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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

La querelle des Universaux - Alain de Libera / Notes de lecture # 6

Nota : La signification et l'usage de mes glyphes, comme le schéma général de l'Imaginaire du Sujet, sont présentés ici: "Résumé"

([∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅])𓂀

J'ai situé certains concepts Japonais, tels que Mu 無, Ma/Aïda 間, espace
空間 et temps 時間 dans cette grille de lecture, ici : "L'espace-temps / Ma"

([∃]𓁝⇅𓁜[時間]𓁝⇅𓁜[空間]𓁝⊥𓁜[間]𓁝⇆𓁜[無])𓂀

Pour le schéma développé de l'imaginaire voir: "Mettre un peu d'ordre dans sa tête"

𓂀          
  [∃] [⚤] [#] [♲] [∅]
  [∃] [⚤] [#] [♲] [∅]
  [∃] [⚤] [#] [♲] [∅]
  [∃] [⚤] [#] [♲] [∅] 

- Ouf, nous pouvons enfin nous dégager de toutes les considérations de Libera sur Porphyre (voir #5) pour nous intéresser enfin au deuxième thème de son introduction :

Sur le lien entre la problématique des universaux et la doctrine des catégories :

Je ne vais pas tourner autour du pot : j'ai trouvé ça si facile à traduire dans notre système de représentation qu je me suis inquiété !

- Qu'y a-t-il d'inquiétant à trouver des rapprochements évidents ?

- Je me demande si ma propre façon d'aborder les choses n'est pas tout simplement formatée par cette pensée antique. J'aimerais en discuter avec un Chinois ou un Japonais pour voir s'il partage ce sentiment d'évidence. Tu vas vite comprendre.

L'auteur commence par discuter de la différence entre les termes "prédicable" et "prédicament:

"En définissant le genre comme l’attribut essentiel applicable à une pluralité de choses différant entre elles spécifiquement, Porphyre avait employé le mot « catégoroumène », assez souvent synonyme chez Aristote de « catégorème » et de « catégorie ». La distinction latine entre praedicamentum (catégorie, prédicament) et praedicabile (prédicable) montrait sans en expliciter la nature la ressemblance et la différence entre ces deux registres." p. 56

Pour nous, il est immédiat de rattacher ceci à la posture que j'ai identifiée comme "rationnelle logique", à savoir : ([∃][⚤]𓁜)𓂀 ou un "objet" en [∃] est rapporté à un critère en [⚤]. Dans ce schéma, le prédicable est l'objet, en [∃] et le prédicament, le critère utilisé en [⚤]. L'auteur poursuit :

"L’Arbre de Porphyre permettait de saisir en quoi les prédicables meublaient ontologiquement chacun des genres de prédication distingués par Aristote en l’espèce des dix catégories. Mais on se sentait pris à chaque niveau dans le cercle qui rassemble les mots, les concepts et les choses." p.57

Autrement dit, si j'ai eu du mal à entrer en lice, seulement armé de la logique du 1er ordre pour participer à la dispute, je ne suis apparemment pas le seul. Et le malaise venait de ce que les protagonistes étaient enjoints à considérer "mots", "concepts" et "choses" à plat devant eux, quand, dans le sens commun, leur différence de niveau saute aux yeux :

  • En [∃] nous percevons le Réel, comme Jacques prenant conscience d'un caillou par la douleur qu'il ressent en tombant dessus, c'est le domaine des objets avant que d'être identifiés, dénotés;
  • En [♲] nous avons les concepts, formés dans un processus immanent S↑ ou transcendant S↓ (voir #5):
  • En [⚤], nous avons les mots, grâce auxquels le Sujet s'exprime.

Et le malaise se traduit par le fait que les mots puissent indifféremment servir à identifier les objets (qui sont prédicables) ou se référer à des concepts (et être des prédicaments).

L'auteur retrace brièvement l'évolution des mots utilisés, à partir de leurs racines grecques chez Aristote :

  • "Le terme 􏰀􏰁􏰂􏰃􏰄φωναί d’abord rendu par voces, « sons vocaux », a cédé progressivement la place à d’autres vocables : sermo, voire nomen, avec Abélard, puis terminus, avec la logique «terministe» du XIIIe siècle, et terminus vocalis, avec les nominalistes du XIVe ;
  • le terme νοήματα􏰂􏰇􏰈􏰉􏰃􏰆􏰃 a été remplacé par conceptus, intentiones ou d’autres expressions plus proches d’Aristote, comme affectiones ou passiones animae, ou terminus mentalis au XIVe ;
  • enfin, le terme même d’􏰅􏰂􏰆􏰃όντα a cédé la place à celui de res, «choses».

À la triade 􏰀􏰁􏰂􏰃􏰄φωναί νοήματα όντα􏰅􏰂􏰆􏰃 a donc succédé celle des mots/noms, des concepts et des choses." p. 57

De Libera structure toute l'évolution de la pensée au Moyen Âge autour de ces trois termes :

"On pourrait faire l’histoire de la problématique des universaux dans son lien avec l’interprétation des Catégories en suivant les diverses instanciations de la triade des mots, des concepts et des choses. Les avatars des νοήματα􏰂􏰇􏰈􏰉􏰃􏰆􏰃􏰂􏰇􏰈􏰉􏰃􏰆􏰃 entre les mots et les choses sont un révélateur structurel, une marque de l’évolution des problématiques. On restituera ici les étapes principales qui montrent que, par-delà les positions doctrinales (réalisme, conceptualisme, nominalisme), se cachent des choix et des articulations disciplinaires (ontologie, psychologie, sémantique) qui correspondent au domaine de problèmes plus facilement synthétisé sous le primat théorique des choses, des concepts et des mots. Cette triade est fondamentale." p. 58

J'ai rayé le mot "entre", parce qu'à mon sens, pour nous ici et maintenant, il est malvenu. En effet, si je veux garder la différence 𓁝𓁜, ce sont nécessairement les mots qui sont entre les choses vues [∃]𓁜, et les concepts [♲]𓁜, qu'ils soient issus de S↑ (𓁜) ou de S↓ (𓁝).

- En quoi est-ce important ?

- Pour faire raccord avec la pensée mythique dans laquelle les différentes formes d'un même mythe connotent un Symbole, en posture 𓁝[♲]. Les différences (la liberté du Sujet) se situant dans le retournement ([⚤]𓁝⇅𓁜[♲]⏩[⚤]𓁝⇅𓁜[♲])𓂀. Dans une problématique du Moyen Âge, ceci renvoie à la possibilité, pour les mots en [⚤] de renvoyer tantôt au multiple dans la posture [∃][⚤]𓁜, tantôt à l'unique par un renversement ([⚤]𓁝⇅𓁜[♲]⏩[⚤]𓁝⇅𓁜[♲])𓂀.

Je pense que la controverse entre Abélard et Aldéric est à ce sujet très éclairante.

"Selon Abélard, la division aristotélicienne de la «substance» en «substance première» et «substance seconde» est presque inintelligible si on l’interprète comme une distinction entre des choses plutôt que comme une distinction entre des mots. Si l’on en fait une distinction de choses, cela revient à dire que, «parmi les choses qui sont des substances, les unes sont universelles, les autres singulières, bref à dire que considérant l’homme, à savoir la chose qui est homme, l’une est universelle, l’autre particulière»." p.59

Il faut bien entendu comprendre substance au sens de subsistance, comme nous l'avons vu, c'est-à-dire, en termes platoniciens en [♲], et donc nous avons :

  • Substances premières issues d'un processus immanent  S↑
  • Substances secondes issues d'un processus transcendant S↓

Et nous ne sommes évidemment pas au niveau des "choses" en [∃].

Pour un esprit limité à la logique du 1er ordre, ne distinguant ni la différence de niveaux existence [∃] / subsistance [♲], ni celle des postures 𓁝𓁜, il y a un conflit logique entre la pluralité (dans l'exemple: des hommes) et l'unicité (l'humanité).

Abélard fait un pas en portant la différence sur les mots, autrement dit en [⚤] ! Nous venons de voir que, de notre point de vue, ici et maintenant, c'est évident, mais il semble, d'après Libera que l'évolution date d'Abélard, qui initie une distinction entre les mots (référants) et les choses/concepts (référés). Il fait également la différence entre les choses et leur nature, par laquelle il achève la tripartition [∃][⚤][♲] qui nous reste encore aujourd'hui familière:

  • [∃] les choses;
  • [⚤] les mots;
  • [♲] leur nature.

"Abélard comprend autrement le texte de Boèce, il accepte que l’intention d’Aristote ait été de «discuter les mots premiers signifiant les genres premiers des choses, en tant qu’ils signifient des choses», mais il précise : «c’est-à-dire, de révéler leur signification relativement aux natures des choses qui leur étaient assujetties [qui étaient leur sujet]». Il retouche Boèce parlant des « dix genres référés par les dix catégories-mots » en lui substituant les « dix natures des choses ». La différence entre «natures» et «genres» est cardinale : les natures d’Abélard ne sont pas des choses ." p. 60

Où les "genres" chez Porphyre, sont réels (existent), ainsi que les mots et les choses, comme nous l'avons déjà vu, quand Abélard élève la "nature des choses" au rang de concept, en [♲] et les mots en [⚤] entre "choses" et "nature des choses".

Ainsi Abélard donnerait du volume [∃][⚤][♲] à une pensée plate s'organisant autour d'une logique du 1er ordre. Ceci dit, nous sommes autour des années 1110, loin de la Renaissance: il faudra du temps pour que cela mûrisse,

Hari

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