Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
15 Juillet 2024
Le 15/ 07/ 2024 — Pau
- Encore une fois en roue libre ces temps-ci... Et c'est plus qu'une image, vu le nombre de kilomètres que j'avale au volant de ma voiture...
- Bref tu fais relâche... Pas de quoi en faire une histoire ni un article, non ?
- Je rumine cette idée que l'Homme peut envisager les mots comme s'il s'agissait de choses.
- Tu veux reparler de la dualité des points de vue entre l'approche d'Einstein (☯𓁝𓁜☯) et celle de Bohr (♧𓁝𓁜♡)?
- Exactement, j'en suis toujours à mon article "covariance/contravariance — une question de posture", et à cet Imaginaire polarisé suivant deux directions (voir ici):
Les choses | Les mots |
Ou plutôt, ma pensée s'évade de ce champ clos.
- Peut-on savoir à quoi tu rêves ?
- Il y a d'abord l'idée immémoriale que le Verbe est la source de tout, ainsi que le rappelle la Bible : "Au commencement était le Verbe", nous renvoyant à ce qui fait l'essence même du mode sémantique ♡, à savoir l'intention de l'auteur 𓂀 d'une pensée, se traduisant par un choix syntaxique ♢ i.e.: (𓁝[α]♡↓[α]♢𓁜)𓂀.
- Nous ne verrions, nous ne comprendrions, nous ne représenterions, que ce qui se rapporte à notre intention?
- Oui, et c'est assez facile à accepter lorsque l'on est focalisé sur les mots, dans l'attitude de Bohr ♧𓁝𓁜♡, mais la mécanique à la sauce quantique permet de faire des prédictions ainsi que des observations, concernant les objets.
- Autrement dit les mots gouverneraient les choses, tout du moins ce que l'on peut en apercevoir?
- Voilà, et c'est pour le moins perturbant. Souviens-toi de l'expérience du "choix retardé" réalisée par Alain Aspect...
- Ce qui t'avait déjà passablement donné matière à réflexion en 2021 (voir "Identité et équivalence de Morita"). Soit, mais quoi de neuf depuis lors ?
- Nous sommes arrivés, péniblement il faut bien le reconnaître, à cette dualité des 2 points de vue en partant de l'idée fondamentale que notre Imaginaire s'est développé originellement pour aider l'animal que nous sommes, à survivre dans un Monde cruel, autrement dit, nous avons apparemment progressé à partir des choses, pour ensuite retourner notre réflexion sur les mots eux-mêmes...
- Oui, ça semble raisonnable : l'Imaginaire se complexifie, poussé par la nécessité animale de survivre.
- Et si nous retournions la proposition ?
- Je ne te suis plus ?
- Si notre Imaginaire nous servait les signaux qui suffisent à notre survie, sans pour autant refléter le Monde extérieur ?
- Tu reviens à la caverne de Platon ?
- Pas tout à fait : nous sommes bien dans une caverne, mais où il n'y aurait aucun "lieu" hors de nous-mêmes, où une "vérité" se déploierait sous la lumière du Très Haut. N'oublie pas que notre objet initial est le vide (i.e.: 𓁝[∅]☯) et non l'Un Platonicien (i.e.: 𓁝[1]☯) .
- Comment t'en sortir ?
- Par un choix...
- Attends une seconde ! Je veux bien suivre Dirac et comprendre que toute mesure vient en réponse à un questionnement, je veux bien encore accepter que le choix d'Alain Aspect influe sur sa lecture des événements, mais tu expérimentes toi-même, chaque jour, le choc du Réel, qui te surprend dans ton rêve et te réveille bien souvent, voire te traumatise à l'occasion.
- Pas faux. J'ai plutôt dans l'idée que nous sommes face au problème de savoir qui de l'oeuf ou de la poule est premier: j'engendre une représentation d'un Monde qui m'a engendré, et continue de me porter chaque jour.
Nous sommes actuellement dans une société macho, mettant l'accent sur l'intention des Sujets, particulièrement en Occident, porté par un souffle ultralibéral, où la valeur ultime est l'individualisme. Ce qui nous différencie du reste des animaux, qui nous surprennent chaque jour par la qualité de l'attention qu'ils portent à leur environnement.
- Autrement dit, reconnectons-nous au Monde, dans une approche baba cool post-soixante-huitarde?
- Tu ironises un peu facilement, mais j'en reste toujours à Foucault :
"L'homme est une invention dont l'archéologie de notre pensée montre aisément la date récente. Et peut-être la fin prochaine. Car enfin, ce serait trop demander à l'homme que de vouloir qu'il reste éternellement semblable à lui-même dans la poséidonienne pérennité des choses, et qu'il accepte de se répéter indéfiniment comme un visage ineffaçable et doublé du sable." Les Mots et les Choses
Après avoir bien gratté autour de notre représentation de l'Homme pensant, j'en suis arrivé à y voir un topos, dont la topologie serait son Imaginaire (niveaux; modes), quand l'objet classifiant sur lequel il se projette serait notre Sujet (𓁝𓁜)𓂀, compris comme structure de groupe (a, a-1, e), c.-à-d. un mouvement.
- Tout ceci est déjà dans cette représentation elle-même que tu situes en [#]♢; au carrefour des deux approches.
- Je sais que c'est cohérent, mais ma question va au-delà : si les catégories du temps et de l'espace sont, comme nous l'enseignait déjà Kant, non de l'ordre des "choses" de ce Monde, mais des conditions a priori de l'entendement, autrement dit de l'ordre des "mots", quel cadre physique pourrions-nous concevoir qui nous affranchisse de ce formatage Imaginaire ?
- Difficile : toi-même, tu viens à l'instant de parler des mouvements du Sujet...
- Oui, j'en ai conscience, aussi ai-je pris le soin de situer mon discours en mode ♧, en précisant (...⏩...)𓂀♧. Il s'agit ici d'un temps narratif...
- Ton interrogation n'est pas originale. L'expérience d'Alain Aspect, le prouve, mais avant lui, Feynman avait envisagé que les antiparticules évoluent à "rebrousse temps" (voir "L'écume du temps"). En remontant à Lagrange, tu avais déjà remarqué que le concept de "temps" pose problème dès l'écriture de l'équation fondamentale de la physique (voir "Newton, Lagrange, Legendre, Hamilton, Poisson et les autres...").
- Que la question ne soit pas originale, certes, mais nous n'avons pas encore, à ma connaissance du moins, proposé de cadre approprié pour y répondre, où plutôt, à la manière de Grothendieck, pour qu'elle s'efface d'elle-même...
Le 16/ 07/ 2024
- J'ai l'impression de quelque chose qui cloche dans le développement de ton article.
- Oui, je ne sais pas pourquoi j'ai dévié sur des questions d'espace et de temps, car nous avons déjà la réponse : si en ♧, je suis obligé de me "projeter" dans un certain espace-temps narratif; en ♢ par contre, c'est le mouvement lui-même qui forme l'essence de l'Imaginaire, qu'il s'agisse du "verbe", de la quantité de mouvement (p⃗=mv⃗), d'un morphisme (•⟲) ou d'une structure de groupe (ℤ/nℤ).
- Pour la structure de groupe, je te suis moins bien?
- L'élément est repéré par sa place dans le groupe, et tu passes de l'un à l'autre, comme un enfant dans une ronde, par une action : e→a→...→ai...→an, pour revenir à ton point de départ : an=e. La danse en ♧ exprime la structure de groupe en ♢. C'est un peu la même chose que passer de l'intrication des états d'un système en ♢, à l'actualisation de l'un d'entre eux en ♧ à l'occasion d'une mesure. Non, nous avons déjà discuté de tout ceci, et à la réflexion, j'ai le sentiment d'avoir agité ces oripeaux du discours, pour cacher autre chose de plus intime.
- Vas-y, couche mon fils.
- Il y a peu, j'ai été amené à repenser au cycle "Fondation" qui a bercé mon adolescence, pour en faire une présentation rapide lors d'une rencontre Zoom avec d'anciens HEC. Le point d'orgue de la saga, si je puis dire, se situe dans le 4è tome "Fondation foudroyée", lorsque R. Daneel Olivaw, le robot survivant de l'autre saga d'Asimov, le cycle des robots, en vient à demander au naïf de service (Golan Trevize — originaire de la planète Terminus où Hari Seldon fonda la Première Fondation), de faire un "choix".
Choix très simple : l'Humanité doit-elle suivre la voie de :
Si les deux premières options sont assez faciles à identifier, pour la dernière, c'est plus délicat, car le Sujet lui-même se délite quelque peu. Son attention au Monde s'accorde à son intention; qui se résume à rechercher cet accord. Il n'est plus, ne se conçoit plus, que comme expression particulière du Monde qui le porte, accroché à lui comme un bébé au sein maternel...
- Bref, c'est la posture primordiale 𓁝[∅]☯ du Bodhisattva avant l'illumination...
- Oui, et comme tu le vois, ce retour à des pensées très anciennes me dérange quelque peu : est-ce l'aboutissement d'une évolution, après avoir pris la peine de formaliser ma démarche en balisant le parcours de métaphores mathématiques, ou bien ne fais-je que tourner en rond comme un chiot après sa queue?
- Et que pourrais-tu espérer d'autre que tourner en rond, dès lors que ta représentation de l'Imaginaire se développe à partir de [#]♢? N'est-ce pas l'essence même du bouclage ♧ ♢ ♡?
- Tu dois avoir raison : l'accord direct du sens pour moi (♡) à ce qui s'impose à moi (♧), en dehors de toute médiation intellectuelle (♢), voilà sans doute l'objectif à atteindre...
Le 17/ 07/ 2024
Ce matin, les statistiques du blog m'offrent une belle surprise : certains lecteurs sont venus déterrer cet article oublié "À propos" de janvier 2020, qui tombe fort à propos justement ! Il faudra un jour parler de sérendipité...
Le 18/ 07/ 2024
Quand je parlais hier de sérendipité : ce matin M. me met sous le nez un article sur le concept de "IKIGAI" ou "raison de vivre" 生き甲斐...
- Pas étonnant que ce concept centré sur l'épanouissement de l'individu dans la société soit d'origine japonaise...
- Oui, bon, je voulais surtout faire le parallèle avec notre dualité intention/ attention.
Il y a d'un côté :
À partir de là, tu peux ensuite organiser tout le diagramme sans trop forcer :
Je te laisse broder la suite...
- Et donc, l'Ikigai est pour toi l'accord entre l'attention et l'intention, au centre du diagramme ?
- Oui, ça fait une jolie transition avec l'idée du choix de Gaïa par Golan Trevize.
- Mouais, autrement dit la société Japonaise actuelle serait une tentative dans cette perspective?
- Limité au monde marchand, l'écologie en moins et en dehors de toute spiritualité, ce qui laisse une marge de progression...
- Dans ce cas, à quoi renverraient les deux autres options ?
- Pour la 1ère, c'est assez évident : l'individualisme matérialiste dans lequel se renferment les USA, avec en apothéose la réélection imminente de Trump; quant à la 2e, où le verbe est l'unique vérité, je te propose une république islamiste telle que rêvée par les Mollahs Iraniens.
- Pas très gai tout ça...
- Ce qui nous renvoie à notre conclusion d'avant-hier : le sens (♡) que nous donnons au Monde (♧) doit s'émanciper de toute rationalisation (♢) qui ne peut qu'en présenter des caricatures (des schémas)...
- Amen
Hari