Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
2 Janvier 2025
Le 02/ 01/ 2024 :
- Je reprends donc, en cette nouvelle année, ma lecture, et pour commencer, j'ai relu mes commentaires précédents :
- Tu as mis du temps pour y revenir !
- Effectivement, parce que j'avais complètement bloqué sur les concepts de "schéma", de "topos" et surtout de "faisceau de Leray". Ce qui m'a conduit à passer beaucoup de temps sur les démarches "homologique" et "cohomologique", en particulier.
- Tu ne vas pas tout nous refaire ici ?
- Non, disons simplement que ces détours m'ont amené à ma représentation actuelle de l'Imaginaire du Sujet, comme une surface topologique en [#]♢ et le Sujet lui-même 𓁝𓁜 se déplaçant dans cet espace, par un groupe de symétrie (avec 𓁝=𓁜-1 et 𓁝*𓁜=𓂀) en [⚤]♢. (Note 1)
À partir de mon nouveau point de vue, il y aurait bien entendu beaucoup à reprendre de mes textes, mais l'essentiel pour l'heure est de retrouver le fil du récit de A.G. À la page 62, les concepts de schéma et de faisceau, m'ont stoppé dans mes velléités d'une recension de l'ouvrage, mais j'en ai malgré poursuivi sur mon erre jusqu'à la page 330 au chapitre "l'Enfant s'amuse".
- Rien de saillant dans ce dont tu te souviens ?
- Pas mal de considérations sur le milieu des mathématiciens, mais rien qui nous intéresse directement, sinon, je l'aurais noté. Je te propose donc de reprendre ici :
VII — L'Enfant s'amuse p. 330.
L'enfant :
- Ne m'en veux pas si j'interprète à ma façon le texte de A.G. : c'est évidemment une distorsion de l'intention de l'auteur, mais mon interprétation pour peut-être "ouvrir" le texte sur d'autres perspectives...
- De quoi parle-tu ?
- Lorsqu'il écrit ceci :
"J'apprends, je mûris, je change — au point que parfois j'ai du mal à me reconnaître dans celui que j'étais et que je redécouvre, par un souvenir ou par le témoignage inattendu d'autrui. Je change, et il y a aussi quelque chose qui reste «le même ». C'était là depuis toujours, depuis ma naissance sûrement, et peut-être dès avant." p. 331.
Permets-moi d'y voir cette dualité entre le Kundalani et sa "mue", qui m'a conduit à revenir au "Moi-Peau" de Didier Anzieu, il y a tout juste un mois.
- Et donc ce "Sujet" au-delà du Moi, serait l'enfant qui "joue" à travers nous, de nous ?
- C'est une autre façon de dire la même chose, non ?
"Il me semble que j'arrive à bien le reconnaître, depuis quelques années. Je l'appelle « l'enfant ». Par cette chose, je ne suis pas meilleur en ce moment qu'en aucun autre moment de ma vie ; il était là, même si ça aurait été difficile souvent de deviner sa présence. Par cette chose aussi, je ne suis meilleur que personne, et personne n'est meilleur que moi. En certains moments ou en certaines personnes, l'enfant est plus présent." p. 331.
Et puis cette cet enfant qui joue, me renvoie à "la joie d'être au monde" dont je parlais dans "la sémantique au-delà de la syntaxe".
- OK, avance...
- En gardant cette traduction en tête, ce qu'il appelle par opposition "le patron" ou "le grand chef", se présentent comme des représentation su Sujet 𓂀, autrement dit des images du Moi 𓁝𓁜.
"Il y a le «moi», le «patron» ou le «grand chef», qu'on l'appelle comme on voudra, Sarement qu'il est indispensable, le patron, à la marche de l'entreprise. S'il y a un patron ça doit bien être pour quelque chose. Il veille à l'intendance".
Avec l'idée que la pulsion vient de l'enfant, ce qui reste cohérent avec notre Moi-peau, par ailleurs, je me retrouve assez bien dans ceci :
"Ça m'est arrivé souvent de refaire des choses connues, sachant ou me doutant qu'elles l'étaient sans m'en soucier le moins du monde. J'étais alors sur une lancée où il était plus économique, et bien plus intéressant surtout, de faire les choses à ma façon, dans l'optique où elles se présentaient à moi, que d'aller fouiller dans des livres ou articles. Je le faisais alors « dans la foulée » vers autre chose, vers quoi me portait le désir." p. 333
Il y a dans le texte la dualité entre le désir et l'attention à ce qui peut être utile, qui nous est déjà familière...
Le patron trouble-fête — ou la marmite sous pression :
Conflit entre le patron (Moi) et l'enfant (Sujet), où la pulsion, le désir, s'imposent aux freins du patron... Il est question d'une remise en cause mathématique qui a occupé AG durant 6 mois en 1981...
On re-renverse la vapeur :
À noter les phases "méditation" et "maths", se succédant par vagues, pour se focalise petit à petit en volonté de publier "sur les champs et modèles homotopiques etc.", prolongée par un projet de "Réflexions mathématiques". Le côté méditatif "choisi" par le patron 𓁜, la pulsion mathématique par l'enfant 𓂀.
- Le renversement de vapeur est donc un retour aux maths?
- Oui.
Le Guru-pas-Guru ou le cheval à 3 pattes :
Bon, une introspection intéressante, surtout pour AG lui-même, tiraillé par le désir d'enseigner tirant d'un côté —jusqu'à être Guru— et la curiosité de l'enfant toujours présente tirant d'un autre; pour en arriver à sa conclusion :
"Après ça, ça n'a pas beaucoup traîné — le cheval à trois pattes à la trappe, avec l'apôtre-poète. Le Guru-pa-Guru et Krishnamurti-qui-n'ose-dire-son-nom. Et vive les mathématiques !
On attend avec intérêt la suite des évènements..." p. 342
Nous aussi !
VIII — L'aventure solitaire
Le fruit défendu :
- Parlant du désir de l'enfant :
"Visiblement ce qui avant toute autre chose l'attire, c'est l'inconnu — c'est poursuivre dans les nébuleux replis de la nuit et amener au grand jour ce qui est inconnu, et de lui, et de tous. Et j'ai l'impression que quand j'ai ajouté "et de tous", il s'agit bien là du désir de l'enfant, et non d'une vanité du patron, qui veut épater la galerie et lui-même. C'est une chose entendue aussi que ce que le môme ramène à chaque coup de la pénombre de greniers et de caves inépuisables, cest des choses "évidentes", enfantines." (inconnu en gras dans le texte) p. 344
- Pas besoin de nous dire que tu te retrouves dans ce désir ?
- Oui, mais vois le désir de dépassement du Sujet en posture ex ante finale dans cette déclaration : (𓁝enfant[∅]☯)𓂀AG ; avec une mise en perspective intéressante de ce désir "universel", en regard de la méditation très intime celle-ci.
"Il y a une dimension dans la connaissance de soi, et dans le travail de découverte de soi, qui les distingue de toute autre connaissance et de tout autre travail. Peut-être est-ce là le "fruit défendu" de l'Arbre de Connaissance." p. 346
Bon, sur ce dernier point je t'avouerai être plus réservé...
L'aventure solitaire :
- J'ai eu un doute concernant ce que A.G. entend par "méditation", l'opposant au travail du mathématicien, qui l'abrutit, à force de le focaliser sur un point très restreint de son univers.
- À ce point ?
- Oui, au point de me tenir éveillé tard dans la nuit. J'ai l'impression qu'il ne situe pas correctement le rapport de "l'enfant" et du "patron". Pour moi l'enfant qu'il décrit est en posture ([♻]𓁝enfant𓁜[∅]☯)𓂀AG , quand le patron est évidemment le Moi, en posture ([♻]𓁝𓁜patron[∅]☯)𓂀AG , or il présente ce patron en lui, comme "donnant la permission" à l'enfant de s'exprimer et de produire... Comme si le "Moi" était l'essence même d'un Sujet qu'il découvre par la méditation... Drôle de méditation en vérité, qui m'a tout l'air d'une simple introspection, ou auto-analyse, relevant plus du domaine de la psychanalyse que d'une démarche réellement Bouddhiste, chez qui la méditation devrait à l'inverse, conduire à comprendre la vacuité de ce Moi, omniprésent chez A.G.
- Renseigne-toi sur son parcours...
- C'est ce que j'ai fait figures-toi, toujours via Perplexity.
Je te rappelle que le Zen recherche l'absence de l'ego, et encourage les pratiquants à se "libérer" des attachements matériels et des illusions, ce qui ne me semble pas probant chez A.G., aussi ai-je continué.
Comme tu le vois il s'agit plus d'une introspection que d'une "méditation".
- On est carrément plus près du Président Schreber que de Shiddartha ; or l'avant-propos de Récoltes et Semailles est daté du 30 /01/ 1986, il était déjà dedans !
- Tout à mon étonnement, j'ai continué :
- OK, mais en ce qui nous concerne, est-ce si important ?
- J'avais juste tiqué sur son positionnement relatif du Patron et de l'Enfant en lui, et je vois dans ces quelques éléments de recherche une problématique à l'oeuvre chez A.G. :
- Tu t'intéresses à Grothendieck ou à son oeuvre ?
- Tu as raison il y a un génie-enfant enfermé dans une lampe à huile fissurée, et c'est cette lumière échappée de la fêlure qui nous intéresse. Il faudra malgré tout rester vigilants lorsque A.G. fera référence à des concepts Bouddhistes comme le Yin/ Yang...
- Dont acte, mais poursuivons.
Le 03/ 12/ 2024 :
- Je reprends donc ma lecture, mais j'ai du mal à suivre A.G. :
"Je me suis interrogé sur le sens de cette persistance opiniâtre de la passion mathématique dans ma vie. Quand je la suis, elle n'emplit pas vraiment ma vie. Elle donne des joies, et elle donne des satisfactions, mais elle n'est pas de nature par elle-même à donner un véritable épanouissement, une plénitude. Comme toute activité purement intellectuelle, l'activité mathématique intense et de longue haleine a un effet plutôt abrutissant. Je le constate chez autrui, et surtout chez moi-même chaque fois que je m'y adonne à nouveau. Cette activité est si fragmentaire, elle ne met en œuvre qu'une partie si infime de nos facultés d'intuition, de sensibilité, que celles-ci s'émoussent à force de ne pas servir. Pendant longtemps je ne m'en étais pas rendu compte, et visiblement la plupart de mes collègues ne s'en rendent pas plus compte que moi dans le temps. C'est depuis que je médite seulement, il me semble, que je suis devenu attentif à cette chose-là. Pour peu qu'on y prête attention, elle crève les yeux — les maths à grosses doses épaississent." p. 348
Il y a là, me semble-t-il une contradiction avec l'activité de l'enfant, débordant de curiosité et cherchant les choses simples, "évidentes", derrière les complications mathématiques. Sans avoir la pratique d'un matheux, certes, je trouve dans cette activité une recherche de principes fondamentaux, une fois dépassé le travail de terrassier dont parle A.G., qui est une autre voie que la méditation, pour aller au-delà de l'individu, dans une recherche d'universalité... Il y a cette opposition :
"La mathématique est une aventure collective...
La méditation est une aventure solitaire... La connaissance qui naît du travail de méditation est une connaissance "solitaire", qui ne peut être partagée, encore moins communiquée... C'est un travail, une connaissance qui vont à contre-courant des consensus les plus invétérés, ils inquiètent tous et chacun. ... S'il y a l'ombre d'un souci d'une approbation par quiconque, d'une confirmation, d'un encouragement, il n'y a pas de travail de méditation et de découverte de soi." p. 351.
Qui penserait spontanément à parler de méditation en rapport avec l'approbation ou non de l'Autre ? A.G. n'a de cesse de se positionner vis à vis des "autres" dans le domaine mathématiques, et je vois dans cette "méditation", une tentative pour échapper au regard de l'autre... La méditation comme défense...
"Cette approbation, cet encouragement sont parmi les plus puissants incitatifs, qui font que le "patron" (pour reprendre cette image) donne le feu vert sans réserve pour que le môme s'en donne à coeur joie;" p 351
Bon, je n'insiste pas, sinon ça va tourner à l'analyse de comptoir...
Don et accueil :
"Le sens le lus immédiat de ce travail a été celui d'un dialogue avec moi-même, d'une méditation donc. Pourtant le fait que cette méditation là est destinée à être publiée..." p. 352
On n'est plus dans la méditation au sens Zen du terme, mais de la méditation, au sens de Pascal ou de Descartes, avec à la clef une illumination à révéler au monde (le don), et toujours ce rapport aux autres (l'inquiétude de son accueil), alors que quelques lignes plus haut, il était question d'une incommunicabilité...
Le constat d'une division :
Il revient sur la division enfant/ patron. RAS.
Le poids d'un passé :
Je crois qu'il a véritablement une difficulté à voir que le patron n'est qu'une projection de l'enfant lorsqu'il écrit ceci :
"Dans ce désir, certes, le désir d'agrandir ma personne à travers mes œuvres n'est pas absent. Par cet aspect, je retrouve la fringale de «croissance», d'agrandissement, qui est une des caractéristiques du moi, du « patron » ; c'est là son aspect envahissant et, à la limite, destructeur (44). Pourtant, je me rends compte aussi que le désir d'augmenter le nombre de choses qui (pour un temps court ou long) porteront plus ou moins mon nom, est loin d'épuiser, de recouvrir ce désir ou cette force plus vaste, qui me pousse à vouloir contribuer à agrandir un patrimoine commun. Il me semble qu'un tel désir pourrait trouver satisfaction (sinon «dans mon entreprise», où le patron reste assez envahissant, du moins chez un mathématicien d'une plus grande maturité) alors que le rôle de sa propre personne resterait anonyme. Ce serait peut-être là une forme «sublimée» de la tendance à l'agrandissement du moi, par identification avec une chose qui le dépasse." p. 363
Ensuite, nous revenons à sa frustration de prof, sous-employé, peinant à intéresser ses élèves et n'arrivant plus à trouver de relais auprès du milieu mathématique où il est "passé de mode".
Bref, Grothendieck termine ce premier tome (hormis les 300 pages de notes qui suivent) sur une vision pleine de promesses :
"J'ai entrevu en ces dernières dix années des choses mystérieuses et d'une grande beauté, dans le monde des choses mathématiques. Ces choses ne me sont pas personnelles, elles sont faites pour être communiquées — le sens même de les avoir entrevues, ainsi je le sens, c'est de les communiquer, pour être reprises, comprises, assimilées..." p. 363
J'ai hâte !
Hari
Note 1 :
- Ce qui conduit à l'idée que le Sujet 𓂀 peut être défini par un topos en [♻]♢, représentable par des schémas de type [⚤]♢←[#]♢.
À noter qu'à partir de maintenant je place
pour les raisons développées ici dans l'article "Covariance - Contravariance"