Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
23 Octobre 2024
Le 23/ 10/ 2024 — Ho Chi Minh ville
- Il est temps de lever le nez pour voir où nous mènent nos réflexions.
- Encore un récapitulatif ? Qu'est-ce qui t'y pousse ici et maintenant ?
- Mes réflexions autour du sentiment d'être Japonais ou Français (voir "Japon des mots et des choses") et à propos du rôle de la forme canonique dans le récit que l'on peut s'en faire (voir "Eros et Thanatos").
- Je ne vois pas le lien ?
- Reviens à la topologie de l'Imaginaire du Sujet. Dans une représentation de mode ♢, le coeur de la réflexion se situe ici :
sémantique | [⚤]♡ | [#]♡ | [♻]♡ |
syntaxe | [⚤]♢ | [#]♢ | [♻]♢ |
signifiant | [⚤]♧ | [#]♧ | [♻]♧ |
nombre | forme | quantité |
avec un bouclage des 3 modes ♧♢♡, de façon à former ce tore (voir "Comment faire tourner Suzanne dans sa cage")
Section | |
- Oui, merci pour le rappel, et donc ?
- J'ai écrit que le sentiment d'être Français me semblait plutôt un choix "éthique" c.-à-d. un passage direct 𓁝♡↓♧𓁜, quand, toujours selon le peu que j'en ai compris, le Japonais se poserait moins la question en mode ♡ — être Japonais serait "acquis"— qu'en termes d'étiquette ou de protocole, de mode syntaxique ♢.
- Oui, tu reprends tes articles, mais pour en arriver à quoi ?
- Jusqu'à présent, je développe une thèse selon laquelle Évariste Galois explose un antique carcan Platonicien, qui se résumait à :
[⚤]♡ | [♻]♡ | |
[⚤]♧ | [♻]♧ |
- Et c'est faux ?
- Non pas, mais si cette évolution, qui commence par la théorie des groupes et se poursuit avec Poincaré par la topologie, conduit à une transformation radicale de notre représentation du Monde, avec à l'horizon, mécanique quantique et relativité, elle n'entraîne pas nécessairement un progrès d'une même portée pour l'Humanité dans son ensemble.
- Je ne te suis plus ?
- Je veux dire que même si nous arrivons à mieux expliciter nos comportements, et à mieux cerner les limites de notre entendement, nous restons au niveau de la représentation, médiatisant par cette syntaxe de mode ♢ le sens même que nous donnons à notre vie en mode sémantique ♡. Il y a dans le vivant, un accord profond entre l'individu (en posture 𓁜) et son appartenance au vivant (en posture 𓁝) qui se passe de toute médiation, voire qui souffre d'être formaté par une quelconque syntaxe ♢.
- Attends une seconde : l'entrée de tout individu dans une société passe par un apprentissage...
- ... Qui est un formatage : regarde comment tous les enfants de 3 à 4 ans respirent la liberté, et combien ils se referment sur leurs schémas culturels après 5 ans. Combien ils deviennent sages et tristes...
Mais il y a plus : cette médiation par le mode ♢ dénature le sentiment que j'ai de n'être qu'un oripeau d'une force vitale qui me traverse.
- Tu en reviens à cette idée de "mue" éphémère du Kondalani ?
- Oui, et j'ai peur qu'en cherchant à mieux "me comprendre" c.-à-d. me représenter de façon cohérence, j'en oublie la "joie" de vivre, ou d'être simplement au monde, et je repense à Spinoza.
- La "joie d'être au Monde"? Je ne vois pas très bien.
- Regarde ces quelques vidéos.
Un bébé voit sa mère pour la première fois | |
Un bébé sourd entend pour la première fois | |
Un poulain découvre qu'il a de grandes pattes | |
Un éléphanteau joue avec sa trompe |
Dans tous ces cas, j'ai l'impression que du "vivant" —ou l'anima dont parle François Cheng (voir "Comment parler de l'âme avec François Cheng")— se glisse dans une "forme", tantôt humaine, tantôt animale, pour en explorer les limites, comme on investit de nouveaux locaux. La joie vient de l'adéquation entre l'anima ou "âme" et l'animus ou "corps/ esprit" qui le recueille un temps.
Et cet "accord" n'est pas "médiatisé" par le mode ♢, mais immédiat, du style 𓁝♡↓♧𓁜.
- Quel rapport avec ton sentiment d'être Français ?
- C'est précisément quelque chose que je suis incapable d'expliquer rationnellement. Comme l'éléphanteau jouant avec sa trompe, je m'amuse à "faire le Français", sans aucune "raison catégorie" à laquelle me référer pour en sentir l'évidence. Ni race, ni religion, ni classe sociale.
Et c'est là que je reviens à mon parallèle entre de Gaulle, qui a joué sa vie pour la France, et le suicide de Yuikio Mishima pour le Japon.
Lorsque de Gaulle se révolte contre ce que devient la France avec Pétain, il s'adresse à tous les Français, sans distinction aucune. D'ailleurs, Jean Moulin réussira à fédérer dans la résistance, communistes aussi bien que bourgeois, nobles ou prêtres. Nous sommes face à un choix éthique 𓁝♡↓♧𓁜 de chacun.
Lorsque Mishima tente son coup d'État (l'incident Mishima) nous sommes dans une lutte de classes, de mode ♢ :
L'un est dans un choix éthique, l'autre dans un choix esthétique.
- Et donc, tu te demandes si tout ton développement concernant la représentation de l'Imaginaire, que tu fais en mode ♢, ne reste pas qu'une distraction te détournant de réflexions plus profondes, et abordées depuis longtemps —par Platon entre autres que tu appelais à tuer il y a peu— sans tous ces développements modernes ?
- Il y a un peu de ça, effectivement... Tout au moins jusqu'à ce que je ressente ces développements syntaxiques aussi "évidents" pour moi qu'il est "évident" de voir, d'entendre, de galoper ou d'avoir une trompe.
- Ouf, nous allons donc continuer !
Le 25/ 10/ 2024 — Vung Tàu
- Ce matin je tombe sur ce conseil de Camille Pissaro à un jeune peintre, Louis le Bail:
"Ne pas procéder d'après des règles et des principes, mais peindre ce qu'on observe et ce qu'on sent. Il faut peindre généreusement et sans hésitation, car il est préférable de ne pas manquer l'impression première ressentie. Pas de timidité devant la nature!"
- Si je me réfère à ce que tu viens de dire, un bon peintre ne se préoccupe pas d’esthétique ?
- N'est-ce pas évident ?
Le 26/ 10/ 2024 — Vung Tàu :
- Trop bien pour bouger de cet hôtel Mercure, et puis Midori m'a posé une question me conduisant à revisiter mes articles de cet été :
- Et alors ?
- Il y a une cohérence entre tous ces articles, et ce que j'écris ici "d'instinct" s'emboite parfaitement dans le puzzle.
- Et c'est tout ?
- Juste cette image de la peau du Kondalani, qui se précise : il faudrait comprendre cette "peau" ou "Moi du Sujet" comme étant le "bord" de la force vitale qui nous traverse...
- Pour en revenir à la base de toute construction homotopique : "un bord n'a pas de bord" ?
- Oui, je trouve que c'est un excellent point de vue pour nous observer et nous représenter au coeur même de notre Imaginaire "moderne", en [#]♢.
- Il faudrait peut-être relire "Le moi-peau" de Didier Anzieu dans cette perceptive...
- Il y aurait tellement à faire, mon ami... Mais restons sur cette idée de "bord" au sens topologique de Poincaré :
J'en reste là pour aujourd'hui, mais tu vois bien, également l'idée quantique (i.e.: la mesure résulte d'un choix) d'une décohérence anima↓animus, liée au choix du Sujet dans les passages :
Avec le constat basique de la mort du corps, dès que tu prends conscience du temps en ☯[∃][⚤]𓁜♧.
- Autrement dit il n'y a pas plus d'instinct de mort chez le Sujet que de beurre en branche ?
- Et ben non : la mortalité de l'individu est liée à notre façon de nous représenter, comme individu ☯𓁜, en laissant de côté toute la perspective offerte par la posture duale 𓁝☯ (i.e.: partie de ☯).
Le 30/ 10/ 2024 — Nah Trang :
- Petit temps d'attente entre le check out à l'hôtel et l'avion pour Hanoi qui décolle à 16h. Comme toujours, le nez sur mon écran, je tombe sur cette scène de "I comme Icare", où Henri Verneuil nous représente l'expérience de Milgam sur l'obéissance.
- Oui, bon, c'est évident :
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La remise en cause de la syntaxe passe par celle de l'autorité qui la constitue. Il y a le meurtre symbolique du père là-dedans, et l'on comprend que cela demande une certaine énergie.
- Voilà, d'où l'idée du morcellement de la chaîne de commandement, et au point de vue thermodynamique, c'est l'histoire de la grenouille que tu fais bouillir en élevant lentement la température du bain... Le décalage entre chaque étape (niveau hiérarchique vs gradient de température) est infime et l'effort d'adaptation demandé peu coûteux, mais au final, avec le recul, et en cherchant le "sens" global de l'opération, l'effort demanderait une rupture très "coûteuse", impliquant de quitter une situation assise, pour s'échapper vers l'inconnu.
- Tu nous amuses avec tes histoires...
- Parce que tu trouves ça amusant, toi ? Passons à une autre vidéo de l'interview d'un négociateur assez connu Marwan Mery, nous expliquant de quelle façon il arrive à repérer des menteurs, et tu vas le voir, c'est assez instructif : le temps de latence avant de répondre est plus long quand tu mens. (voir le cas des diamantaires à 45 mn et suivantes".
À partir de ce récit, on peut faire l'hypothèse que le mensonge, pour être "crédible" doit nécessairement répondre à une "syntaxe", qui est proprement le cadre déterminé par le menteur, quand l'expression spontanée du Sujet qui "est dans le vrai", s'exprime hors de toute syntaxe. D'où le décalage sensible dans les temps de réponse !
- Sais-tu à quoi ça me fait penser ? À la modélisation de la situation théâtrale du phénomène d'adhérence, dont nous avait parlé Yannick Bressan (voir son article ci-joint), il y a déjà bien longtemps.
- C'était il y a 10 ans, ce que j'ai pu en dire à l'époque est à revoir complètement.
- Bien entendu, mais avec nos mots d'aujourd'hui, la situation est d'une simplicité biblique.
Tu vois le rapport maintenant?
- Oui, et le plus intéressant, c'est de suivre la signature cérébrale de changement via un IRM... Il y en aurait des choses à faire dans ce domaine !
D'ailleurs, dans le même ordre d'idées, je me demande si l'on ne pourrait pas pousser d'un poil l'expérience de "choix retardé". Ma question est la suivante : quel est le fait déclencheur qui, dans la décision de faire ou ne pas faire de mesure, va déterminer l'état du photon (i.e. : onde ou corpuscule)?
L'expérience de Wheeler, réalisée par Alain Aspect, montre que l'état d'un photon, passant par des fentes de Young, est déterminé après qu'il ait passer les fentes, par le choix de l'expérimentateur, soit, mais qu'entend-on exactement pas "choix" ?
- Décidément, tu passes toujours du coq à l'âne... Ici la syntaxe est donnée, c'est une alternative simple entre deux possibilités parfaitement déterminées, il s'agit d'un passage "syntaxe—𓁝♢↓♧𓁜— signifiant", quand tu viens de parler d'une rupture entre deux attitudes :
- Oui, tu as raison, dans le choix retardé, le "choix" ne mobilise que très peu d'énergie intellectuelle de la part de l'expérimentateur. Mais c'est en pensant à toutes les possibilités offertes par l'imagerie du cerveau, que je me demande si ça ne vaudrait pas le coup de monter une expérience mixte neurologie/ méca Q. Jusqu'où peut-on faire remonter le lien entre choix et mesure, entre l'intention et l'attention du Sujet? (Note 1)...
- Hanoï, tout le monde descend... Profite de la ville, et demain tu joueras les James Bond dans la baie d'Halong !
- Amen.
Hari
Note 1 :
- À la relecture, je me rends bien compte de la stupidité du projet : le Sujet n'a pas le temps matériel d'émettre un choix entre le moment où le photon traverse les fentes de Young et celui de la mesure sur l'écran. En l'occurrence, le "choix" doit être déterminé par un quelconque processus aléatoire, sans intervention humaine. Il faudrait transposer l'idée de la manip à une échelle de temps plus "humaine"...
- Nous sortirions alors du domaine quantique...
- C'est ça qu'il serait intéressant : mettre en évidence un effet quantique à l'échelle humaine...