26 Mars 2025
Le 26/ 03/ 2025 :
- Je suis un papy boomer, et oui, j'étais en hypotaupe lors de Mai 68, à faire du 420 sur le lac d'Enghien en attendant que ça se tasse.
- Tu ne t'es pas impliqué ?
- Je n'y ai jamais cru, quoique grand lecteur de Hara-Kiri et de La Gueule Ouverte avec Pierre Fournier, écolo avant l'heure. Sa mort prématurée relativisait l'impact du mode de vie sur sa durée et m'a détourné de l'écologie pour un bout de temps... Non, je suivais tranquillement le mouvement en sachant que cela ne donnerait rien. Il fallait à mes yeux être beaucoup plus radical pour préparer l'An 01 en partant d'une rupture épistémologique franche et nette.
Mon fantasme, depuis l'adolescence, c'était le cycle "Fondation" de Asimov, avec un renouvellement complet de la façon de penser (la psycho-histoire du professeur Hari Seldon) pour qu'un nouvel Empire sur Terminus reprenne le flambeau de Trantor...
Il fallait repenser la façon d'être ensemble, dans le style "Le monde des Ã" de Van Vogt...
- Ce qui passe par se connaître soi-même ?
- Bien entendu. Et donc, après une vie d'errance à méditer là-dessus, quelques idées se sont enkystées en un livre pondu en 2013. Une fois délivré de cet oeuf, j'ai pris conscience de n'avoir pas été assez loin, et qu'il fallait tout reprendre.
- Tout ça pour en venir où ?
- Pour être certain de la consistance de ma démarche, je me suis donné pour objectif de tester ma représentation de l'Imaginaire jusqu'à voir le Sujet comme un topos.
- Bref, tu veux passer de la structure absolue d'Abellio, qui t'a obnubilé pendant 30 ans, au topos de Grothendieck autour duquel tu tournes depuis sept ou huit ans ?
- Présenté comme ça, on dirait une obsession... Comme si mon Saint Graal était le Prime Radiant utilisé par le Premier Orateur Preem Palver.
- Tu te rends compte que tout ce que tu écris ne fait pas sérieux ?
- Je n'ai plus le temps de maquiller ma démarche. Je te livre ici mes rêves de jeunesse pour te montrer qu'ils ne pouvaient pas être contraints dans une quelconque philosophie prête à l'emploi. Bien loin du Marxisme ambiant ou des gesticulations de Sartre en tout cas.
Je n'ai pas non plus délaissé mes études pour vivre les aventures de Vincennes, à téter Deleuze, Bourdieu ou Foucault, que j'ai retrouvés sur le tard, au cours de mes divagations sur ce blog.
- Où est l'urgence dans tout ceci ?
- Trump apparaît sur scène comme Le Mulet dans Seconde Fondation... Il donne des coups de pied dans la fourmilière et tout s'agite alentour.
- Et tout comme Preem Palver face au Mulet, tu n'es pas prêt face à lui, ta philosophie reste en travaux.
- Oui.
- Reprends-toi : bien qu'inachevée, ta quête donne malgré tout quelques résultats, non ?
- Nous y sommes. Est-ce que je dois poursuivre jusqu'au sommet que je me suis fixé, ou bien est-il plus urgent d'établir un camp de base ? Après tout, il suffit de peu pour scotcher tout le développement de la pensée Occidentale à partir de Platon, sur un ruban de Moébius, tel des insectes sur un ruban tue-mouches...
- Il ne suffit pas d'épingler Pierre, Paul ou Jacques, mais de proposer une autre voie !
- Oui, oui, je le sais. Et il y a peut-être suffisamment à dire en s'arrêtant tout bêtement à la cohomologie et aux faisceaux de Leray, sans parvenir encore à intégrer les développements de Grothendieck (schémas et motifs), sur lesquels je patine actuellement.
- À quoi penses-tu ?
- À une présentation faite par Mickael Robinson au dernier colloque de Mondovi. Je me souviens qu'il avait semblé comme une bouée gonflable en forme de canard jaune perdu dans une piscine olympique avec ses exemples d'utilisation de concepts mathématiques évanescents, appliqués à des problèmes très concrets d'ingénieurs, voire de situations de la vie quotidienne. C'était extrêmement bien présenté, professionnel, avec le côté accrocheur dû à la nécessité —vitale pour un prof Américain— d'accrocher son auditoire.
- Je ne vois pas le rapport avec Trump ?
- Nos cadres de pensées classiques ne permettent pas d'avoir une approche correcte de la situation politique actuelle. Pire : nos oeillères nous conduisent dans des chemins de traverses.
- Soit plus concret.
- J'ai écouté hier une interview de Jean-Luc Mélenchon sur France Inter, au sujet de la guerre en Ukraine.
- Et ?
- Je me suis surpris à être d'accord avec son analyse, face à Léa Salamé qui tentait systématiquement de limiter l'analyse des évènements au début de l'agression Russe. Crois bien que je n'ai aucune sympathie particulière pour Mélenchon, que je juge outrancier à bien des égards, mais son discours sur l'Ukraine, ce jour-là, était parfaitement fondé. Et dans l'exercice, ce qui m'a gêné, c'est l'attitude de Léa Salamé, tant sa bien pensance de gaûche puait l'entre-soi germanopratin en vogue à la terrasse du Flore.
Comprends-tu le sens de ma prise de conscience ?
- Oui : il faut sortir de nos cadres de pensée ordinaire, à la limite penser contre soi ?
- Voilà une bonne approche : penser contre soi, et plus encore, penser dans toutes les directions à partir de l'instant présent.
- Tu retrouves ici l'idée de faisceau, non ?
- Exactement. Il ne faut "juger" ni Trump, ni Poutine, ni Xi Jiping mais tenter de les "voir" tels qu'en eux-mêmes, et notre topologie de l'Imaginaire doit nous y aider. Après, et après seulement, il sera possible de naviguer entre eux et choisir une voie (Note 1), tels les sondes Voyager entre Neptune, Saturne et Jupiter. Et ça, c'est la cohomologie.
- En bref, il faudrait acclimater l'approche pragmatique de Mickael Robinson dans le champ politique ?
- Ça me semble urgent, en effet.
- Tu veux t'y mettre ?
- Il y faudrait une énergie que je n'ai plus. Seul dans mon coin, avec une poignée de lecteurs tout au plus, après avoir écrit 634 articles depuis le 06 juillet 2006 sur ce blog, l'entreprise me semble bien tardive.
- Est-ce un hasard si ce premier article s'intitulait "De Sun Tzu à Asimov" ?
- Sûrement pas. Si mes idées ont beaucoup changé, mon rêve est intact... Enfin, non, avec l'âge et la fin qui se pointe à l'horizon, il y a peut-être plus urgent encore.
- Peut-on savoir ?
- Apprendre à me détacher de ce Moi-peau qui n'arrête pas de jacter, pour me fondre en douceur dans ce qui n'a pas de nom.
- Et donc avancer autant que tu le peux dans ton exploration ?
- Oui, car ce qui coince encore dans ma topologie de l'Imaginaire m'empêche de m'en détacher, et pour tout te dire je pense avoir loupé quelque chose dans ma dernière représentation du schéma de Grothendieck.
- En un mot ?
- J'ai situé les "schémas" dans une régression [⚤]♢←[♻]♢, sur la surface du cross-cap, cette flèche ← étant un foncteur.
Or, d'une façon très générale, un foncteur est essentiellement une "flèche entre flèches", autrement dit, avant d'en arriver au foncteur, il faut peu ou prou réifier la relation entre objets (i.e. : la flèche du morphisme) en objet de discours...
- Et donc passer de la voie des choses [⚤]♢←[♻]♢, à celle des mots?
- Oui, soit n♢↑n+1♢, ou plus précisément n♢♻↑n+1♢⚤. D'ailleurs toutes nos réflexions sur les nombres p-adiques nous y invitent.
- Et du même coup, passer d'une "face" à l'autre du cross-cap?
- Oui. Vois-tu maintenant le dilemme qui s'offre à moi :
- Et comme toujours, tu préfères suivre Alice ?
- On ne se refait pas !
- Amen.
Hari
PS : avec mon esprit d'escalier habituel je me rends compte après coup que mes inscriptions aux deux séminaires de Cerisy cet été ne sont pas dues au hasard :
Le premier répond à mon goût pour le "Space opera", quant au second, il me donnera je l'espère le plaisir d'entendre François Jullien qui m'a donné beaucoup à méditer avec son "Traité de l'efficacité" comme introduction à la pensée Chinoise.
Si d'aventure quelques-uns d'entre vous pouvaient s'y rendre, cela nous donnerait l'occasion de bonnes et belles discussions ! 😋
Note 1 : 24/ 04/ 2025
Ce matin je lis cette vidéo de Jacques Attali, qui évoque, justement ce jeu de l'Europe entre les 3 empereurs.