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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

L'épistémé qui nous gouverne - Triptyque d'Emmy Noether

"Le mot et la chose" Inside Moebius exposition Toulon

- OK, donc tu commences à peine la lecture de "Récoltes et semailles" que tu t'arrêtes pour ruminer ton dernier article. (cf "Mise au point sur la méthode #2")

- Il m'arrive un drôle de truc ces temps-ci : je cours après ce qui s'échappe de mon clavier.

- Comment ça ?

- Déjà mon article "Plus qu'en roue libre" était une reprise d'une note faite à la relecture de "en roue libre", ensuite en lisant une interview d'Olivia Caramello tombée du ciel (ici), je reviens encore sur un ajout fait à la va-vite, toujours dans "plus qu'en roue libre", qui me donne "La mesure de toute chose", et là encore, c'est un peu inopinément, qu'en renommant les niveaux Imaginaires du mode ♢ à la lecture de Grothendieck, je prolonge la réflexion à partir d'une idée toute bébête :

"Tient encore 3 ? 
comme le triptyque d'Emmy Noether, que j'ai toujours situé en mode ♡,
et si j'essayais ça ?"

  [⚤] [#]  [♲]
indétermination
aléa (Note 1)
symétrie conservation
résilience
nombre forme grandeur
discret continu mesure

C'est après l'avoir écrit pour faire joli, que ça a commencé à me travailler. J'ai donc déroulé la suite, pratiquement en mode automatique :

  •  [♲]
    • [♲] une quantité conservée;
    • [♲] est une grandeur;
    • [♲] qui se mesure.
  • [#]
    • [#] les symétries déterminent;
    • [#] les formes qui sont représentées;
    • [#] dans un espace continu., dont l'objet fait 𓁝partie.
  • [⚤]
    • [⚤] l'indétermination se retrouve dans les choix du Sujet;
    • [⚤]♢ dans le passage d'un élément (nombre) à un autre d'une structure (cf. objet discriminant, structure algébrique, groupe) ;
    • [⚤]♧ dans le saut diachronique élémentaire [∃][⚤] indicible, menant à ℕ par répétition, et Ens composés d'éléments𓁜 discrets (synchroniques);
    • La descente [⚤][⚤] me rappelle la phrase d'Alain Connes :
      «L'aléa du quantique est le tic-tac de l'horloge divine».

- Ça a l'air de coller, non ?

- Oui, et je pense que c'est un bon point de départ pour continuer ma lecture de Grothendieck, mais avant cela, j'aimerais discuter de la genèse possible d'une telle représentation actuelle de notre Imaginaire contemporain.

- Tu as parlé d'une "révolution Galoisienne", qui aurait introduit le niveau [#] et le mode ♢ dans une pensée structurée par Platon en Occident. 

- Exact, et je me suis arrêté à ce schéma de la topologie Imaginaire, exprimée en mode ♢ :

    𓂀
    [∃] [⚤] [#] [♲] [∅]    
  [∃] [⚤] [#] [♲] [∅] 𓁝𓁜 
    [∃] [⚤] [#] [♲] [∅]     
     

Avec un arrangement entre modes de ce type :

coupe 3D

Maintenant, régressons à l'époque où Aristote et Platon ont ferraillé autour du niveau [♲]. Cette affrontement à enflammé tout le Moyen Âge durant la querelle des universaux, et se poursuit encore dans la tête d'une grande majorité de nos contemporains.

Pour mémoire, l'Imaginaire Platonicien pourrait se re-présenter actuellement par un tableau de ce type :

    𓂀
  [1] [♲] [⚤] [1] 𓁝𓁜 
  [1] [⚤] [♲] [1] 
     

Avec :

  • un principe Unitaire [1] comme représentation Imaginaire du Symbolique 𓁝[1]
  • Le multiple en [⚤]𓁜 à partir de la répétition du "même" [1]𓁜 (les abeilles toutes semblables de Socrate)

Et un bouclage des deux modes ♧&♡ sous forme de bande de Moebius :

mise à plat 3D

- Mais où veux-tu en venir ?

- Je voudrais voir à quoi correspondrait, dans un univers Platonicien, ce que nous avons dit du recollement des niveaux extrêmes [⚤]/[♲] et [♲]/[⚤] qui caractérisent notre représentation actuelle en reprenant des considérations tirées de Noether et Dirac, à savoir : 

1/ Un objet existe ([∃]𓁜) dans la mesure où il se conserve([♲]𓁜):

[♲]𓁝⇆𓁜[∅] ⏩ [♲]𓁝⇆𓁜[∅]
   
  [∃]𓁝⇅𓁜[⚤]

2/ Une mesure ([♲]𓁜) est une réponse à un choix (𓁝[⚤]) 
(cf. : "The principes of quantum mechanics" de Dirac)

[∃]𓁝⇅𓁜[⚤] ⏩ [∃]𓁝⇅𓁜[⚤]  
     
  [♲]𓁝⇆𓁜[∅]  ⏩ [♲]𓁝⇆𓁜[∅]

- Il y quelque chose qui me dérange dans ta représentation de l'univers Platonicien : c'est la disparition des notions de forme, de classe ou de symétrie. Est-ce que tu ne glisserais pas les solides de Platon sous le tapis ?

- Il faudrait en parler avec un philosophe au fait de la pensée Grecque pour en être sûr, mais de ce que j'ai compris de la lecture d'Alain de Libera (j'en ai tiré 12 articles dont le premier est ici), le débat philosophique portait à l'époque sur le statut de la "substance". Était-elle :

  • du côté du Réel, corruptible, domaine de la multiplicité en [⚤], ou
  • du côté du royaume des idées, en [♲] du côté de l'Un.

Et tu vois déjà là, avec notre regard actuel, se développer une problématique entre la multiplicité des éléments𓁜 identifiables individuellement telles les abeilles de Socrate, et les idées qui font 𓁝parties d'un Tout.

Le point d'articulation du conflit c'est le niveau [♲], point de rupture entre parties—[♲]𓁝⇆𓁜[∅] /[∃][⚤]𓁝⇅𓁜[♲]—éléments, qui se déplace à notre époque au niveau [#].

Je pense que c'est lié au fait qu'actuellement nous considérons une forme comme l'expression topologique#♢ ou géométrique#  d'une symétrie#.

- Autrement dit, pour nous et depuis Galois, le royaume des idées est devenu celui des symétries ?

- Je crois qu'on peut le voir comme ça, oui. Avec une distinction, dans le discours entre ce qui est

  • de la nature des idées i.e.: les symétries, et
  • de leur pérennité, qui ne peut plus être garantie par un principe unitaire [1] comme chez Platon, dans la filiation de Parménide pour qui "ce qui est est, ce qui n'est pas n'est pas". Nous sommes, au moins implicitement, dans un univers dual [∃]/[∅] où tout est corruptible, l'Univers lui-même ayant une histoire assujettie à un principe d'entropie.

- Il y aurait donc une évolution selon ce schéma :

  Platon Galois/ Noether
Nature des idées  formes en [♲] symétries en  [#]
Pérennité des idées [♲]𓁝⇆𓁜[1]⏩[♲]𓁝⇆𓁜[1] conservation [♲]𓁝⇆𓁜[∅]
Existence [∃]𓁝⇅𓁜[⚤]

- À vérifier, bien entendu, mais si je ne me trompe pas, là où Dieu garantit la pérennité des choses chez Platon, notre approche moderne boucle la conservation de l'objet sur le constat de son existence.

- Ça rappelle Descartes, non ?

- Un ego cogito qui, du Sujet, s'étendrait à l'existence de tout objet :

  • de son attention : c'est l'existence au contact du Réel, mais également
  • de son intention : et là nous retombons sur le second bouclage de la mesure répondant au choix du Sujet.

Comme tu le vois, quand Socrate discute de la réminiscence des idées préexistant au Sujet (voir le Menon), nous reportons notre attention sur le Sujet lui-même, et ce depuis Descartes, jusqu'à Dirac.

- Cependant il faut bien le reconnaître, les idées que nous manipulons quotidiennement nous préexistent, ne serait-ce que parce que nous vivons en société. Nous avons même suivi Bourdieu sur ce terrain (voir ici).

 - Je pense que ce n'est pas là le plus important.

- Qu'est-ce qu'il te faut !

- Je m'exprime mal. Je pense que l'idée d'un "univers des idées" en dehors du Sujet qui en prendrait conscience ou pas, découle du choix initial d'un principe Unitaire [1]. D'autres sociétés ont fait le choix d'un principe dual Yin/ Yang, voire d'un objet initial vide ∅, qui amènent d'autres problématiques. 

- Cette question est donc culturellement déterminée ?

- Oui : les Jivaros ne se la posent pas, par contre qu'une femme puisse faire de la poterie les fait cogiter pour se re-présenter le phénomène. Ce qui déglingue la mécanique platonicienne vient de la césure entre ce qui est du domaine inaltérable du céleste, proche du principe Unitaire, et la corruption du monde, qui va avec le multiple. Pour nous le problème n'est plus d'ordre philosophique mais neurologique: l'étude des zones et processus cérébraux dévolus aux nombres (cortex pariétal inférieur), formes (plusieurs régions: occipitale, pariétale, temporale) quantités ((pariétale et préfrontale).

- Il n'y a plus de question philosophique ?

- Si : c'est ce qui persiste à travers les mutations du discours philosophique.

- De la même façon qu'une série de mythes connotent un même symbole ?

- Même mécanisme...

- Tu vois quelque chose qui se conserve ?

- C'est sous ton nez !

- C'est une idée neuve?

- Non, c'est un mouvement primitif! Celui du Sujet qui tantôt identifie des éléments𓁜, tantôt se voit comme 𓁝partie d'un tout.

- Autrement dit, tu régresses jusqu'à la naissance de l'infant (voir Piera Aulagnier𓁝𓁜 ?

- Oui, c'est la régression ultime, que tu retrouves quasiment intacte dans la conception duale d'un observable chez Dirac : ⟨𓁝|𓁜⟩, ou de façon plus étoffée dans les deux bouclages que nous avons faits entre :

  • Conservation/ existence <=> l'attention du Sujet;
  • Choix/ mesure <=> l'intention du Sujet

- OK, je crois qu'il faut arrêter là car tu tournes en boucle !

 - Tu as raison, maintenant que nous avons déblayé le terrain au plan philosophique, nous allons pouvoir nous attaquer plus sereinement au coeur de notre Imaginaire post-Galoisien, en revenant à la lecture de Grothendieck.

- Amen

Hari

Note 1 du 04/ 05/ 2024 :

Quelques lecteurs ont atterri  ces derniers temps sur mon article "À l'ombre de Grothendieeck et de Lacan #5 - temps et instant", l'occasion pour moi de le relire et de tomber sur cet "aléa" évoqué par Alain Connes. Je le trouve beaucoup plus élégant qu'indétermination.

J'en parle à V., beaucoup plus littéraire que moi, qui me sort "comme alea jacta est" ?

Et là j'éclate de rire : oui, bien sûr, et c'est même remarquablement bien adapté.

- En quel sens ?

- Tout d'abord étymologiquement "aléa" renvoie à "jeu de dés, hasard", et nous sommes pile poil dans cette "indétermination", dont parle Noether, même si les chagrins ont à redire au sens restreint du terme en Méca Q.

Ensuite, lorsque César prononce cette phrase en traversant le Rubicon, il vient de prendre la décision de marcher sur Rome.

- Autrement dit, tu retrouves l'idée de choix du Sujet en [⚤]?

- Exactement, avec ce lien subliminal entre l'aléa et la "vertu" Romaine, dont nous avons déjà parlé au sujet de Spinoza et sa "causa sui" (voir "Mon mythe m'habite"), que je relie directement à la "pulsion" de Lacan. Par ailleurs, ça m'est passé au-dessus de la tête, mais je crois bien qu'il y a quelque chose de cet ordre dans la langue allemande, il faudra en reparler avec Leonore Bazinek à l'occasion (voir "Du Moi topologique au Sujet comme topos".)

Enfin, et c'est la cerise sur le gâteau "alea jacta est", qui est le constat de César, après sa prise de décision s'inscrit comme à la parade dans notre représentation :

    choix 𓁝[⚤]𓁜 potentialités 𓂀César
      décision  
est [∃]𓁜 𓁝[⚤]𓁜 jacta 𓂀César
    alea      

- Tu réintroduis les postures [∃]𓁝⇅𓁜[⚤] ?

- Oui, mais après une descente ♡♧ : le Sujet questionne le Monde, il focalise son attention en fonction de son intention, rien à voir avec l'infant constatant qu'il a faim.

- Et pour la résilience ?

- J'ai trouvé aléa tellement bien adapté au niveau [⚤], que j'ai passé en revue les deux autres pieds du triptyque. Symétrie en [#]♡ ne pose pas de problème, mais cette "quantité conservée", même réduite à "conservation", m'a semblé bien lourd, par rapport à l'élégance de "aléa"...

Et puis, j'aimais la réminiscence d'une "vertu" ou "pulsion dans le terme "aléa", que l'on perd totalement dans la triste "conservation". N'oublie pas que nous sommes en mode ♡, celui où le Sujet donne sens à son propos, son action, son être même...

- Alors tu as pensé à Boris Cyrulnik ?

- Effectivement, mais aussi à Mandelbrot, auquel nous sommes revenus dernièrement à propos de la mesure stable sur une certaine "plage de mesure" (voir "La mesure de toute chose"), ainsi qu'à Dirac pour qui toute mesure se fait en réponse à une question. Comme tu le vois, nous retrouvons en [♲]𓁜 comme un écho au "alea jacta est" impérial en [⚤]𓁜.

- Ou plus prosaïquement, c'est le petit Ernst prenant conscience de la persistance de l'objet à force de répéter son geste dans le jeu de fort/da.

- Exactement, et donc, il est intéressant de ramener la "conservation" de l'objet à sa relation à l'observateur: l'objet est ce qui "résiste" au Sujet...

- Cet objet fut-il un autre Sujet, point de convergence avec la résilience de Cyrulnik ?

- Pas que : en repliant notre Imaginaire autour du Sujet 𓂀 comme un plan projectif (voir "L'orthogonalité niveaux⊥modes") tu conjoins cette résilience de l'objet en [♲]𓁜  à l'aléa liée à son observation en [⚤]𓁜; au choix du Sujet en [⚤]𓁜, et à sa mesure en [♲]𓁜.

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