Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

L'ontologie cul par-dessus tête

- Je t'assure que je ne le fait pas exprès: j'étais bien sagement à relire mon article sur "Mathematics form and function - Origins of formal structures #2" de Saunders Mac Lane avant de le terminer, lorsque j'ai éprouvé le besoin d'ajouter cette note 4 au point 6/ Symmetry du chapitre, que je reprends ici :

"Afin de terminer ce texte, je reprends ma lecture au point 6/ Symmetry et j'ai encore du mal à rendre "évident" pour moi le passage [⚤]↓[⚤]♧ (voir la discussion identité/ idempotence ici) qui revient dans ce schéma : 

  choix k 𓁝[α]𓁜
𓂀
     
    [α]𓁜 actualisation k 𓂀

- Et qu'est-ce qui te perturbe donc tant ?

- Lorsque j'ai écrit :

  • En mode ♧ : les formes;
  • En mode ♢ : les fonctions;
  • En mode ♡ : les équivalences entre fonctions.

- Tu parlais hier (c) d'objectivation d'une potentialité en mode ♧ ?
- Oui, nous avons vu que l'on pourrait schématiser cette objectivation ainsi : (e)

  choix de Tk 𓁝[α]𓁜  ensemble des T 𓂀
       
    [α]𓁜 actualisation de Tk 𓂀

J'ai instinctivement l'idée que les "formes" dont je parle sont plus "proches" du Réel que l'ensemble {1, 2, 3, 4} des étiquettes que je colle dessus pour les repérer, quand ma représentation de l'Imaginaire nous dit le contraire :

[∃] [⚤] [#] [♲] 𓂀
[∃] [⚤] [#] [♲]   𓂀
[∃] [⚤] [#] [♲]   𓂀

En fait de forme élémentaire au niveau [⚤], je n'ai que des chiffres (les étiquettes). Pour reprendre ma métaphore de la porte et de son ombre, ce sont des "objets", vus comme "quantités conservées" malgré leurs déformations ou effets de perspective, passés par le filtre du niveau [♲], et donc plus complexes que les éléments 1, 2, 3, 4.
Je ne raisonne qu'à partir d'étiquettes, de mots, de labels, et ce qui "fait" le Réel, c'est bel et bien le trauma qu'il provoque en moi, lorsqu'il perturbe ma collection d'étiquettes, ou plus encore, lorsque les mots me manquent pour l'identifier (par exemple lorsqu'en Namibie le linguiste Jules Davidoff perturbe des Sujets de la tribu Himba, en leur présentant un tableau de couleur bleue au milieu d'une collection de tableaux de couleur verte, parce qu'ils n'ont pas dans leur langue de mot désignant le bleu).
- Mais où veux-tu en venir ?
- Après ma lecture de Stanislas Dehaene (voir "La bosse des maths"), il apparaît que les quantités et les chiffres sont codés dans le cerveau très précocement, dans le même temps que s'effectue le repérage des visages et des objets, avant la recherche linguistique d'un mot pour les identifier. En particulier, les chiffres 1, 2, 3 sont "compris" par les animaux supérieurs, comme les chimpanzés.
- Et ?
- Et bien ceci vient à l'appui de ma présentation du contact au Réel: [∃][⚤]𓁜, avec l'idée de la construction de N+ dans les strates les plus élémentaires du cerveau (i.e.: en [⚤]), en première ligne pour décrypter le Réel. Et du même coup, cela renforce également l'idée que les ensembles X et Y sont "idempotents" au regard de cet ensemble très rustique (1, 2, 3, 4). Vois-tu l'inversion de la posture par rapport au Platoniciens ?

- Pas trop...
- Mais si :

  1. Le nombre est au plus proche du Réel [∃][⚤]𓁜, codé dans notre cerveau qui s'y est adapté au cours de son évolution, et non pas élaboré à partir d'un principe unitaire, transcendant notre nature humaine, et soumis à la loi divine 𓁝[♲][1]☯ ;
  2. Par contre les "objets" de notre attention, eux, sont culturellement déterminés, qu'il s'agisse d'un "carré", d'une "porte" ou de la "couleur bleue";
  3. Dès que l'on considère les "objets" par leurs relations, nous sommes de facto en mode ♢, et donc ils sont "idempotants" au regard d'une permutation sur l'ensemble (1, 2, 3, 4) en [⚤]𓁜, comme l'indique notre schéma.

Autrement dit, le concept Platonicien d'un monde des "idées" accroché à un principe unitaire nous induit en erreur car nos pensées les plus élémentaires sont déjà là pour nous aider à crypter nos expériences du Réel et leur donner un sens.
- Mais n'est-ce pas le principe de la réminiscence, reporte-toi au dialogue de Ménon et Socrate.
- Non, non et non ! Le point fondamental est que Socrate pense à l'autre comme un élément𓁜, un individu séparé et semblable aux "autres" (comme les abeilles dont il parle à Ménon), fait d'une substance que l'on peut façonner par des idées issues d'un monde idéal, coupé du Sujet, dans un récit limité à (...)⇅𓂀. Mais si tu veux passer au mode topologique  (...)𓂀, il faut raisonner en termes de 𓁝partie et de tout𓁜. La capacité à évaluer des quantités est primitive et nous permet de donner sens à nos expériences du Réel, et ne vient pas d'un principe exogène au Sujet.
- Cependant, l'esclave arrive bien à retenir la leçon de Socrate et à calculer correctement la surface d'un carré alors qu'instinctivement il n'y arrivait pas.
- Mais c'est un acquis culturel assis sur une même compréhension, là encore culturelle, de la logique du premier ordre, et non une "redécouverte" d'un principe idéal. À une autre époque, Einstein pourrait lui démontrer qu'une aiguille est plus longue que le tunnel qu'elle traverse à la vitesse de la lumière, ou que le temps s'écoule plus vite à tes pieds que dans ta tête à cause de la gravité... Autrement dit notre Monde aurait une géométrie de Minkovski, non Euclidienne, où le calcul de Socrate n'est pas une vérité absolue mais relative.
Vois-tu la bascule ?
Dès que tu passes en mode ♢, tu es dans une logique intuitionnisme et le concept de causalité propre au mode ♧ et à la logique du 1er ordre, n'a plus de sens, et du même coup la distinction entre immanence S↑ et transcendance S↓ n'a plus lieu d'être : nous sommes de facto dans le 3ème entendement de Spinoza, qui conjoint les deux S↓↑. Il n'y a pas plus de réponse pour trancher entre Aristote et Platon que de réponse à la question de savoir qui est premier de la poule ou de l'oeuf: ce ne sont pas des éléments indépendants, car ils sont parties de la même histoire."

L'idée qui cogne à mes tempes de façon de plus en plus insistante c'est qu'il faut tout mettre cul par-dessus tête dans notre façon de penser restée trop platonicienne, pour donner cohérence à la nouvelle voie ouverte par la théorie des catégories.

- Concrètement, qu'as-tu en tête ?

- Dans la querelle des universaux, le monde des idées Platonicien, est en quelque sorte coupé du Réel, au plus près d'un Symbolique qui se caractérise d'être Unitaire.

- Oui tu nous le rabâches suffisamment : 
([1][⚤]𓁝⇅𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[1]𓂀Platon♧  (Voir "Retour à Platon et Aristote"), et donc ?

- Par opposition, la substance colle au Réel, sorte de glaise indifférenciée qui prendra forme grâce au idées, d'où toute la question du passage 𓁝[♲]𓁜 dont nous avons longuement discuté en commentant le livre d'Alain de Libera sur le sujet. Tu sens dans cette différence l'opposition entre ce qui est corruptible, du domaine du sublunaire et ce qui est incorruptible, tel les sphères célestes au-delà de la Lune. Et c'est encore cette "substance" que tu retrouves chez Sartre dans la Nausée, lorsque Roquetin prend conscience de la matérialité de l'existant :

«Donc j’étais tout à l’heure au jardin public. La racine du marronnier s’enfonçait dans la terre, juste au-dessous de mon banc. Je ne me rappelais plus que c’était une racine. Les mots s’étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d’emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface. J’étais assis, un peu voûté, la tête basse, seul en face de cette masse noire et noueuse, entièrement brute et qui me faisait peur. Et puis j’ai eu cette illumination.(…)
Et puis voilà : tout d’un coup, c’était là, c’était clair comme le jour : l’existence s’était soudain dévoilée. Elle avait perdu son allure inoffensive de catégorie abstraite ; c’était la pâte même des choses, cette racine était pétrie dans de l’existence. Ou plutôt la racine, les grilles du jardin, le banc, le gazon rare de la pelouse, tout ça s’était évanoui ; la diversité des choses, leur individualité n’étaient qu’une apparence, un vernis. Ce vernis avait fondu, il restait des masses monstrueuses et molles, en désordre – nues, d’une effrayante et obscène nudité.
» Extrait de "La Nausée" que je commente dans "L'Homme Quantique"

Est-ce que tu vois l'énorme contresens de Sartre ?

- Je sens que tu vas te faire des amis... Mais explique-moi.

- Lorsqu'il parle de "la pâte même des choses", il prête une consistance à un Réel qu'il nous est absolument impossible d'appréhender, alors que cette prise de conscience d'une consistance ne peut venir qu'après celle des catégories !

Dans la structure de l'Imaginaire, cela vient en [♲]𓁜, avec le triptyque de Noether (Symétrie/ Quantité conservée/ indétermination), après le niveau [#]𓁜 où les catégories se caractérisent par leur orthogonalité !

Sartre se dit "existentiel" ou tout du moins le classe-t-on comme tel, alors qu'il dote le Réel d'une "substance" ! Non, le véritable phénoménologue s'il en est un, c'est Lacan, qui se limite à constater  empiriquement l'irruption du Réel dans l'Imaginaire sous forme d'un trauma [∃]𓁜, que le Sujet exprimera ensuite, soit par des mots, soit par des chiffres, en [∃][⚤]𓁜.

Et donc, dans cette perspective élémentaire (nous restons en mode objectif ♧) la phrase "Les mots s’étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d’emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface" n'a pas le sens d'une descente vers le Réel (i.e.: S↓), mais au contraire d'une montée vers le Symbolique (i.e.: S↑), puisque c'est grâce aux étiquettes que l'on identifie nos impressions sensorielles, nos expériences (ou traumas) du Réel, que se dégage l'idée qu'un volume ou une quantité, ou une substance, se conservant malgré toute notre agitation autour d'elle. Il n'y a pas de "verni" qui fonde pour dévoiler un quelconque Réel.

Tout ceci vient de ce qu'au plus près du Réel, et pour l'Imaginer, nous partons des étiquettes que nous scotchons sur nos expériences, comme autant de sparadraps sur les blessures qu'il inflige à notre Imaginaire. Ensuite nous classons, ordonnons, catégorisons ces étiquettes pour arriver à la notion "d'objet". de discours. De ce point de vue, l'objet n'est pas une donnée sur laquelle nous glosons, mais ce que nous ne voyons jamais : le volume sous la surface "des choses". Voir le volume est aussi impossible que "voir" l'effrayante et obscène nudité de l'être. De plus, La "substance" ne renvoie pas à un quelconque concept unitaire 𓁝[♲][1] mais au vide 𓁝[♲][], et pour l'approcher, la meilleure façon n'est pas la voie "logique" en mode ♧ mais "topologique" de mode ♢, en utilisant les outils qu'elle nous offre comme les groupes d'homologie. (voir "Les groupes d'homologie du Sujet").

- Soit, mais pourquoi ce dessin d'enfant ?

- Parce qu'avant de "voir" une maison, l'enfant s'en fait un archétype fait d'un carré surmonté d'un toit triangulaire. Bref, l'enfant part de formes géométriques simples et "quadrille" le Réel avec cette représentation pour y repérer ensuite les objets qu'il étiquettera "maison". La "maison" n'a aucune "substance" en elle-même, hormi l'activité neuronale (en fait une baisse d'activité) associée à l'identification d'un percept à ce concept...

- Bon, mais pourquoi cet article, finalement ?

- Parce que j'ai passé plusieurs années à identifier cette structure Imaginaire élémentaire :
([∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]𓂀
pour me rendre compte à présent que, contrairement à l'école anglo-saxonne qui privilégie une approche immanente S↑, bien "concrète", tentant vers un principe unitaire Platonicien 𓁝[1], et limitée au mode ♧ (avec une logique du premier ordre et le tiers exclu en [⚤]𓁜) il faut privilégier une approche topologique, en mode ♢ passant par une logique intuitionnisme; et voir résolument le passage ♢↓♧ comme l'actualisation (ou la représentation) du travail Imaginaire qui se passe en coulisses.

- D'où ta lecture de Saunders Mac Lane ? Et si tu y retournais ?

- Dès que j'ai un moment !

Hari

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article