Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
9 Novembre 2021
Nota : La signification et l'usage de mes glyphes, comme le schéma général de l'Imaginaire du Sujet, sont présentés ici: "Résumé" (☯[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯)𓂀♧ J'ai situé certains concepts Japonais, tels que Mu 無, Ma/Aïda 間, espace (☯[∃]𓁝⇅𓁜[時間]𓁝⇅𓁜[空間]𓁝⊥𓁜[間]𓁝⇆𓁜[無]☯)𓂀♧ Pour le schéma développé de l'imaginaire voir: "Mettre un peu d'ordre dans sa tête"
|
- Nous en étions à la fin de l'introduction de l'ouvrage (ici) d'Alain de Libera, au moment où il veut nous prévenir contre trois difficultés dans l'appréhension de la problématique des universaux :
"Avant d’entamer la longue geste de l’universel, qui correspond à la longue marche de la philosophie d’Orient en Occident, il nous faut préciser davantage les trois phénomènes fondamentaux qui déterminent tout le processus :
Porphyre, ou le métaphysicien malgré lui :
Le paradoxe de Porphyre :
"Étant donné qu’il est nécessaire, Chrysaorios, pour apprendre la doctrine des Catégories telle qu’on la trouve chez Aristote, de savoir ce que sont genre, différence, espèce, propre et accident, et que ce savoir est nécessaire pour déterminer les définitions et, d’une manière générale, pour tout ce qui concerne la division et la démonstration, dont l’étude est fort utile, je t’en ferai un bref exposé, et j’essaierai en peu de mots, comme en une sorte d’introduction, de parcourir ce qu’en ont dit les anciens philosophes, en m’abstenant de recherches trop approfondies, et en ne touchant même qu’avec mesure à celles qui sont plus simples.
Et tout d’abord, en ce qui concerne les genres et les espèces, la question de savoir
- J'avoue qu'il y a là de quoi se perdre !
- Procédons pas à pas, et c'est d'autant plus facile que de Libera nous tient la main.
La question 1 :
Tout d'abord, cette grille de lecture genre, différence, espèce, propre et accident, est néo-platonicienne, ce qui situe d'emblée l'horizon philosophique de Porphyre.
Ensuite, dans ce contexte néo-platonicien, la discussion concernant les genres et les espèces :
"La question 1 s’inscrit dans le cadre d’un premier aspect du débat d’Aristote avec Platon :
J'avoue ma grande difficulté à d'appréhender ce concept de "subsistance", et je ne dois pas être le seul dans ce cas, puisque l'auteur y consacre une longue note, que j'ai également du mal à comprendre.
Il y a déjà une façon générale de raisonner qui amène à une écriture "si / sinon", qui rappelle celle des routines en Pascal, pour qui se souvient des langages informatiques. Autrement dit, les auteurs dont on parle sont en [⚤]𓁜, l'auteur final étant lui-même dans cette posture [⚤]𓂀⇅♧ (limité au mode ♧). Pour mémoire ⇅ rappelle le type de répétition en [⚤], allant avec l'aspect discret des objets, la notion d'ordre et la logique du 1er ordre (autrement dit un automatisme de répétition au sens freudien du terme).
Dans ce langage, je distingue une opposition primaire : "être ou ne pas être", que l'auteur fait remonter à Parménide :
"rappelle celle par laquelle Parménide aborde le problème de l’unité de l’un." p. 42
- Alors que pour toi, l'existence est au plus près du Réel, n'est-ce pas ?
- Oui, nous partons de la perception traumatique du Réel (☯[∃]𓁜)𓂀, que nous identifions (ou nommons) ensuite :
(☯[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]⏩[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]⏩[⚤]𓁜)𓂀⇅ (Pour mémoire: la "prise de conscience" proprement dit étant le saut 𓁝[⚤]⏩[⚤]𓁜 correspondant à la rencontre entre l'intention de dire 𓁝 et l'expression déjà là 𓁜) et ce processus de perception, immanent, fait "exister", pour le Sujet, l'objet dont il "prend conscience" en le dénotant.
Je m'aperçois du coup qu'il me faut revenir à Parménide pour vérifier si nous parlons bien de la même chose, car a priori "l'unité de l'un" me fait plutôt penser à l'unité divine, ou la "causa sui" de Spinoza, du style ([♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯)𓂀. Si je me reporte à Wikipedia (L'un) je trouve ceci :
"Dans le dialogue du Parménide, l'Un est le principe d'unité sous-jacent à la multiplicité des Idées et des phénomènes. Platon envisage trois hypothèses :
Comme tu le vois,
Ceci dit, dans H1 et H3, passer de l'Unicité au multiple passe par une démarche de second ordre (selon Spinoza) ou transcendante, alors que l'H2 en "collant" ou ramenant le Symbolique ☯♧ au Réel de mode supérieur ☯♢ fait court-circuit (l'idée étant que le Sujet parcourt son Imaginaire [∃][⚤][#][♲][∅] en rebouclant [∃] et [∅] comme un ruban de Moebius). En tout état de cause, le Sujet ne peut "prendre conscience" d'une multiplicité qu'en [⚤].
- C'est bien joli, et je vois que tu t'amuses, mais qu'en retires-tu ?
- Ceci confirme mon a priori : la question "être ou ne pas être" se pose bien en posture ([♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯)𓂀♧, quand l'"existence" d'un objet "sensible", appréhendable par les sens, est en posture (☯[∃][⚤]𓁜)𓂀♧.
- Et c'est important ?
- Ça m'évoque le concept de "substance", qui a complètement disparu de la physique moderne. Personne de nos jours se risquerait à parler de la "substance des choses". On peut tout au plus parler de "mesurer" certaines "quantités conservées", pour retomber sur des mesures de fréquences, point barre. Il est donc extrêmement difficile de se mettre dans la tête des gens à cette époque pré-Galiléenne !
Et là, franchement, avec ses références grecques non reproductibles, de Libera nous entraîne loin de chez moi ! Il s'attache en premier au verbe "ύφίστασθαι" qui offre deux versions latines :
"... qui renvoient à des schèmes conceptuels différents, où platonisme et stoïcisme mêlent ou contrarient inextricablement leurs influences. Nous assumons ici que ύφίστασθαι signifie «exister réellement», i.e. véritablement, au sens des Idées platoniciennes, non au sens des choses singulières. Le sens stoïcien d’ύφίστασθαι , si fortement opposé à l’idée d’existence réelle (au sens courant du terme : celui de la réalité extramentale) que certains interprètes le rapprochent du bestehen de Meinong («subsister», par opposition à «exister», existieren), nous paraît moins plausible, même si l’opposition entre la subsistance de l’«incorporel» et le vide du concept purement fictif ne peut être exclue a priori de l’horizon de compréhension du premier «problème» de Porphyre. La présence stoïcienne semble, toutefois, plus évidente dans le deuxième «problème». En tout état de cause, c’est à articuler le différend Platon-Aristote que l’Isagoge a trouvé sa place dans la tradition interprétative, et c’est cette fonction qui, seule, nous intéresse ici." note p. 42-43
J'en retire l'idée que:
(([♲]𓁝⇆𓁜[∅])☯⏩([♲]𓁜))⇅𓂀♧
((☯[∃]𓁝⇅𓁜[⚤])⏩([∃]𓁝⇅𓁜[⚤])⏩([⚤]𓁜))⇅𓂀♧
La première est attachée à un principe unitaire (soit en ☯, soit en [∅]), l'autre de l'ordre du multiple (et du dénombrable plus précisément) en [⚤], après identification d'une répétition du même.
- OK, tu nous évites un contresens quant à l'emploi du mot "existence", qui dans notre approche est directement lié au "il existe" symbolisé par le ∃ des matheux au niveau traumatique [∃], coincé entre le Réel ☯ et son identification en [⚤]; et si tu avançais un peu ?
- Oui, revenons à ceci :
"La question 1 s’inscrit dans le cadre d’un premier aspect du débat d’Aristote avec Platon :
Si j'ai bien compris, il est question de savoir si, les idées, dont nous venons de suivre la genèse (([♲]𓁝⇆𓁜[∅])☯⏩([♲]𓁜))⇅𓂀♧ ont une "subsistance", ou sont juste dans la tête du Sujet. Note bien que l'on parle de "subsistance" et non de "substance" qui m'est venu spontanément à l'esprit.
Or tout ceci est très ambigu :
- Je ne te suis plus ?
- Subsistance renvoie à un principe de conservation, nous revoici avec Noether, mais au sens où, par exemple, un "volume d'eau" se conserve lorsque tu le transvases. Tu ne le "vois" jamais, mais il est enserré par une peau, une surface, et les groupes d'homologies cernent très bien cet aspect des choses. Au point que l'objet en topologie se définit par ses trous, les vides de sa structure. Mais pour approcher ainsi la "conservation" en [♲], il faut passer par le niveau catégorique [#] qui manque ici ! (Note du 11/11/21)
Et en corollaire, tu dois comprendre les "idées subsistantes" comme les "parties" (et non les éléments) d'un tout ! Les "formes séparées" dont parle de Libera ne peuvent apparaître à ce niveau que comme un découpage d'un "Tout", qui assure son unité au niveau 𓁝⇆𓁜[∅]☯.
- D'où des tas de questions auxquelles les Anciens ne pouvaient absolument pas répondre !
- Je vois surtout que nous avons cherché les voies pour y répondre !
- C'est-à-dire ?
- Que tous nos développements s'attachent à boucher les trous détectés par nos anciens, leurs apories! Nous ne pouvons pas nier la filiation d'une pensée européenne.
- Soit, mais pour en revenir à l'alternative :
Quelle est l'opposition fondamentale ?
- Pour nous, ici et maintenant, il n'y en a pas, et je pense que l'option "existent-ils seulement dans l’esprit du sujet connaissant" est purement académique : de quel "Sujet connaissant" parlons-nous ? De toi ou de moi ? ou d'un tiers ? Et s'il s'agit d'une "idée" chez moi, puis-je la "partager" avec toi, sans qu'il y a un "au-dehors" qui la porte. Nous retrouvons ici le concept japonais de "Ma" [間], que j'ai associé à notre [♲]. Il faut une espérance ou une transcendance commune pour "partager" quoi que ce soit : 𓁝[∅]☯.
- Pourtant la question est posée.
- C'est une question binaire, de niveau ([⚤])⇅𓂀♧, portant sur un objet de niveau ([♲])⇆𓂀♧, il est sûr que tu ne peux pas obtenir de réponse satisfaisante à une approche aussi bancale !
Ça nous renvoie à Wittgenstein : les problèmes philosophiques tiennent à des questions de langage !
- Autrement dit, tu jettes l'éponge...
- Effectivement, je n'arrive pas à me mettre à la place d'un Sujet pour qui le choix aurait un sens.
- Essaie encore une fois...
- À l'extrême limite, je peux imaginer que :
Mais, comme tu le vois, genre et espèce se sont évaporés en chemin...
- OK, gardons ceci, et passe à la suite.
- Poursuivons donc :
Avec toutefois un petit bémol dans ce mouvement "purement" immanent :
"La présentation du concept «aristotélicien» reste, néanmoins, codée dans un vocabulaire néoplatonicien, comme en témoigne l’expression de «simples conceptions de l’esprit», qui renvoie à une distinction technique, non aristotélicienne, entre
Là c'est assez simple :
En précisant "simples conceptions de l’esprit", Aristote indique clairement qu'il a connaissance des deux approches, et néglige volontairement l'une d'entre elles, ce qui le situe ipso facto dans un cadre platonicien, CQFD ! Merci M. de Libera.
La question 2 :
"La question 2, qui part de l’existence (subsistance) réelle des universaux, pose en langage stoïcien le problème de la nature de ces existants (subsistants) : s’agit-il d’êtres incorporels ou d’êtres corporels ?" p. 44
Nous sommes donc dans une approche platonicienne des idées, et je retrouve ce redoutable concept de "corps".
- Tu avais déjà lu "substance" quand l'auteur parlait de "subsistance"... Faut-il faire ton analyse en prenant ce texte comme canapé ?
- J'en ai peur. L'alternative de "subsistance" corporelle ou incorporelle me renvoie au mystère de l'Eucharistie de mon enfance, tremblant à l'idée de manger "le corps du Christ", tiraillé entre un père Protestant et une mère Catholique ! (je dramatise pour faire genre : tout se passait très bien avec mes parents, et notre famille n'était pas religieuse).
Avec le recul, je pense qu'il faut poser ainsi le problème :
Or, donc, si nos "subsistants" sont bien accrochés en [♲]𓁜, comme nous venons d'en discuter, la façon d'y arriver, soit à partir de ☯𓁜, soit à partir de 𓁝[∅]☯ nous permet de distinguer entre :
Je crois qu'ainsi je ne trahis personne. Ensuite nous arrivons à ceci :
"Les stoïciens admettant quatre sortes d’incorporels – le lieu, le temps, le vide et le λεχτόν, c’est-à-dire l’« exprimable », ce que les médiévaux appelleront l’« énonçable » (enuntiabile) –..."
Je m'émerveille de trouver associés chez les Stoïques le lieu, le temps, le vide et l’«exprimable». Ce sont très précisément les concepts qui structurent nos différents niveaux Imaginaires, comme nous l'avions déjà vu au Japon !
Niveau Imaginaire | Orient | Occident |
[∅] | [無] Mu | vide |
[♲] | [間] Ma | Les idées Platoniciennes |
[#] | [空間] (récent : Meiji) | le lieu |
[⚤] | [時間] (récent : Meiji) | le temps/ l'énonçable |
- Pas terrible ton tableau, il y a beaucoup de trous. Je croyais que le niveau [#], avec la notion d'appartenance, était ignoré ? Et puis s'agit-il de l"exprimable" comme capacité de discourir en [⚤], ou celle de former des concepts en [♲]?
- Oui ce manque à penser [#] fait question (note 1); mais en ce qui concerne l'énonçable, il faut lire la suite, avant de revenir à notre tableau.
"Les stoïciens admettant quatre sortes d’incorporels – le lieu, le temps, le vide et le λεχτόν, c’est-à-dire l’« exprimable », ce que les médiévaux appelleront l’« énonçable » (enuntiabile) –, on bute, sous une autre forme et dans un autre registre onto-logique, sur une contradiction implicite aux deux thèses opposées en 1.
L’«exprimable» est en effet un être «dégagé des impressions sensibles» qui représente un «stade de la connaissance où le contenu de l’expérience sensible se traduit en termes de langage». Ce contenu a deux particularités :
a/ Que l'exprimable soit dégagé des impressions sensibles (recueillies en [∃]), ne nous pose pas de problème de compréhension particulier : la "prise de conscience", vue comme la rencontre d'un percept et d'un concept (JP Changeux) peut se faire:
Pour en rester à un Imaginaire limité à [∃][⚤][♲], nous retiendrons 1/ et 3/.
b/ Que l'expression linguistique (en [⚤]) ne constitue pas le contenu, mais le traduise (i.e.: qu'il vienne de [∃] ou de [♲]) ne pose pas plus de ploblème :
En fait, mon problème ici, est que je n'en discerne pas... Ce que l'auteur présente comme des "contradictions" vient des "changements de postures" du Sujet 𓁝𓁜, voire de l'auteur qui en parle 𓂀 ! En ce sens, ces "contradictions" ne semblent être la prise de conscience, par les Auteurs qui en débattent, d'une "indétermination" liée à ces changements de postures... Et l'on retombe sur Noether. CQFD.
Rétrospectivement, il m'est donc difficle d'oublier ce que nous venons de voir, pour me remettre dans leur peau et discuter comme eux de "contradictions" que je ne vois plus !
- Tu n'es pas historien...
- D'où mon intérêt pour cette lecture, prise comme un exercice d'assouplissement de mes neurones.
- Pour en revenir à ton tableau ?
- "L'exprimable" au sens d'identification, comme au sens d'expression d'un concept,, est de niveau [⚤], comme le temps logique.
Maintenant, De Libera fait un parallèle en quelque sorte entre :
Je te le laisse lire :
"L’alternative ouverte en 2 relance la contradiction interne des positions «platonicienne» et «aristotélicienne».
En outre, à s’en tenir à la position stoïcienne où le λεχτόν est distingué à la fois de l’Idée platonicienne et du concept mental aristotélicien, le mode ontologique de ce subsistant est aussi un problème : qu’est-ce en effet qu’un être qui n’est ni l’être réel (la chose singulière), ni l’être idéel de la Forme séparée de Platon, ni l’être mental ou psychique du concept abstrait d’Aristote ?
J'espère que tu vois comme moi le hiatus entre ces deux "contradictions" dans le discours :
- Tu nous dis que l'on mélange des choux et des carottes ?
- À nos yeux, oui, mais c'est indétectable dans un monde qui ignore Freud, etc... Il faut donc comprendre la logique qui nous est offerte telle qu'elle se présente.
"Si, comme le dit Platon, l’universel est une «réalité subsistante», c’est un incorporel, mais, un incorporel étant dégagé du sensible, il doit en être abstrait : ce n’est donc pas une réalité subsistante, mais un concept comme l’universel aristotélicien".
Le Subsistant incorporel, se situe en (𓁝[∅]☯⏩[♲]𓁜)⇅𓂀♧, comme nous venons de le voir plus haut; et donc, qu'il soit dégagé du sensible est évident.
Ma difficulté tient à ce qu'instinctivement, pour moi ici et maintenant, un concept est précisément ce qui "dure" et est donc "subsistant", dans une approche relativiste... La coupure profonde est peut-être là : avant Galilée, le relativisme n'est pas théorisé...
"Réciproquement, si l’universel est un incorporel, c’est-à-dire un concept abstrait, comment peut-il être à la fois une réalité subsistante et «correspondre» aux êtres réels dont il est dégagé ?"
Là, il y a tout un mouvement du Sujet vers l'objet qui est ignoré, et fait croire que l'idée "correspond" à l'objet, alors que de notre expérience du Réel, nous ne retenons que ce que nous en avons conceptualisé. Le saut épistémique est effectivement l'approche relativiste Galiléenne (après un long cheminement à la Renaissance, initié par les peintres Italiens).
- As-tu au moins pu suivre ce que t'explique l'auteur ?
- Oui, je le crois, mais il faut véritablement déconstruire sa propre pensée !
La question 3 :
"La question 3 reprend l’ensemble du problème d’un troisième point de vue qui ramène directement à un second aspect du débat d’Aristote avec Platon.
L’universel est-il une Forme séparée ou une forme immanente au sensible?
Pour le coup, notre schématique permet d'éclaircir le débat.
1/ Nous avons deux mouvements antagonistes : immanent ☯⏩☯ / transcendant ☯⏩☯.
2/ Faute de niveau [#] où l'espace et l'appartenance peuvent se constituer au-delà de l'ordre et du temps propres à [⚤], les "formes" sont directement situées au niveau des idées (platoniciennes) en [♲]. Maintenant, il y a deux façons de créer ces "formes" :
3/ Le sensible fait partie du processus immanent (avec la perception du Réel ☯ en [∃]𓁜 et son identification en [⚤]𓁜.
4/ Si donc la "forme est entièrement séparée", il y a effectivement un abîme infranchissable entre l’intelligible et le sensible. Avec un bémol selon moi : de quelle façon nous viennent les mots pour dire le sensible ?
5/ Si la forme est immanente, comment est-elle intelligible. Là c'est plus vicieux.
- Je ne te suis pas ?
- L'idée c'est que les "formes" sont dans le Réel, et que nous les "cueillons", comme un virus s'accroche à un bout d'ARN d'une cellule qu'il percute. La question est : pourquoi l'adénine (A) s'accroche à la thymine (T) et la cycosine (C) à la guanine (G) dans l'entrelacement de deux chaînes d'ADN, moi sur un brin, et l'Univers sur l'autre, le microcosme reflétant le macrocosme. C'est une approche totalement étrangère à la physique moderne (i.e.: selon l'interprétation de Copenhague, avec Bohr contre Einstein)!
Approche que l'on retrouve plus tard avec les similitudes (voir : point #5 Retour à Foucault).
Maintenant, oublie le Réel lacanien, complètement hors de l'Imaginaire et à ce titre absolument inimaginable, totalement indicible, et parlons-en au contraire : il est rempli d'objet, et donc de "formes". La question est : comment peut-il y avoir accord entre cet extérieur et mon être intime, mon "intelligible"? Tu vois bien que cette question écrase toute notre structure : les formes sont à la fois réelles et concepts, et les dieux dansent sur un mont Olympe visible à la jumelle... Même un gosse recherchant un Pokémon grâce à son GPS ne s'y laisserait pas prendre...
Ceci dit, si la forme est immante, tu n'es pas sorti de l'auberge pour autant !
"On retrouve alors l’opposition de Platon et d’Aristote. L’universel présent dans le sensible est
Nous avons fait tout un laïus concernant le passage de l'Un au multiple, compris comme une partition, dans une démarche transcendante: ☯⏩[♲], complètement ignorée des Grecs, puisqu'ils ne théorisent pas vraiment le concept "d'appartenance". Il faut donc entendre par "multiple", le dénombrable, en [⚤]𓁜.
On pourrait donc comprendre un universel au sens des Seconds Analytiques :
Maintenant, la question au Moyen Âge ne se pose pas en ces termes : comment l'Unique peut-il être dans le multiple ? Il ne s'agit plus du rapport du Sujet à l'objet, mais des qualités propres à l'objet, en dehors même de la présence du Sujet. Question : un pot de chambre posé sur la Lune, sans la moindre présence humaine reste-il, dans ce contexte, un "pot de chambre en soi" ?
Tu vois qu'à partir de cet écrasement du discours, tout se complique, comme le dessine si bien Sempé !
- Je vois que tu fatigues, si nous y revenions demain ?
Le 10/11/2021 :
- J'ai passé le temps à relire et corriger ce texte, ce qui m'a permis de clarifier ma propre pensée. J'espère que c'est plus digeste. Cela m'a permis de tester l'aspect opératoire de notre représentation de l'Imaginaire du Sujet, avec des règles de syntaxe qui se dessinent petit à petit.
- Pour en revenir à Phorphyre ?
- Tu as raison, j'arrivais au bout du chapitre.
L'auteur fait le lien Porphyre et les trois courants du Moyen Âge :
"En formulant ces trois questions, Porphyre met donc le doigt sur l’ensemble des contradictions qui minent le platonisme et l’aristotélisme. C’est une présentation diaporématique de la tension qui structure la métaphysique occidentale dans tous les aspects concernés : ontologie générale, théorie de la connaissance, théorie du signe et de la signification.
Pour J. Tricot, c’est aussi la matrice des grandes positions théoriques que le Moyen Âge va forger «avec des nuances innombrables» : le réalisme, le nominalisme et le conceptualisme." p. 43
Comme je ne connaissais pas le terme diaporématique, je me suis empressé de questionner mon Mc favori, qui me ressort ceci, attaché à "aporie" :
"APORIE B.1. - [La méthode diaporématique, qui ressortit à le Dialectique, est caractérisée par la mise en présence, pour chaque problème, d'une thèse et d'une antithèse également raisonnée. Suit la liste des apories.]" Aristote, La Métaphysique (Vrin, 1986, trad. J. Tricot)
Autrement dit, cette méthode qui vient de la dialectique, l'auteur place son discours au niveau [⚤]⇅𓂀♧, ce qui est somme toute cohérent avec son objet.
Et Libero termine sur ce petit schéma récapitulatif :
"Il suffit de présenter ainsi les alternatives de Porphyre :
pour voir se former la structure qui a porté toute l’exégèse néoplatonicienne tardive, puis, à travers elle, une partie de l’exégèse arabe et latine, par des voies que l’on peut identifier historiquement et sur lesquelles on reviendra plus loin.
Cette structure est la distinction des trois états de l’universel :
Comme je te l'ai déjà dit : c'est structuré comme un programme...
Maintenant, pour mieux m'y repérer par la suite, sans toujours y revenir, il faudrait que j'attribue à chacun des concepts repris ici, la posture du Sujet correspondante et les mouvements qui y mènent, mais ce sera pour demain !
- Amen
Hari
Note 1 :
C'est à mon sens une question proprement philosophique, car il s'agit bel et bien d'un "manque à penser" qui fait sens..
N'oublions pas d'où nous venons : nous sommes dans une généalogie indo-européenne, structurée selon Dumézil autour de mythes trinitaires, que l'on retrouve tardivement dans notre structure sociale, jusqu'en 1789 : Noblesse/ Clergé/ Tiers état.
Bien avant, dans les sociétés froides, les structures sociales étaient complexes et très prégnantes, permettant à chacun de trouver sa place dans la tribu. Lévi-Strauss y a même relevé le groupe de Klein dans l'arrangement des mariages !
Donc, oui, la pensée grecque s'est orientée vers autre chose.
Sans doute Socrate fait-il clivage ? Avec sa maïeutique il faisait passer pour idiots ceux qu'il enfonçait d'une dialectique percutante, propre à racoler autour de lui le parti des rieurs. C'est ainsi qu'il a imposé la logique du 1er ordre, par son esthétique, et son efficacité : une "mode avant l'heure"?.
- Mais il y eut Euclide après lui, et les géomètres...
- Sans doute, et Pythagore avant lui, mais Platon s'enracine directement dans Socrate, et Aristote dialogue avec lui...
Par ailleurs, l'exemple Japonais, avec la nécessité de trouver une façon de se situer ensemble, malgré les différences dans un Ma 間 partagé, montre qu'une autre approche était possible...
Je relis encore ce matin ces deux articles sur la question des universaux, pour y chercher l'envie de continuner ma lecture car, à franchement parler, je m'enlise dans tous ces prolégomènes. Je suis trop loin de chez moi et doute d'arriver jamais à suivre l'auteur dans ses développements...
Mais en relisant cette alternative :
et après avoir correstement situé, me semble-t-il, le "subsistant" en [♲], comme équivalent au terme de "quantité conservée" dans le triptyque de Noether, je me demande si l'autre branche de l'alternative ne renvoie pas tout simplement à la propriété universelle de l'élément ∅ de notre "objet initial" de la catégorie des Ensembles. C.-à-d. qu'à partir de lui, tout et n'importe quoi puisse en découler : tout concept du Sujet en découle dans un processus transcendant (([♲]𓁝⇆𓁜[∅])☯⏩([♲]𓁜))⇅𓂀♧.
- Tu l'as déjà écrit.
- Oui, mais sans trancher sur l'existence ou non du niveau [∅] dans la pensée grecque antique. Elle est absolument évidente dans la philosophie bouddhiste, et chinoise (avec le Mu 無) mais là, elle pointe du nez, si je puis dire.
Avec l'idée de réminiscence et de renaissance, cela fait beaucoup, ne trouves-tu pas ?
Opposé à ces considérations philosophiques, il arrive que "des idées" se forment dans un processus immanent : pense à Archimède jaillissant de sa baignoire en s'éciant euréka ! Nous avons d'ailleurs beaucoup étudié ce processus à l'aide de la forme canonique des mythes de Lévi-Strauss.
Donc, nous ramenons bien, ici, l'alternative proposée par de Libera, à deux processus concurrents :
Autrement dit, la "dispute" vient d'une nécessité, ressentie par les protagonistes, d'avoir à choisir (et là nous retrouvons l'axiome du choix des matheux) entre les deux processus.
Par curiosité, j'ai surfé sur le net pour me raffraîchir la mémoire concernant l'introduction du "zéro" en Occident.
1/ Il a été repris des Indiens par les Arabes au IXe siècle, alors qu'il se trouvait déjà dans l'écriture babylonienne,
2/ La notion arrive en Occident au XIIe sièlce et devient "zéro" au XVe,
3/ Les Grecs refusent le concept (voir ici) :
"Les Grecs, peuple pourtant mathématicien, ont rejeté le zéro pour ces raisons. Ainsi, Euclide énonce : « Est unité ce selon quoi chacune des choses existantes est dite une ». En d'autres termes, est un ce qui existe. Le vide n'existant pas selon Aristote, le nommer est sans intérêt voire faux."
- Mais alors, à quoi se rattache ce qui ne serait pas substantiel, ces concepts comme "flatus voces" ?
- Je pense que, comme nous y invite de Libera, il faut nous garder, rétropectivement de vouloir caractériser chaque période historique par une seule pensée... Si Aristote s'oppose à l'idée, c'est qu'il la connaît.
J'aurais tendence à penser que ce niveau Imaginaire [∅], qui nous est indispensable aujourd'hui pour rendre compte de notre organisation Imaginaire, était, non pas absent, mais laissé en jachère en Occident, quand il était parfaitement identifié en Orient.
Nous avons donc deux questions d'ordre philosophique :
Pour bien visualiser la chose : sur une gamme Imaginaire [∃][⚤][#][♲][∅], les Grecs se retranchent (majoritairement) sur trois niveaux : [∃][⚤][♲]; focalisés sur l'articulation logique [⚤], entre processus immanents et transcendants.
Pour retracer l'histoire de cette absence du vide dans la philosophie grecque, il faudarait sans doute remonter à Parménide (540-450 av. J. C.) pour qui : "ce qui est est, ce qui n'est pas n'est pas".
Après avoir défini ce qu'est l'idée, Platon est confronté à un problème :
«Après tout, explique plaisamment Platon, ce n’est pas d’une essence de maître ou d’un maître en soi que l’esclave est esclave, mais bien d’un maître en chair et en os. Surtout, comment articuler entre eux les éléments du discours sans établir des relations entre les Idées ? Et si le discours vise l’Idée, comment peut-il y avoir un discours faux ?
Platon se trouve donc contraint de défendre cette thèse paradoxale : il doit démontrer la possibilité et la réalité d’un discours faux, sans quoi il n’y aura aucune différence entre le vrai et le faux, et le discours sera anéanti. Mais pour cela, il faut montrer que le discours faux ne dit pas rien – car dire le rien, c’est ne rien dire, et tout ce qu’on dira vraiment sera automatiquement vrai, y compris le faux
Il faut se résigner à commettre un «parricide» à l’égard de Parménide, qui a déclaré que le néant n’était pas. Quand on dit le faux, on ne dit pas rien, on dit quelque chose d’autre que le vrai. Entre l’être qui est et le néant qui n’est rien, prend place un troisième genre : l’Autre. L’altérité fait ainsi son entrée dans l’univers intelligible. Ce qui permet d’insérer les Idées dans un jeu vivant de relations, au sein de l’être total (Sophiste, 249 a), au lieu d’en faire des idoles inertes et isolées. » Extrait de: Dominique Folscheid. « Les grandes philosophies. » Apple Books.
- Comme tu le vois, le vide n'était pas absent de la pensée grecque. De plus, je lis, sous la plume de Folscheid, que Platon pensait en termes de "relations" au sein d'un "être total", ce qui ressemble fort à une pensée en termes de topologie, à minima en [#]𓂀♧, voire, peut-être, en mode ♢ !
- Voilà qui pose problème : il y a chez Platon tout un pan de sa philosophie qui t'échappe en ne lisant que le bouquin de Libera sur un problème particulier, centré sur les répercutions de cette philosophie au Moyen Âge...
- Écoute, je ne fais pas une thèse, j'aimerais juste suivre le fil des idées, qui impactent encore, à mon insue ma propre façon de pensée.
- De quoi parles-tu ?
- De l'étonnement ressenti lorsqu'en relisant dernièrement cet article "du morphisme au foncteur", je retrouvais une assertion concernant la "substance" des choses, en accord avec ce que j'ai reconstitué en lisant de Libera (voir la note du 27/11/2021).
Or, ma façon d'y arriver passait par les maths, dans son expression la plus moderne, la théorie des catégories.
Ce n'est pas tout, en survolant le texte de Libera pour voir un peu où me guident mes pas, je tombe sur une dispute entre "Nominales" et "Reales" au sujet d' l'impossible .
"ThR3 : «De l’impossible rien ne suit», une réponse (des Reales) de bon sens à la surprenante règle des Nominales, également connue sous le titre de «Conséquence des Adamites» (Consequentia Adamitorum), selon laquelle «de l’impossible suit n’importe quoi», une règle dont l’exceptionnelle fortune théorique a duré jusqu’à la fin du Moyen Âge ." p. 171
Or, ce "n'importe quoi" est bel et bien ce qui, pour nous, suit le vide, d'où sa place d'objet initial...
J'ai l'impression d'un puzzle dont les pièces se mettraient peu à peu en place, pour donner sens au parcours, du point de vue qui est aujourd'hui le nôtre...
- Je ne te suis pas ?
- Nous nous étonnons de trouver l'idée d'un "vide quantique", qui donne naissance spontanément à des paires de particules contraires, mais la question que je me pose est la suivante : conditionnés, ou travaillés, comme nous le sommes, par les disputes, et les arguments échangés depuis la nuits des temps, dans notre culture, notre vision du monde est déjà, potentiellement, dans ces échanges ?
Autrement dit, notre approche du Réel, ne reste-t-elle pas toujours pré-déterminé, malgré tous nos efforts pour nous en émanciper, par une façon de pensée qui a été balisée il y a des millénaires ?
- Tu en es pour la réminiscence ?
- Pas au sens où l'on redécouvre des idées déjà formées, mais dans le sens où notre Imaginaire serait limité au potentiel déterminé par notre culture, elle-même conditionnée par notre nature d'animal, parlant etc... Et encore, en parlant de "culture" il faut rester prodent : la "fermeture" imaginaire doit se faire par paliers.
Par exemple, nous aurions tous une même façon mythique d'aborder les problèmes (la forme canonique). En ce qui concerne le concept de vide, il faudrait voir de quelle façon il se dévelioppe en occident, autour du ∅ ou en Orient autour de Mu 無...
- Bref c'est un travail d'archéologue au sens où l'entendait Foucault, mais c'est un travail de Titans !
- Oui, bien sûr, il s'agit seulement pour moi, d'en garder la perspective pour ne pas me perdre dans un labyrinthe.
Mais j'ai malgré tout un point focal : depuis des années, j'utilise en point de mire le triptyqe d'Emmy Noether : quantité conservée/ symétrie/ incertitude. Or, je le vois petit à petit émerger de considérations très archaïques.
Il y a une filiation des idées :
Je n'ai pas encore vu émerger l'incertitude, qui viendra sans doute avec l'idée de libre arbitre ? À suivre.
Mais le manque le plus criant me semble être celui d'une différence entre discret/ continu, totalement non-pensé au Moyen Âge. Je me demande quand et où la question va émerger, sans doute d'abord en mathématiques ? Mais est-ce une question philosophique, même de nos jours ? Le topos lui-même reste hors du champ philosophique...
- Tu vois bien que la messe n'est pas dite !