Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
25 Avril 2021
Lecture du 25/04/2021
Chapitre 5 : Critique de l'hypercritisisme conspirationniste
Nota : La signification et l'usage de mes glyphes, comme le schéma général de l'Imaginaire du Sujet sont présentés ici: "Résumé" ☯[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯𓂀 (1) J'ai situé certains concepts Japonais, tels que Ma/Aïda 間, Mu 無, espace 空間 et temps 時間 dans cette grille de lecture, ici : "L'espace-temps / Ma" ☯[∃]𓁝⇅𓁜[時間]𓁝⇅𓁜[空間]𓁝⊥𓁜[間]𓁝⇆𓁜[無]☯𓂀 (2) |
- Tout ce que je lis de la théorie présentée par Corcuff me paraît lumineux et d'une simplicité extrême à reprendre dans la démarche que je développe ici.
- Tu nous commentes ta lecture ou tu repars dans des délires théoriques ?
- J'hésite : quelle est la démarche la plus efficace ?
- Reprends dans le texte les éléments clefs, et fais ta démonstration. L'efficacité tiendra à la concision.
- D'accord. Corcuff dégage les traits distinctifs du complotisme (qu'il prend soin de distinguer des "complots" observables dans l'Histoire). (A)
À ceci, il oppose l'approche des sciences sociales qui "s'efforcent d'éclairer les complications du réel en n'intégrant pas seulement les intentions cachées dans leurs modèles, mais aussi, entre autres" : (B)
Le parallèle entre les deux modes de penser est immédiat :
Ce qui permet au sociologue d'étudier le complotisme, quand le mode de penser du complotiste ne lui permet pas de comprendre ce que lui dit le sociologue.
Maintenant, l'idée d'une multiplicité de discours autour d'un même thème pour en cerner les éléments indicibles (le fomenteur du complot reste caché) renvoie directement à la structure du mythe. (voir Point #3). Il y aurait un rapprochement à faire avec la notion de "gond" développée par Wittgenstein dans "de la certitude" :
"Les questions que nous nous posons et nos doutes reposent sur le fait que certaines propositions sont soustraites au doute - sont pour ainsi dire, comme des gonds sur lesquels tournent nos questions et nos doutes [...] Si je veux que la porte tourne, il faut que les gonds soient fixes." p. 275
À cet égard, Lévi-Strauss rapporte une série de mythes mettant en scène une jeune fille et un tronc d'arbre. Dans un village, le mythe raconte que la jeune fille tombe d'un tronc d'arbre au bord de la route sur lequel elle était assise, au village d'à côté, on dira que le tronc est en travers de la route et fait trébucher la jeune fille. Dans un troisième, elle est assise dans un canoë fait d'un tronc évidé, et chavire etc. Autrement dit, nous sommes ici dans une attitude ex ante, de questionnement, le récit s'articulant sur des "gonds"; le regard tourné vers un principe explicatif qui nous échappe : 𓁝[∅]☯.
Autre point commun : l'insatisfaction devant une incohérence apparente. Un mythe est une narration destinée à expliquer la racine d'une incohérence. Dans le mythe de la potière jalouse, il s'agit de comprendre pourquoi la femme jugée comme facteur de désordre (comme son oiseau totem, l'engoulevent) est capable d'être potière (i.e.: créatrice d'ordre).
- Donc les récits complotistes seraient des mythes ?
- Pas tout à fait : Descartes est passé par là.
- Explique-toi.
- Le mythe est un récit ouvert sur le Symbolique, 𓁝[♲]☯, quand le complotiste ferme le discours en expliquant♲ le mystère ☯[♲]𓁜.
- Et c'est grave docteur ?
- Assez oui.
Lévi-Strauss explique très bien, à l'aide de sa Forme canonique que pour dépasser la contradiction exposée dans le mythe, il faut un acte sacrificiel représentable dans une structure à 4 pôles dont l'un reste à déterminer.
Dans le cas de la potière jalouse, les 4 pôles sont :
Dans le mythe, Engoulevent, la femme du Dieu Lune, en montant le rejoindre au Ciel, tombe et s'éparpille au sol en terre à poterie. Autrement dit, le sacrifice de (2) est (4). Lévi-Strauss parle d'une double inversion :
- Nous sommes loin de la pensée moderne !
- Attends la suite. Lorsque Lévi-Strauss présente sa forme canonique en prenant le mythe de la potière jalouse comme exemple, il ne peut s'empêcher de nous parler du fournier comme de l'antithèse de l'engoulevent. Autrement dit il colle une étiquette "fournier" pour représenter la "potière", au même titre que "l'engoulevent" représente la "femme".
C'est exactement ce que fait le mathématicien face à une impossibilité : il colle une étiquette dessus, pour continuer à jouer avec. il n'y a pas de nombre x tel que x2=-1. Je tue la contradiction en créant "i" tel que i2=-1. Toutes nos créations sont de ce type. Procédé que tu retrouves dans la déconstruction de Derrida.
- Soit, mais où cela te mène-t-il ?
- Cette fermeture, c'est Descartes qui a osé la faire le premier, pour amorcer une démarche purement immanente à partir du constat de son existence (voir "Le cogito"). Son discours logique se développe⚤ en [⚤]⇅𓁜, mais il en tire des conséquences philosophiques, il lui donne un sens♲ en [♲]𓁜, qui à proprement parler passe par le sacrifice de Dieu.
L'évolution de Descartes : (𓁝[♲]𓁜☯⏩☯𓁝[♲]𓁜)𓂀 marque en Occident le passage d'une pensée transcendante ↓ à une démarche qui se veut purement immanente ↑; oublieuse de Spinoza.
Attitude rationnelle que l'on retrouve à l'oeuvre inconsciemment chez Lévi-Strauss, pourraît-on dire, même lorsqu'il s'intéresse à la mythologie.
Et c'est là que l'approche sociologique apporte un correctif, en s'intéressant à l'inconscient. L'habitus de Bourdieu, qu'il rapporte aux déterminations sociales, se prolonge en considérations psychanalytiques : la dépendance du Sujet à l'Autre au niveau Symbolique, et le rapport du Moi à l'objet "a". De la forme canonique, nous passons au schéma en L de Lacan, mais fondamentalement, il s'agit du même travail mental : travailler sur les représentations (les étiquettes) pour agir sur les objets référés du discours. (voir: "Point #4")
En ce qui concerne "les conséquences non intentionnelles de l'action" c'est une préoccupation qui se rapporte à des concepts de niveau [♲]𓁜 tels que le principe de moindre action de Maupertuis. Tout un travail, déjà réalisé par les physiciens, ramène tout ceci au triptyque de Noether (le développement est long). Par ailleurs, les manipulations d'éléments ou d'atomes constitutifs d'ensembles, se développent tous au niveau [⚤]⇅𓁜 de l'Imaginaire (là aussi, c'est long à développer). Notons juste que c'est une pensée qui se développe en termes d'états potentiels supposant à l'origine:
En résumé :
1/ Pour répondre à une incompréhension de niveau [α] soit :
[α]=[♲] | du sens♲ des règles sociales♲ | ([♲]𓁝⇆𓁜[∅]⏩[♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯)⇅𓂀 |
[α]=[#] | de l'appartenance catégorique# | ([#]𓁝⊥𓁜[♲]⏩[#]𓁝⊥𓁜[♲])⇅𓂀 |
[α]=[⚤] | de l'enchaînement des faits⚤ | (☯[⚤]𓁝⇅𓁜[#]⏩[⚤]𓁝⇅𓁜[#])⇅𓂀 |
2/ Le complotisme est :
En termes mathématiques : tu passes de l'objet initial à l'objet final.
En termes méta-psychologiques : tu passes du Symbolique au Réel.
3/ Le niveau d'élaboration du complot dépend du niveau [β] :
[β]=[♲] | le politiquement correct, | (𓁝⇆𓁜[∅]☯⏩☯[♲]𓁝⇆𓁜)⇅𓂀 |
[β]=[#] | les bobbies, les juifs, les femmes, les homos, les Serpents etc. | (𓁝⇆𓁜[∅]☯⏩☯[#]𓁝⊥𓁜)⇅𓂀 |
[β]=[⚤] | c'est Bill Gates, Rockfeller etc. | (𓁝⇆𓁜[∅]☯⏩☯[⚤]𓁝⇅𓁜)⇅𓂀 |
Il faut être attentif à ceci :
1/ La pensée narrative :
Même lorsque l'Auteur complotiste (...)⇅𓂀 nous parle de valeurs♲ ou de catégories#, il ne s'exprime que sous une forme narrative⚤ (...⏩...), au niveau [⚤]⇅𓂀 de son propre Imaginaire, en particulier la causalité est affaire de succession : B se présente après A, donc A est cause de B.
2/ Le sens de l'action :
De ce point de vue, il serait intéressant de vérifier si le "complotisme" ne serait pas une tendance proprement occidentale d'appréhender les questions sociales, quand les cultures autres en resteraient plus volontiers à des actions mythiques. Tendance d'autant plus prégrante à l'intérieur de cette sphère occidentale, que les cultures seraient individualistes; je pense en particulier aux USA où ça devient proprement hystérique.
Je laisse ceci à ta méditation: il fait beau et j'ai besoin d'air !
Hari