Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
18 Février 2021
Notes de lecture de "Ma et Aïda" du 18/02/2021
- Le premier texte de la compliation est d'Augustin Berque de l'EHESS, et sa problématique à tout pour me plaire : "Étendre Ma et Aida à la logique et aux sciences dures". C'est de là que j'avais tiré mes premiers commentaires (voir "Passage à l'Orient").
Nota : La signification et l'usage de mes glyphes, comme le schéma général de l'Imaginaire du Sujet sont présentés ici: "Résumé"
☯[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]☯𓂀
1/ Remarque immédiate concernant l'exposition de 1978 "Ma - espace-temps au Japon", commentée par Roland Barthes. Lorsque j'écris :
((☯[∃][間]𓁜)⇆(☯[∃][♲]𓁜))⇆𓂀
En position [♲]𓁜, nous pouvons définir les principes de la relativité (voir "Principe de Relativité"), il est donc tout à fait évident que nous devions le retrouver en [間]𓁜 ce qui, par hypothèse (c'est ce que je tente de vérifier ici), définit Ma.
2/ Concernant l'Aida (p.12):
Il est tout à fait significatif que pour aborder cette notion, l'auteur reparte d'une différence de perception du Sujet entre Occident et Japon. Selon le psychiatre Kimura Bin, le soi Japonais "jibun" (自分) est "une part (bun) d'un soi (ji)qui ne se limiterait pas à la définition de l'individu. Le jibun non seulement supposerait une relation entre (aida) le soi individuel et celui d'autrui mais cette relation même serait l'aida."
Cette façon de voir l'individu comme partie d'un tout et non un élément tel Descartes affirmant son ego, se retrouve dans la façon de comprendre que le "souffle vital" 気 engendre nombre de termes japonais tels que "kibun" 気分 ou "humeur" qui est littéralement la "part" (bun) de qi revenant à l'individu.
Tout ceci s'accorde parfaitement à la posture ex ante 𓁝[♲] telle que nous l'avons décrite :
((𓁝[間][無]☯)⇆(𓁝[♲][∅]☯))⇆𓂀
La différence culturelle entre Occident et Orient tiendrait alors à une plus grande sensibilité Orientale à la posture 𓁝, quand l'Occident se serait centré sur l'individu 𓁜, et singulièrement depuis l'avênement du cartésianisme.
Le philosophe pourra ensuite discuter (p.14) d'une vision eidegerienne tournée vers la mort (i.e.: ☯𓁜) opposée à une vision nippone qui serait tournée vers la vie (i.e.: 𓁝☯)... D'après l'auteur, le "dasein" de Heidegger reste bloqué dans une conception individualiste de l'existence, et donc en posture ☯𓁜.
Pour l'auteur cette vision ☯𓁜 constituerait encore aujourd'hui le "topos ontologique moderne" ou TOM (p.15).
- Pourquoi ce conditionnel ?
- Parce qu'à suivre les matheux dans leur reconstruction du langage mathématique, il me semble qu'il ont déjà largement contourné cette vision, en particulier, dès qu'ils ont développé une approche locale de leurs concepts. Certes, la démarche elle-même n'est pas encore conceptualisée en tant que telle, mais la pratique en est avérée depuis Évariste Galois. Avant même cette évolution en maths, les physiciens ont secoué le cocotier depuis bien plus d'un siècle maintenant.
- Qui donc est à la traîne ?
- Sans doute les philosophes eux-mêmes...
3/ Fûdosei
Le terme de "médiance", pour traduire ce concept est d'Augustin Berque.
Je ne peux m'empêcher de repenser à Antoine Roquentin qui, dans "La nausée" de Sartre, prend conscience du Monde comme d'un tout.
"...L’existence s’était soudain dévoilée. Elle avait perdu son allure inoffensive de catégorie abstraite ; c’était la pâte même des choses, cette racine était pétrie dans de l’existence. Ou plutôt la racine, les grilles du jardin, le banc, le gazon rare de la pelouse, tout ça s’était évanoui ; la diversité des choses, leur individualité n’étaient qu’une apparence, un vernis. Ce vernis avait fondu, il restait des masses monstrueuses et molles, en désordre – nues, d’une effrayante et obscène nudité."
- Tu fais un sacré raccourci ! Les Japonais s'intéressent à l'entrelien social, l'aidagara, sans se préoccuper de "l'existence" au sens Sartrien du terme.
- Bien entendu, mais il y a bel et bien, dans l'un et l'autre cas, une posture ex ante commune du Sujet 𓁝. Ce n'était qu'une réminiscence de l'Homme Quantique, rien de plus.
Le "fûdo" est défini par le philosophe Watsuji (和辻 哲郎) comme "le moment structurel de l'existence humaine". L'auteur écrit :
"J'ai traduit fûdosei par "médiance", à partir de la racine med- de milieu et plus directement à partir du latin medietas qui signifie "moitié". La médiance c'est en effet la relation dynamique entre les deux "moitiés" constitutives de l'être humain (ningen 人間), sa part individuelle d'un côté, (ce que Watsuji appelle le hito人, et Leroi-Gourhan le corps animal), sa part commune de l'autre (ce que Watsuji appelle aida間, et Leroi-Gourhan le corps social). Toutefois, plutôt que de "corps social", je parle pour ma part de corps médial autrement dit de milieu, car celui-ci n'est pas seulement techno-symbolique; s'inscrivant nécessairement dans les écosystèmes, il est éco-techno-symbolique. Ce milieu ou ce corps médial, c'est ce que Watsuji appelle "fûdo". p. 16
Et bien, mon ami, ce "moment structurel de l'existence humaine", défini comme l'instant du rapprochement entre 人 et 間 pour former 人間 me semble bien correspondre à ce que Lacan appelle tout simplement le stade du miroir ! (voir "Le point #4")
Nous avons ici l'expression nippone de notre "Je est un autre" Lacanien, pas étonnant qu'il est tant de succès là-bas ! Reporte-toi à ce que nous en disions ici : "Je 𓂀 est un Autre 𓁝I𓁜 ou (𓁝⇆𓁜)⇆𓂀 "`
À la réflexion, je pourrais très bien remplacer :
L'observable d'un Sujet (ce qu'il donne à voir) étant 〈𓁝I𓁜〉 ou 〈間I人〉 en reprenant le "bra" 〈 et le "ket" 〉 de Dirac !
- Dommage qu'il y ait cette inversion des signes, sinon tu avais directement le concept nippon d'être humain 人間 !
- Juste une convention d'écriture... Je crois que tout le reste de la thèse d'Augustin Berque devient dès lors d'une simplicité biblique... J'y retourne quand même, histoire de vérifier !
4/ Page 22 :
- L'auteur développe un certain formalisme pour exprimer le fait que la séparation toute cartésienne ente le Sujet et l'objet est dépassé par la science moderne :
"Soit en termes logiques S (la substance, l'en-soi du sujet logique, ce dont il s'agit) en tant que P (le prédicat, ce en tant que quoi on saisit S). La réalité - ce qui existe concrêtement pour nous -, ce n'est ni seulement S ni seulement P, mais S en tant que P; soit la formule r=S/P.
Dans cette trajection, l'"en tant que" n'est autre que l'aidagara, l'entretien que nous avons concrêtement avec les choses de notre milieu."
Il vient immédiatement que ce r=S/P s'exprime plus clairement par ☯[S][P]𓁜, sans préjuger des niveaux effectifs auxquels sont imaginés S et P.
Mais cette simple transcription suffit à souligner les limites de cette approche!
- Comment cela ?
- La constitution des critères de jugements [P] se fait à partir de la culture du Sujet, d'ailleurs l'auteur ne cesse lui-même de le dire, autrement dit le Ma, ici notre [P]𓁜, ne peut venir qu'après un retournement du Sujet 𓁝[P], il est là le "aidagara", et il se joue là le fûdo de Watsuji! Je vois ici un embarras dans l'expression d'Augustin Berque tenant à son désir d'acclimater une pensée Nippone à la logique Cartésienne...
Pour rendre compte de la différence Ma / Aida, il faudrait reconstituer les 3 discours de l'Auteur 𓂀 :
𓂀 | ||
[⚤] | ☯(𓁝⇅𓁜)☯ | Le stade du miroir, soit l'instant où 𓁝⏩𓁜 <=> 間⏩人) |
[#] | ☯(𓁝⊥𓁜)☯ | La différence 𓁝⊥𓁜 Ma⊥Aïda <=> 𓁝間⊥間𓁜 |
[♲] | ☯(𓁝⇆𓁜)☯ | Le fûdo ou rapprochement 人⇆間 |
En ce qui concerne le tableau dressé de la pensée Occidentale afin d'avoir un terme de référence, il me semble daté d'avant la Relativité (concernant la notion d'espace-temps) et la quantique (concernant la causalité), dommage...
Par ailleurs l'idée de transcender une dualité par un tiers élément, qui serait ce r=P/S, nous ramène à Dumézil et aux triades indo-européennes, pensée non logique, certes, et pourtant bien présente en Occident...
Hari