27 Mai 2025
Le 27/ 05/ 2025 : La Rochelle
- En reprenant le texte de "L"Être et le néant" dans lequel Sartre observe le garçon du Flore (voir : "De l'indéterminisme à la liberté du Sujet"), je me suis surpris à penser que finalement, Sartre en disait plus sur sa peur du néant que de l'objet de son attention.
- D'où Lie Tseu, l'auteur du "Vrai classique du vide parfait" ?
- Pas directement. J'étais parti sur l'idée que notre cross-cap pourrait être un bon outil au service d'un stratège cherchant à connaître l'Autre, dans un but purement utilitaire. Je suis donc retourné à Sun Tzu et à son "Art de la guerre", pour avoir l'attention attirée sur le chapitre 6 "Du plein et du vide" :
— 🤖: Ce chapitre enseigne l’art de manipuler l’ennemi en utilisant des forces directes et indirectes. Sun Tzu recommande d’utiliser des forces directes pour engager l’ennemi et des forces indirectes pour remporter la décision. Il met l’accent sur la flexibilité et l’adaptabilité de la stratégie selon les circonstances. (lien)
— Source : Sun Tzu explore le concept du "plein" et du "vide", c'est-à-dire l'art de connaître quand agir et quand rester passif, en fonction de la situation.
Où je retrouve l'idée qu'il faut s'attaquer au vide de l'ennemi (ses points faibles) avec toute sa force et disperser ses propres forces là où l'ennemi est fort. L'image est celle de l'eau qui s'adapte au terrain pour suivre son objectif: retrouver la mer. Avec l'idée complémentaire de perturber l'ennemi en paraissant faible là où l'on est fort et vice versa. Il y a dans tout ceci un jeu entre être et paraître qui nous ramène au jeu du maître et de l'esclave : l'un jouant dans la voie de choses (☯𓁜𓁝☯), quand l'autre est dans la voie des mots (♧𓁜𓁝♡).
- Ça se retrouve au chapitre 3 lorsqu'il parle de s'attaquer aux plans de l'ennemi:
«Le plus haut degré d’habileté consiste à briser la résistance de l’ennemi sans combattre. La meilleure politique est de s’emparer de l’État intact; la suivante, de le détruire. La meilleure tactique est de s’attaquer aux plans de l’ennemi; la suivante, de rompre ses alliances; la suivante, d’attaquer ses armées.»
- Oui, bref, en suivant les liens, je retombe sur "Le livre des cinq roues" de Miyamoto Musashi, où l'on retrouve au dernier chapitre des réflexions philosophiques relatives au vide :
"Par la connaissance de l'existant, on peut appréhender l'inexistant. [...]
Dans le vide est la vertu, et non le mal. La sagesse a une existence, le principe a une existence, la Voie a une existence, l'esprit est le néant."
Et c'est de là que j'ai repensé au livre classique du vide parfait, que j'avais dû parcourir dans ma jeunesse.
Il y plus qu'un monde, un univers entier entre la pensée de Lie Tseu et celle de Sartre ! Et avec ce recul culturel, j'ai repensé à Sartre avec commisération: comment a-t-il pu être dans cet effroi face au néant ?
- Pas seulement face au néant, mais également face à la vie; repense à son héros Antoine Roquentin dans "La nausée".
"La racine du marronnier s’enfonçait dans la terre, juste au-dessous de mon banc. Je ne me rappelais plus que c’était une racine. Les mots s’étaient évanouis, et, avec eux, la signification des choses, les modes d’emploi, les faibles repères humains qui permettent de se retrouver dans le monde. J’étais assis, la tête penchée, seul devant cette masse noire, noueuse, tout à fait brute, et qui m’effrayait. Alors j’ai eu cette illumination : j’ai compris, j’ai vu la nausée, j’avais la nausée, j’étais la nausée. Ou plutôt elle ne me quittait plus, elle était là, dans mes mains, dans mes yeux, dans ma gorge."
- Oui, triste posture du Sujet face au Réel ☯[∃][⚤]♧𓁜 comme au néant 𓁝[∅]♡☯ ! Une sorte d'anti-Descartes qui, lui, faisait le lien entre l'une et l'autre postures.(voir ici dans "Syntaxe de l'Entropologie").
- Bon, d'accord, mais pourquoi tant s'occuper de Sartre aujourd'hui?
- J'y pensais dans la mesure où il nous parle de lui en jugeant l'Autre d'une façon si éclatante, qu'il est le contre-exemple de ce que devrait faire un stratège soucieux d'adapter son action à la réalité du terrain, comme de son adversaire.
- Son intention n'était pas de faire l'analyse du garçon de café, mais de trouver une projection mondaine du concept de "mauvaise foi". Et le garçon lui tombe sous les yeux au moment où il est dans ses pensées en buvant son café.
- Il était "perdu dans ses pensées"... D'ailleurs pourquoi penser à la mauvaise foi de cet Autre, quand il savait si bien manoeuvrer pour survivre pendant la guerre ? (Note 2) Comment juger son attitude durant l’Occupation mêlant actions clandestines et compromis (comme publier dans des revues tolérées par l’occupant, tel Comœdia) ?
- Il n'était pas dupe de lui-même (Note 2), mais j'espère que tu ne vas pas plancher des heures sur la philosophie de Sartre ?
- Ayant rapproché la liberté du Sujet de son incertitude face au Monde, dans une approche résolument quantique, nous pouvons faire l'impasse... Non, je voulais juste montrer que ce que Sartre nous rapporte du son expérience du monde (sa phénoménologie), et en particulier des Autres, le dévoilait, parce que "plein de lui-même", quand, pour s'adapter au monde, il faudrait l'écouter, le sentir, le voir en s'abstenant dans la mesure du possible de l'intellectualiser, pour mieux s'y accorder. Et ce qui vaut en philosophie vaut pour le militaire...
- Et c'est tout ? Étonnant que tu ne nous ai pas encore ressorti Lao Tseu !
- Puisque tu insistes, terminons là-dessus : (voir "Lao Tseu dans le miroir")
"Trente rais se réunissent autour d’un moyeu. C’est de son vide que dépend l’usage du char.
On pétrit de la terre glaise pour faire des vases. C'est de son vide que dépend l'usage des vases.
On perce des portes et des fenêtres pour faire une maison. C'est de leur vide que dépend l'usage de la maison.
C'est pourquoi l'utilité vient de l'être, l'usage vient du non-être." (Tao Te King)
Il faut déjà préciser les notions d'utilité et d'usage : (Note 3)
Il faut maintenant repérer une succession entre les deux mouvements pour créer un circuit sur le cross-cap; la relation entre usage et utilité renvoyant à la relation entre intention et attention.
Je te propose ceci à partir du schéma de l'immanence (voir ici de "Un GPS pour circuler sur le cross-cap")
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usage | attention | intention | utilité |
- Pas facile à transcrire en phrases simples !
Le 28/ 05/ 2025 : Paris
- Hier, j'étais mal parti en reprenant le script de l'immanence, c'était idiot puisque nous considérons ici l'utilité de l'objet en rapport au désir du Sujet. Nous ne partons pas du Réel, mais des valeurs du Sujet en [♻]♡.
- Ce que tu as appelé "la philosophie" (voir ici) ?
- Oui, je parle de ce scénario :
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Intention | utilité | usage | attention |
C'est déjà plus parlant. Tu remarqueras en particulier le passage intention, explicité en [⚤]♡ à la quantité en [♻]♧.
- C.-à-d. le bouclage de Dirac : une mesure répond à une question ?
- Exactement. Ensuite le Sujet juge de l'utilité de ce qui est observé ♧♻𓁜↑𓁝♡♻.
- Quid de la suite ?
- Passer de l'utilité à l'usage paraît assez évident : tu passes de ton désir (l'utilité) à l'objet du désir ( ce peut être "l'objet petit a" dans la voie des choses.
- Je veux bien, mais l'attention ?
- Je dirais que je suis attentif aux choses pour rectifier un résultat inadéquat en [♻]♧. L'attention telle qu'elle apparaît ici n'est pas nécessaire "a priori", mais résulterait ici d'un écart à corriger.
- C'est ce que fait de façon pathologique l'hystérique, en se déconnectant du Réel, non ?
- Il y aurait certainement beaucoup à discuter et nous y reviendrons encore et encore, jusqu'à ce que ce soit "évident" ! Remarque juste au passage qu'entre mes deux scénarios, de l'immanence ou de la philosophie, il s'agit uniquement de changer de case le démarrage , mais que les deux circuits sont identiques : tous deux lévogyres.
- Amen
Hari
Note 1 :
Un texte oublié :
Note 2 :
- J'ai demandé à Perplexity
Perplexity a repéré un parallèle entre sa propre façon d'être et le garçon de café :
— 🤖:2. Ambiguïtés de l’Occupation : entre accommodation et résistance
Après sa libération du stalag en 1941, Sartre retourne à Paris et enseigne au lycée Condorcet, remplaçant un collègue juif déporté. Bien qu’il participe à des réseaux résistants comme Socialisme et Liberté, il reconnaît plus tard l’ambiguïté de sa posture :
« Me comprendra-t-on si je dis à la fois que l’horreur de l’Occupation était intolérable et que nous nous en accommodions fort bien ? »
Cette dualité – agir en résistant tout en profitant d’un certain confort intellectuel – sera critiquée, notamment pour ses publications dans des revues tolérées par l’occupant.
3. Posture philosophique : la mauvaise foi et l’auto-critique
Dans L’Être et le Néant (1943), Sartre théorise la «mauvaise foi», cette tendance à se mentir à soi-même pour échapper à sa liberté. Bien qu’il n’applique pas explicitement ce concept à son cas, son exemple du garçon de café – qui joue un rôle social au détriment de son authenticité – peut être lu comme une métaphore de ses propres contradictions durant la guerre.
Il écrit :
« Le garçon de café joue à être garçon de café. … Il s’identifie à son rôle pour fuir l’angoisse de sa liberté. »
Cette analyse pourrait refléter une autocritique indirecte de ses choix sous l’Occupation.
Note 3 :
Sur l'utilité et l'usage voir cette synthèse de Perplexity.