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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

La querelle des Universaux - Alain de Libera / Notes de lecture # 16 - Abélard

Pierre Abélard et la critique du réalisme : (p. 185)

- Commençons par dire en quoi Abélard est Platonicien :

"... c’est, très précisément, en posant que «les status génériques ou spécifiques de la nature sont les œuvres de Dieu – qui seul peut les concevoir, alors que l’intellection engendrée en l’homme par le nom universel reste confuse» –, de Dieu, qui connaissant toutes les choses avant qu’elles ne soient, «distingue en eux-mêmes tous les status». Dire que le fondement des noms universels et des propositions hypothétiques éternellement vraies est le même, à savoir les Idées divines interprétées comme status, tel est le platonisme d’Abélard, tel est aussi son non- réalisme. ." p. 186

Attardons-nous sur cette opposition entre la clarté dans l'esprit de Dieu et notre propre confusion :

  • Comme auteur de tout, Dieu est en posture ultime, ex post : (...)𓂀 , symbolisé ici par mon oeil oudjat ou protecteur d'Horus;
  • Sa créature 𓁝𓁜 est, face à lui, en posture ex ante(𓁝𓂀.

- Nous l'avons compris depuis belle lurette !

- Je veux juste pointer le développement suivant : il y a une filiation entre cette différence de posture fondamentale, et ce que nous retrouvons en topologie entre :

  • L'identification 𓁜 à partir d'une posture ex post;
  • L'idempotence 𓁝 à partir d'une posture ex ante (voir "identité et idempotence")
nom 𓁜

Section

Rétraction

status 𓁝

Dans la posture ex ante (ou locale) 𓁝 nous nous représentons l'objet de notre attention comme le référent ultime d'une série de cartes que nous en faisons (sections) pour nous le représenter (rétractions), de même qu'une série de contes dans un groupe culturel donné connotent un mythe, en soi inaccessible. Ici, l'objet en question est le "nom universel", qui nous est connu par ses différents "status". (voir "Rétraction et idempotence")

- Autrement dit, de ce point de vue, nous restons nous-même, dans une pensée très actuelle, toujours dans cette approche platoniciennne Unaire, qui n'arrive pas à s'affranchir d'une pensée mythique qu'elle voulait combattre ?

- La question est : pourrait-il en être autrement ? (Note 2)

- Certainement puisque Abélard, qui selon J. Jolivet auquel se réfère Alain de Libéra, est plus "non réaliste que nomialiste", se détermine en opposition à une pensée autre.

La discussion porte sur la nature du "status".

"C’est ainsi la notion de status qui constitue le cœur de la doctrine d’Abélard, de son «non-réalisme platonicien», ce status, qui n’est pas une chose (d’où le non-réalisme), mais qui n’est pas non plus l’Idée d’une chose, ce status qui est une quasi res, une «quasi-chose» que seule exprime pleinement la proposition infinitive, ce quasi nomen, ce «quasi-nom» où se marque, dans sa dimension verbale, la plénitude de l’être qui fait le fond de chaque chose." p. 186

Avec notre système de représentation, la différence est facile à comprendre : 

  • L'objet, comme l'idée, s'identifie en posture 𓁜 :
    • L'objet dans l'ordre du multiple et de la logique en [⚤]𓁜;
    • Le "nom universel" procédant du divin en [♲]𓁜
      (i.e. ([♲]𓁝𓁜[1]⏩[♲]𓁝𓁜[1]𓂀)
  • Le "status" du nom est sa perception ex ante :  𓁝[♲]

- Autrement dit, nous retrouvons ce hiatus 𓁝[♲]/[♲]𓁜 exprimé ici par une différence status/ nom universel qui remonte à Aristote ? Mais où se situe son originalité ?

- Suivons l'auteur :

"Pour bien saisir la portée de la doctrine d’Abélard, il faut toutefois non seulement en exposer le contenu, mais aussi restituer l’occasion de sa formulation. La critique est en effet consubstantielle à l’écriture d’Abélard, qui pense moins avec les Antiqui qu’il ne pense contre les Moderni. Considérons donc sa liquidation du réalisme, où son goût prononcé pour le meurtre du père trouve, en la personne de son maître Guillaume de Champeaux, de quoi s’exercer à plein." p. 187

Les théories en présence :

"Toutes les théories réalistes sont une modulation de la thèse de Porphyre (Isagoge, 6) selon laquelle «par participation à l’espèce plusieurs hommes font un homme», une expression ambiguë qui légitime d’avance la réduction de la pluralité des hommes à une seule chose, que l’on appellera au choix «chose universelle» ou «homme commun»." p. 188

Autrement dit : les Réalistes sont dans une approche immanente S↑, (qui se bloque en 𓁝[♲] d'où la dispute).

La théorie de l'essence matérielle :

"Telle que la rapporte Abélard, cette doctrine «met dans les choses qui diffèrent entre elles par des formes une substance essentiellement la même, essence matérielle des êtres singuliers en qui elle est ; une en elle-même et diverse seulement par les formes des êtres rangés sous elle». Dans cette théorie, essence ne s’oppose pas à existence, comme dans la langue scolastique ; quant à la «matérialité», c’est avant tout celle du substrat indifférencié, que vient distinguer la forme." p. 186

Facile à comprendre : 

  • L'existence tient à un processus S↑, aboutissant en 𓁝[♲];
  • L'essence découle du divin S↓ et aterrit en [♲]𓁜;

Et l'on retrouve la "forme indifférenciée" ou substance en 𓁝[♲], qui doit être "informée" par l'idée en [♲]𓁜, comme la cire par le sceau, pour qu'advienne le Sujet à l'image de Dieu.

La théorie de l'indifférence et le retour de Ménon : (Note 1)

"La seconde théorie de Guillaume est la théorie de l’indifférence. Elle va contre toute attente nous ramener à Ménon. Abélard la présente de deux manières.

  • Dans l’Historia calamitatum, l’universel est directement caractérisé comme une chose qui est la même non par l’essence, mais par la non-différence (non essentialiter sed indifferenter) – ce qui manifeste clairement l’évolution par rapport à la théorie de l’essence indifférenciée.
  • Dans la Logica Ingredientibus, la théorie est présentée comme portant sur les choses singulières : ses partisans «disent que les choses singulières ne se distinguent pas les unes des autres par leurs seules formes» (rejet de la théorie de l’essence matérielle), «mais qu’elles sont aussi personnellement distinctes dans leurs essences propres». Dire que les choses sont «distinctes dans leurs essences propres» signifie qu’«aucune d’elles ne partage avec une autre
    • ni une forme essentiellement la même
    • ni une matière essentiellement la même».

Différant les uns des autres parce que l’essence de l’un n’est pas l’essence de l’autre, ces êtres distincts n’en sont pas moins aussi une même chose. En quel sens ? En ce que, et c’est le fond de la théorie, ils «sont une même chose non par essence, mais par non-différence». p. 189

Il y a une véritable avancée lorsque l'on passe du même :

  • non par l’essence, en [♲]𓁜
  • mais par la non-différence en [⚤]𓁜

Autrement dit, à partir de 𓁝[♲], pour ne pas en rester à cette substance indéfinissable, et

  • faute du saut S↑ 𓁝[♲]⏩[♲]𓁜,
  • on régresse S↓ au niveau Logique, [⚤]𓁝⇅𓁜[♲]⏩[⚤]𓁝⇅𓁜[♲]

Ce faisant, on retrouve la posture ex post, celle du "maître" (voir "Les 4 discours").

Mais, et nous l'avons déjà vu chez Socrate dans le Ménon, cette indifférence est un parti pris : pour dire que "toutes les abeilles sont identiques entre elles", il faut oublier que certaines sont bourdons ou reines. Autrement dit, il faut choisir de ne pas les discriminer :

mode/ niveau Objet final Multiple Formes Objet initial
 "pont entre syntaxes" [1] [⚤] [♲] [1]
 "syntaxique" [1] 𓁝[⚤] [♲] [1]
       
 "objectif" [1] [⚤]𓁜 𓁝[♲] [1] 

- Et le Sujet revient en force comme lieu de ce choix...

- Pas consciemment au Moyen Âge, c'est ça le hic. La relativité viendra plus tard, néanmoins cette approche permet de :

  • contourner le concept de "substance" qui, ne pouvant être défini qu'en posture ex ante 𓁝[♲], était bien embarrassante;
  • éviter le paradoxe logique d'une essence
    • découlant de l'Un en [♲]𓁝⇆𓁜[1],
    • s'appliquant au multiple en [1][⚤]𓁝⇅𓁜[♲].

- J'ai l'image d'une Alice n'arrivant pas à traverser le miroir [♲]...

- Je garde l'idée du miroir : ne pouvant franchir [♲], Guillaume rebondit dans le monde du multiple et de la logique en [⚤]𓁜, qui finalement découle d'un choix.

- On en revient presque à un choix esthétique pour surmonter l'obéissance aveugle à une éthique (voir les articles sur Bourdieu).

- Le problème, c'est que

  • faute d'un Sujet au centre de l'expérience des choses qui choisit de croire 𓁝[1] ou de compter [1]𓁜, et
  • faute de s'en remettre à une essence ou une substance commune,

quelle est la nature de cette "non-différence" entre individus qui amène à "la chose même"? Car, il va bien falloir "réifier" cette non-différence elle-même, pour assurer la posture ex post 𓁜.

"En d’autres termes, telle que la formule la Logica Ingredientibus, la théorie de l’indifférence soutient :

  • 􏰀(a􏰁) que «les hommes singuliers, distincts en eux-mêmes, sont un même être dans l’homme (in homine), c’est-à-dire qu’ils ne diffèrent pas dans la nature de l’humanité» et 􏰀
  • (b􏰁) que ces hommes qui sont «dits singuliers à raison de leur distinction» sont «dits universels à raison de la non-différence et de leur concours en une même ressemblance».
    [...]
    Pour l’heure, il faut noter que les deux formulations de la théorie dans la version rapportée par Abélard manifestent une tension :
  • dans l’une, l’universel est une chose identique par non-différence ;
  • dans l’autre, les choses identiques par non-différence sont dites elles-mêmes universelles." p. 189

Tu vois comme le discours s'enroule en nappes de nacre autour d'une aporie enkystée comme un grain de sable au sein dune huître : la "non-différence" s'impose aux réalistes comme un principe universel [♲]𓁜, pour en éviter d'autres tels que "essence" ou "substance informée"...

"On ne sera donc pas étonné d’apprendre que la théorie de la non-différence en engendre deux autres.

• La première est la théorie de la collection. Cette théorie, que Jean de Salisbury fait remonter à Gosselin (Joscelin), évêque de Soissons en 1126, «attribue l’universalité aux choses rassemblées et la refuse aux choses prises une à une». La «chose universelle» est un ensemble d’individus. L’espèce homme est tous les hommes pris ensemble, le genre animal tous les animaux pris ensemble : d’un mot, c’est leur collection.

• La seconde consiste à soutenir que l’espèce homme est à la fois tous les hommes pris ensemble et les hommes singuliers en tant qu’ils sont hommes." p. 190

S'il fallait en avoir la confirmation : la pensée est limitée à une appréhension "ensembliste" -au sens mathématique du terme- des objets, en [⚤]𓁜 : la théorie de la collection consistant à comprendre que:

  • L'ensemble des hommes, comme un Ensemble "H", est la "chose universelle";
  • Les hommes singuliers "h" comme des "éléments de cet ensemble H" ou (∀h : h∈H) <=> "h est un homme".

Sous-entendu :

  • Les hommes singuliers [1]𓁜♡ sont "semblables" par rapport à un "même" repérable comme [1]𓁜; au terme d'un choix "logique": 
    mode/ niveau Objet final Multiple Formes Objet initial
     "pont entre syntaxes" [1] [⚤] [♲] [1]
     "syntaxique" [1]𓁜 𓁝[⚤] [♲] [1]
         
     "objectif" [1]𓁜 [⚤]𓁜 𓁝[♲] [1] 
  • Dénombrables dans la répétition du mouvement diachronique  ([⚤][1][⚤]𓁜)𓂀

Abélard souligne que dans cette approche réaliste :

"En effet, tous les hommes, multiples selon la distinction personnelle, sont un seul selon l’humanité qui les fait ressemblants ; et on les juge différents d’eux-mêmes en tant qu’ils sont et distincts et ressemblants : Socrate en tant qu’homme est dissocié de lui-même en tant que Socrate. Du reste, il ne pourrait être son propre genre ni sa propre espèce s’il n’était en quelque façon différent de soi-même : car des termes relatifs doivent être opposés, du moins sous un certain rapport ." p.190

En ce sens, l'identification primitive [1][⚤]𓁜, suppose toujours un "oubli" de ce qui n'est pas retenu dans l'identification, surligné en jaune dans notre schéma...

Et Socrate "en tant qu'homme [1]𓁜" est dissocié de lui-même en tant que Socrate [1]𓁜".

Maintenant, venons-en au refus d'Abélard de ces thèses réalistes.

"Pourquoi Abélard rejette-t-il ces doctrines ?

  1. Parce qu’elles reposent sur un concept erroné de ce qu’est une chose. Pour Abélard, une chose est une «essence entièrement la même», absolument identique à elle-même et absolument «séparée» de tout ce qui n’est pas elle ; d’un mot, c’est une chose singulière, qui est «elle-même», «en soi» et «ne peut être en rien d’autre».
  2. Parce que ce qui définit un universel, c’est de pouvoir «servir de prédicat à plusieurs sujets pris un à un». Or, puisque «être prédicat, c’est pouvoir être joint à quelque sujet d’une façon vraie (veraciter) par la vertu de l’énonciation du verbe être au présent», il est clair que seul un mot universel et non une chose peut remplir cette fonction." p. 191

Le 30/ 03/ 2022 :

- En relisant mon texte, ce matin, je trouve que la dispute entre Guillaume et Abélard reste toujours très actuelle.

- À moins que tu ne sois très en retard sur les développements ultérieurs de la philosophie ?

- Juges-en par toi-même :

1/ Sur la conception de "l'objet en soi" :

Cette idée d'objet totalement séparé de son environnement nous paraît bien dépassée, puisque nous mettons en avant l'expérience que nous en avons et la relativité de nos représentations par rapport au Sujet.

Quoi que, à bien y réfléchir, nous cherchons toujours, derrière la variété de nos expériences, quelque "conservation" de l'objet.

- Je ne comprends pas le sens de ton propos ?

- Lorsque Abélard définit la chose comme "absolument identique à elle-même et absolument «séparée» de tout ce qui n’est pas elle", j'entends en écho qu'elle se "conserve" à travers toutes les vicissitudes de son existence : une "maison" reste une "maison" même si la tempête emporte son toit.

N'est-ce pas le constat de cette permanence au sein de l'impermanence  (Note 7) qui nous conduisit à concevoir la "substance" des choses? Nous discuterons tantôt de savoir si la substance est commune aux choses ou si chacune a la sienne, mais la conscience d'une certaine continuité de l'existence de la chose est bien là.

Et nous retrouvons le même cheminement de la pensée lorsque, au XIXe siècle, on parlera en thermodynamique du fluide calorique, et des lois de sa conservation.

- Un exemple un peu vieillot !

- À  dessin : j'aurais pu parler de son ancêtre le fluide "phlogistique". Tu as là des "objets" qui ont été imaginés, et observés par les scientifiques de leur époque, (et le calorique a même conduit à des notions aussi fondamentales que l'entropie), mais ont totalement disparu des radars, l'un après Lavoisier, l'autre après Boltzmann et son approche statistique de la chaleur. Il en est du phlogistique du XVIIe et de  la calorique du XIXe comme de la "substance" des Grecs.

Et si tu me suis bien, nous retrouvons la même problématique dans le triptyque d'Emmy Noether : symétries/ quantité conservée/ indétermination.

  • Comme la substance, comme la calorique, personne ne voit cette quantité conservée, (de même que l'on ne voit pas l'intérieur d'une pomme avant de l'avoir sectionnée) juste appréhendée ex ante 𓁝[♲] et "observable" ou "identifiable" en [⚤]𓁜; (Note 4)
  • La notion de symétrie est l'expression moderne de la variété des expériences que nous en avons, exprimant la résilience de l'objet à nos manipulations et à la variété de nos points de vue, comme de nos représentations,
  • L'incertitude, toute moderne celle-là, tient à l'impossible connexion entre un processus S aboutissant en 𓁝[♲]  et S en [♲]𓁜.

Donc: 

  • oui la discussion pour savoir si chaque objet à une existence propre, séparée ou si la substance des choses est une pâte comme cette réalité du marronier qui épouvante Antoine Roquetin (Note 3), est bien liée à une certaine structure Imaginaire grecque, contrainte par la logique du 1er ordre,
  • mais, et c'est là où je voulais te mener : derrière le détail des disputes, derrière les différents avatars de la substance, nous éprouvons le profond besoin de réifier nos concepts, pour passer de l'inconfortable posture de l'esclave 𓁝, à celle du maître 𓁜, dans une culture fondamentalement patriarcale (n'oublie pas le rapport inconscient 𓁝/𓁜<=>femelle/mâle, voir ici).

Parler de "l'objet en soi", c'est une certaine façon pour le Sujet d'affirmer sa propre existence, puisqu'il s'en détache. Ce sera la prise de conscience de Descartes qui inverse la perspective, en reportant son attention de l'objet sur le Sujet.

2/ Sur "le nom universel n'est pas une chose" :

Ça nous mène directement à Wittgenstein pour qui les "problèmes philosophiques" n'existent pas : ce sont des embarras de langage.

Je vois chez Abélard un déplacement, d'un discours portant sur l'objet, à une réflexion sur ce que l'on peut dire de l'objet, qui se retrouve sine varietur dans la dispute entre Bohr et Einstein !

- C'est beau de te voir t'enthousiasmer pour ce Moyen Âge que tu ignorais superbement il y a à peine trois mois, mais si tu t'attaquais au détail de l'argumentation d'Abélard ?


Le 31/ 03/ 2022 :

- Le plus difficile est d'abandonner un regard du XXIe siècle, pour se contraindre à n'utiliser que les outils à la disposition d'Abélard, un peu comme un archéologue essaie de comprendre comment les hommes ont pu déplacer un menhir à l'aide de cordages.

- Oui, je sais : le seul point sur lequel nous puissions nous retrouver c'est l'impossibilité de passer du multiple à l'Un au terme d'un processus de répétition indéfini, soit S↑. (Note 5)

- Continuons notre lecture de ce point de vue :

"... la thèse selon laquelle les hommes individuels eux-mêmes, en tant qu’ils sont hommes, peuvent être considérés comme des espèces est la première théorie professée à Paris par Albéric du Mont, «le plus acharné adversaire des nominaux» (nominalium acerrime impugnator, selon le mot de Jean de Salisbury). On sait que, pour Albéric, l’«universel secundum rem était substance, c’est-à-dire à la fois chose existant par soi et dite de la substance», puisque le «nom substance a une double signification :

  • la chose existant par soi et
  • la chose dite de la substance» (fo 7rb-va).

Le fondement du désaccord entre Abélard et Albéric, relayé par l’Anonymus Padovanus, est donc clair : il s’agit de l’interprétation du sujet des Catégories d’Aristote.

  • Pour les Reales, tels que l’Anonymus et Albéric, les Catégories ne parlent pas seulement des voces ou des sermones et de leur signification, ce que soutient Abélard,
  • mais, au contraire, à la fois des sermones et des res.

Qu’un désaccord profond sur la nature des catégories se reflète dans la théorie des universaux n’a rien d’étonnant : l’Isagoge est une «introduction» aux Catégories, et, comme on l’a vu, depuis le néoplatonisme, il existe un lien intrinsèque entre ontologie catégoriale et doctrine des universaux. Dans la triade 􏲈􏱸􏱪􏱵􏲒-􏲊􏱺􏱰􏲅􏱵􏱱􏱵φωναί-υοήματα-όντα-􏲎􏱪􏱱􏱵 ranimée sous la forme voces- significationes-res (plutôt que voces-cogitationes-res)

  • Abélard tranche pour les voces et les significationes,
  • Albéric et les siens pour les res et les voces.

On voit qu’en la rigueur des termes Abélard n’est pas «conceptualiste», comme on l’a dit trop souvent, mais «sémioticiste». Dans la triade des mots, des concepts et des choses, au centre du dispositif, Abélard place la significatio, non le conceptus. C’est, selon l’heureuse formule de J. Jolivet, la marque incontestable que sa philosophie n’est pas une philosophie du concept, mais une «philosophie dans le langage»." p. 192

Comme tu le vois, mon rapprochement avec Wittgenstein n'est pas tout à fait idiot, ce en quoi il se défférencie des Reales.

En résumé : 

  • Pour les Reales, dans une conception S, les catégories, en [♲]𓁜
    • procèdent de l'Un en 𓁝[1]
    • s'appliquent au sens des choses [♲]𓁜,
    • et de ce que l'on en dit en [⚤]𓁜,
    • leur "existence" est dans le passage de la substance à ce que l'on en dit: (([⚤]𓁝⇅𓁜[♲]) ([⚤]𓁝⇅𓁜[♲])𓂀;
  • Pour Abélard, dans une conception S, les catégories en [⚤]𓁜
    • sont au niveau des "voces" et de l'identification de l'objet en  [1][⚤]𓁜
    • et donc un "jeu" avec les étiquettes représentant les objets.

Le risque étant de tourner en rond dans le pur langage, comme les Sophistes au risque de l'inconsistence (théorème d'incomplétude de Gödel).

La reformulation Abélardienne de la théorie de l'indifférence et la notion de status :

"Une première nouveauté de l’analyse «sémiotique» abélardienne est de remonter à ce que l’on pourrait appeler la motivation ontologique du mot. Partant du principe qu’un mot universel désigne une pluralité d’individus, Abélard pose qu’il y a une raison pour laquelle cette désignation réussit.

La manière dont il explicite ce fondement de la désignation fait jouer à plein l’ambiguïté du mot raison, qui, depuis son début grec, indique à la fois

  • la forme, au sens de principe ou de fondement ontologique, et
  • la formule logique, le 􏱿􏱫􏲄􏱺􏱯 définitionnel d’une chose.

En conjuguant les deux acceptions, ontologique et logique, du mot ratio, Abélard peut ainsi poser que «le mot homme désigne les hommes particuliers» non seulement

  • 􏰀(a)􏰁 pour une raison (parce qu’il a été institué ce faire), mais 􏰀
  • (b)􏰁 «pour une raison qui leur est commune».

Or quelle peut être la raison «commune» à une pluralité d’individus qui fonde tout locuteur à désigner chacun de ces individus par le même mot ? La force de la réponse d’Abélard est de poser que la raison pour laquelle chaque homme peut être désigné par le mot homme est la même pour chaque homme sans être quelque chose de ou dans chaque homme ni partagée comme un tiers, une propriété réelle commune présente en chacun d’eux ou communément partagée par tous. La seule raison pour laquelle le mot homme désigne tous les hommes et chaque homme est onto-logique, c’est que tout homme est un homme. «Le mot «homme» désigne les hommes particuliers pour une raison qui leur est commune, à savoir parce qu’ils sont des hommes.» La raison de l’humanité de chaque homme est la raison commune qui fonde l’unité de leur désignation. Par cette nouvelle équation et l’interprétation qu’il en donne, Abélard reprend et subvertit en même temps la théorie platonicienne de la causalité éponymique des formes : il maintient la structure éponymique-causale en faisant l’économie de la forme. Il reprend donc la ligne argumentative du Ménon, sans passer, comme Socrate dans la transition de 􏰀R2􏰁 à 􏰀Q3􏰁, du niveau de la non-différence individuelle où se montre l’identité spécifique à celui de l’unité de l’essence commune censée la garantir. Ce qui fait que je puis désigner tout homme."

- À cette lecture, je percute : mon niveau Imaginaire [♲] est celui de l'"onto-logique" !

- De l'ontologie ?

- Je préfère le néologisme, qui fait sens dans un tryptique :

  • Logique en [⚤]
  • Topo-logique en [#]
  • Onto-logique en [♲]

Le 01/ 04/ 2022 :

- Je me rends compte que si je n'avance pas dans ma lecture, c'est qu'elle m'affecte personnellement, comme si je rechignais à suivre mes développements jusqu'à leurs conséquences ultimes.

- Tu verses dans l'autoanalyse ?

- Abélard me force à revivre mon étonnement à la lecture des premiers chapitres de Conceptual mathematics de Lawvere et Schanuel, et en particulier la définition de l'application du singleton sur un ensemble quelconque : 

- Et qu'est-ce qui t'avais perturbé à l'époque ?

- L'idée que John, Mary ou Sam ne soient pas des éléments de l'ensemble, mais les flèches des morphismes partant du singleton vers l'ensemble cible. J'ai encore l'esprit tiraillé entre une conception ensembliste (John, Mary et Sam sont les éléments de X) et la théorie des catégories où ils sont définis par les flèches des morphismes.

- Quel rapport avec ce qui nous occupe ici ?

- Souviens-toi de ton idée d'Alice incapable de traverser le miroir [♲].

  1. Naturellement, si je puis dire, je perçois spontanément la notion d'homme  en ([♲]𓁜𓂀 découlant d'un acquis culturel (soit à l'Image de Dieu, soit faisant parti d'un peuple élu, soit appartenant au même clan, village, totem etc.).
  2. Mais à partir de là, nous évoluons, pour commencer un deuxième tour Imaginaire, en mode ♢ et nous changeons d'objet final : du singleton (*), on passe au monoïde •.

- Oui, tu l'as déjà dit ! Tu tournes en rond, mon vieux... Tu en  étais à ce schéma:

  • Les hommes singuliers sont "identiques" par rapport à un "même" repérable comme [1]𓁜; au terme d'un choix : 
mode/ niveau Objet final Multiple Formes Objet initial
 "pont entre syntaxes" [1] [⚤] [♲] [1]
 "syntaxique" [1] 𓁝[⚤] [♲] [1]
       
 "objectif" [1] [⚤]𓁜 𓁝[♲] [1] 

- Exactement. Bien entendu, ici le mode ♢ n'étant pas conceptualisé, nous passons directement en mode ♡, mais le mouvement général est déjà là.

- Et ça nous mène où ?

- La notion d'homme, qui en mode ♧ procède de l'Un en ([♲]𓁜𓂀, se retrouve après un choix d'Abélard, comme simple étiquette de notre singleton en ([1]𓁜)𓂀, qui par la répétition du saut [1]𓁜↑[⚤]𓁜 amène au multiple.

En ce sens :

  1. Tous les individus tels que "Socrate" dont on parle en [⚤]𓁜 sont "homme" par un morphisme {Socrate}⟼{*}, dans le mouvement [⚤][1];
  2. J'identifie Socrate à partir du singleton "homme" par un morphisme : Socrate : {*}⟼ {Socrate} dans un mouvement [1][⚤].

- Cette autopsie de l'homme est-elle nécessaire ?

- Oui, si tu veux comprendre comment le référé "homme", ou signifié hors discours en  ([♲]𓁜𓂀 (thèse de Platon) se retrouve comme signifiant dans l'ordre du discours en ([⚤]𓁜𓂀(i.e. : le singleton homme {*}, {Socrate} comme toute collection d'éléments semblables {X}, sont vus (identifiés) comme des {ensembles}), pour Abélard des "significationes", sur lesquels on émet des jugements, les "voces" en [⚤]𓁜.

Maintenant, et c'est ce qui m'intéresse ici, cette approche d'Abélard, est congruente avec une approche "topologique" plus moderne : 

  1. Dans le mouvement [⚤][1][⚤] j'identifie en [⚤]𓁜 Socrate en tant qu'homme;
  2. Dans le mouvement [1][⚤][1] tous les individus tels que Socrate sont "homme" c.-à-d. "idempotents" vus de  [1]𓁜.

À mon sens il faut entendre le concept de "status" défini par Abélard comme l'étiquette en [⚤]𓁜 accrochée à l'objet final en [1]𓁜.

"Pour expliciter en quoi consiste ontologiquement ce fait, Abélard est conduit à repenser entièrement la théorie de l’indifférence et à proposer une définition nouvelle du status – de ce «status» où conviennent et s’accordent les individus." p. 196 

- Il te reste à vérifier ta thèse en passant en revue cette liste de propositions d'Abélard :

On peut formuler ainsi le système de thèses où s’articule la nouvelle théorie ontologique du status, qui a rendu possible à l’ère moderne, par un retournement remarquable, l’émergence même de la notion de status ontologique : 􏰀

  • 1a􏰁 Les hommes singuliers sont distincts les uns des autres."

Ils sont vus comme des éléments en  [⚤]𓁜.

  • 1b􏰁 Les hommes singuliers diffèrent les uns des autres par leurs essences propres et leurs formes propres.

Il y a déjà toute une discussion à mener autour de la définition et de l'emploi des termes d'existence, et d'essence, qui m'amène à préciser de quelle façon je 𓂀Haris les "comprends" :

    L'existence de l'"objet en soi" se définit :
    • au terme d'un processus immanent S↑
    • à partir de son identification en [⚤]𓁜
    • menant à ([⚤]𓁝⇅𓁜[♲]𓂀Haris
  • L'essence de la chose (ou de n'importe quoi) est un jugement onto-logique:
    • au terme d'un processus transcendant S↓
    • menant à ([♲]𓁝⇆𓁜[∅])𓂀Haris
    • Portant soit sur :
      • L'existence de la chose𓁝[♲]𓁜 ou
      • Ce qui est dit de la chose :
        (([⚤]𓁝⇅𓁜[♲])⏩([⚤]𓁝⇅𓁜[♲]))𓂀Haris

En ce sens, le jugement "onto-logique" associe deux types de rationalité :

  1. La première portant sur le passage [⚤]𓁜↑[♲]𓁜 est semblable à un jugement rationnel logique construit à partir de la répétition du saut [1]𓁜↑[⚤]𓁜 (i.e.: le multiple);
  2. La seconde tient au retournement 𓁝/𓁜 propre à l'approche topo-logique
  3. Le jugement onto-logique marie les deux précédents. (Note 6)

Ceci dit, j'ai peur que ce point 2b ne soit qu'un rejet de la position de Reales: puisqu'ils partent de l'Un, par réaction Abélard part du multiple (le meurtre du père dont parle Alain de Ribéra). On peut le faire, bien entendu, par le même procédé que pour le concept d'"homme"

Cependant, c'est sans grand intérêt puisqu'au contraire du concept d'homme, ceux d'essence et de forme viennent de Platon, qui les différenciait formellement (les référés) de ce que l'on en dit (les référants). C'est utiliser le concept de graine pour nier l'existence du fruit...

  • 􏰀2a􏰁 Les hommes singuliers, tout en différant les uns des autres, se rencontrent en ce qu’ils sont des hommes (conveniunt in esse hominem).

C'est ce que l'on a défini comme "idempotence", dans le mouvement [1][⚤][1].

  • 􏰀2b􏰁 Les hommes singuliers ne se rencontrent pas dans l’homme (in homine).

Je le comprends comme le refus du passage de 𓁝[♲] à [♲]𓁜, ou des hommes singuliers vus comme parties de l'humanité. Ceci vient du choix d'Abélard de placer "homme" en [1]𓁜, et d'en parler en termes d'éléments distincts.

  • 􏰀2b1􏰁 L’homme n’est aucune chose (contre Platon), sinon une chose individuelle. (Il n’y a pas de chose universelle qui serait l’Homme, il n’y a que des choses homme, «séparées» les unes des autres, c’est-à-dire des hommes singuliers. Toute chose homme est nécessairement un homme individuel.)

La "chose" comme collection prend son sens et sa forme en [♲]𓁜. Pour éviter cela, Abélard s'en tient aux individus au terme du processus que nous avons décrit.

  • 􏰀2 L’être-homme n’est ni un homme ni une chose.
    • 2b2a􏰁 Il ne peut y avoir rencontre des hommes en une chose. (Les choses n’existent qu’individuelles, c’est-à-dire séparément, elles ne peuvent se rencontrer en une autre chose, car il n’y a de chose qu’individuelle. Aucune chose, par exemple l’Homme, ne saurait donc être désignée par un nom universel.)
    • 2b2b􏰁 La rencontre entre des hommes ne peut être une chose. (Cf. Super Periherm., p. 368 : «Il est tellement vrai que ce qui est dit par les propositions ce n’est pas des choses que, lorsque nous disons que Socrate et Platon se rencontrent dans l’être-homme ou dans l’être-substance, on ne peut, si l’on se place sur le plan des choses, désigner aucune chose où ils se rencontrent.»).

Tout ceci est évident si "homme" est une étiquette posée sur l'objet final (*).

  • 3􏰁 Des êtres qui se rencontrent sont semblables.
    • 3a􏰁 Deux individus qui se rencontrent dans l’être-homme sont semblables dans l’être-homme, c’est pourquoi l’un et l’autre est dit homme.

C'est l'idempotence.

  • 3b􏰁 Deux individus qui ne se rencontrent pas dans l’être-homme sont semblables dans le n’être pas homme, c’est pourquoi l’un et l’autre est dit non-homme.

C'est de la pure logique binaire, avec l'amorce du concept vide (le non-homme). Dans cette discussion, l'objet discriminant est ici {{homme};{non-homme}} en [⚤]𓁜.

  • 4a􏰁 Les choses homme se rencontrent «à raison de ce qui n’est pas une chose».

Ça nous renvoie au point 2b.

  • 4b􏰁 Les hommes singuliers se rencontrent dans l’état (status) d’homme, c’est-à-dire «en ce qu’ils sont des hommes».

C'est ce qui m'a amené à comprendre "status" comme l'étiquette en [⚤]𓁜 accrochée à l'objet final en [1]𓁜.

  • 5a􏰁 Dire que les hommes singuliers se rencontrent dans l’état d’homme, c’est seulement dire que «de ce fait, ils ne diffèrent en rien ».

Nous revenons ici à la question du choix, fait par Abélard, comme le fît Socrate face à Menon, le poussant à dire que toutes les abeilles sont semblables. 

mode/ niveau Objet final Multiple Formes Objet initial
 "pont entre syntaxes" [1] [⚤] [♲] [1]
 "syntaxique" [1] 𓁝[⚤] [♲] [1]
       
 "objectif" [1] [⚤]𓁜 𓁝[♲] [1] 
  • 􏰀5b􏰁 Que les hommes singuliers du fait qu’ils sont hommes «ne diffèrent en rien» ne renvoie à aucune «essence», c’est-à-dire à aucune chose existante. (Le mot essentia ne désigne pas l’«essence» des scolastiques, mais l’existant, donc une chose.)

C'est évident, quelle que soit la façon d'entendre l'essence [♲]𓁜 ou l'existence 𓁝[♲] des choses, quand cette "non-différence" ou "idempotence" se joue entre [∃] et [⚤].

  • 􏰀6􏰁 L’être-homme n’est pas une essence où les hommes singuliers se rencontrent, mais la «raison commune pour laquelle un nom est donné à des hommes singuliers selon qu’ils se rencontrent l’un avec l’autre».

L'être-homme est la réification de l'action primitive de l'auteur attribuant à Socrate le "status" d'homme, c.-à-d. la flèche du morphisme 
 {homme}⟼{Socrate}. Nous sommes donc en [⚤]𓁜 et non en [♲]𓁜 domaine des essences.

  • 7􏰁 L’état d’homme n’est pas une chose participée en commun par une pluralité d’individus mais la cause de leur commune désignation. (L’état d’homme est le fondement du nom «homme» susceptible d’être prédiqué d’un sujet, cet état est exprimé dans un dictum [ce que dit la proposition], lui-même expression du rapport entre le sujet et le prédicat. Ni l’un ni l’autre ne sont des choses.

Il y a un rejet très clair et conscient de l'idée d'appartenance au sens topologique du terme de "partie d'un tout", qui m'apparaît comme une approche spécifiquement Occidentale. Repense, par exemple, à ce que nous avons vu de la culture Japonaise.

Lorsque l'on parle de "cause" au niveau [⚤], cela implique "qui précède" l'effet. C'est ce qui se voit dans le morphisme {homme}⟼{Socrate} où le domaine  {homme} précède le codomaine {Socrate}.

Ni {homme} ni {Socrate} ne sont des choses, à l'évidence, puisque ce ne sont que des étiquettes ou des "signes", ce qui renvoie à "signifio" ou "signification":

"Ce que signifie, manifeste ou indique une chose, un fait matériel." CNRTL

L’universel n’est donc qu’un prédicable, fondé sur une nature des choses qui fonde elle-même leur être.)" p. 196

Ici se noue la différence entre Nominaliste et Réaliste :

Pour Abélard :

  • Le prédicable est de l'ordre du langage, comme nous venons de le voir au point 3b en identifiant l'objet discriminant {{homme};{non-homme}} en [⚤]𓁜;
  • Le status est en [1]𓁜;
  • Un prédicable est un jugement rationnel logique ou immanent S partant de [1]𓁜 vers [⚤]𓁜;

Pour Albéric et les siens :

  • L'universel issu du domaine des idées platoniciennes est de niveau [♲]𓁜, très spécifiquement hors du langage. L'intention primitive de Platon est d'échapper aux jeux de langage des Sophistes, et Gödel lui donnera raison bien plus tard en démontrant qu'un langage fermé sur lui-même permet de dire tout et son contraire.
    • La nature des choses est en  [♲]𓁜 (leur essence)
    • Leur être en  𓁝[♲] (leur existence ou leur substance)
  • Un prédicable découle d'un mouvement transcendant S partant de  [♲]𓁜 pour arriver à [⚤]𓁜.

Dans l'affaire, tu vois qu'Abélard a déplacé le point de jonction S ↑/ S↓ situé en  [♲] dans la dispute Platon/ Aristote en [⚤], pour en faire une affaire de langage.

- Ouf, je crois que nous avons mérité une petite pause ! 

Hari

Note 1 :

- Je saute du coq à l'âne, comme toujours : cette idée d'indifférence me conduit directement à ce livre de Deleuze "Différence et répétition" sur lequel je m'étais endormi il y a bien longtemps.

Pour me rafraîchir la mémoire, j'écoute cette émission des "Chemins de la philosophie", ou Deleuze me semble encore aujourd'hui bien verbeux, pour finalement en revenir à :

  • l'automatisme de répétition Freudien,

et cette différence dans la répétition à

  • la perception ex ante conduisant à l'idempotence dont nous avons parlé en intro...

La seule chose que j'avais retenue du bouquin tenait (de mémoire) à une note de bas de page dans laquelle Deleuze fait une différence très fondamentale entre le virtuel (non clos: N en [⚤]) et le potentiel (clos : R ramené à l'intervalle  [0,1[ en [#]), qui est à l'origine de la différence entre une construction à partir de la répétition .

  • des éléments (en [⚤]𓁝𓁜[#], ou [1][⚤]𓁝𓁜[♲] chez Socrate) ou
  • des parties (en [⚤]𓁝⇅𓁜[#] vs  [⚤]𓁝⇅𓁜[♲][1]).

Mais pour arriver au "même" du Ménon, celui de Socrate poussant Ménon à considérer toutes les abeilles comme "identiques" entre elles, il faut "oublier" une approche en mode ♢ qui permettrait de voir leurs différences (mâle/femelle; ouvrière/ reine), en termes de relations.

Pour mémoire, dans un schéma Imaginaire Grec cela donne :

mode/ niveau Objet final Multiple Formes Objet initial
 "pont entre syntaxes" [1] [⚤] [♲] [1]
 "syntaxique" [1] 𓁝[⚤] [♲] [1]
       
 "objectif" [1] [⚤]𓁜 𓁝[♲] [1] 

Note 2 :

J'écoutais hier sur Arte le géologue Ludovic Slimak parler de son dernier livre "Neandertal nu" et il a dit quelque chose qui a immédiatement retenu mon attention:

Lorsque l'on trouve un arte fact réalisé par un homo sapiens, on retrouve très vite l'intention de l'artisan : le pourquoi de l'objet et le fil qui, partant d'un besoin a mené à sa réalisation. Ceci conduit à une certaine "standardisation" des productions.

Chez le Néandertalien, pas du tout : chaque arte fact diffère des autres d'une façon qui échappe à notre entendement et, indique Simak, c'est comme si le produit était toujours parfaitement adapté à l'environnement, à la matière utilisée et aux circonstances, et non issu d'un schéma préconçu, "archétypal".

J'ai immédiatement commandé le livre, et nous y reviendrons sans doute, mais je me demande si nous n'avons pas là, chez Neandertal, l'exemple d'une voie autre que celle qui s'inscrit dans notre schéma de l'Imaginaire du sujet.

- En quel sens ?

- Ce que nous faisons, ce que nous disons est toujours produit par une tension entre l'intention du Sujet et son environnement, avec une bascule entre le désir 𓁝 et le possible 𓁜, avec un tropisme culturel très fort nous poussant à rechercher la posture du maître ex post 𓁜, conduisant à reconstituer l'horloge à partir de ses éléments, comme nous l'a enseigné Descartes.

Mais peut-être que le Néandertalien pouvait se satisfaire d'être au monde, totalement intégré, comme partie# d'un tout auquel il s'adapterait sans histoire?

Autre question : est-ce que le Néandertalien parlait ? Autrement dit, est-ce le changement de posture est lié à l'utilisation du langage ? Ou tout au moins à notre utilisation humaine du langage.

- Quelle autre utilisation pourrait-il y avoir ?

- Il est possible d'apprendre un langage aux grands singes, par exemple, mais leurs communications se limitent à l'usage de quelques mots descriptifs. Ils ne cherchent pas à l'utiliser comme nous, dans des interactions au sein du groupe.

- Ça reste très vague...

- Je découvre tout un champ d'investigations passionnant, nous en reparlerons après avoir lu le bouquin, et après un retour à Frans de Waal également...

Note 3 :

Dans la Nausée de J.-P. Sartre :

«Antoine Roquetin s’abîmait dans la contemplation d’une racine de marronnier «Donc j’étais tout à l’heure au jardin public. La racine du marronnier s’enfonçait dans la terre, juste au-dessous de mon banc. Je ne me rappelais plus que c’était une racine. Les mots s’étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d’emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface. J’étais assis, un peu voûté, la tête basse, seul en face de cette masse noire et noueuse, entièrement brute et qui me faisait peur. Et puis j’ai eu cette illumination.(…) Et puis voilà : tout d’un coup, c’était là, c’était clair comme le jour : l’existence s’était soudain dévoilée. Elle avait perdu son allure inoffensive de catégorie abstraite ; c’était la pâte même des choses, cette racine était pétrie dans de l’existence. Ou plutôt la racine, les grilles du jardin, le banc, le gazon rare de la pelouse, tout ça s’était évanoui ; la diversité des choses, leur individualité n’étaient qu’une apparence, un vernis. Ce vernis avait fondu, il restait des masses monstrueuses et molles, en désordre – nues, d’une effrayante et obscène nudité. » Cette nausée de Sartre n’est pas sans analogie avec l’angoisse ressentie par Freud[…] » Extrait de: Alain Simon. « L'Homme Quantique - Essai sur les fondements d'une entropologie. » Apple Books.

Note 4 :

Idée qui garde sa forme, dans notre façon d'appréhender l'un des plus modernes objets de notre attention : un "trou noir".

  • Personne ne peut le "voir",
  • Tout ce que l'on peut en dire tient à l'information qui se lit sur son "horizon", à savoir sa masse, son spin et sa taille.

J'avais rapproché cette façon de comprendre ce qu'est un trou noir de la forme canonique des mythes dans cet article : "L'univers holographique, un mythe moderne suite".

Note 5 :

Rappel :

  • En [⚤]𓁜, on construit l'ensemble des entiers N à partir du concept de successeur : ∀n∈N, alors n+1∈N;
  • En [#]𓁜 nous avons la continuité dans l'ensemble des Réels : R, et nous faisons la clôture de R par un point à l'infini ∞. Ceci permet une approche topologique de R, vu comme un "tout" dont nous pouvons rapporter l'étude à l'intervalle [0;1[.
  • Cantor a démontré qu'entre N et R, il y a un gap infranchissable, car il est impossible de construire R à partir de N par un processus itératif (c'est la diagonale de Cantor).
  • C'est ce qui justifie la distinction moderne entre les deux niveaux Imaginaires [⚤] et [#]
  • C'est ce qui se retrouve historiquement, avant toute considération topologique, dans la distinction entre [⚤] et [♲] : 
    • La multiplicité est en [⚤], à partir de la répétition des sauts  [1]↑ [⚤]𓁜, de même que N;
    • L'Un en  𓁝[1] est vu comme un tout, de même que R clos par  ∞.

Note 6 :

Les petits malins qui commencent à me connaître ne manqueront pas de remarquer une amorce de caractérisation des niveaux Imaginaires par des termes empruntés à un langage mathématique, ce qui n'engage que moi :

  •  [⚤]𓁜 Le domaine du discret vu dans la théorie des Ensembles ex post;
  •  𓁝[#]𓁜, le domaine du continu dans une approche duale
    • 𓁝[#] locale
    • [#]𓁜 globale
  • 𓁝[♲]𓁜 le domaine des topos, vus comme le "lit commun du discret et du continu", selon le mot de Grothendieck.

Avec cet a priori en tête, il n'est pas difficile de comprendre que le niveau [#] peut être compris comme un effort pour représenter spatialement les objets dont l'essence en [♲] serait mathématique (par exemple les solides de Platon, ou la représentation orthogonale de l'espace et du temps).

Quant à l'algébrisation de la géométrie (le passage de [#] à [⚤], c'est à Descartes qu'on le doit.

- OK pour le rapprochement, à ceci près qu'il sera difficile d'étiqueter le niveau [♲] d'onto-logique, dans la mesure où l'objet initial n'est plus le Un, mais le vide ∅ en [∅]...

- C'est pourquoi je garde mes marqueurs [⚤], [#] et [♲], qui permettent de baliser les mouvements du Sujet dans son Imaginaire. C'est comme des balises en mer : on les repère soit par la forme (bâbord  cylindre/ tribord cône) soit par la couleur (bâbord rouge/ tribord vert), mais au-delà de leur identification circonstancielle, ce qui importe c'est la voie entre les deux.

Mais tu as raison : le terme onto-logique m'a semblé aller de soi dans un contexte où l'objet initial en le Un... Et comme la majorité  de nos contemporains en est resté à cette idée, j'ai pensé que cela aurait un sens pour eux... Quoique avec l'idée d'une "quantité conservée", il y a encore une recherche de cet ordre dans ce que le physicien tente d"observer" et mesurer, dans ses expériences...

Note 7 :

À la relecture, je pense bien entendu au dialogue entre Diderot et d'Alembert, ce qui mène à tous nos développement concernant le concept de "stabilité", qui se retrouve inconsciemment dans le rappel thermodynamique qui suit dans mon texte...

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