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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

La courbe du chien

Je ne peux m'empêcher de penser que notre développement intellectuel doit pouvoir s'évaluer en référence à l'amélioration de notre représentation du mouvement. Qu'il s'agisse dans un premier temps des mouvements physiques, des objets dans notre environnement et, tout dernièrement, de notre propre évolution.

Cette idée me trotte dans la tête depuis la rédaction du paragraphe sur la chute diachronique de l'Imaginaire vers le Réel (cf.: l'Homme Quantique) lorsque celui-ci nous surprend. J'y faisais référence à une réminiscence d'un accident automobile qui m'était advenu.

Il me semblait que dans cette chute vers le Réel, j'avais perdu tout possibilité de m'imaginer une quelconque évolution, c'est à dire, pour reprendre notre vocabulaire, que j'étais tombé à un niveau Imaginaire synchronique si bas qu'il m'était impossible d'y repérer une accélération.

Or, cette réflexion me ramène à mes jeunes années d'ingénieur chez MATRA où je m'occupais d'auto-directeurs de missiles air-air. L'idée était d'anticiper la trajectoire d'une cible pour optimiser son interception. Le modèle élémentaire de cette situation de poursuite est celle du chien qui veut rattraper son maître (ou une proie): il suit du regard son objectif et court droit dessus. Le résultat de cette "course" est ce que l'on appelle la "courbe du chien", représentée ci-dessous : 

On voit très simplement que le chien parcourt beaucoup plus de chemin que s'il avait anticiper le déplacement de son objectif, ce qui l'oblige assez vite à un déplacement parallèle à sa proie. Le résultat de la course dépendant alors uniquement de sa vélocité. Pour améliorer ce résultat, il faut donc prévoir à l'avance le point d'intersection des deux mobiles pour s'y porter au plus court, tracer une ligne droite entre ma position actuelle et ce point d'intersection, théorique (puisque dans le futur). L'homme est capable de ce calcul, le chien beaucoup moins. Et si l'on régresse dans l'ordre du vivant, on en arrive à des attitudes purement passives, où le prédateur attend tout simplement qu'une proie passe à sa portée. Sa stratégie consiste alors à se camoufler pour la surprendre... C'est un peu ce qui frappe dans cette scène de chasse de crocodiles où les zèbres frôlent leurs prédateurs. Plus qu'à une "chasse", on a plutôt l'impression qu'il s'agit d'une "cueillette", les crocodiles ne s'intéressant a priori qu'à ce qui leur tombe sous la dent.

Et si l'on régresse encore dans l'ordre du vivant, la dimension temporelle s'estompe pour baser toute stratégie sur une appréhension de l'espace: c'est tout l'art du camouflage déployé par les insectes.

Ensuite, en régressant encore, la vision perd de son importance au profit de nos sens les plus archaïques, tels que l'odorat, ou le toucher.

Tout ceci pour donner quelque consistance à mon intuition concernant l'importance de la représentation du temps dans l'avènement, puis le développement, de notre "prise de conscience".

En corollaire, et ceci mériterait d'être développé: l'amélioration de notre anticipation d'un mouvement va de paire avec une instabilité croisante de l'outil (notre cerveau) qui nous permet une telle avancée. C'est une leçon qui, là encore, nous vient du domaine aéronautique: l'amélioration des performances se paie par une plus grande instabilité. On devrait sûrement pouvoir filer la métaphore assez facilement: les animaux sont beaucoup moins sujet à des dysfonctionnements nerveux (tels que psychoses ou névroses) que l'homme. Ceux qui en montrent des signes nous sont généralement assez proches (animaux de compagnie, etc...), ou dans des conditions de stress (je pense à des expériences faites par Henri Laborit sur des rats confinés dans des espaces restreints.) Laborit ramène d'ailleurs assez radicalement notre mal-être à l'inhibition de l'action; c'est insister là encore sur l'importance de l'action et de sa représentation dans notre Imaginaire... Ce qui alimente encore notre réflexion.

Bonne chasse... Au fait, quel type de chasseur êtes-vous?

Hari

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F
Type "mante religieuse" ou "tigresse". Fontaine
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F
Pour satisfaire votre curiosité, disons que j'ai été attirée par le titre du billet qui m'a évoquée le poème de Paul Eluard "La courbe de tes yeux".
H
Par curiosité : comment avez-vous atterri sur ce billet, perdu au fond de mon blog ?