Claude Lanzmann, Jacques-Alain Miller, Jean-Pierre Vernant et Philippe Sollers, excusez du peu !

Vois-tu la balance ?

- Je crois que oui : faute de reconnaissance en tant que créateur, il a fait l'expérience d'exister par un discours d'exclusion... Schéma qu'il reprendra en 2010 après, sans doute, cette dernière gifle de l'Académie comme élément déclencheur...

- On peut partir de l'hypothèse qu'il est en recherche d'identité, coincé en  ([#]𓁝⊥𓁜[♲])𓂀 où son appartenance# étant discutée, il chercherait à la pérenniser  par la fermeture de son discours (𓁝[♲]𓁜⏩𓁝[♲]𓁜)𓂀.

J'ai peur que ce schéma soit d'une très grande généralité ! Et je comprends un peu mieux l'importance que Corcuff attache au "ressentiment" comme moteur de la fermeture du discours. La suite, nous la connaissons : faute de pouvoir "faire partie d'un cercle" en posture 𓁝, le Sujet a du ressentiment envers certains "éléments" "identifiables" en posture 𓁜, qui passe bien entendu, dans une approche de droite en politique par :

  • Le choix de l'axe conservation;
  • La définition d'une substance à conserver, en l'occurrence la "France éternelle" 
  • D'assumer la place vacante d'un "maître à penser" [♲]𓂀, d'où une implication personnelle au plan politique.

La contradiction, d'ordre personnel, conduit Renaud Camus à se joindre à ceux qui exècrent ce qu'il est... Mais ceci reste son affaire privée...

Il doit donc incarner, malgré ses propres contradictions, quelque transcendance d'où procèderait cette "France Éternelle". Mais n'est pas gourou qui veut, et j'ai le sentiment que Renaud Camus est aussi à l'aise en politique que Balladur visitant le métro, avec ses gants beurre frais et ses chaussettes Gammarelli...

- Le problème n'est pas là : il a introduit la thèse du "Grand Remplacement", reprise par d'autres, et diffusée bien au-delà du cerce restreint qu'il anime. Il faut donc se résoudre à discuter la thèse...


Le 22/04/2021 :

- Je suis très mal à l'aise en commentant ce passage du livre de Corcuff. Je polémique, je décortique la biographie de Pierre, Paul ou Jacques afin de comprendre leurs points de vue, et je donne l'impression de les juger. Je dois m'en excuser auprès d'eux, ainsi qu'auprès de mes lecteurs, parce que je me fourvoie en les suivant...

- Explique-toi.

- Je suis en plein recadrage Imaginaire après avoir compris qu'un discours "complet" sur un objet est un topos, qui conjoint en [♲] deux points de vue, l'un discret en [⚤], l'autre continu en [#], sur l'objet référé, quel qu'il soit, en particulier un Sujet ou un groupe de Sujets.

Tout ceci cadre merveilleusement avec la Relativité et la Quantique, ainsi que pour représenter le champ Imaginaire d'un Sujet et, partant de l'idée que nous avons ouvert au maximum notre esprit pour comprendre le monde physique, comme le langage mathématique du Sujet pour en parler, j'ai voulu tester la même approche dans le champ politique.

Au fil de mes commentaires de Corcuff, s'est dégagée l'idée que le champ sémantique (critique social & émancipation) qui est, selon lui, au coeur de la pensée de gauche était relatif au concept d'indétermination, formant avec ceux de conservation et de symétrie le triptyque d'Emmy Noether, formalisé en langage mathématique et utilisé en physique.

Le concept d'indétermination mène assez rapidement à l'idée de liberté individuelle, et celui de symétrie s'exprime en [⚤] par des concepts d'ensemble#, de groupe#, d'ordre# et d'équilibre thermodynamique#, etc...

Maintenant, celui de "quantité conservée" concerne la conservation d'un mouvement qui s'exprime par des concepts de niveau [⚤] & [#].

Par exemple, avec la loi d'inertie de Galilée, cette quantité conservée est la vitesse dans un repère galiléen, vitesse conjoignant temps et espace#. En Relativité générale, c'est l'énergie E=mc2, qui se conserve, au fil des transformations de la matière en énergie et vis versa, ainsi que la vitesse propre v̅.v=c2. En Quantique, il s'agit de la quantité de mouvement élémentaire h.

Autrement dit, le triptyque n'a de sens qu'en pensant à ces 3 concepts pris ensemble, il n'est pas question ici de venir faire son marché et de picorer l'un ou l'autre au gré de son humeur..

Par ailleurs, tout discours, toute représentation doit nécessairement être ouverte sur un "vide" Imaginaire 𓁝⇆[∅]. C'est vrai en langage mathématique avec la notion "d'objet initial", c'est également vrai du vide quantique avec une "fluctuation" d'où naît la matière, ou d'un point "avant" le Big Bang. En ce sens l'ouverture sur le Symbolique 𓁝 de chaque Sujet, qui est par définition indicible, se traduit dans tout discours par un "vide" ou un "manque" dans l'Imaginaire de l'Auteur : (𓁝⇆[∅])𓂀, le 7e point du Tractatus.

De ce point de vue, un discours politique devrait être :

  1. ouvert i.e.: (𓁝⇆[∅])𓂀 et 
  2. parler de "mouvement" et
  3. considérer celui-ci selon les 3 axes liberté, conservation, symétrie.

- C'est déjà vrai en économie où le financier parle en termes de "flux", et considère un équilibre entre flux entrants et sortants.

- Oui, c'est vrai de tout système vivant avec des échanges intérieur/ extérieur suivant les lois de l'entropie, depuis le virus jusqu'au Sujet, groupe humain ou système écologique. Chacun d'entre nous devrait s'imaginer comme un point d'équilibre entre divers flux qui le constituent en s'attardant un instant. Flux de nourriture, flux de paroles, moment dans une lignée familiale, habitant passagèrement ici où là et quittant les lieux à sa mort en laissant la place au suivant...

Il en est de même d'une "nation". Franchement, qu'est-ce qu'être Français au fil du temps ? Passe le film légèrement en accéléré : ça commence par une cohabitation entre Néandertal et Cro-Magnon, un peu plus loin, tu vois le Gaulois devenir Romain, puis des hordes de Goths, Visigoths et Ostrogoths, Vikings, passer par là, suivis par des Sarazins, des Normands, des Anglais etc...

- Parlons de la culture française...

- Quelle culture ? Avec une langue issue d'un vague ancêtre Indo-Européen, faite de Grec, de Latin et d'emprunts aux quatre coins du Monde ? Des chiffres Arabes, venant des Indes. Les guerres d'Italie nous ont apporté la Renaissance, l'Espagne son or d'Amérique, Descartes a vécu en Hollande, Voltaire a parcouru l'Europe, le Siècle des lumières est un melting-pot Européen avec Kant, que nous avons mis un siècle à traduire correctement... Les sciences, la philosophie, les arts n'ont pas de frontières. Lagrange est Italien, Picasso Espagnol, Descartes Européen, Spinoza Hollandais, d'origine séfarade espagnole-portugaise et pourtant ils sont plus vivants dans mon esprit que mon voisin à qui je dis bonjour une fois par mois.

- Il y a des habitudes, l'art de la table...

- Tu plaisantes? Oui, je regarde Top chef et reste impressionné par tout ce savoir faire, mais dans mon steak frites, les patates nous ont été transmises d'Amérique par Parmentier, et le vin que je bois provient de plans américains replantés après le mildiou de 1893. Lorsque je suis pressé, je me commande une pizza ou un kebab. Le couscous est l'un des plats favoris des repas de famille, sans oublier la paëlla et lorsque je traîne avenue de Choisy, je mange un Phô ou des nems vietnamiens...

- Tu m'agaces, il y a un art de vivre, une façon de penser, d'écrire, des paysages, des liens culturels spécifiquement français...

- Français pour un temps, c'est ça qu'il te faut comprendre. Tu ne saurais même pas comprendre l'un de tes ancêtres vivant au Moyen Âge. Ni sa langue, ni sa foi, ni son travail ne te sont familiers. Pense seulement à Grand-Père. Lorsqu'il est né, seul le docteur avait une voiture qui soulevait la poussière de chemin pour la plus grande joie des gosses courant à sa rencontre. Il a connu le premier vol des frères Wright et le premier pas sur la Lune, le premier film, puis le parlant, la télé et internet. Il a traversé deux guerres mondiales, et vu Mitterrand tenir Helmut Kohl par la main... Son fils est "monté à Paris", et j'ai voyagé 30 ans hors de France avec une collection de passeports remplis de souvenirs, avant de rentrer au pays.

Mais nous n'avons pas fait que recevoir de l'extérieur; nous avons un impact encore actuellement sur notre environnement. Notre langue par exemple, est parlée par plus de 500 millions de personnes. Le Code Napoléon a servi de d'ossature à nombre de codes civils à travers le monde, notre philosophie a eu son heure de gloire durant la Révolution ou dernièrement avec la "French theory", notre mode et nos vins sont partout, etc...

Plus que tout, mais c'est plus difficile à conçevoir pour nous Français, Européens et "Occidentaux": nous avons révolutionné le Monde à partir de la Renaissance avec Galilée, suivi par Descartes, les Lumières et Newton, la révolution industrielle, Einstein et Heisenberg. Nous sommes des envahisseurs culturels aux yeux du reste du Monde : Amérique, Afrique, Inde, Asie, Pacifique. Je ne parle pas ici de colonisation et d'esclavage, mais d'une révolution dans les pensées, qui entre en conflit avec des modes de penser radicalement différents.

Nous avons vu que la pensée archaïque est essentiellement dans l'espace Imaginaire: ([⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅])𓂀, avec une éducation transcendante ↓. En suivant Foucault, nous avons vu (note #2) que cette pensée perdure en Europe jusqu'à la révolution cartésienne. J'avance l'hypothèse (qui reste à vérifier sur le terrain) que les autres systèmes de penser, héritiers comme le nôtre, d'une pensée mythique ancestrale, s'inscrivent toutes dans ce même espace Imaginaire.

Autrement dit, Descartes, qui nous a focalisés sur ([∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜)𓂀 et une pensée immanente ↑, (avec le refus d'en référer au Divin dans les affaires du Monde) en rupture franche avec la pensée Classique, s'est imposé en Occident à partir de la Renaissance, et à travers les Lumières jusqu'à nous en Europe, au fil de batailles intellectuelles qui forment notre histoire Européenne d'abord et "Occidentale" ensuite, au fur et à mesure de notre expansion, en particulier vers les Amériques. 

Il nous a fallu des siècles pour y plier notre esprit, avec nos maîtres d'école, bataillons de "hussards noirs de la Répbulique", luttant pied à pied contre le curé, dans chaque bourgade, chaque canton, pour nous "instruire", de ce que nous avons imposé aux Autres par la violence de la guerre ou du commerce. Avec des idées qui sont formellement incompréhensibles à des Chinois ou des Japonais, par exemple. Il faut voir les débats dans ces pays pour "comprendre" les discours de Kant, Hegel ou Lacan, et notre conception d'un individu coupé, comme Sujet indépendant de sa culture, un "être pour soi"... À Abidjan, j'ai assisté à un débat entre universitaires pour savoir s'il fallait une exception africaine à la logique cartésienne, pour étudier, théoriser et enseigner la magique ou le maraboutage... J'ai discuté à Téhéran avec mon ami H. B. (note #3) qui, malgré toute sa bonne volonté, ne comprenait pas que l'on puisse être athée. À l'ère Meiji, les Japonais, cherchant à comprendre notre science et nos techniques, ont dû trouver des mots nouveaux pour transcrire les concepts de temps 時間 et d'espace 空間 à partir du concept de Ma 間 qui leur était familier.

Objectivement, en prenant un peu de recul par rapport à notre nombril, nous sommes les envahisseurs. Nous avons massacré les Indiens des Amériques, colonisé l'Afrique, porté la guerre jusqu'en Chine pour avoir le droit de l'intoxiquer d'opium, et ces derniers temps, nous avons laissé une marque sanglante de Bagdad à Damas, en passant par Tripoli et Kaboul, en méprisant leur Dieu et leurs cultures ... Même en traversant le Pacifique, le culte du dieu cargo garde la trace de notre passage. 

- Belle envolée, mais est-ce que tu es toujours dans ton sujet ?

- Laisse-moi finir sur ceci : non seulement nous avons imposé notre façon de comprendre le monde aux autres, mais le pire est que nous n'avons toujours pas intégré pleinement, dans notre façon quotidienne de penser, les apports scientifiques et mathématiques qui se sont développés à partir d'Évariste Galois, vers les années 1830, pour compléter la démarche logique de Descartes, par une nouvelle approche topologique, c'est-à-dire l'articulation entre les deux modes de penser précédents : (...𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜...)𓂀. En particulier l'objet initial ∅ n'est pas conceptualisé par Descartes. 

- Nous imposerions au monde une vision Occidentale déjà obsolète ?

- Absolument. À partir de nos systèmes philosophiques actuels, nous serions incapables de justifier les techniques employées pour faire un système GPS, une diode tunnel, un supraconducteur ou un ordinateur quantique... Le plus drôle étant qu'il n'est pas impossible que nous ayons à nous ressourcer en Orient pour étoffer notre philosophie.

- De quoi parles-tu ?

- D'un retour aux sources, indo-chinoises pour comprendre les mutations du Yin Yang ☯, du vide Mu 無, ou bien à des concepts Japonais comme le Ma 間 pour penser "l'espace-temps" reliant et séparant les objets et les hommes, à la place d'un "éther" newtonien récusé par la relativité...

La pensée est mouvante et ignore les frontières, elle est virale comme le COVID...

Si tu y réfléchis bien, les seules choses pérennes sont les souvenirs d'un instant de grâce et de joie. Un banquet à Athènes pour Socrate, un bain pour Archimède, la nuit de feu de Pascal, une méditation autour d'un poêle pour Descartes, des promenades dans Königsberg pour Euler, en passant le pont de Brougham pour Hamilton, lors d'une nuit d'insomnie sur l'île de Héligoland pour Heisenberg. Ces quelques instants ont plus bouleversé le cours de l'histoire que les troupes de Gengis Khan.

Les hommes bougent depuis la nuit des temps, ce n'est pas nouveau, et ce n'est certainement pas fini. Leurs histoires, leurs paroles et leur sang s'entremêlent, et il faudrait couper les ponts, tarir les flux, fermer les frontières ?

Vois-tu le changement de perspective ?

- Je veux bien te suivre et comprendre que toute idée de "fermeture" ou "repli identitaire" ne tient pas au nom d'une conception très générale de l'écologie, mais comment traiter ce désir chez un nombre grandissant de concitoyens ? 

- Se figer et se fondre dans le paysage est le moyen de défense le plus archaïque du monde animal. Il faut donc traiter les causes de la peur derrière le discours, en sortant d'un échange dialectique de niveau [⚤], et avant tout en traitant l'Auteur du discours comme un Autre moi-même.

Ce changement de point de vue de 𓁜 à  𓁝, m'amène mécaniquement en [#]. Comme le discours en [♲] est déjà cadré, cette simple gymnastique assure le pont entre les deux extrêmes. En pensant à l'Autre en Sujet (un topos) et non en individu (un élément), j'ai déjà fait la moitié du chemin...


Le 23/04/2021 :

En relisant ce matin les trois pages que Coruff consacre au "Grand Rassemblement", tout me semble couler de source, après ce que nous avons pu glaner par ailleurs sur son Auteur Renaud Camus...

- Mais concrètement, quelle leçon politique en tirer ?

- Ressentiment, fermeture, essentialisme. Je crois qu'il y a beaucoup de ressentiment en France, faute d'idéal, et que c'est peut-être le plus grave pour les prochaines élections.

Faute de "faire partie" du corps social, en posture 𓁝[∅], le ressentiment ambiant conduit chacun à se définir contre certains de ses "éléments", réduits à une étiquette, vu ex post : [⚤]𓁜. C'est fondamentalement une crispation d'ordre psychotique ou paranoïaque.

Les trois auteurs passés en revue présentent tous des fêlures personnelles pouvant expliquer ce sentiment, et les réponses qu'ils ont cherchées en "fermant" leurs discours.

J'ai envie de dire que la réponse est dans la joie, en pensant à Spinoza.

- Tu penses à la fête de la musique ?

- C'est autre chose. Il faut s'intéresser à la "racaille" en traitant chacun en Sujet, accompagner chacun en quête d'une perspective ouverte, et non l'enfermer dans un ghetto. Il faut véritablement offrir du travail dans les déserts industriels rongés par le chômage et le RN etc... Et sécuriser chacun afin qu'il puisse se définir positivement, à partir de ses aspirations : un salaire social minimum serait sans doute jouable économiquement et facteur d'émancipation individuelle...

- Les classes moyennes vont se sentir flouées...

- Il faut également offrir à tous, en particulier ces classes moyennes, une ouverture au niveau Symbolique en passant de l'essentialisme de droite à une ouverture de gauche :
([♲]𓁝⇆𓁜[∅]⏩[♲]𓁝⇆𓁜[∅])𓂀, en recentrant "l'essence" de la France sur une idée de "mouvement". En ce sens la "start-up nation" était une bonne orientation...

- À condition d'être sérieux,  de mener des actions et mettre des moyens derrière l'étiquette...

- Bien entendu. Redonner du sens à la laïcité, vue comme ouverture est également un bon axe de développement. Nous avons ici, très clairement une conception très française qui pourrait être un cheval de bataille tant en interne qu'à l'extérieur....

Redonner vie à un plan de développement, par exemple, pour ne pas dépendre de seringues fabriquées en Inde ou de masques en Chine, ou laisser le secteur pharmaceutique entre les mains irresponsables de groupes financiers plus soucieux d'une croissance par acquisition de start-up, que de recherche... La crise du Covid est révélatrice à ce sujet de notre manque de résilience.

Redonner vie et prospérité à l'expérience de l'Université de Vincennes, par exemple, c'est pas cher et ça peut rapporter gros !

Développer le goût du risque enfin, à tous les échelons de la société, en tout premier lieu chez les banquiers...

- Mais comment lutter contrer racisme, antisémitisme, homophobie ?

Échos politico-idéologiques du "Grand Remplacement" :

- J'ai envie de dire que Géraldine Woessner, journaliste à Europe 1 a trouvé le mot juste :

"La "théorie" de grand remplacement" n'est PAS une "théorie" : c'est une PEUR, qui s'appuie sur des éléments concrets, que nous fournissent les pays qui contrairement à la France tiennent des statistiques ethniques..." le 17/03/19 sur Europe 1

Oui, c'est bien une peur, et oui, elle est nourrie par des éléments concrets, c'est-à-dire identifiés en posture ex post [⚤]𓁜...

La peur est l'une des 4 pulsions primaires du cerveau (voir "Étude du système pulsionnel"):

"... les travaux des neurologues sont très instructifs : le système limbique gère 4 processus élémentaires fondamentaux :

  • Le système de défense-attaque (RAGE system)
  • Le système de défense-fuite (FEAR system)
  • Le système exploratoire (SEEKING system), associé au sous-système plus élémentaire du désir, la libido
  • Le système panique (PANIC system)

Et le travail de cette partie limbique du cerveau se retrouve sous forme d’émotions dans le cortex supérieur."

La panique est plutôt liée à une menace non identifiée, perçue en posture ex ante 𓁝; quand la peur se focalise sur des éléments identifiables en posture 𓁜, ce qui est ici le cas.

Le ressentiment, qui est une projection sur l'Autre, procède plutôt du système défense-attaque, c'est ce qui nous occupe.

La contre-mesure serait donc d'activer le système d'exploration, particulièrement développé chez humain, en liaison avec le lobe frontal, autrement dit, favoriser un changement de posture des Sujets: (peureux 𓁜⏩𓁝 curieux)𓂀.

Il s'agit d'une pédagogie, qui pour être efficace doit se faire dans la joie et la bonne humeur. En ce sens, Debbouze ou Gad Elmaleh font plus pour l'acceptation des Maghrébins que tous les discours, des films comme "Rabbi Jacob" ou "La vérité si je mens", sans parler de Pierre Dac ou Élie Semoun, font plus pour les Juifs que toutes les pétitions. Ils apportent la preuve par le rire de leur appartenance à la communauté Française...

Hervé Juvin ou la "séparation écologique" des "ethnies" et des cultures :

Difficile de se contraindre à l'analyse de concepts qui, d'entrée de jeu se présentent comme une grosse connerie : "séparation écologique" est un oxymore en soi. Dans une écologie, par définition vivante, tout n'est qu'ouverture et échanges...

- Il y a bien le peuple Sentinelle dans les îles Andaman au large de l'Inde... Ou le Vanuatu indépendant depuis 1980 et assez replié sur sa propre culture...

- D'accord, mais tu avoueras que c'est extrêmement minoritaire, par ailleurs cette fermeture va de pair avec la stagnation d'une culture très archaïque...

- Soit, c'est idiot, mais encore ?

- Puisque Hervé Juvin est un Sujet, passons sa biographie en revue. En première lecture, je vois qu'il est avant tout un ancien associé d'Eurogroup Consulting, groupe français de conseil en stratégie. Cabinet loin d'appartenir au "Big Five", mais bien coté par les pouvoirs publics, ce qui fait froid dans le dos!

Comment peut-on prôner la fermeture sur soi lorsque l'on fait du management ou que l'on s'occupe de développement d'activités ??? Plus grave encore: qui, dans nos administrations ou nos banques, cherche à se rassurer par une telle caution, car, c'est bien connu, les clients d'un conseil, cherchent avant tout à faire cautionner par l'extérieur ce qu'ils ont des difficultés à légitimer en interne... Il y aurait une enquête journalistique à mener sur un tel sujet !

- Tu vas trop vite : il ne nie pas les échanges, mais les voit dans une approche "systémique", qui doit te rappeler tes premiers pas dans ta réflexion.

Une biologisation des relations sociales :

- Je reprends cette citation que Corcuff fait de lui :

"Si l'écologie est bien la science des relations qui font la vie et de cette diversité qui est la vie même, une écologie de la diversité humaine est la science la plus utile à notre temps, et une politique écologique des populations humaines, des formes sociales, des langues, des cultures et des moeurs le combat le plus urgent à engager" p. 256

Le piège est énorme, car le projet est bon, mais les outils portent à faux !

- Il faut entrer dans les détails.

- Bien sûr, une écologie humaine, rattachée à un projet écologique global fait sens, mais il se présente ici en termes de structures ! Je le vois comme si j'y étais, faire des présentations Power Point avec des flèches reliant entre elles des étiquettes entourées de phylactères ronds ou carrés bariolés, pour faire pro. Je le sais ! J'ai fait les mêmes pour vendre mes projets... Tout ceci renvoie à Jacques Mélèse, dans les années 70, et toute une réflexion autour de la gestion des projets informatiques, et en particulier en France sur la méthode Meurise (ou l'art d'enterrer un projet) avec Jean-Louis Le Moigne (dans mon jury de thèse); du côté sociologie, on retrouve Edgar Morin avec la "pensée complexe"... C'est toute ma jeunesse qui remonte à la surface !

- Où est la faille ?

- Il s'agit d'une application d'une pensée structuraliste étroite, dont Derrida critiquait déjà la fermeture à l'époque : d'où émergent les structures ?

"... La différence entre la structure mineure – nécessairement close – et la structuralité d’une ouverture, tel est peut-être le lieu insituable où la philosophie s’enracine. En particulier quand elle dit et décrit des structures{116}." (Derrida, Genèse et structure et la phénoménologie, 1967), p. 230.

Autrement dit, les "structures" sont définies ex post 𓁜; et les éléments vus dans une pensée ensembliste de niveau [⚤]𓁜. C'est dire que celui qui donne sensà la structure ([♲]𓁜)𓂀 <=> ([♲])𓂀 n'en fait pas partie ! De même que le consultant est extérieur à l'organisation qu'il conseille !

Donc, le discours est fermé, les cultures sont fermées, les hommes sont fermés, avec un citoyen limité à une approche [⚤]𓁜, qui passera aussi bien chez un client capitaliste (cf. Adam Smith: tous "ego") que chez un politicien de gauche (tous "égaux").

Le drame c'est que ce discours d'Hervé Juvin a toutes les qualités pour être "compris", puisqu'il utilise les mots, les concepts et la culture de ceux à qui il s'adresse !

Si j'avais la moindre chance d'être entendu : s'il vous plaît, prenez le temps de "comprendre" ce que veut dire "considérer un Sujet comme un topos", je vous assure : il y a urgence à changer de paradigme.

Hari

Note 1 :

Dans la liste des article sur "le grand confusionnisme", voir :

En particulier, concernant une concurrence éventuelle homosexuel/ Juif :

  • le pragraphe : "Concurrences victimaires et ressentiment".

Note 2 :

J'ai essentiellement commenté "Les mots et les choses".

Note 3 :

Voir :

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