Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
13 Juillet 2023
- Bon, il serait temps de nous organiser un peu pour avancer dans cette lecture.
- Commence par nous donner le sommaire du premier tome;
- Soit. A.G. démarre par un prélude en 4 parties :
« PRÉSENTATION DES THÈMES OU PRÉLUDE EN QUATRE MOUVEMENTS »
Dans mes deux premiers articles (#01 et #02), j'ai papillonné un peu entre les deux premiers thèmes. Nous allons maintenant aller dans le détail du point 2.
Promenade à travers une oeuvre ou l'enfant et la mère
- Je ne reviens pas sur les 3 premiers items, commentés précédemment (concernant le particulier l'acte créatif, l'élaboration des mythes et la solitude ou opposition au milieu ambiant).
Le tableau de moeurs :
J'avais avancé en Note 1 de l'article #02 que l'oeuvre mathématique de A.G. comme produit (au sens mythique) de sa solitude, voire son opposition à son milieu mathématique :
"Son rejet de tout lien♢ avec la communauté mathématique va donner sa théorie⚤♧ ou discours⚤♧ sur les topos, comme l'or philosophale d'un travail mathématique."
il s'avère, beaucoup plus prosaïquement que "Récoltes et Semailles" est également un produit dérivé de son attitude générale d'opposition, allant jusqu'au ressentiment.
- Automatisme de répétition ?
- En tout les cas ça pose question.
Les héritiers et le bâtisseur
- Je ne sais pourquoi, en lisant sa métaphore de la maison, avec d'un côté les héritiers qui entretiennent plus ou moins le patrimoine et de l'autre les bâtisseurs (et lui en premier) je repensais à l'art de la mémoire et à mon ami Luiggi qui m'en parlait en préparant sa thèse sur Dante.
- Il me vient une autre idée : cette façon de juger les héritiers par ce qu'ils produisent, me fait penser à la parabole des talents, avec le mauvais fils dilapidant son talent, le fils médiocre qui ne fait qu'entretenir l'héritage et le bon fils, qui le fait fructifier...
- Un relent de protestantisme allemand ?
- Va savoir, en tout cas un besoin certain de classer et étiqueter les gens pour les juger.
Point de vue et vision
- Tout s'éclaire lorsque l'on adopte le bon point de vue, voilà qui devrait te plaire, non ?
- Oui, bien entendu puisque c'est tout le sens de ma démarche, et c'est dans l'espoir que A.G. pourra me servir de guide en la matière que je lis son livre.
La « grande idée » — ou les arbres et la forêt
- Bon, on ne va pas se mentir, ce qu'il dit est pour moi évident, parce que c'est ce que je ressens à mon humble niveau, en suivant ma propre voie.
- Mais encore ?
- Déjà une opposition entre le travail de cantonnier 𓁜 qui dégage le chemin, et le "somnambule" 𓁝 qui avance sûrement sur un chemin a peine esquissé. Ensuite ce constat remarquable :
«Quant à exprimer une grande idée, «la dire» donc, c’est là, le plus souvent, une chose presque aussi délicate que sa conception même et sa lente gestation dans celui qui l’a conçue — ou pour mieux dire, ce laborieux travail de gestation et de formation n’est autre justement que celui qui «exprime» l’idée : le travail qui consiste à la dégager patiemment, jour après jour, des voiles de brumes qui l’entourent à sa naissance, pour arriver peu à peu à lui donner forme tangible, en un tableau qui s’enrichit, s’affermit et s’affine au fil des semaines, des mois et des années.» p. 53
Trouver sous la plume de A.G. que le discours est in fine une "expression" de l'auteur (𓁝/𓁜)⇅𓂀♧, me conforte plus que je ne saurais dire dans ma propre démarche : pour avoir le "bon point de vue", l'auteur doit être le plus transparent que possible à lui-même...
- Nous revenons à Descartes, voire à l'injonction de Socrate "connais-toi toi-même".
- Certes, mais nous avons ici le témoignage contemporain de l'auteur d'une oeuvre exceptionnelle par son ampleur et sa fécondité, dans un domaine de pensée pure, les mathématiques.
Le 21/ 07/ 2023 :
- J'ai délaissé A.G. pendant une semaine, obnubilé par ce schéma (ψ) de l'article "Form & Function #8" qui représente à mes yeux les différents mouvements du Sujet associés au travail de Galois sur les groupes. Il y a fort longtemps que j'ai ressenti l'importance de cette étape décisive dans la constitution de notre Imaginaire contemporain, et tu pourras voir les article écrits depuis deux mois :
Comme autant de répliques d'un séisme intellectuel personnel m'obligeant à stabiliser mes propres pensées, telles des plaques tectoniques cherchant leur place dans un processus de subduction.
- Tu verses dans la littérature ?
- Désolé de ma maladresse dans l'exercice, mais oui, mes articles ne relatent pas une petite discussion au coin du feu, mais un exercice de remodelage de ma propre pensée, et en cela je suis dans les pas de bien d'autres avant moi. Autant essayer de faire un effort de présentation du bébé... D'ailleurs le terme de "subduction" me semble approprié, car dans l'exercice, il est tout aussi important de comprendre ce qu'il faut abandonner (ou forclore), que de s'accoutumer à ce qui apparaît à la surface.
- Et ça va mieux ? As-tu retrouvé ton calme après ce séisme ?
- J'avoue avoir quelques raideurs intellectuelles, sans doute dues à l'âge, à preuve les nombreuses erreurs que je fais encore, et m'obligent sans cesse à reprendre et corriger mes écrits. D'où ma lenteur, mes allers-retours, mes digressions etc...
- Heureusement que ce n'est pas un travail universitaire !
- Ce serait plutôt une auto-analyse...
- Et les maths ?
- C'est le terrain neutre par excellence, où les mouvements du Sujet trouvent sans doute leur expression la plus pure.
- Autrement dit tu expérimentes en ce moment ce que rapporte A.G. du travail du mathématicien : "... ce laborieux travail de gestation et de formation n’est autre justement que celui qui «exprime» l’idée."
- Oui, j'ai relu le début de cet article avant d'enchaîner, et la synchronicité ne m'a pas échappé.
La vision — ou douze thèmes pour une harmonie
- A.G. présente douze thèmes, qu'il précise en note, sous forme d'une arborescence à partir d'une idée maîtresse autour de laquelle il tourne sans jamais l'étiqueter d'un nom :
"Cette vision n’a commencé à émerger des brumes, à faire apparaître des contours reconnaissables, que vers les années 1957, 1958 — des années de gestation intense 27. Chose étrange peut-être, cette vision était pour moi si proche, si « évidente », que, jusqu’à il y a un an encore28, je n’avais songé à lui donner un nom. (Moi dont une des passions pourtant a été de constamment nommer les choses qui se découvrent à moi, comme un premier moyen de les appréhender…)"
note 28 : Je songe pour la première fois à donner un nom à cette vision dans la réflexion du 4 décembre 1984, dans la sous-note n° 136 à la note "Yin le Serviteur (2) — ou la générosité" ReS III p. 637" p. 53
Et je trouve ceci extrêmement significatif.
- En quoi ?
- Quatre choses :
Enfin, je ne peux résister à une dernière facilité à la lecture du paragraphe final :
« Chose étrange encore, pour m’amener à «poser» enfin et à refaire connaissance avec cette œuvre à demi oubliée, ou pour songer seulement à donner un nom à la vision qui en a été l’âme, il aura fallu que je me trouve confronté soudain à la réalité d’un Enterrement aux gigantesques proportions : à l’enterrement, par le silence et par la dérision, et de la vision, et de l’ouvrier en qui elle était née… » p.54
- Tu fais référence à ton article "Statistiques et cannibalisme" ?
- Et pourquoi pas ? C'est par le sacrifice de cette oeuvre sur l'autel des mathématique, ou sa disparition aux yeux de ses pairs, qu'il renoue les liens qui l'unissent à elle. Bref, il y a du sacrifice dans l'air...
Forme et structure — ou la voie des choses
- Ce diptyque "Forme & structure" me renvoie immédiatement à cet autre, de Sanders Mac Lane "Form & function". Il serait intéressant de voir comment l'on passe de la structure (plus statique) à la fonction (plus dynamique) comme l'on passerait de la théorie des ensembles à celle des catégories...
- Tu surdétermines le discours, reviens au texte.
- A.G. entreprend d'expliciter un peu les "grandes idées" auxquelles il fait référence, à l'adresse des non matheux.
- Ça tombe bien !
- Oui, bon, suivons-le donc :
«Traditionnellement, on distingue trois types de «qualités» ou d’«aspects» des choses de l’Univers, qui soient objet de la réflexion mathématique : ce sont
On peut aussi les appeler l’aspect «arithmétique», l’aspect «métrique» (ou «analytique»), et l’aspect «géométrique» des choses.» p. 55
Avoue qu'il est facile d'y retrouver nos 3 niveaux :
- Effectivement, on ne pourrait trouver meilleure concordance, à ceci près que A.G. situe la métrique entre l'arithmétique et la géométrie, et non comme toi en surplomb.
- À mon sens, cela correspond à un soucis de symétrie entre arithmétique et géométrie, puisque la mesure lie les deux. Cependant, comment A.G., pour qui le topos est le lit commun du discret et du continu, pourrait-il envisager de créer ce lit sans une idée a priori de la taille de chacun des partenaires ? De même, et pour la même raison, comment exprimer une "mesure" en termes arithmétiques, sans une idée préalable de entité géométrique qu'elle caractérise ? C'est ce qui ressort de la leçon Socrate donnée à l'esclave de Menon (voir "Le Ménon suite"). D'ailleurs, s'il fallait encore y insister, l'appréhension de la mesure, comme du volume, vient tardivement dans le développement de l'enfant. J'en reste donc à mon étagement [⚤][#][♲]...
Il utilise cet triptyque pour classer les mathématiciens selon leur tempérament, renforçant ainsi le lien entre le domaine mathématique et le niveau Imaginaire associé. Ce qui lui sert de transition pour revenir à son expérience :
«Que je sois entré dans la mathématique par le «biais» de l’analyse m’apparaît comme dû, non pas à mon tempérament particulier, mais à ce qu’on peut appeler une «circonstance fortuite» : c’est que la lacune la plus énorme, pour mon esprit épris de généralité et de rigueur, dans l’enseignement qui m’était proposé au lycée comme à l’université, se trouvait concerner l’aspect «métrique» ou «analytique» des choses.
L’année 1955 marque un tournant crucial dans mon travail mathématique : celui du passage de l’«analyse» à la «géométrie». Je me rappelle encore de cette impression saisissante (toute subjective certes), comme si je quittais des steppes arides et revêches, pour me retrouver soudain dans une sorte de «pays promis» aux richesses luxuriantes, se multipliant à l’infini partout où il plaît à la main de se poser, pour cueillir ou pour fouiller… Et cette impression de richesse accablante, au-delà de toute mesure, n’a fait que se confirmer et s’approfondir au cours des ans, jusqu’à aujourd’hui même.» p. 56
C'est très remarquable ce passage de l'analyse♲ à la géométrie#, avec en point de mire la volonté de nommer⚤ les concepts, à partir d'un principe initial∅ Yin. Il nous présente ainsi une vue d'ensemble, a posteriori et globale de sa démarche comme un processus S↓; faisant pendant à l'énorme travail accompli pour décanter cette reconstitution, dans un processus S↑. On peut voir cette promenade à laquelle il nous invite comme une prise de conscience ↓↑ qui le surprend :
« Sans l’avoir prévu, cet « avant-propos » a fini, de fil en aiguille, par devenir une sorte de présentation en règle de mon œuvre, à l’intention (surtout) du lecteur non mathématicien. » p. 55
- Oui, bon, tu nous ressors l'une de tes rengaines favorites, mais si tu poursuivais ?
- C'est là qu'il passe de son intérêt pour la forme à la structure sous-jacente, ce que je ne peux m'empêcher de comprendre comme le passage du mode ♧ aux modes supérieurs ♢ et ♡.
- Je n'ai pas l'impression que ce soit ce dont il parle. Tu viens de faire référence au Ménon, et j'ai bien l'impression que A.G. soit exactement sur les mêmes brisées que Socrate, et nous parle de "réminiscence" lui aussi :
«La structure d’une chose n’est nullement une chose que nous puissions «inventer». Nous pouvons seulement la mettre à jour patiemment, humblement en faire connaissance, la «découvrir». S’il y a inventivité dans ce travail, et s’il nous arrive de faire œuvre de forgeron ou d’infatigable bâtisseur, ce n’est nullement pour «façonner», ou pour «bâtir», des «structures». Celles-ci ne nous ont nullement attendues pour être, et pour être exactement ce qu’elles sont ! Mais c’est pour exprimer, le plus fidèlement que nous le pouvons, ces choses que nous sommes en train de découvrir et de sonder, et cette structure réticente à se livrer, que nous essayons à tâtons, et par un langage encore balbutiant peut-être, à cerner. Ainsi sommes-nous amenés à constamment «inventer» le langage apte à exprimer de plus en plus finement la structure intime de la chose mathématique, et à «construire» à l’aide de ce langage, au fur et à mesure et de toutes pièces, les «théories» qui sont censées rendre compte de ce qui a été appréhendé et vu. Il y a là un mouvement de va-et-vient continuel, ininterrompu, entre l’appréhension des choses, et l’expression de ce qui est appréhendé, par un langage qui s’affine et se re-crée au fil du travail, sous la constante pression du besoin immédiat.» (les mots en gras sont dans le texte) p. 58
(α)- À ce moment du texte, je dois marquer un point de divergence très fondamental entre A.G. et moi....
- Très sincèrement, tout le monde se fout de ton avis, quand on sait à qui tu t'opposes.
- Certes, aussi dois-je te montrer en quoi ce qu'il dit ici est en contradiction totale, avec ce que l'on entrevoit de la théorie qu'il introduit par ce propos. Je vais prendre le temps de te le démontrer en détail.
1/ "Nous n'inventons pas, nous redécouvrons" :
Comme je l'ai écrit plus haut, nous sommes ici avec Socrate faisant dire à l'esclave de Ménon que le carré de 4 n'est pas 8 mais 16. Ceci conduira Platon à distinguer un "domaine des idées", que je situe en [♲], avec comme entrée Imaginaire collée au Symbolique ☯, non pas notre "∅", mais un principe unitaire "1". je ne te déroule pas tout le film : j'en ai suffisamment parlé au fil de ce blog. (Note 1)
Or, deux choses :
- Pourtant j'ai le sentiment que son discours sonne juste.
- Oui, il y a de la diaphonie dans l'air :
Ce qui est constant, c'est l'aspect bricolage de la recherche : nous avançons vers de nouveaux territoires avec les chaussures dont nous disposons. L'action conduit à des objets nouveaux, bricolés avec d'autres objets déjà là. De ce point de vue, hérité de Lévi-Strauss, ce qui est constant, c'est notre façon d'être par rapport au Monde, ça ne veut pas dire que les objets que nous "découvrons" soient "déjà là". On peut faire remonter les techniques de polissage d'un miroir de télescope jusqu'à l'âge de la pierre polie, mais cela ne veut pas dire que le miroir était "déjà là", dans la pierre polie...
Ce qui est "déjà là" ce n'est pas le monde des idées platonicien, mais la façon de former ces idées. Ce qui est constant, c'est le mouvement et non le produit de ce mouvement.
À mon sens, cette confusion entre le mouvement et le produit du mouvement, se retrouve dans le fait qu'ils puissent être tous deux "objets" du discours, d'où le sentiment de diaphonie à la lecture de A.G. Il dit vrai et faux selon ce que l'on entend par objet de discours. Et c'est là que la théorie des catégories nous permet de clarifier les choses :
De là, nous pouvons avancer d'un pas :
Il y a donc une antinomie à dire que l'on "découvre ce qui est déjà là" dans l'Univers quand, à s'en rapprocher, notre Imaginaire s'ouvre progressivement à l'inconnu :
2/ L'appréhension des choses et l'expression de ce qui est appréhendé :
Oui, lorsque mon chien appréhende un canard ☯[∃]𓁜, il se met à l'arrêt et pointe vers lui pour s'exprimer [⚤]𓁜. Nous avons nous aussi un passé de chasseur, et avons développé notre langage pour chasser en groupe, mais il s'agit ici d'une confrontation au Réel, en posture ex post 𓁜 (Processus S↑ immanent ou 1e entendement de Spinoza);
Mais ceci n'a rien à voir avec un concept appréhendé dans le retournement 𓁝[∅]☯⏩[♲]𓁜 d'où nous partons pour en parler ensuite en [⚤]𓁜, et les mots pour s'exprimer alors n'ont aucun rapport au Réel (Processus S↓, transcendent ou 2e entendement de Spinoza).
3/ Ainsi sommes-nous amenés à constamment «inventer» le langage apte à exprimer de plus en plus finement la structure intime de la chose mathématique, et à «construire» à l’aide de ce langage, au fur et à mesure et de toutes pièces, les «théories» qui sont censées rendre compte de ce qui a été appréhendé et vu.
Si le maniement du langage révèle sa structure intime, que ce soit en mathématique on en linguistique, ce qui est une préoccupation de mode ♡, et si cette structure est stable, autrement dit si la syntaxe est définissable, elle tient au regard que lui porte le Sujet 𓁜, et non une quelconque réalité du référé du mot employé. J'en reste à Lacan pour qui le Réel subvertit l'Imaginaire, et à Bohr pour qui la physique traite de la cohérence de ce qui est dit du Réel ("de subiecto"), et non du Réel en lui-même ("in subiecto") (Note 1).
- Un exemple s'il te plait.
- Pense au concept de "i" défini par i2=-1. Le nom même de "imaginaire" parle de lui-même. "i" n'est pas inventé pour désigner une chose du domaine de l'expérience "réelle" en mode objectif ♧, mais pour pallier à un "manque", un questionnement de mode ♡.
- Nous en revenons à l'art du kintsugi, dont tu nous as déjà parlé dans l'article précédent (cf. (a) de #02) ?
- Exactement : le mot "i" vient boucher un trou dans la pensée, comme l'or du kintzugi s'insinue dans une fracture de la porcelaine.
Cette bouillie est d'autant plus incompréhensible chez A.G. qu'il connaît mieux que personne la possibilité de définir un "objet" de discours à partir de ses vides ((cf. 2/ de "Réflexions #9").
- Bref : il reste indécrotablement Platonicien, malgré son incursion en territoire Taoïste ?
- Et bien oui, il nous parle 𓁝/Yin tout en restant bloqué Yang/𓁜, alors même qu'il a vécu l'incessant "mouvement de va-et-vient", principe même du Yi King, ou livre des mutations !
- Allez, tu en meure d'envie : replace-nous ta citation de Lao Tseu, c'est le moment où jamais. (voir "Lao Tseu dans un miroir").
- Puisque tu insistes :
"Trente rais se réunissent autour d’un moyeu. C’est de son vide que dépend l’usage du char.
On pétrit de la terre glaise pour faire des vases. C'est de son vide que dépend l'usage des vases.
On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison. C'est de leur vide que dépend l'usage de la maison.
C'est pourquoi l'utilité vient de l'être, l'usage vient du non-être." (Tao Te King)
Il faut donc s'attendre à des embarras, sinon des distorsions, entre une théorie mathématique par nécessité interne Orientale et une réflexion sur celle-ci, restée néo-platonicienne; à nous de les relever.
4/ exprimer de plus en plus finement la structure intime de la chose mathématique.
Cette idée de "plus en plus finement" renvoie à ce que nous avons vu sur le schéma (ψ) dans l'article "Form & Function #8" : nous sommes en [⚤]𓁜♢ où la répétition s'exprime avec le connecteur ET ⋂., ce qui reste cohérent avec tout ce que nous avons vu précédemment.
5/ Concernant le "blocage" Yang/𓁜 dont je parlais à l'instant, cette remarque me renvoie au début du paragraphe, lorsque A.G. évoque la postérité de son oeuvre :
« Faute de pouvoir faire appel à un langage tant soit peu technique, je ne pourrai sans doute que faire passer une image d’un flou extrême (si tant est que quelque chose veuille bien «passer» en effet…) »
il y a attache cette note 29 très révélatrice de son état d'esprit :
"Note 29. Que cette image doive rester "floue" n'impêche nullement que cette image ne soit fidèle [...] Aussi, si tu accroches à ce que je vois à dire sur mon oeuvre (et sûrement alors quelque chose de l'image en moi "passera" bel et bien), tu pourras te flatter d'avoir mieux saisi ce qui fait l'essentiel dans mon oeuvre, qu'aucun peut-être de mes savants collègues!" p. 55
- Comme dit l'autre "in cauda venenum".
- Oui, certes, mais tu vois bien que malgré un appel au Yin féminin et généreux, abordé 𓁝[∅]☯, il se retrouve immédiatement en posture [♲]𓁝𓁜[∅] pour distiller son savoir, soit dans la posture de l'universitaire (cf. a2 des "4 discours") avec le bon peuple, soit dans celle du maître (cf. a1). Cependant, si A. G. revendique la posture du maître [♲]𓁜, ses pairs ne se reconnaissent pas dans la posture 𓁝[♲] qu'il leur assigne, d'où un sentiment d'amertume, qui transparaît dans l'idée de l'enterrement de son oeuvre par la communauté mathématique (Note 2)
- Tu as évoqué l'idée d'acte sacrificiel à propos de cet enterrement, non ?
"... il aura fallu que je me trouve confronté soudain à la réalité d’un Enterrement aux gigantesques proportions : à l’enterrement, par le silence et par la dérision, et de la vision, et de l’ouvrier en qui elle était née…" p.54 (voir ci-dessus)
- Effectivement : cet enterrement le porte à une réflexion sur ses liens avec son oeuvre, autrement dit une montée ♧↑♢. Nous pouvons constater ici, dans le texte même, que cette montée induit un changement de discours : il passe de celui du maître tourné vers ses pairs, en mode ♧, à celui d'universitaire s'adressant à un public plus large, en mode ♢ :
"... tu pourras te flatter d'avoir mieux saisi ce qui fait l'essentiel dans mon oeuvre"
- Bon, OK, mais avance un peu : tu perds un temps fou sur cette soixantaine de pages de présentation, alors que A.G. n'a encore rien dit de sa théorie.
- Mon ami, au rugby, il faut toujours plaquer l'adversaire au début de sa course, surtout quand tu es sûr qu'il va te laisser sur place dès que lancé. Si je laisse A.G. partir comme il le fait sans réagir immédiatement, il va me scotché par l'ampleur de ses connaissances et, sidéré par son génie, je risque d'en oublier mes fondamentaux.
Le 23/ 07/ 2023 :
La géométrie nouvelle — ou les épousailles du nombre et de la grandeur
- Je te disais tantôt craindre fort d'être scotché sur place dès que A.G. commencerait à parler de mathématiques, et bien c'est plus que cela : il me confirme en quelques lignes que je suis sur la bonne voie; et là je cite :
« On peut dire que
Ainsi,
Pendant longtemps d’ailleurs, il n’y avait pas vraiment «divorce», entre deux géométries qui auraient été d’espèce différente, l’une discrète, l’autre continue. Plutôt, il y avait deux points de vue différents dans l’investigation des mêmes figures géométriques : l’un mettant l’accent sur les propriétés «discrètes» (et notamment, les propriétés numériques et combinatoires), l’autre sur les propriétés «continues» (telles que la position dans l’espace ambiant, ou la «grandeur» mesurée en terme de distances mutuelles de ses points, etc.).» p. 60
- Oui, bon, tu retrouves là ce que tu avais déjà repéré plus haut (voir ici).
- Sans doute, mais c'est par là qu'il commence la présentation de son travail pour une "géométrie nouvelle". Mieux, lis sa note 33 :
"Note 33 : À vrai dire, traditionnellement c'est l'aspect "continu" qui était au centre de l'attention du géomètre, alors que les propriétés de nature "discrète", et notamment les propriétés numériques et combinatoires, étaient passées sous silence ou traitées par dessus la jambe. C'est avec émerveillement que j'ai découvert, il y a une dizaine d'années, la richesse de la théorie combinatoire de l'icosaèdre, alors que ce thème n'est pas même effleuré (et probablement, pas même vu) dans le classique livre de Klein sur l'icosaèdre. Je vois un autre signe frappant de cette négligence (deux fois millénaire) des géomètres vis-à-vis des structures discrètes qui s'introduit spontanément en géométrie : c'est que la notion de groupe (de symétries, notamment) ne soit apparue qu'au siècle dernier, et que de plus, elle ai été d'abord introduite (par Évariste Galois) dans un contexte qui n'était pas considéré comme ressortant de la "géométrie". Il est vrai que de nos jours encore, nombreux sont les algébristes qui n'ont toujours pas compris que la théorie de Galois est bien, dans son essence une vision "géométrique", venant renouveler notre compréhension des phénomènes dits arithmétiques." p. 60
Il note bien la place essentielle d'Évariste Galois dans l'évolution des idées.
- Seul bémol, il n'y voit pas comme toi une rupture épistémologique, transformant carrément notre Imaginaire.
- Effectivement : il parle de "négligence deux fois millénaires" quant il n'y avait tout simplement pas de possibilité de faire le lien, mais je relie ce manque de perspective à son tempérament. Comme il a l'impression d'avoir tout réinventé seul :
«Sûrement, pour plus d’un des volets de cette géométrie nouvelle (si ce n’est pour tous), personne, la veille encore du jour où il est apparu, n’y aurait songé — l’ouvrier lui-même pas plus que les autres.» p. 59
il considère comme "négligence" que d'autres ne l'aient pas précédé...
- Et donc, cela te conforte dans l'idée qu'Évariste Galois introduit une nouvelle épistémè, en éclatant le cadre platonicien de l'Occident Chrétien ?
- Exactement. Nous avions un cadre de penser limité à :
[1]♡ | [⚤]♡ | [♲]♡ | [1]☯ |
☯[1]♧ | [⚤]♧ | [♲]♧ | [1] |
Après introduction de la théorie des groupes, le niveau "géométrique" [#] se détache complètement du niveau [♲] (celui des idées de Platon, avec ces solides, en particulier), puis avec la topologie qui se développe ensuite, le mode ♢ va se détacher de ♡ pour se situer entre ♧ et ♡. Ensuite viendront les concepts d'objet initial et final, qui achèveront de détrôner le [1] Platonicien.
[∃]♡ | [⚤]♡ | [#]♡ | [♲]♡ | [∅]☯ |
[∃]♢ | [⚤]♢ | [#]♢ | [♲]♢ | [∅] |
☯[∃]♧ | [⚤]♧ | [#]♧ | [♲]♧ | [∅] |
En résumé, je vois une révolution Galoisienne de l'ordre ancien, là où A.G. voit une "négligence" dans anciens.
- L'essentiel est néanmoins d'avoir identifié correctement le point de bascule.
- Oui, et de ce point de vue, cette introduction de A.G. me rassure pleinement.
- Profite de cette pause, car je suis largué dès le paragraphe suivant !
- Oui, et cela ne s'arrange pas en allant fouiller sur Wikipédia. La meilleure solution est peut-être de rester cantonné à la place de naïf que A.G. nous assigne et d'essayer d'avancer au rythme qu'il nous impose. Je ne vais donc pas tenter de comprendre les conjectures de Weil, ni ce qu'est un schéma, avant que A.G. ne nous en donne une explication à hauteur de notre regard. Il y a un moment où il faut se laisser porter, et c'est maintenant.
"C’est à la fin du siècle dernier qu’un divorce est apparu, avec l’apparition et le développement de ce qu’on a appelé parfois la «géométrie (algébrique) abstraite». Grosso modo, celle-ci a consisté à introduire, pour chaque nombre premier p, une géométrie (algébrique) «de caractéristique p», calquée sur le modèle (continu) de la géométrie (algébrique) héritée des siècles précédents, mais dans un contexte pourtant, qui apparaissait comme irréductiblement «discontinu», «discret»." p. 60
Je fais quoi ? Je creuse ou je continue ? Instinctivement, à cette lecture, j'ai deux images : celle d'un champ de vecteurs projeté sur sa base, et Cantor qui associe à un infini, un nombre (par exemple ℵ1 pour ℝ, ℵ2 pour ℝ2 etc.)
- Il faudrait malgré tout un indice quelconque, tu es complètement dans le brouillard.
- Petit parcourt à l'aveugle dans Wikipédia,. Je tombe rapidement sur "fonction Zeta locale", où je retrouve le nom de Weill, en lien avec l'hypothèse de Riemann. Je n'y comprends rien, et j'abandonne avant de m'y perdre, pour suivre A.G.
«Ces nouveaux objets géométriques ont pris une importance croissante depuis les débuts du siècle, et ceci, tout particulièrement, en vue de leurs relations étroites avec l’arithmétique, la science par excellence de la structure discrète. Il semblerait que ce soit une des idées directrices dans l’œuvre d’André Weil, peut-être même la principale idée-force (restée plus ou moins tacite dans son œuvre écrite, comme il se doit), que «la» géométrie (algébrique), et tout particulièrement les géométries «discrètes» associées aux différents nombres premiers, devaient fournir la clef pour un renouvellement de vaste envergure de l’arithmétique. C’est dans cet esprit qu’il a dégagé, en 1949, les célèbres «conjectures de Weil». » p. 61
Bon, c'est le point de départ, poursuivons :
«On peut considérer que la géométrie nouvelle est, avant toute autre chose, une synthèse entre ces deux mondes, jusque-là mitoyens et étroitement solidaires, mais pourtant séparés :
Dans la vision nouvelle, ces deux mondes jadis séparés n’en forment plus qu’un seul.»
- À mon sens, nous parlons ici des deux niveaux [⚤] (arithmétique) et [#] (grandeur continue), mais où est passé le niveau [♲] ?
- Jusqu'à présent, j'ai compris le niveau [♲] comme celui de la mesure♲, associant un nombre⚤ à l'aire♲ d'une surface#. C'est sans doute ce point de vue qu'il me faut élargir pour comprendre A.G.
Par ailleurs, compte tenu de l'importance de la théorie des groupes dans cette aventure, je pense qu'il faut d'office considérer que nous sommes en mode ♢. Le passage ♢↓♧ devant être explicité.
À partir de ses réflexions, je pose a priori que la "géométrie algébrique" dont parle A.G. doit se situer au niveau [#]♢, hypothèse de lecture à vérifier. Après avoir cité André Weill, Oscar Zriski et Jean-Pierre Serre comme point de départ de ses propres développements, avec les égards dûs à leur rang :
«Leurs idées, bien sûr, ont joué un rôle important lors de mes premiers pas dans l’édification de la géométrie arithmétique ; plus, il est vrai, comme points de départ et comme outils (qu’il m’a fallu refaçonner plus ou moins de toutes pièces, pour les besoins d’un contexte beaucoup plus vaste), que comme une source d’inspiration qui aurait continué à nourrir mes rêves et mes projets, au cours des mois et des années. De toute façon, il était bien clair d’emblée que, même refaçonnés, ces outils étaient très en deçà de ce qui était requis, pour faire même les tout premiers pas en direction des fantastiques conjectures.» p. 62
nous pouvons avancer...
- On est loin de l'hommage de Newton rendu à ses aînés :
"Si j'ai pu voir plus loin, c'est que je me tenais sur les épaules de géants."
- Oui, bon, l'essentiel pour moi, c'est l'espoir qu'en le suivant à la trace, je puisse un jour comprendre, rétrospectivement comme évident, ce qui m'échappe aujourd'hui absolument.
L’éventail magique — ou l’innocence
«Les deux idées-forces cruciales dans le démarrage et dans le développement de la géométrie nouvelle, ont été celle de schéma et celle de topos. Apparues à peu près simultanément et en étroite symbiose l’une avec l’autre38, elles ont été comme un seul et même nerf moteur dans l’essor spectaculaire de la nouvelle géométrie, et ceci dès l’année même de leur apparition. Pour terminer ce tour d’horizon sur mon œuvre, il me reste à dire quelque mots au sujet tout au moins de ces deux idées-là.»
- Là, force m'est de constater que si j'ai quelques lueurs (dues à la lecture de Lawvere, et donc hors de Grothendieck) sur les topos, j'ai complètement zappé la notion de schéma.
Ce qui suit me reste complètement hermétique. Il y a à l'évidence, entre ce que A.G. considère comme naïveté mathématique, et le naïf que je suis, un gap à franchir, pour espérer continuer ne serait-ce que d'une page.
- Commence par te souvenir de ce qu'est une "variété".
"En mathématiques, et plus particulièrement en géométrie, la notion de variété peut être appréhendée intuitivement comme la généralisation de la classification qui établit qu'une courbe est une variété de dimension 1 et une surface est une variété de dimension 2. Une variété de dimension n, où n désigne un entier naturel, est un espace topologique localement euclidien, c'est-à-dire dans lequel tout point appartient à une région qui s'apparente à un tel espace.
[...]
La première notion attachée à une variété est sa dimension. Elle désigne le nombre de paramètres indépendants qu'il faut se fixer pour positionner localement un point sur la variété.
Toutes les variétés de même dimension n — ou n-variétés — ont la même topologie locale. Par définition, une petite portion de ces variétés ressemble toujours à un espace vectoriel réel de dimension n. Ainsi une petite portion de courbe est l'analogue courbe d'une droite, une petite portion de surface l'analogue courbe d'un plan, et ainsi de suite.
En revanche, les variétés se distinguent par leur aspect global. Par exemple sur la figure ci-contre, la variété rouge est formée de deux morceaux bornés (deux cercles), et il est visiblement impossible de déformer continûment celle-ci pour obtenir une des trois autres courbes. Autre exemple, une sphère et un tore ne se ressemblent pas topologiquement. Tout cercle tracé sur une sphère la sépare en au moins deux morceaux disjoints ; cependant, il existe de nombreux cercles tracés sur un tore qui ne le séparent pas en morceaux disjoints. Plus généralement, la topologie peut se compliquer par la présence de «trous», d'«anses», etc. " Wikioédia
Voilà qui éclairera peut-être ceci :
«La notion de schéma est la plus naturelle, la plus «évidente» imaginable, pour englober en une notion unique la série infinie de notions de «variété» (algébrique) qu’on maniait précédemment (une telle notion pour chaque nombre premier39…)
Note 39 : Il convient d'inclure dans cette série également le cas p=∞, correspondant aux variétés algébriques "de caractéristique nulle"..» p. 63
- Sais-tu à quoi tout ceci me fait penser ?
- Je m'attends au pire.
- Aux états d'un système en méca Q, associés à leurs valeurs propres.
- Sauf que tu situais la méca Q en mode ♡ (les états en [#]♡ et leurs valeurs propres en [⚤]♡ — voir "Le discours du physicien"), et que tu viens de placer la géométrie algébrique en [#]♢.
- Je ne dis pas que c'est raisonnable, j'essaie juste de fixer mes idées... J'ai cruellement besoin de visualiser les choses pour comprendre de quoi l'on parle. Je retiens de ce qu'il écrit qu'à chaque "type de variété" correspond un nombre premier : son nombre de dimensions si je comprends bien.
- Ce serait une généralisation des nombres cardinaux ℵn de Cantor?
- Je n'en sais rien, poursuivons à l'aveugle :
«De plus, un seul et même «schéma» (ou «variété» nouveau style) donne naissance, pour chaque nombre premier p, à une «variété (algébrique) de caractéristique p» bien déterminée. La collection de ces différentes variétés des différentes caractéristiques peut alors être visualisée comme une sorte d’«éventail (infini) de variétés» (une pour chaque caractéristique).» p. 63
- Il faudrait comprendre de quelle façon interviennent les nombres premiers.
«L’idée même de schéma est d’une simplicité enfantine — si simple, si humble, que personne avant moi n’avait songé à se pencher si bas. Si «bébête» même, pour tout dire, que pendant des années encore et en dépit de l’évidence, pour beaucoup de mes savants collègues, ça faisait vraiment «pas sérieux» ! Il m’a fallu d’ailleurs des mois de travail serré et solitaire, pour me convaincre dans mon coin que «ça marchait» bel et bien — que le nouveau langage, tellement bébête, que j’avais l’incorrigible naïveté de m’obstiner à vouloir tester, était bel et bien adéquat pour saisir, dans une lumière et avec une finesse nouvelles, et dans un cadre commun désormais, certaines des toutes premières intuitions géométriques attachées aux précédentes «géométries de caractéristique p».» p.64
- J'ai l'horrible impression d'être un con. À l'évidence A.G. me met le nez sur quelque évidence que je n'arrive pas à voir, un peu comme ces Amérindiens qui n'arrivaient pas à "voir" la Santa Maria de Christophe Colomb, tout simplement parce que sa forme ne renvoyait à rien de connu dans leur culture. (Note du 13/ 03/ 2024)
Et d'abord, qu'est-ce qu'une "géométrie de caractéristique p" ? À court d'idée, je tente ChatGPT qui me renvoie ceci :
"En mathématiques, une "géométrie de caractéristique p" fait référence à une géométrie algébrique dont le corps de base a une caractéristique p.
La caractéristique d'un corps est un nombre qui correspond à la plus petite valeur nulle pour laquelle la somme 1 + 1 + 1 + ... + 1 (n fois) est égale à zéro dans ce corps. En d'autres termes, c'est le nombre de fois que l'opération d'addition doit être répétée pour obtenir zéro. Si cette somme ne s'annule jamais, on dit que le corps a une caractéristique nulle (généralement notée par 0).
Cependant, si la somme s'annule pour un certain nombre fini p (p>0), alors le corps a une caractéristique p. Ainsi, les corps de caractéristique p comportent des propriétés différentes des corps de caractéristique nulle.
En géométrie algébrique, l'étude des variétés algébriques sur des corps de caractéristique p constitue un domaine important de recherche. Les propriétés des variétés peuvent être très différentes selon que le corps de base a une caractéristique nulle ou une caractéristique p. Par exemple, l'étude des courbes elliptiques sur des corps de caractéristique p diffère considérablement de celle sur des corps de caractéristique nulle.
Les géométries de caractéristique p ont des applications dans divers domaines des mathématiques et de la physique, notamment en théorie des nombres, en cryptographie, en géométrie arithmétique et en physique mathématique."
Bien entendu je demande immédiatement la définition de ce qu'est un corps de base :
"En géométrie algébrique, le "corps de base" désigne le corps sur lequel sont définies les coordonnées des points de la variété algébrique étudiée. Les variétés algébriques sont des ensembles de solutions d'équations polynomiales, et les coordonnées de ces solutions sont généralement des éléments d'un corps.
Formellement, soit V une variété algébrique sur un corps K. Le corps de base K est un sous-ensemble du corps des nombres complexes ℂ ou du corps des nombres réels ℝ. Cependant, en pratique, le corps de base K est généralement un corps différent des nombres rationnels ℚ, des nombres réels ℝ ou des nombres complexes ℂ.
Pour une variété algébrique donnée, le choix du corps de base est crucial car il affecte les propriétés et les caractéristiques de la variété. Par exemple, les propriétés géométriques et topologiques peuvent être très différentes selon le corps de base choisi.
Pour mieux comprendre ce concept, prenons quelques exemples :
En résumé, le choix du corps de base est un aspect essentiel de la géométrie algébrique, car il détermine la nature et les applications de la variété étudiée."
(a) Bon, le corps de base est bien au niveau [⚤] où l'on rabat l'ellipse en [#]. Jusque là, pas de problème, cela équivaut à la base d'un espace vectoriel, ou encore à celle des revêtements en topologie algébrique, souviens-toi de cette introduction d'Étienne Ghys (voir "identité et idempotence"). Et il est facile de comprendre que ce que l'on retient en [⚤] de la figure en [#], dépend de la "finesse" de notre grille de lecture en [⚤].
Quant à la caractéristique "la plus petite valeur nulle pour laquelle la somme 1+1+1+...+1 (n fois) est égale à zéro dans ce corps" je retrouve, sous forme additive, ce qui se présentait sous forme multiplicative dans ℂ où la répétition "n fois" de e2iπ/n donne 1. Mais dans les 2 cas, l'idée est bien de revenir au point de départ après un certain nombre de pas sur un jeu de marelle.
Reste le passage "Les variétés algébriques sont des ensembles de solutions d'équations polynomiales" à comprendre :
"Pour bien comprendre cette notion, commençons par définir quelques termes clés :
Équation polynomiale : Une équation polynomiale est une équation dans laquelle les variables inconnues et les coefficients sont combinés à l'aide d'opérations d'addition, de soustraction et de multiplication, mais pas de division ni d'exponentiation non entière. Par exemple, des équations telles que f(x, y) = x2+2xy+y2-1 ou g(x, y, z) = x3+y3+z3-3xyz=0 sont des équations polynomiales.
Ensemble de solutions : L'ensemble des solutions d'une équation polynomiale est l'ensemble de toutes les valeurs possibles pour les variables qui rendent l'équation vraie. Par exemple, pour l'équation f(x, y) = x2+2xy+y2-1=0, l'ensemble des solutions est l'ensemble de tous les points (x, y) du plan cartésien qui satisfont cette équation et qui forment une courbe géométrique spécifique.
Variété algébrique : Une variété algébrique est définie comme l'ensemble des solutions d'un système fini d'équations polynomiales. En d'autres termes, c'est une collection d'objets géométriques qui sont les points communs à un ensemble d'équations polynomiales données. Une variété algébrique peut avoir différentes dimensions : certaines peuvent être des courbes, d'autres des surfaces, des espaces de dimension supérieure, voire des points isolés. Ces variétés algébriques peuvent être étudiées et caractérisées par des méthodes algébriques et géométriques.
Il est important de noter que les équations polynomiales en question sont souvent définies sur un corps spécifique, comme les nombres réels, les nombres complexes ou tout autre corps algébriquement clos (un corps dans lequel toute équation polynomiale a une solution).
En résumé, les variétés algébriques sont des objets géométriques définis comme l'ensemble de solutions d'un système d'équations polynomiales dans un espace donné. Elles sont d'une grande importance en mathématiques, en particulier en géométrie algébrique, et trouvent des applications dans de nombreux domaines tels que la théorie des nombres, la cryptographie et la physique théorique."
J'ai l'impression de pouvoir confier mon ignorance à ChatGPS, comme un pêcheur se décharge de ses fautes à confesse, bien à l'abri du confessionnal.
- Vois-tu un peu mieux dans quelles eaux tu navigues ?
- Je comprends surtout que le concept de "variété" est multiforme : tantôt être géométrique#♧, tantôt topologique#♢, tantôt algébrique⚤♢, sans parler de la question des "nombres premiers⚤♧" qui pointent leur nez au raz du Réel. Mais puisque A.G. nous parle de "schémas" en insistant sur le côté "bébête" du concept, j'ai cette image de dessin à compléter que l'on donne aux enfants :
- Je te propose de poursuivre, en faisant confiance à A.G. :
«Ce ne sont pas ces dons-là, pourtant, ni l’ambition même la plus ardente, servie par une volonté sans failles, qui font franchir ces «cercles invisibles et impérieux» qui enferment notre Univers.
Seule l’innocence les franchit, sans le savoir ni s’en soucier, en les instants où nous nous retrouvons seul à l’écoute des choses, intensément absorbé dans un jeu d’enfant…» p. 66
dans l'espoir d'arriver au bout du tunnel...
La topologie — ou l’arpentage des brumes
«Si élusif que puisse paraître de prime abord cette structure «de qualité pure» incarnée par un «espace» (dit «topologique»), en l’absence de toute donnée de nature quantitative (telle la distance entre deux points, notamment) qui nous permette de nous raccrocher à quelque intuition familière de «grandeur» ou de «petitesse», on est pourtant arrivé, au cours du siècle écoulé, à cerner finement ces espaces dans les mailles serrées et souples d’un langage soigneusement «taillé sur pièces». Mieux encore, on a inventé et fabriqué de toutes pièces des sortes de «mètres» ou de «toises» pour servir tout de même, envers et contre tout, à attacher des sortes de «mesures» (appelées «invariants topologiques» à ces «espaces» tentaculaires qui semblaient se dérober, telles des brumes insaisissables, à toute tentative de mensuration.» p.69
- Voilà une idée simple à laquelle je n'avais pas pensé : définir une surface par le nombre de "trous" qu'elle enserre (par exemple 2 dans le cas d'un tore) est une "mesure" de cet objet. Tu remarqueras au passage comment, naturellement l'invariant est ce qui subsiste dans le mouvement. Par exemple si tu passes, par déformation continue d'une tasse à un donut il y a bien une "invariance" qui ce cache derrière chaque image du film, et se révèle dans le mouvement. Et tu retrouves bien que la mesure♲ de l'objet♲ derrière la surface# est un nombre⚤.
- Sauf qu'il s'agit de comptabiliser des vides...
- Oui, nous sommes en mode ♢, où nous nous intéressons aux relations, en particulier à celles de la partie et du tout, et aux frontières entre intérieur/ extérieur, avec cette idée maîtresse qu'un bord n'a pas de bord. Mais malgré ce changement de point de vue, l'idée de "mesure" perdure, ce qui nous laisse entrevoir le saut [♲]♧↑[♲]♢. Et tu retrouves l'importance des groupes d'homologie,(ou co-homologie) au passage.
D'ailleurs, une fois lancé, A.G. ne s'arrête pas aux invariants introduits par Betti, mais en découvre d'autres, et introduit en particulier les groupes de Grothendieck. Mon ChatGPT m'en dit plus :
"... Le groupe de Grothendieck K_0 est associé à une catégorie d'objets mathématiques, tels que des modules, des variétés, des espaces topologiques, etc. Le but principal de ce groupe est de capturer l'information sur les classes d'isomorphisme des objets dans cette catégorie.
Formellement, pour une catégorie donnée, le groupe de Grothendieck K_0 est construit de la manière suivante : les éléments du groupe sont les classes d'équivalence de objets de la catégorie, où deux objets sont considérés équivalents si et seulement s'ils sont isomorphes. L'opération de groupe est généralement définie comme l'addition directe de classes d'équivalence.
Le groupe de Grothendieck est un outil important pour étudier les propriétés algébriques et topologiques des objets dans une catégorie donnée. Il est utilisé dans divers domaines des mathématiques, notamment en géométrie algébrique, en théorie des représentations, en K-théorie, en topologie algébrique, etc."
Ce qui me fait penser qu'avec ce concept, A.G. n'est plus en mode ♢ mais s'occupe de syntaxe, en mode ♡, à suivre. Toujours est-il que le maître mot semble être "co-homologie".
«... notre conception de ces invariants de cohomologie s’était d’ailleurs vue enrichir et renouveler profondément par les travaux de Jean Leray (poursuivis en captivité en Allemagne, pendant la guerre, [dans la première moitié des années 1940). L’idée novatrice essentielle était celle de faisceau (abélien) sur un espace, auquel Leray associe une suite de «groupes de cohomologie» correspondants (dits « à coefficients dans ce faisceau »).» p. 70
Bon, je n'y comprends toujours rien, mais au moins, A.G. nous présente-t-il le menu...
«C’était comme si le bon vieux «mètre cohomologique» standard dont on disposait jusqu’à présent pour «arpenter» un espace, s’était soudain vu multiplier en une multitude inimaginablement grande de nouveaux «mètres» de toutes les tailles, formes et substances imaginables, chacun intimement adapté à l’espace en question, et dont chacun nous livre à son sujet des informations d’une précision parfaite, et qu’il est seul à pouvoir nous donner.
C’était là l’idée maîtresse dans une transformation profonde dans notre approche des espaces en tous genres, et sûrement une des idées les plus cruciales apparues au cours de ce siècle» p. 70
Dire que j'ai ramé comme pas permis pour entrevoir ce que la pensée d'Évariste Galois avait de révolutionnaire, et qu'il me faut à nouveau chambouler tout ce que j'avais péniblement échafaudé à partir de là !
- Ça t'occupera l'esprit plus sainement que de passer ton temps à faire des Sudoku...
Les topos — ou le lit à deux places
«Ce «lit à deux places» est apparu (comme par un coup de baguette magique…) avec l’idée du topos. Cette idée englobe, dans une intuition topologique commune , aussi bien les traditionnels espaces (topologiques), incarnant le monde de la grandeur continue, que les (soi-disant) «espaces» (ou «variétés») des géomètres algébristes abstraits impénitents, ainsi que d’innombrables autres types de structures, qui jusque-là avaient semblé rivées irrémédiablement au «monde arithmétique» des agrégats «discontinus» ou «discrets».» p. 72
Bon, comme j'avais déjà entendu cette expression, j'ai située "a priori" le concept de topos au niveau [♲], quant au mode, je pencherais pour le mode syntaxique ♡. Mais avant d'aller plus loin, il faudrait se faire une petite idée de ce qu'est un "faisceau".
"Pour comprendre ce qu'est un faisceau de Leray, commençons par définir brièvement ce qu'est un faisceau.
En mathématiques, un faisceau est une structure algébrique sur un espace topologique qui attribue des objets mathématiques (tels que des groupes, des anneaux, des modules, etc.) à chaque ouvert de l'espace, tout en respectant certaines propriétés de cohérence lors du recouvrement des ouverts.
Plus précisément, soit X un espace topologique et soit 𝒪_X le faisceau des fonctions continues sur X. Un faisceau de Leray est un type particulier de faisceau cohérent, c'est-à-dire qu'il possède des propriétés spéciales de cohérence dans le contexte de la cohomologie.
L'idée clé derrière un faisceau de Leray est son comportement vis-à-vis des recouvrements ouverts. Si l'on a un espace topologique X recouvert par deux ouverts U et V, alors le faisceau de Leray possède une propriété dite de "descente cohomologique". Cela signifie que pour calculer la cohomologie du faisceau sur X, on peut utiliser les cohomologies des faisceaux restreints à U et V ainsi qu'une certaine application appelée "homomorphisme de transition" entre ces cohomologies."
Ma très grosse difficulté tient à mon besoin de "voir" pour comprendre, et lorsque l'on me parle de "recouvrement", j'imagine une surface recouverte d'un carrelage, or, si je repense à la présentation d'Étienne Ghys (cf. a), avec un tire-bouchon X se projetant verticalement sur un cercle de base B, les "ouverts" de chaque boucle du tire-bouchon situés sur une même verticale du cercle se projettent tous sur le même ouvert de B, et les ouverts ne sont pas côte à côte, mais empilés les uns sur les autres.
Il me faut changer d'image mentale.
Le 24/ 07/ 2023 :
- Le temps est venu de constater mon échec.
- Tu baisses les bras ?
- Non, car j'ai malgré tout retenu cette idée, neuve pour moi, qu'il n'y a pas qu'une manière d'attribuer une mesure à une figure. La métrique à laquelle je pense naïvement reste de mode ♧.
En mode supérieur ♢, il faut élargir le concept à partir de l'homologie et de la cohomologie, qui doivent faire le lien entre niveaux [⚤] et [#]. Focalisé comme je l'étais sur la théorie des catégories, je suis complètement passé à côté : le morphisme de base n'est que le premier pas.
- Je ne comprends pas ?
- Il y a entre la flèche d'un morphisme et les éléments des domaines et codomaines un jeu qui peut se voir comme jeu entre objets de dimension 1 et de dimension 2 d'un espace de dimension supérieure. À partir de là, rien n'empêche de monter progressivement de dimension en dimension. C'est tout du moins l'idée qui me vient ce matin, suffisante en tout cas pour comprendre que je ne sais rien.
Je dois donc apprendre, modestement, pour avoir du grain à moudre, et je reviendrai à ma lecture ensuite.
- Si tu ten sors...
Hari
A.G. n'est pas le seul dans la confusion, je l'ai relevée chez un auteur traitant de "La question de l'Un dans la pensée Grecque" ! C'est dire...
Pour les détails d'une discussion millénaire ou la querelle des universaux, voir Alain de Libera ou les nombreux articles que je lui ai consacrés sur ce blog.
Concernant ma lutte contre le Platonisme en faveur d'une nouvelle épistémè voir :
Voire au-delà de Spinoza :
Note 2 :
J'ai trouvé 128 occurrences du terme "enterrement" dans ce tome 1. Enterrement concernant l'oeuvre ou l'auteur lui-même, c'est dire la profondeur de la blessure !
J'ai peut-être une piste concernant cette idée "bébête" : voir