Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

Le Moi — Peau

Site de Mélanie Pottiez

- Comme chaque début de mois, la remise à zéro des statistiques du blog me permet pour quelques jours de voir des liens individuels de lecteurs égarés vers des textes oubliés. Et ce matin, intrigué par la référence "https://www.entropologie.fr/article-21737597.html", je tombe sur cet écrit de 2008 : "Oedipe déconne".

- C'était ton époque de voileux solitaire sur le Olla, ancré dans la baie de l'orphelinat à Nouméa ?

- Oui, courte période pendant laquelle j'ai fréquenté une communauté Bouddhiste Mahayana dans la 1ère vallée de la Tir, à la sortie de la ville. Bref, je vivais paisiblement la fin du chantier de Prony, à lire Lacan en discutant Bouddhisme, et démarrer ce blog...

- Et donc ?

- Toujours pareil : un enchaînement de petites choses. Hier, en relisant mon texte "Topologie Imaginaire—Taxinomie", je cherchais une image pour faire comprendre rapidement commet replier la topologie Imaginaire en reliant les quatre sommets marqués 𓂀:

𓂀   𓂀
      [∅]   [∅]   [∅]      
                 
[∃]   [⚤]   [#]   []   [∅]
                 
[∃]   [⚤]   [#]   []   [∅]
                 
[∃]   [⚤]   [#]   []   [∅] 
                 
    [∃]   [∃]#   [∃]    
𓂀   𓂀

"Nous pouvons regrouper les 4 coins 𓂀 représentant le Sujet 𓁝𓁜 à l'horizon de son Imaginaire comme sur le plan ci-dessus, se projetant au centre [#]♢ du dispositif, dans une projection sur S1 (imagine que tu refermes ce plan comme on noue les 4 coins d'un mouchoir autour d'une orange)."

L'image du mouchoir m'est venue en premier, en fait je pensais à la façon toute Japonaise qu'avait Midori d'envelopper un dessert dans un torchon pour l'apporter hier soir à un anniversaire. J'avais en tête "envelopper un melon", fruit rare, objet de cadeau au Japon, mais je butais sur le "torchon" qui sentait la cuisine, d'où le "mouchoir", plus léger, plus fin, mais alors, le melon était trop gros, et donc je me suis rabattu sur une orange. Le rapprochement mouchoir/ orange paraît un peu bizarre, mais au moins, c'était réalisable concrètement.

- Tu nous amuses ?

- Non, c'est juste pour t'expliquer pourquoi cette image m'occupait l'esprit. Et donc, ce matin, je relis ce texte oublié, qui traite d'au-delà du principe de plaisir, et je ne sais comment, je repense alors à cette question de "bord", qui m'obsède depuis quelque temps (voir "De la philosophie comme sport de combat"), et de bord, j'en viens à "peau" et à Anzieu avec son "Moi—peau". Sans avoir encore décanté mes idées, ce qui se fera, ou pas, en écrivant cet article, je cherche donc une image pour illustrer ce Moi-peau et tombe sur cette orange. Là où j'ai enveloppé l'orange d'un mouchoir, Nelly Trumel est allée jusqu'au bout de la métaphore en représentant l'écorce comme la peau de l'orange —merci à l'auteur du blog Mélanie Pottiez d'y avoir pensé avant moi !

- Anzieu te trotte lui aussi dans la tête, car tu en parlais il n'y a pas si longtemps dans "Métaphysique — la sémantique au-delà de la syntaxe" :

"- Pour en revenir à la base de toute construction homotopique : "un bord n'a pas de bord" ?
-
Oui, je trouve que c'est un excellent point de vue pour nous observer et nous représenter au cœur même de notre Imaginaire "moderne", en [#].
- Il faudrait peut-être relire "Le Moi-peau" de Didier Anzieu dans cette perceptive...
- Il y aurait tellement à faire, mon ami... Mais restons sur cette idée de "bord" au sens topologique de Poincaré :

  1. Dans une approche (𓁝𓁜), tu comprends tout de suite qu'en tant que "forme" de niveau [#], le Moi du Sujet délimite une "quantité conservée" de niveau [♻] ;
  2. Dans une approche (♧𓁝𓁜♡), il vient immédiatement que la structure du Moi en mode ♢ débouche sur du vide (au-dessus, en mode ♡ et en dessous, en mode ♧)."

J'ai l'impression que c'est un mécanisme de répétition à l'œuvre inconsciemment : quelque chose cherche à sortir.

- Exactement, tentons d'accoucher du bébé, par une maïeutique qui n'a rien de Socratique.

- En es-tu sûr ? Revisite le Menon. Pour Socrate l'idée est déjà dans la tête de l'esclave, il suffit de l'aider à s'en "remémorer".

- La perspective est différente. Je ne fais pas l'hypothèse de la possible réincarnation des êtres qui "retrouveraient" des idées déjà acquises dans une vie antérieure, je verrais plutôt la prise de conscience d'un mouvement interne qui en s'exprimant, se cristallise en concept.

- Un phénomène de décohérence?

- Quelque chose comme ça. Bref, pour en revenir à ce Moi-peau, a posteriori, il est facile d'y voir notre surface topologique "représentant" en  [#] l'imaginaire "présent" du Sujet.

- Il faudra retravailler ton texte; quelle différence entre cette présentation et sa représentation ?

- Je tente d'exprimer ceci : j'ai le sentiment "d'être", tout comme Descartes, en précisant "être au-delà de toute parole", et nous en revenons à l'Œdipe de Colone qui, selon Lacan, commence à "être" lorsqu'il a terminé son discours...

... Mais quittons cette approche littéraire pour aller droit au but et à Brouwer, car lui aussi insiste dans ma tête : voir "Lacan au risque de la topologie", texte de 2017, où je parle de deux théorèmes de Brouwer fort utiles dans le contexte présent. (Note 1)

  1. Lorsque l'on représente un terrain sur une carte, il y a un point particulier sur le terrain qui "colle" à sa représentation sur la carte. C'est exactement ainsi que ton GPS pointe sur la carte l'endroit où il se situe sur la route, et oriente la carte en fonction de cette coïncidence. C'est ce point fixe de Brouwer, que je rapprochais alors du "point de capiton" de Lacan.
  2. Il est impossible de rétracter de façon continue une surface sur son "bord", sans faire un trou dans la surface. Prend une peau de tambour élastique et tire dessus pour la ramener sur son bord : tu vas faire un trou avant d'y arriver.

- J'ai du mal à te suivre quand tu passes ainsi du coq à l'âne. Concrètement ?

- Nous allons nous intéresser tout d'abord à l'orange, en précisant notre vocabulaire :

  • l'axe central ou "cordon "blanc" de cette orange, avec
  • le pôle supérieur ou "pôle apical" relié au calice, résidu de la fleur d'où s'est échappée cette orange,
  • le pôle inférieur ou "pôle basal" à l'autre extrémité du cordon.

Si tu dépiautes l'orange comme suggéré par l'image, le pôle apical va être éclaté à l'extrémité de la pelure. Pour une surface topologique, il n'y a pas d'éclatement, et l'on peut dire que ce pôle se retrouve "à l'horizon de la surface". En géométrie projective, cet horizon est "projeté" ou représenté par le pôle basal.

Dans notre représentation, on peut dire que l'Auteur 𓂀 de cette représentation se projette en ce pôle basal au centre du tapis, en [#]. Avec "ce qu'il en dit" en [⚤], grâce à des "schémas" [⚤][#] et la "mesure" qu'il donne de lui-même en [♻], tu retrouves notre structure de topos.

Maintenant, quittons le mode syntaxique ♢, à la recherche du sens sémantique ♡ du Sujet (notre Auteur 𓂀), au-delà de toute syntaxe particulière, au-delà de son discours.

- Et nous retrouvons notre Œdipe muet ?

- Voilà. Convenons que le "Sujet" noté 𓂀, représente son "Moi" par 𓁝𓁜 dans un discours philosophique en ♢. Tu peux comprendre qu'il discute de la substance des êtres (lui et les Autres) en (𓁝[♻]𓁜)𓂀.

- Où tu situes les discussions autour de la substance, comme dans l'article "De la philosophie comme sport de combat"?

- Je vois que tu as raccroché les wagons. Maintenant, rembobine le film, avant de dépiauter l'orange.

- C'est toujours un discours ?

- Oui, et c'est là le grain de sable. Il faut prendre ce qui suit comme une expression possible de mes croyances très personnelles. Il y a toujours un moment où il faut se mettre à poil, pour montrer sa peau. Disons qu'il s'agit d'un mythe en référence à mon propre Symbolique : ([♻]𓁝⇆𓁜[∅])𓂀. Et mon récit découle d'un choix  𓁝[♻][♻]𓁜 pour exprimer un état ici et maintenant d'une une recherche en cours 𓁝[♻]𓁜. Franchement, je ne sais pas comment je pourrais m'exprimer mieux qu'en ayant recours à mes petits glyphes !

Ceci dit, revenons à notre orange. L'idée c'est que la "peau" de l'orange en protège la "substance".

- Et tu en reviens au "Moi—peau" d'Anxieux qui envelopperait son "être", le Sujet lui-même ? Mais tu tournes en rond mon ami !

- C'est là qu'intervient Brouwer, et par deux fois.

  1. On peut très bien concevoir que le pôle basal de l'orange soit comme le point fixe de Brouwer, là où le Moi de la peau rencontre la chair, ou l'orange "en soi", ou encore notre "Sujet".
  2. Si tu penses épuiser le Sujet, en ramenant toute sa chair à la surface interne de sa pelure, tu vas réduire ce "plein central" au néant ∅.

Et c'est peut-être là que nous retrouvons Lacan, toujours dans la bonne perspective. Lorsque Œdipe a terminé son histoire, il en est "vidé" quand il devient Homme. Où tu retrouves également une approche profondément Bouddhiste, sur laquelle je ne reviens pas ici.

- Et cette idée qu'un "bord n'a pas de bord"?

- Représente-toi cette pelure comme le "bord" de l'orange, ou bien le "Moi" comme le "bord du Sujet". Vu du Sujet, au-delà de ce Moi, il n'y a rien de "dicible".

- Tu en reviens au Réel de Lacan, qui n'est perçu que dans la mesure où il frappe à la porte de l'Imaginaire, c'est le trauma. ce qui te conforte dans ta démarche. Mais tu peux renverser la proposition et comprendre cette pelure comme ce qui empêche le Monde de voir l'orange... De ce point de vue, le Sujet n'est pas appréhendable par l'Autre dans le monde... (Noter 2)

- C'est également ce qui marque la représentation que l'on en donne en  ♢ par la distinction entre les niveaux [#] (surface) et [♻](volume).

- Bon, soit, tu retombes sur tes pattes, et c'est tout ?

- Le reste est purement symbolique et ne relève que de la poésie.

- Avance démasqué !

- L'orange est née au sein d'une fleur dont le calice est le vestige, rattaché au pôle apical de l'orange. et c'est autour de la colonne blanche reliant les deux pôles (correspondant à la distance entre le Sujet 𓂀 et son Moi 𓁝𓁜), que sont disposées les graines qui donnent sens à tout le dispositif : persister, au-delà de la vie éphémère de cette orange.

- Je te vois venir : tu vas nous replacer la mue du Komdalani, et le Sujet  comme "bord" du "vivant" qui le traverse. Ça te titille depuis Tokyo (voir "Éros et Thanatos"), non?

- Sans doute inconsciemment. Mais repenses-y d'un point de vue purement esthétique : nous avons une symétrie entre le rapport Kondalani / Sujet et celui entre  Sujet / Moi.

- Il y a là quelque chose qui insiste...


Le 03/ 12/ 2024 :

- En écrivant hier la note 2 ci-dessous, et cherchant à terminer une phrase comme on claque une porte, cette coda (non vénéneuse) s'est échappée de mes doigts : "ce qui n'est pas plus idiot que de dire que l'Univers est sorti du néant lors du Big Bang".

- Quel rapport avec ton texte ?

- Nous pouvons prolonger le rapprochement entre Kondalani/ Sujet et Sujet/ Moi, par d'autres, issus de la physique comme Vide/ Univers et Trou noir/ Horizon de Schwarzschild.

De ce point de vue, l'Univers peut se comprendre comme la frontière du vide primitif, et l'horizon du trou noir comme sa frontière.

- J'ai compris : l'un comme l'autre contiennent toute l'information (l'observable), respectivement du vide et du trou noir, qui eux restent inaccessibles.

- Voilà, à rapprocher du Moi qui est tout ce que le Sujet peut dire de lui.

- Au moins, y a-t-il une congruence dans toutes ces représentations, soit en mode ♡, où le Sujet cherche un sens à sa vie, soit en mode ♧, dans lequel les physiciens pataugent joyeusement ces temps-ci en jonglant avec leurs concepts "d'énergie du vide" ou "d'énergie noire". Souviens-toi des articles sur l'Univers holographique que tu as présenté comme un mythe moderne (voir ici et ici). OK pour les modes ♡ et ♧, mais quid du mode syntaxique ♢?

- Si tu te réfères au langage de la théorie des catégories c'est évident : tu en reviens à la propriété universelle attachée à l'objet initial le plus général, à savoir le vide ∅.

  • Mode ♡ :
    •  Komdalani/ Sujet
    • Sujet/ Moi
  • Mode ♢ :
    • Objet initial / Catégorie
  • Mode ♧ :
    • Vide/ Univers (Big Bang)
    • Trou noir/ horizon (Rayon de Schwarzschild)

- Il y a là un motif que se répète dans cette collection de type (𓁝𓁜).

- Ce qui nous force à l'examiner dans une approche (♧𓁝𓁜♡), examen nous menant tout droit à la forme canonique des mythes, comme nous le présentions déjà à propos de la théorie de l'Univers holographique ici.

- C'est le moment où tu nous renvoies au parallèle entre le schéma L de Lacan et la forme canonique ?

- Nous en parlions encore cet été (cf. "Schémas d'actions #2 — rêve et création"). Il y a effectivement dans tous nos schémas, une "mort" pour une vie, qui se discute en termes de "frontière" voire de "membrane" ou de "peau" . (Note 3)

- Et tout ce que nous disons se retrouverait dans cette structure ancestrale ?

- Pour que ça insiste tellement, il faut bien que ce soit enraciné au plus profond de nous, dans notre cortex. Aussi évident qu'un bord n'a pas de bord...

- À méditer.

Hari

Note 1 :

- En parlant ainsi, de façon intuitive de ses théorèmes, je ne fais que suivre la philosophie intuitionnisme de Brouwer.

Par ailleurs il aborde la question du passage du discret au continu en évoquant le libre arbitre, et comme tu le vois, il agite bien des idées qui restent d'actualité dans la perspective du Sujet vu comme topos !

Note 2 :

- Ce n'est pas ici le sujet, mais l'on peut également refermer notre topologie en forme de "cross cap", autrement dit une surface n'enveloppant rien, suspendue dans le vide. Une métaphore chère à René Lew. Et le "Je est un Autre" de Lacan se résume à un seul vide, ce qui n'est pas plus idiot que de dire que l'Univers est sorti du néant lors du Big Bang...

- Sans doute, mais je préfère quant à moi la replier en forme de tore. La représentation des mouvements du Sujet dans son Imaginaire est alors plus simple, respectant en particulier le cogito de Descartes, ainsi que l'idée d'une mesure comme réponse à une intention. Pour reprendre l'image du mouchoir : les sommets diamétralement opposés sont noués deux à deux, comme l'on fait effectivement pour emballer un cadeau à la japonaise.

Note 3 :

Il faudra bien entendu que je formalise ceci en reprenant une énième fois cette forme canonique en parallèle avec le schéma L...

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article