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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

La querelle des Universaux - Alain de Libera / Notes de lecture # 13

Nous en étions donc (voir #12) à une intervention d'ordre "psychologique" pour passer d'un processus  S↑ aboutissant au concept en 𓁝[♲], à l'idée ou "Forme intelligible" en [♲]𓁜, découlant d'un processus S↓. 

Ce troisième terme ou "Forme psychique" assurant la passerelle entre concept et idée, s'exprime complètement selon deux discours de l'auteur :

niveau de 𓂀 les discours de 𓂀 sur 𓁝I𓁜
[1]  
[⚤] (a) (𓁝[♲]𓁜𓁝[♲]𓁜)𓂀
[♲] (b) (𓁝[♲]𓁜𓁝[♲]𓁜)𓂀
[1]  
  • (a) c'est la répétition  dont nous venons de discuter en  #12 ; (voir relecture du 28/12)
  • (b) c'est l'identification ⇆ du concept à l'idée, à la fin du processus de répétition (a).

Reprenons le texte d'Alain de Libera avec ce schéma en tête : 

"Le dynamisme qui l’organise suppose à la fois un recouvrement, un déclenchement et une réactivation.

  • Un recouvrement, car il faut que le λόγος􏰀􏰁􏰂􏰃􏱸 produit par abstraction et le 􏰀􏰁􏰂􏰃􏱸 λόγος connaturel à l’âme se «superposent» pour assurer la continuité du processus (ce qui est possible dans la mesure où leur «contenu» noématique ou définitionnel «est le même»).
  • Un déclenchement, car il faut que le concept abstrait «excite» ou «mobilise» la Forme psychique, pour que,
  • dans sa réactivation, elle ouvre la voie à la réminiscence.

Là où Platon posait en termes embarrassés le principe d’une remontée directe de la forme sensible à la Forme intelligible, Syrianus inscrit donc la réminiscence dans un espace proprement platonicien, celui du Timée, «qui sépare l’âme de l’Intellect démiurgique et les Formes psychiques, de leurs Modèles intelligibles».

La véritable voie platonicienne commence ainsi exactement là où finit celle d’Aristote, elle va de la Forme (psychique) à la Forme (intelligible). L’excitation de la Forme psychique par la formation du concept abstrait n’en reste pas moins un préalable indispensable à la majeure partie des hommes." p. 135

Tu retrouves assez naturellement la dynamique de la réminiscence selon Syrianus :

  • Le recouvrement est le discours (b):
  • Le déclenchement se fait au terme [♲]𓁜 d'un processus  S↓;
  • La réactivation  s'applique au processus (a);
  • La formation du concept au terme 𓁝[♲] d'un processus S↑ est, bien entendu le préalable à tout ce mécanisme...

Eh bien, Al Fârâbî veut se passer de cette dynamique trop "psychologique" à son goût.

"Pour comprendre le rôle joué par la théorie des trois états de l’universel dans la scolastique latine du XIIIe siècle, il est indispensable de prendre la mesure de ce qui s’est opéré dans la relecture arabe du modèle de Syrianus : la disparition du moyen terme entre le concept abstrait et la Forme séparée, et, partant, l’élimination de la phase cruciale dans l’harmonisation gnoséologique de l’aristotélisme et du platonisme – le «recouvrement» du concept abstrait et de la Forme psychique qui rendait théoriquement possible la «réminiscence»." p. 137

Séparation et Abstraction :
L'influence d'Al-Fârâbî sur la première scolastique :

"Dans le péripatétisme arabe, la métaphysique s’accomplit dans la théologie, c’est-à-dire dans la contemplation des «êtres à la fois séparés et immobiles» dont parle Aristote dans la Métaphysique, E, 1, dont le Premier Moteur immobile, défini comme «Pensée de la Pensée» au livre Λ􏰅, fournit le prototype suprême. Le fin mot de la métaphysique ainsi conçue est la «continuation» (ou «conjonction» ou «connexion»), d’un mot: l’union, de l’âme avec les «choses divines», les Intelligences, c’est-à-dire les substances intellectuelles séparées qui, étagées hiérarchiquement entre la Cause première et le monde des corps, pilotent le cosmos." p. 138

- Comment avons-nous pu pervertir à ce point le projet initial des philosophes Grecs !

- De quoi parles-tu, Al Fârâbî n'est-il pas vu comme "le second instituteur de l'intelligence", juste après Aristote ?

- Reviens au début de l'histoire (ici) et au moment où les Grecs ont vu la philosophie comme remède à la pensée mythique, en se débarassant d'un panthéon envahissant. Environ 1400 ans après Parménide pour qui "ce qui est est, ce qui n'est pas n'est pas", Al Fârâbî récupère cet aphorisme "logique", pour asseoir la primauté d'un dieu créateur.

Par ailleurs, lorsque Platon sépare les mots de leur référés, c'est pour se démarquer des Sophistes. Ce qui mène à séparer l'âme du corps. Là encore, Al Fârâbî fait une pirouette, et récupère cette âme pour en discuter la "continuité" avec l'Unique. Là où Aristote discutait avec Platon de l'articulation 𓁝[♲]𓁜, Al Fârâbî se fige en docteur de la Loi en [♲]𓁜 pour interpréter le retournement [♲]𓁝𓁜[1], c.-à-d. l'articulation entre la foi 𓁝[1] et la loi [♲]𓁜.

Le projet philosophique initial, consistant à s'émanciper des dieux, conduit paradoxalement à l'émergence d'un dieu unique d'où tout découle.

Vois-tu le glissement dans la problématique ?

 - C'est assez clair : de comprendre comment l'âme en [♲]𓁜 "informe le corps" en 𓁝[♲], la question se déplace d'un cran et Al Fârâbî cherche à comprendre comment passer de 𓁝[1] à [♲]𓁜. Dès lors, la montée S↑ aboutissant au concept en 𓁝[♲] perd de sa pertinence, devant un processus purement transcendant  S↓ à partir de l'unique en [1].

- Effectivement, et pour justifier la posture de docteur de la loi [♲]𓁜, nécessaire au théologien, comme au politique, (attitude patriarcale, Yang, mâle et dominante), sans s'arrêter à une posture féminine, Yin, de soumission ou de réception 𓁝[1], le plus simple est encore de définir une cosmogonie, en mode ♡, comme nous en avons discuté (voir #12) :

[1]𓁜 𓂀
 
𓁝[1] 𓂀

"Le passage de l’abstraction à l’intuition intellectuelle, qui tantôt représentait un passage de l’univers platonicien à l’univers aristotélicien, est désormais théorisé dans le cadre du seul corpus aristotélicien ou, plutôt, d’un corpus péripatéticien organisant en système les indications éparses, voire contradictoires, fournies par Aristote lui-même ou ses interprètes." p. 138

- Je pense que tout le monde a compris, et si tu avançais un peu ?

Intuition intellectuelle et connaissance métaphysique : Roger Bacon

- La suppression par Al Fârâbî de la "Forme psychique" due à Syrianus, conduit à radicaliser la coupure entre :

  • le concept  𓁝[♲] au terme d'une démarche immanente S↑;
  • l'intuition intellectuelle [♲]𓁜 vue comme le terme d'une démarche trancendente S↓.

Dichotomie qui se retrouve dans la double interprétation du terme "abstraction":

  • Au sens commun qui, à partir d'un processus  S↑ conduirait à une "forme séparée", (en shuntant le passage logiquement impossible 𓁝[♲]⏩[♲]𓁜 ou passage de l'intellect en acte (intellectus in effectu), à l'intellect acquis(intellectus adeptus));
  • Au sens élargi de "séparé" par l'essence, au terme d'un processus S↓, coupé de toute immanence.

Dans le texte :

"Cette vision farabienne de la métaphysique peut être facilement illustrée par un texte du franciscain anglais Roger Bacon, un des premiers auteurs qui, en dépit des interdictions ecclésiastiques, puis pontificales, ait commenté la totalité des écrits naturels d’Aristote à l’université de Paris.[...]
Dans ses Quaestiones supra libros quattuor Physicorum Aristotelis rédigées vers 1245, Bacon commente le célèbre passage de Physique, II, 2, 193b34-35, où Aristote explique le statut de l’abstraction pour ponctuer la distinction des mathématiques et de la physique entamée en 193b22. Ayant montré que les attributs étudiés par le physicien (surfaces, solides, grandeurs et points) «sont aussi l’objet des spéculations du mathématicien, mais non en tant qu’ils sont chacun la limite d’un corps naturel», et rappelé que si le mathématicien «étudie ces attributs, ce n’est pas en tant qu’ils sont les attributs de telles substances», Aristote conclut : «C’est pourquoi il les sépare», car «ils sont, par la pensée, séparables du mouvement». Cette «abstraction» mathématique «est sans importance», car «elle n’est cause d’aucune erreur», comme le dit la version latine : Abstrahentium non est mendacium, il n’y a pas là de «mensonge». Dans son exégèse du texte aristotélicien, Bacon revient sur les termes employés par Aristote . Il distingue ainsi différents types d’«abstraction», ce qui lui permet de spécifier les démarches respectives du métaphysicien, du mathématicien, du physicien et du logicien." p. 140

Je trouve extrêmement intéressant que la coupure soit décrite en termes d'arrêt du mouvement. Nous retrouvons cette idée de "repos" toute aristotélicienne, non relativiste.

- N'est-ce pas implicite dans l'écriture d'une équivalence  ?

niveau de 𓂀 les discours de 𓂀 sur 𓁝I𓁜
[♲] (b) (𓁝[♲]𓁜𓁝[♲]𓁜)𓂀

- Eh non: il s'agit d'un choix déterminé. L'équivalence  pourrait également être vue comme un processus dynamique (pense à d'Alembert voir #11.) Saint Augustin par exemple, accepte la bascule incessante 𓁝𓁜, qui marque une incertitude, un doute...

- Pourtant, Roger Bacon est considéré comme un père de l'esprit scientifique, car il voulait en revenir à l'expérience avant tout, et donc à la répétition.

- Ne te méprends pas sur ce qui relève pour lui du domaine de l'expérience ! Il dissocie précisément une physique (où l'expérience prime) et le langage mathématique, du domaine des idées, et donc de "l'illumination divine" de notre esprit. Si l'idée mathématique rejoint l'abstraction à partir de l'expérience physique, la distance est abolie, comme le mouvement portant de l'un à l'autre et donc "pas d'erreur" ! 

Pas de mouvement, pas d'incertitude, pas d'erreur : dieu ne joue pas aux dés...

- Tu retrouves entre Saint Augustin et Roger Bacon la dispute entre Bohr et Einstein ?

- En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'à partir de Galilée, la pensée se relativise, le "repos" n'existe plus faute d'un éther absolu auquel se référer et qu'après la catastrophe ultraviolette, elle est irrémédiablement teintée d'indétermination. En ce sens, Saint Augustin est plus moderne que Bacon.

- D'accord, nous en sommes donc :

  • au mouvement aboutissant aux concepts dans les postures entre [⚤]𓁝𓁜[♲], dans le monde "sublunaire";
  • à la fixité des formes séparées dans les postures [♲]𓁝𓁜[1], dans un monde Céleste.

Et pour en revenir aux différents types de discours selon Bacon, je m'arrête a priori à ceci :

  • Discours du métaphysicien : 𓂀;
  • Discours du mathématicien-géomètre : [♲]𓂀;
  • Discours du physicien : ([⚤]𓁝𓁜[♲])𓂀;
  • Discours du logicien : [⚤]𓂀.

La métaphysique comme connaissance des choses divines :

- Avoue que l'idée d'expliquer ce que dieu a derrière la tête est un tantinet mégalo, non?

- Cela tient au choix initial fait par Parménide de ne rien dire du vide. Plus précisément, lorsque Platon choisit l'Un comme objet initial (le "moteur immobile" d'Aristote), il priviliégie une attitude "mâle" 𓁜 de maître face à l'élève 𓁝.

- N'exagéres-tu pas l'aspect sexuel d'une simple différence d'attitude?

- Reviens à la métaphore du châton de la bague représentant un héros, et son empreinte dans la cire (#12). D'ailleurs, n'avions-nous pas retrouvé une inquiétude de cet ordre chez Freud lui-même lorsqu'il est dans la transition 𓁝𓁜⏩𓁝𓁜 face à Fliess ou 𓁝𓁜𓁝𓁜 face à Ferenczi (voir" Freud de Fliess à Ferenczi")?

 - Soit, mais où veux-tu en venir ?

- J'émets l'hypothèse qu'en réduisant le Symbolique à un principe Unitaire comme l'on fait les Grecs, cela renforce une culture patriarcale et machiste, en privilégiant la recherche d'une posture ex post 𓁜 de "maître" ou de "docteur de la loi".

- Ne t'emballe pas. Al Fârâbî n'est pas le premier à proposer une cosmogonie. Toutes les civilisations, même très primitives ont la leur...

- Ce qui est spécifique en l'occurrence, c'est cette loi syntaxique exprimée en 𓂀, surdéterminant la loi divine (sémantique) en [♲]𓂀, en surmontant tout doute, tout mystère en (𓁝[1])𓂀, par ce changement de mode : 

  [1]𓁜 𓂀
   
[♲]𓁝𓁜[1]♧    𓁝[1] 𓂀

"Ainsi, la métaphysique n’a pas deux objets, fussent-ils successifs, mais un seul : les formes intelligibles pures ; les formes corporelles abstraites (par exemple la ligne, abstraite de telle ou telle matière) sont du seul ressort de la mathématique. Cette doctrine est, dans le plein sens du terme, la première lecture scolaire d’Aristote. C’est celle qu’expose, peut-être, le Guide de l’étudiant parisien rédigé à la même époque pour dresser la liste des questions et réponses les plus fréquentes aux examens de la Faculté des arts, quand il rappelle que la métaphysique porte «sur les étants qui sont le plus et le plus véritablement», de maxime entibus et verissime ." p. 142

Le rôle particulier dévolue aux mathématiques (ou plutôt la géométrie) coincées entre physique et métaphysique, me renvoie à ma propre utilisation de la théorie des catégories dans ma représentation de l'Imaginaire.

- Est-ce le moment de développer ?

- Non, je glisse juste un signet à cette page pour y revenir à l'occasion.

1/ Tu noteras une différence entre une logique en [⚤]𓁜 associée à la répétition du même et une géométrie en [♲]𓁜 se développant hors du temps. Il y a un "appel d'air" pour un espace entre-deux (i.e. [#]𓁜) où la répétition ne serait plus d'ordre temporel, impossible à combler tant que l'on s'ampute de la possibilité de "tourner autour" de l'objet vide en 𓁝[∅]...

2/ Par ailleurs, si j'exprime les mathématiques comme la physique sur les deux premiers modes  Imaginaires ♧ et ♢, j'exprime la théorie des catégories en mode ♡, marquant ainsi une différence entre modes sémaniques (♧ et ♢) et syntaxique en ♡, renvoyant en miroir à une différence entre niveaux mathématique [♲]/ logique [⚤] qui s'amorce ici.

Tu noteras également "Cette doctrine est, dans le plein sens du terme, la première lecture scolaire d’Aristote", priviégiant bel et bien la posture [♲]𓁜 du maître de chaire professant ex cathedra.

Tu vérifieras enfin que notre typologie a priori, s'accorde bien à cette définition que l'on retrouve plus tardivement (vers 1240-1260) en particulier chez Jean Le Page (cité par de Libera):

"L’abstraction est de mise aussi bien en métaphysique qu’en logique, mais pas de la même manière. En effet,

  1. le premier sens de l’abstraction est l’existence (existentia) d’une chose extérieure à la matière, d’une chose, donc, qui jamais ne fut, ni n’est, ni ne sera dans une matière. Dans ce premier sens, l’abstraction s’appelle séparation au sens propre du terme.
  2. Le second sens de l’abstraction est l’abstraction de quelque chose de commun sorti des singuliers où il réside (praeter singularia in quibus est).
  3. Le troisième sens de l’abstraction est la considération (acceptio) d’un type de forme comme la quantité qui est abstraite de la matière sensible.
  • La première sorte d’abstraction est propre au métaphysicien,
  • la troisième, au mathématicien,
  • la deuxième, au logicien et à toute science en tant que science : en effet, toute science porte sur l’universel en tant qu’il est une unité sortie de la pluralité (unum praeter multa).

Il faut donc bien prêter attention au fait que, dans la définition du premier type d’abstraction, on emploie le terme «extérieur à» (extra), tandis que dans celles du deuxième et du troisième on emploie «sorti de» (praeter), car

  • «extérieur à» est la marque de la séparation, tandis que
  • «sorti de» est la marque de l’abstraction." p. 143

La reformulation farabienne du problème de la connaissance :

"L’introduction de l’émanation en métaphysique retentit sur toute la doctrine de la connaissance et, par voie de conséquence, sur celle des universaux. C’est là, au lieu même de l’apparition du schème conceptuel émanatiste, que le modèle de Syrianus implose : tout ce qui avait rendu à la fois nécessaire et possible la conciliation de l’abstraction et de la réminiscence a cessé d’être. Il n’y a plus à concilier Aristote et Platon, car Aristote lui-même a absorbé le platonisme, non plus certes le platonisme de Platon, mais celui du Plotinus Arabus et du Proclus Arabus. Le fruit de cette improbable assimilation est le péripatétisme arabe." p. 146

Le modèle émanatiste :

"Au lieu des Formes pures du néoplatonisme, elle invoque une hiérarchie de Formes immatérielles, les Intelligences, étagées entre

  • la plus basse, l’Intelligence agente, et
  • la plus haute, l’Intelligence motrice de la première sphère, elles-mêmes surplombées par
  • un Dieu absolument un et simple, cause de tout ce qui est.

Dans cette hiérarchie, elle pose que seule la dernière et plus basse en perfection des Intelligences séparées, l’Intelligence agente, peut être objet d’intellection directe pour l’âme humaine, puis, à travers elle, les formes supérieures qui sont contenues en elle." p. 146

Là, j'ai un problème conceptuel : nous avons une structure de "graphe", qui s'exprime correctement en mode ♡ (dans la structure de l'époque, sans mode ♢ véritable, faute d'un niveau [#] pour articuler correctement cette pensée.)

Il faut donc supposer que la cosmologie, en ♡, ne se limite pas à [1] où nous nous étions arrêtés, mais se déploie au minimum jusqu'à [⚤], autrement dit une "loi divine" transcendant la "logique du premier ordre" en [⚤].

- Autant terminer ton tableau par :

  • [♲] où les lois régissant la syntaxe doivent être semblables à celles régissant la sémantique à savoir :
  • répondre à un principe Unitaire en [1]

- Tentons ceci : (note du 22/ 02/ 2022)

[1]𓁜 𓁝[⚤] [♲]𓁜 𓁝[1] 𓂀
↓(a) ↓(b) ↓(c) ↓(d)  
[1]𓁜 [⚤]𓁜 𓁝[♲] 𓁝[1] 𓂀

Nous avons déjà amplement traité du bouclage (𓁝[1]⏩[1]𓁜)𓂀.

Il est dès lors facile de compléter : (note du 22/ 02/ 2022)

  • ↓(a) le [1]𓁜 qui châpeaute l'Un transcendental en  [♲]𓁝[1], détermine également le "même" (les abeilles du Menon) en [1]𓁜[⚤];
  • ↓(b) la logique divine en 𓁝[⚤](qui nous échappe!) transcende la logique humaine [⚤]𓁜 (limitée au 1er ordre) qui en découle (foncteur d'oubli);
  • ↓(c) l'immobilité ​​​​​​​au niveau [♲]𓁜 qui s'oppose au mouvement [⚤]𓁝𓁜[♲], peut s'interpréter par :
    • l'incorruptibilité en [♲]𓁜 des "mouvements célestes" hors temporalité (potentiellement tous connaissables​​​​​​​),
    • contrairement au monde sublunaire en 𓁝[♲]♧ dans la temporalité et la corruption;
  • ↓(d) l'Un règle la syntaxe comme il règle la sémantique (interprétation moderne puisque ces mots n'ont pas de sens à l'époque). On peut essayer ceci : 𓁝[1] est le "moteur immobile" qui règle le déploiement de 𓁝[1].

- Faut-il rechercher des carrés commutatifs, comme tu l'as déjà fait dans un schéma plus complet ?

- C'est délicat, faute d'un mode syntaxique (au dessus de ♡) pour le justifier théoriquement.

Ceci étant posé, nous pouvons revenir au texte : 

  • L'intelligence agente, seule à "être objet d’intellection directe pour l’âme humaine" se place naturellement en 𓁝[♲];
  • L'intelligence motrice, serait alors en  [♲]𓁜. (voir ci-après la discussion au sujet du renversement 𓁝/𓁜.)

Passons au second point du texte de Libera : 

"Au lieu du passage de

  • l’abstraction inductive à la
  • mobilisation des Formes psychiques

et de

  • la mobilisation des Formes psychiques à
  • la réminiscence des Formes pures,

elle invoque le passage de

  • l’«intellect en acte» à
  • l’«intellect acquis»,

c’est-à-dire celui

  • de la connaissance abstractive des formes corporelles
  • à la connaissance intuitive des Formes séparées." p. 147

On constate que la connaissance abstractive n'a pas évolué : il s'agit toujours d'un processus S↑ aboutissant au concept en 𓁝[♲].

Mais pour contourner l'impossibilité logique du passage du multiple en  𓁝[♲] à l'Un en [♲]𓁜 (faute de clôre l'Imaginaire par un infini en [#], intimement lié à la notion de continu), Al Fârâbî "meuble intuitivement", si l'on peut dire ce niveau [♲] à partir d'un mode Imaginaire supérieur ♡, qui échappe par nature à la logique du 1er ordre.

Dans cet ordre d'idées:

  • L'intellect "en acte" est un processus immanent S↑ aboutissant en 𓁝[♲] (sans changement depuis Platon et Aristote);
  • L'intellect "acquis" en [♲]𓁜 se structure à partir de ♡, en suivant les flêches ↓(a)(b)(c)(d), si je puis dire.

Passons au dernier point :

"Enfin, dans la mesure où elle pose qu’«intellect acquis» est le nom donné aux Formes séparées en tant qu’elles sont devenues formes de l’intellect en acte, c’est-à-dire le nom de l’Intelligence agente elle-même en tant qu’objet d’intellection, elle réunit sur la seule Intelligence une diversité de fonctions que toutes les philosophies antérieures, qu’il s’agisse du platonisme, de l’aristotélisme ou du néoplatonisme, avaient séparées. C’est en effet l’Intelligence agente qui 􏰎

  • a􏰏/ fait don des formes à la matière,
  • 􏰎b/􏰏 abstrait pour nous ces formes sensibles,
  • c/􏰏 imprime ces formes abstraites dans les intellects possibles qu’elle actualise et 􏰎
  • d􏰏/ rapproche ces formes et ces intellects de l’état de formes séparées jusqu’à ce que se produise un «intellect acquis».

Au fond, l’Intelligence agente joue en péripatétisme le rôle que le Maître jouait dans le platonisme : elle meut la pensée." p. 147

Autrement dit :

  • Chez le maître (i.e.: 𓁜) Platon, la rencontre entre S↑ et S↓ se joue autour de [♲] sur le seul mode ♧,
  • Al Fârâbî, en reculant d'un cran jusqu'en [♲]𓁝[1] avec la nécessité d'un rétablissement en posture ex post de "maître" 𓁜, pousse à développer un mode ♡, qui en toute logique [⚤], échappe aux hommes.

On pourrait suivre le même processus dans la formation du rêve vu comme intégrateur de l'expérience acquise durant la journée. Nous expérimentons au quotidien cette même "pulsion unaire" visant à conserver notre "moi" à travers les vicissitudes de notre exposition au Réel.

- Soit, mais où places-tu le sensoriel et l'imagination dans ce schéma ?

- Je pense qu'il faudrait approfondir le parallèle avec ce que nous avons vu de la théorie du rêve. Là comme ici, nous avons dû développer l'Imaginaire sur deux niveaux distincts:

  • l'expérience diurne, acquise par les "sens",
  • s'intègre à l'imaginaire en mode nocture,
  • selon une dynamique qui joue sur les deux modes ♧ et ♡.

Mais ce sera pour une autre fois.

Il est temps de rejoindre les amis pour le réveillon.


Le 05/ 01/ 2022 :

Les fêtes passées, de retour à Saintes, c'est le moment d'adresser tous mes voeux à ceux qui me suivent assidument (et aux autres!) et de me fixer quelques objectifs pour l'année nouvelle. 

Je voudrais, cette année, me préparer sérieusement à écrire un livre l'année prochaine, aussi simple et accessible que condensé, idéalement pas plus de 150 pages, reprenant tout ce que j'explore avec toi sur ce blog. J'ai même l'idée d'en suivre la genèse en vidéos, ce serait une sorte de "performance", un peu comme ces peintres qui mettent leur corps en scène. Aucun schéma d'ensemble, ni de scénario a priori, pas sûr d'ailleurs de mettre l'idée à exécution, ni d'aboutir à quoi que ce soit, mais qui s'en soucie ?

Pour aboutir à ce livre, je sais que je dois m'astreindre au minimum à comprendre le livre de Saunders Mac Lane (j'ai juste 70 ans de retard sur lui), et avoir une idée claire de la "mesure" ainsi que de la géométrie non commutative d'Alain Connes. 

Mon fil directeur, mon "intuition", c'est que la "quantité conservée" dans le triptyque d'Emmy Noether dépend des mouvements du Sujet: (note du 07/ 01)

  • L'Objet doit être ce qui "résiste" aux changements de postures du Sujet, en  𓁝[⚤]𓁜, 𓁝[#]𓁜 et surtout 𓁝[♲]𓁜;
  • quand le Sujet prend conscience de lui-même dans les retournements [∃]𓁝𓁜[⚤],  [⚤]𓁝𓁜[#],  [#]𓁝𓁜[♲],  [♲]𓁝𓁜[∅].

- Crois-tu pouvoir t'en tenir à 150 pages ?

- Pense à l'extraordinaire pouvoir réducteur de notre approche... C'est un peu comme la théorie des catégories à l'égard du langage mathématique...

- D'où les réticences des mathématiciens eux-mêmes à son encontre. Pense à Laurent Shwartz par exemple, et aux difficultés rencontrées par Laurent Lafforgue ou Olivia Caramello !

- J'ai renoncé à l'espoir de voir mes thèses reprises par d'autres : je n'ai pas suivi la bonne voie -universitaire- en devenant ingénieur, et il est trop tard pour rattraper le coup. Je n'aurai jamais le bonheur d'en discuter sérieusement avec quiconque, et bien tant pis :  je m'y résigne en recherchant un plaisir personnel d'ordre esthétique. Je crois qu'il est temps pour moi d'accepter cette pente qui m'est naturelle, mon karma pour ainsi dire.

Mon autre ambition pour cette année est de voyager dès que mes nouvelles hanches me le permettront. La seconde opération est prévue pour le 18/ 01... C'est ma dernière fenêtre de tir, avant d'être cloué à Saintes par un vieillesse qui me cerne de plus en plus près.

- Ceci dit, et si tu en revenais à tes amours, Jacques ?

- Oui, il est temps de terminer la lecture de ce chapitre sur le péripatétisme arabe. Nous en étions à ce point de l'auteur :

"Outre le modèle cosmologique et émanatiste de la pensée, al-Fârâbî a ainsi légué un autre modèle, une structure articulant l’activité de l’intellect agent à l’intellect possible et à l’imagination, dans une collaboration fonctionnelle que la tradition ultérieure n’a fait que moduler et réinterpréter. Ce modèle est celui de la cooccurrence." p. 148

Double action de l’intellect et cooccurrence de la forme :

Il s'agit ici de mettre des mots sur les mécanismes déjà repérés. Puisqu'il n'y a plus le "recouvrement" propre à la dynamique de Syrianus, il s'agit de préciser le processus S↓ découlant du principe Unitaire en [♲][1] par une analogie avec l'action de la lumière.

"Exploitant une remarque fugitive d’Aristote dans le De anima, III, 5, comparant l’intellect à une «sorte d’état analogue à la lumière», al-Fârâbî explique le passage de la sensation à la pensée par une double action exercée par la lumière émanée de l’intellect agent. Paraphrasant Aristote, il pose que

  • l’intellect agent émet «un analogue de la lumière» physique, une lumière intelligible,
  • qui «agit à la fois
    • sur l’intellect matériel» ou possible de l’homme, qu’il appelle «faculté rationnelle», et
    • sur les perceptions sensibles stockées dans la faculté imaginative.

Cette double action s’exerce de manière simultanée, en sorte que le modèle farabien du passage de la sensation à la pensée pointe et préserve à la fois le mystère de la cooccurrence formelle où se réalise l’acte de penser." p. 150

Autrement dit : où nous avions rencontre entre S↑ et S↓ avec le passage délicat du concept  à l'idée  chez Platon (𓁝[♲]⏩[♲]𓁜)𓂀Platon , il y a chez al Fârâbî : 

[1] [⚤] [♲]𓁜 [1] 𓂀Fârâbî
↓(a) ↓(b) ↓(c) ↓(d)  
[1] [⚤] 𓁝[♲] [1] 𓂀Fârâbî

Où tu retrouves ce retournement du Sujet lors de ↓(c), signe de la forme en ruban de Moebius de notre Imaginaire.

- Pas la peine de me faire un dessin : tu y retrouves tes réflexions autour de la différence entre énergie "potentielle" et "cinétique" chez Lagrange (voir "Penser la physique autrement #5")...

- Tu vois que tu y arrives ! Lorsque je dis que le Sujet tourne dans son Imaginaire comme un écureil en cage, cela signifie très précisément que ses mouvements sont extrêmement limités et se résument à fort peu de chose. Et donc, nous retrouvons ici autour de [♲] ce que Lagrange développera en [#] (précurseur de Galois, il pense déjà le niveau [#].)

Nous avons donc :

  • l'intellect matériel en 𓁝[♲], aboutissement chez Platon d'un mouvement  S↑;
  • Les "perceptions sensibles" stockées dans la faculté imaginative en [♲]𓁜.

- N'y a-t-il pas une coupure radicale d'avec toute l'expérience tirée du Réel ?

- Si, effectivement :

"On peut en effet décrire le passage de la sensation à la pensée en posant que, quand la lumière émanée de l’intellect agent agit sur les perceptions sensibles, elles deviennent ipso facto des pensées intelligibles dans la faculté rationnelle, ou en posant que, quand elle agit dans la faculté rationnelle, les perceptions s’actualisent en advenant en acte" p. 149

Le sensible est "stocké", déjà là, ce qui à nos yeux peut sembler paradoxal, mais permet de "contourner par le haut" le retournement logiquement impossible de Platon.

- Sais-tu à quoi me fait penser cette analogie lumineuse ? Au Président Schreber, et aux fils qui le reliaient directement à dieu, le faisant agir tel une marionette, ou une marotte entre les mains d'un fou.

- Non, tu fais un contre-sens : la lumière dont il s'agit n'est pas issue de l'Un, mais du Sujet "conscient", autrement dit celui qui éclaire le discours -son auteur  𓂀- et notre représentation double de la posture du Sujet par un petit scribe 𓁝𓁜 permet de bien comprendre cette analogie : chez les Égyptiens l'auteur 𓂀 indiquait, par la direction du regard de 𓁝 ou 𓁜 le sens de son écriture, ici la lumière indique vers où se dirige l'attention du Sujet, dont parle l'auteur 𓂀.

Il faut donc préciser notre propre discours en conséquence : pour al Fârâbî (situé lui-même en ♡), l'intellect agent en [♲]𓂀:

  • Se représente l'intellect rationnel du Sujet, situé en [⚤]𓁜♧ ainsi :  ([⚤]𓁜)𓂀
  • Se représente la perception par le Sujet de ce qui est "stocké dans la falculté imaginative" en posture  𓁝[♲] ainsi : (𓁝[♲])𓂀.

- Il faudrait préciser la place d'al Fârâbî dans l'histoire !

- Tu as raison :

  • al Fârâbî en 𓂀Fârâbî
  • parle d'un Sujet X conscient ainsi : ([♲]𓁜X)𓂀Fârâbî
  • qui lui-même est l'auteur de nos deux précédents discours :
    • (([⚤]𓁜)𓁜X)𓂀Fârâbî
    • ((𓁝[♲])𓁜X)𓂀Fârâbî

- Cela devient vite compliqué.

- Souviens-toi du principe de clôture. En se limitant au mode ♧, al Fârâbî peut dire que :

  • (([♲]𓁜)𓁜X)𓂀Fârâbî équivaut à ([♲]𓁜)𓂀x♧ ou [♲]𓂀
  •  ((𓁝[♲])𓁜X)𓂀Fârâbî équivaut à (𓁝[♲])𓂀x ou (𓁝[♲])𓂀

Ce qui éclaire peut-être mieux ce passage :

"En agissant dans la faculté rationnelle, l’intellect agent y actualise ce qui n’y était pas déposé, fût-ce en puissance, mais était ailleurs, c’est-à-dire dans la faculté non rationnelle, en puissance d’y être déposé. Les sensibles ne peuvent s’actualiser qu’à se produire hors du lieu de leur stockage mental. Mais, faute de moyen terme, ce changement de place ne peut être décrit sur le mode d’un transit. " p. 149

Il y a une impossibilité à exprimer le "potentiel", dans une pensée strictement objective de mode ♧, qui est ici tout à fait patente. En effet comment actualiser quelque chose qui n'est même pas potentiel ?

- Ça nous renvoie à Deleuze et sa distinction entre "potentiel" et "virtuel", non?

- A posteriori, oui, mais ce n'était pas conceptualisable à l'époque. Nous pouvons juste constater un manque par rapport à un Imaginaire du XXIè siècle. Nous pourrions sans doute nous le représenter comme une "tension" due à la différence de posture [⚤]𓁝𓁜[♲], ressentie par le Sujet qui en prendrait conscience ([⚤]𓁝⇅𓁜[♲])𓂀 comme d'un automatisme de répétition ⇅.

Quant à la "faculté non rationnelle d'y être déposée", nous y retrouvons sans difficulté le passage du mode ♡ au mode ♧ vu précédemment.

"Cette approche topologique n’est pas le seul legs d’al-Fârâbî à la psychologie médiévale. Il en est un autre, plus ambigu encore. Quels sont, en effet, les intelligibles ainsi produits sur la scène de la pensée ?

  • S’agit-il des natures simples des choses, de leur ούσία􏱙􏱛􏱜􏱝􏱞 appréhendée sans les conditions sensibles qui l’accidentent dans l’image ? On peut le penser.
  • Mais al-Fârâbî lui-même esquisse une autre piste, que le Moyen Âge aura toutes les peines du monde à distinguer de la première. Dans al-Madîna al-Fâdila, le Traité des opinions de la cité idéale, il explique que les premiers intelligibles sont des classes de propositions : celles de la science mathématique, de l’éthique, de la physique et de la métaphysique." p. 150

Voilà, si en était besoin, qui renforce au-delà de toute espérance ce que nous en avions dit !

[1] [⚤] [♲]𓁜 [1] 𓂀Fârâbî
↓(a) ↓(b) ↓(c) ↓(d)  
[1] [⚤] 𓁝[♲] [1] 𓂀Fârâbî:

Tu remarqueras au passage le terme "d'approche topologique" employé par Alain de Ribera pour parler ce cette conception d'al Fârâbî, il ne croit sans doute pas si bien dire ! 

"En posant que «les premiers intelligibles qui sont communs à tous les hommes» sont des propositions telles que «Le tout est plus grand que la partie», al-Fârâbî prolonge l’ambiguïté du texte. Mais sa formulation même appelle une clarification de l’intention d’Aristote : les Seconds Analytiques, II, 19, parlent-ils d’un seul problème – la production de l’universel à partir de la connaissance sensible – ou de deux problèmes distincts

  • la production des universaux (induction abstractive) et
  • la saisie des premiers principes de la connaissance scientifique (intuition intellectuelle) ? " p. 150

Concepts premiers ou principes premiers ?
L’empirisme en question
:

- Comme tu peux l'imaginer, se couper aussi rédicalement de l'expérience, en récupérant Platon, pose question, et l'on se refile l'immanence S↑ comme une patate chaude tout au long du Moyen Âge...

Hari

Note du 07/ 01 / 2022 :

Je butine, depuis hier soir, plusieurs livres pour échapper un peu à cette lecture trop studieuse de peur de m'y étouffer, et tombe par hasard sur cette antienne: Descartes commence par le doute.

«Descartes a créé une rupture si décisive que l’on peut parler d’un avant et d’un après Descartes. S’il n’a pas constitué la grande œuvre scientifique qu’il espérait, il a fondé les conditions de possibilité et de réalité de la science positive moderne, façonné notre vision d’hommes modernes, hantés par la rationalité scientifique et technique.

1. Un nouveau départ.

Chacun sait que l’entreprise cartésienne s’inaugure par le doute. Mais quel doute ? La suspicion à l’égard des sens, des usages et des préjugés n’est pas nouvelle. L’originalité de Descartes consiste à en faire une méthode pour découvrir de l’indubitable. La formule est simple : il faut et il suffit de faire comme si ce qui est parfois douteux l’était toujours. Ce doute « hyperbolique », qui procède par excès, équivaut à une politique de la terre brûlée. Ce qui résistera à cette épreuve sera indubitablement vrai et constituera le roc sur lequel poser les fondations du nouvel édifice.» Extrait de: Dominique Folscheid. «Les grandes philosophies.» Apple Books.

Je le note ici pour y revenir à loisir :

L'objet de l'attention du Sujet est ce qui résiste à son doute... comme aux fluctuations de son intention.

Où tu retrouves, associés dès l'origine l'incertitude et la quantité conservée.

- Et la symétrie attachée à l'objet ?

- Il faudra attendre Évariste Galois pour fermer le banc. Mais dans l'ordre d'apparition sur scène, il semble bien que l'incertitude soit première.

Au Moyen Âge, c'est l'interminable discussion portant sur l'impossibilité logique d'un saut de 𓁝[♲] à [♲]𓁜, qui aboutirait aux "formes pures" tels les solides de Platon en [♲].

Incertitude mal vécue (il est là l'automatisme de répétition), combattue au Moyen Âge, mais revendiquée ensuite par Descartes (qu'il faudrait traiter comme l'inversion double de la FCM), et si bien exprimée par Diderot, pour se retrouver au coeur même de l'expérience physique actuelle !

Si tu y prêtes toute l'attention nécessaire, tu l'entendras également dans les variations des conteurs autour d'un mythe immémoriel... Jusque dans la forme canonique (FCM) de Lévi-Strauss :

Est-il dans la nature de la femme d'être potière ?

La preuve que la femme existe, c'est qu'elle résiste à cette question, elle n'est pas réductible à son totem, l'engoulevent qui la représente.

La suite semble indiquer que nous sommes sur la bonne piste :

«Mais le doute sécrète son propre antidote : si je doute, si je suis trompé, si tout est faux, tout cela je le pense, et il faut que je sois pour le penser (Discours de la méthode, IV : «Je pense, donc je suis»). De la pensée, quoi qu’elle pense, je ne peux pas douter, car l’exercice du doute la requiert. Pour exclure la pensée, je dois encore penser. Et pour autant que je pense, je suis, j’existe.» Extrait de: Dominique Folscheid. «Les grandes philosophies.» Apple Books.

Le Sujet lui-même existe d'une vibration incessante.

Nous retrouvons ce que nous en avons déjà vu : la naissance de l'ego se situe entre [∃]𓁝⇅𓁜[⚤]; et s'identifie en [∃][⚤]𓁜, comme dépassement, ou prise de conscience d'un automatisme de répétition.

- Au pas suivant, tu retrouves bien entendu le stade du miroir : [⚤]𓁝⇅𓁜[#];

- À ceci près que la conscience de [#] est tardive et mon expression moderne. Il ne fait pas de doute qu'antérieurement à Galois, l'enfant avait déjà cette prise de conscience de Lui-même : Narcisse ne naît pas au XIXè siècle !

Il faudrait donc placer le stade du miroir dans la grille limitée que nous avons définie ici : [⚤]𓁝⇅𓁜[♲].

- Où nous retrouvons la "faculté rationnelle" en question ?

- Oui, tu comprends dès lors l'importance de cette "rationnalité" qui définit l'homme, comme conscient de lui-même.

Dès lors l'ego cartésien marque le rapprochement du Sujet du Réel, et son éloignement du Symbolique.


Journée de grand n'importe quoi aujourd'hui. Pour me reposer les yeux, je parcours ma page Facebook, et tombe sur cette annonce : le Collège de France met en ligne 10.000 cours (voir le lien).

Je surfe, comme toujours, pour tomber sur

  • Marc Henneaux qui parle de symétries en physique;
  • Luiggi Rizzi parle de linguistique générale et de combinatoire
  • Jean-François Joanny parle "matière active" au confins de la physique et la biologie.

On vit vraiment une époque extraordinaire où il suffit d'ouvrir son Mac comme une fenêtre sur le monde (je ne parle pas de Windows).


Le 20/ 02/ 2022 :

Après un très long éloignement, il m'apparaît urgent de terminer cette lecture de Libera, et pour me remettre en jambes, je relis donc ce dernier texte de la série.

En retombant sur la note du 07/ 01, et cette évocation de la FCM à propos de Descates, il se trouve que nous avons rediscuté entre temps de cette dernière en termes de covariance et contravariance (voir "covariance et contravariance du sujet et de l'autre".

Revenons sur cette intuition :

"Si tu y prêtes toute l'attention nécessaire, tu l'entendras également dans les variations des conteurs autour d'un mythe immémoriel... Jusque dans la forme canonique (FCM) de Lévi-Strauss :

Est-il dans la nature de la femme d'être potière ?"

J'ai avancé que Descartes se révèle comme Sujet à ses propres yeux dans une vibration en restant, comme je l'ai toujours fait jusqu'à présent en mode ♧ :

"la naissance de l'ego se situe entre [∃]𓁝⇅𓁜[⚤]; et s'identifie en [∃][⚤]𓁜, comme dépassement, ou prise de conscience d'un automatisme de répétition."

Mais nous avons vu que la FCM gagne à être comprise comme un mouvement sur deux modes, pour revisiter les 4 discours de Lacan en fonction des concepts de covariance et de contravariance... Bref, je te laisse refaire tout le parcourir, pour en arriver à ceci : 

  • Lorsque Descartes "pense", à des "objets", son discours est contravarient,
  • Lorsqu'il prend conscience qu'il "est", il devient covariant avec lui-même.

La vibration que j'avais décrite sur le seul mode ♧, [∃]𓁝⇅𓁜[⚤], trouve son écho dans une pensée se développant sur deux modes ♧ et ♢ (ou ♡ plus primitivement). 

- Quel intérêt ?

- Situer la démarche de Descartes comme une restriction en mode ♧, et au niveau logique [⚤] d'une pensée plus riche, ancestrale sur deux modes, faisant le lien avec la façon mythique de résoudre les questions "logiques", à savoir le passage 𓁝[⚤]↓[⚤]𓁜 

 [∃]𓁜    → 𓁝[⚤] mythe 𓂀
Foncteur d'oubli  
𓁝[]   → [⚤]𓁜 récit du mythe 𓂀

En ce sens, et si tu suis le fil de mes développements dans l'article en question, tu trouveras que le discours de Descartes est celui de l'analyste (voir "covariance contravairance #2").

"Le maître a eu le choix entre ces deux parcours:

  contravariant   covariant    
  [∃]𓁜m       (𓁝m[]) inconscient 𓂀
    (↓)    
  𓁝m[]    𓁝e[♲]𓁜m 𓁝m[] conscient 𓂀

(...)

  • (b)𓂀 peut, en plus :
  1. En faire son égal quant à son savoir : ex post 𓁜e<=>𓁜m;

(𓁝e[♲]𓁜m𓁝e[♲]𓁝𓁜e[]⏩𓁝e[]⏩𓁝e[]​​​​[∃]𓁜e)𓂀m (...)."

- Je crois qu'il faudrait reprendre tout ceci pour le mettre d'équerre !

- Je le note juste ici pour y revenir à l'occasion, mais le fondement de mon intuition d'aujourd'hui est celle-ci :

  • Descartes prend conscience de son ego comme "objet" contravariant;
  • Dans l'instant où il est "en phase avec lui-même", l'élan mystique de cette nuit de révélation, de pure covariance.

En ce sens :

  • son geste reprend la forme mythique ancestrale, et
  • son discours est celui de l'analyste de Lacan.

Et mon interprétation : "[∃]𓁝⇅𓁜[⚤] s'identifiant en [∃][⚤]𓁜", n'est qu'une trace "logique" du processus, comme au réveil on reconstitue ses rêves...

Note du 22/ 02/ 2022 :

Toujours dans la relecture de cet article, afin d'embrayer sur la suite, il m'apparaît nécessaire de préciser le schéma avec en tête mes développements sur la différence covariance/ contravariance :

[1]𓁜 𓁝[⚤] [♲]𓁜 𓁝[1] 𓂀
↓(a) ↓(b) ↓(c) ↓(d)  
[1]𓁜 [⚤]𓁜 𓁝[♲] 𓁝[1] 𓂀

Ici, avant Descartes (voir note précédente) la posture 𓁝[⚤] marque une ignorance de la loi divine : 𓁝[⚤].

  • Le mouvements (c) est contravariant;
  • le mouvement (d) covariant.

Arrêtons-nous sur (c).

  1. Penser que toutes les idées sont "déjà là" permettra d'introduire l'idée de "potentialité", qui ouvre la voie au principe de Fermat (le chemin le plus court parmi tous les chemins potentiels), de Maupertuis (le mouvement le plus faible parmi tous les mouvements possibles) et l'énergie potentielle de Lagrange (voir "la physique autrement");
  2. Penser le mouvement en lien avec le temps conduit à l'idée d'énergie cinétique;
  3. Le mouvement ↓(c) se retrouve dans l'équation de Lagrange qui associe énergie potentielle et cinétique, avec entre deux une différence :
    • posture "globale" 𓁜 pour l'énergie potentielle;
    • posture "locale" 𓁝 pour l'énergie cinétique.
      introduisant le calcul intégral/ différenciel.

- Veux-tu dire que al Fârâbî faisait de la physique moderne ?

- Non, il s'agit plus simplement de comprendre de quelle façon nous sommes toujours conditionnés par une pensée ancestrale.

J'ai montré par ailleurs que les deux mouvements covariant/ contravariant associés se retrouvent déjà dans la pensée mythique et la forme canonique de Lévi-Strauss ! (voir "Covariance et contravariance du sujet et de l'autre").

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