Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
9 Janvier 2022
- Désolé, mais j'ai du mal à terminer ma lecture d'Alain de Ribera : il a fallu plus de 2000 ans pour passer de Parménide à Galilée et je reste scotché à cette querelle des universaux, quand la simple lecture de deux cours donnés au Collège de France me chamboule plus que je ne saurais dire...
- Encore une digression dans la digression, décidément tu es bien comme Jacques le Fataliste qui n'arrive jamais à conter ses amours à son maître.
- Il faut que je laisse sur ce blog un signet pour marquer le visionnage de quelques vidéos que je viens de survoler, faute d'avoir les connaissances suffisantes pour en appréhender toute la profondeur.
Tout d'abord Luigi Rizzi présentant "comment formaliser la diversité des langages" :
En l'écoutant je me dis qu'il faut absolument situer ma propre représentation de l'Imaginaire par rapport à ce qu'est l'apprentissage du langage. Il s'agirait en quelque sorte d'une précision supplémentaire apportée à l'expression du Sujet. Par exemple l'interrogation se marque par le ton employé, une inversion de noms ou en Français le marqueur ESK (est-ce que), auquel nous ajouterions :
À part ces considérations très générales sur la façon de situer notre approche dans une perspective linguistique, Rizzi aborde des thèmes qui nous intéressent au premier chef.
1/ Tout d'abord l'importance de la récursivité : c'est un axiome que tu retrouves partout en mathématiques, à chaque définition au point de ne plus y prêter attention, plus primitif sans doute, plus insistant que l'axiome de choix, et cette généralité doit faire sens.
2/ Cette notion de "merge", qui de deux éléments en forme un troisième, me renvoie à la construction de l'objet cartésien, tel que présentée par Lawvere dans "Conceptual mathematics", il faudra prendre le temps de développer.
3/ Les mouvements : je pense qu'il doit être possible de faire un pont entre ce que l'on remarque en linguistique générale et les deux mouvements fondamentaux dans un jeu de cartes (voir "Symétries et rotations"):
- Qu'est-ce qui t'y fait penser ?
- Cette remarque de Luigi Rizzi à 25" de son intervention lorsqu'il parle "d'effet boule de neige":
Je passe vite là-dessus pour arriver à l'idée de "matière active", qui a focalisé mon regard sur cette présentation de Jean-François Joanny:
Dans mon dernier article, j'en étais à ceci :
"Mon fil directeur, mon "intuition", c'est que la "quantité conservée" dans le triptyque d'Emmy Noether dépend des mouvements du Sujet: (note du 07/ 01)
Or, cette vibration entre les deux postures 𓁝𓁜 du Sujet lui-même ou par laquelle nous repérons l'objet 𓁝[α]𓁜, m'apparaît à cette lecture de Joanny comme un signe de vie évident !
- Tu nous as déjà fait le coup avec les bra/ket de Dirac, tu en parlais encore dernièrement dans "Retour à Platon et Aristote" :
"... Dynamique que l'on retrouve chez Dirac, quand il définit l'observable. Nous l'avions remarqué à l'époque (voir "Métaphysique quantique de Dirac") : l'observation de l'objet correspond à sa permanence, lors d'un changement de posture du Sujet 𓁝/𓁜... Ce que l'on retrouve dans la forme a=〈A|A〉.
Bascule 𓁝/𓁜 qui est au coeur même de la discussion entre l'être ☯[∃]𓁜 et le non-être 𓁝[∅]☯."
- Ce qui renforce l'idée que les formes de notre Imaginaire sont extrêmement limitées, et que nous appliquons les mêmes outils aux différentes échelles des objets de notre attention.
- Tu en restes à ton "Imaginaire fractal" ?
- Oui, tout m'y ramène, jusqu'à Luigi Rizzi qui marque fortement que le nombre de combinaison utilisées dans une langue est très réduit par rapport aux possibilités qu'elle offre.
L'apprentissage du langage, la façon de corriger les "erreurs" de performance des jeunes enfants, vue de ce point de vue, consiste à réduire le champ de leurs essais. Nous pourrions y rattacher ce que nous avons vu d'un choix culturel de l'objet initial (entre [∅] et [1]) s'imposant à l'enfant (voir "Retour à Platon et Aristote").
Bref : je me dis qu'il faudrait revenir à une description plus "physique" que je ne le fais de l'Imaginaire.
- Plus facile à dire qu'à faire, comment vois-tu la chose ?
- Regarde notre tableau (voir: "Mettre un peu d'ordre dans sa tête") comme espace des fréquences selon deux axes (niveaux⊥modes) du Sujet vu comme une sorte de membrane vibrant entre deux états 𓁝/𓁜 :
𓂀♤ | |||||
[∃]♤ | [⚤]♤ | [#]♤ | [♲]♤ | [∅]☯ | |
[∃]♡ | [⚤]♡ | [#]♡ | [♲]♡ | [∅] | |
[∃]♢ | [⚤]♢ | [#]♢ | [♲]♢ | [∅] | |
☯[∃]♧ | [⚤]♧ | [#]♧ | [♲]♧ | [∅] |
Il y a déjà cette vieille idée que j'avais développée pour notre doctorat, avec Roger, d'un étagement des fréquences de travail dans un groupe hiérarchisé (voir "management des organisations par le modèle sénaire").
On pourrait émettre l'hypothèse que la fréquence de battement de 𓁝/𓁜 évolue en passant d'un niveau à l'autre et d'un mode à l'autre. Par analogie l'Imaginaire serait comme un piano :
Il y a un rapprochement évident à faire avec la façon de mesurer expérimentalement l'activité de la "matière active" par l'étude de ses modes vibratoires (passage sur les transformées de Fourier).
Par ailleurs, pour un Sujet donné, le point extrême qu'il peut atteindre effectivement 𓁝☯ sur cette grille vue comme un espace des possibles, par exemple 𓁝[♲]♧☯ ou 𓁝[♲]♡☯ donnerait une idée globale de l'amplitude de sa liberté de penser ou de ses capacités d'évolution.
Ceci rejoint les considérations de Joanny sur les conditions d'apparition des régimes 'turbulents", en fonction de la taille relative de l'échantillon global et de ses éléments constitutifs.
- Autrement dit l'étroitesse d'esprit serait pour le Sujet une façon de préserver sa "tranquilité" ?
- En quelque sorte. Pense au film "Don't look up" que tu viens de voir.
Tu remarqueras également que niveaux et modes sont deux notions syntaxiques orthogonales entre elles (niveaux⊥modes)⊥𓂀♡, qui semble répondre à une nécessité théorique selon Rizzi.
Ce qui fait également le lien avec une autre approche dans le domaine des langages machine (deep learning). Reporte-toi à cette courte intervention de Stéphane Mallat :
À la fin de sa présentation, Stéphane Mallat conclut d'ailleurs sur la nécessité d'évoluer vers des considérations plus "physiques" du langage, d'où un lien évident avec Jean-François Joanny !
- Il y a du boulot en perspective, mais d'où tires-tu l'énergie ?
- De la polarisation entre Réel et Symbolique, avec cette "pulsion" qui pousse le vivant à l'auto-organisation, pour passer du chaos du Réel ☯ (le multiple de Platon) à la recherche Symbolique ☯ d'une cohérence ou d'un sens, soit dans l'Unité [1] chez Platon, soit dans le vide [∅] chez Bouddha.
- Soit pour le Sujet, et pour les objets ?
- J'y ai déjà fait allusion ici ou là sur ce blog : ce serait comme les noeuds (les points fixes) d'une corde vibrante, mais Joanny nous offre une autre métaphore:
pour mesurer les vibrations d'une cellule, il utilise de très légères particules, qu'il "colle" à la cellule grâce à une "pince optique". Les vibrations de ces témoins renseignent sur celles de l'objet en observation... Par analogie, on pourrait dire que l'objet en [α] se définit par les vibrations 𓁝[α]𓁜 du Sujet autour de lui. Lorsque les vibrations s'arrêtent, en posture ex post [α]𓁜, l'objet est "acquis", ou "compris", ou "fait partie" de l'Imaginaire du Sujet, et est donc, en quelque sorte : mort !
- C'est ennuyeux quand tu songes à "l'objet petit a" de Lacan...
- Il faudra de toute façon y revenir un jour, car il est nécessaire de préciser le mode de relation du Sujet avec cet "objet petit a" (i.e. considéré de façon objective en ♧, ou relationnelle en ♢, etc.).
Mais j'arrête là, car il y a énormément de choses à décanter.
- Comme quoi, par exemple ?
- L'importance d'une représentation en 2D de l'Imaginaire, quand notre parole est "linéaire".
Autre chose : l'importance de la taille de l'échantillon, qui détermine le comportement des constituants en son sein. Cela concerne la définition du Sujet lui-même, nous en avons parlé, mais également le regroupement des Sujets. Ça me rappelle certaines expériences de Heni Laborit sur des rats: lorsqu'ils sont trop nombreux dans un espace clos, ils sont en situation de stress.
- Ce serait transposable aux êtres humains en raison de considérations purement physiques ?
- Oui, et il y a certainement un lien d'échelle entre la liberté propre du Sujet (le rapport global/local définissant son propre espace Imaginaire), et certains rapports de type global/ local, qui détermineraient son confinement social. Le premier paramètre qui vienne à l'esprit est la densité de population, mais il y en a d'autres, comme par exemple la liberté de circuler, ou la limite entre espace privé/ espace public, ou encore la tolérance par rapport à l'observation individuelle des règles (sociales, religieuses, vestimentaires, etc.).
- Ça me fait penser à la contrainte exercée par Gurdjieff sur ses adeptes pour -disait-il- ouvrir leur esprit. Système de fonctionnement repris par bien des gourous ensuite, voir par exemple sur Netflix le film "Wild Wild Country" sur la secte des Davidiens à Waco...
- Quand je te dis que ces vidéos donnent beaucoup de sujets de méditation...
Hari