Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...
17 Mars 2024
- Encore une digression ?
- Écoute, je sais très bien que nous sommes au milieu du gué, et qu'après nous être fait une petite idée de ce qu'est un schéma, il nous reste à aborder le topos, qui est pour l'instant notre Saint Graal. Mais j'ai encore besoin de me "retâter" à ce concept comme dirait Montaigne :
"Je m'y essaie, comme à toute autre chose, à connaître de combien de fibres ma volonté est composée, de combien de pièces ma liberté, et de quoi est fait ce qui est mien. Je m'y retâte pour ainsi dire, et m'y explore plus souvent et plus curieusement que je ne fais tout autre partie de moi-même". Montaigne, Des Coches (livre III chap 6) des "Essais"
Et donc, je ne peux retrouver ce principe général de dichotomie au sujet de la pensée mythique (voir le dernier article "Parole et création #2"), sans qu'automatiquement ne me vienne à l'esprit cette question "et la dialectique dans tout ça" ?
- Soyons clairs : tu ne t'es jamais intéressé à la dialectique, n'est-ce pas ?
- Un Hégélien l'aura tout de suite compris au seul rapprochement qui me vient entre dichotomie et dialectique ! Cependant, et ce serait une bonne entrée en matière, Hegel lui-même pourrait justifier que je m'attarde un peu à cette dialectique...
- De quelle façon ?
- N'y connaissant rien, j'ai fouillé un peu sur le net à la recherche d'une vidéo de présentation, et me suis arrêté à celle-ci, où l'auteur présente à 20 mn l'expérience suivante : tu es en voiture avec un ami, pour aller à un rendez-vous. L'ami te suggère de "prendre un raccourci". Tu as donc le choix entre suivre ton chemin, ou son conseil (j'ai un faible pour les zeugmes).
Et bien, confronter ce que nous venons de voir de l'articulation entre 3 logiques différentes à la dialectique, me semble une expérience de cet ordre.
- Bon, soit, mais si tu avançais, puisque de toute façon, tu as décidé de faire ce détour.
- Je rembobine la vidéo au point de départ : Socrate et sa maïeutique. Selon l'auteur, la "dialectique" socratique consisterait à cerner la "vérité", en faisant prendre conscience à son interlocuteur de ce qu'elle n'est pas.
- Tu nous en a déjà parlé sur ce blog, (voir "Le Menon #2") et tu étais passablement critique à ce sujet. (Note 1)
- Comme je te l'ai dit dernièrement (voir "J'ai rêvé du Tao"), il est temps de dépasser cette critique de l'Autre pour le "comprendre"...
- C'est déjà hégélien, puisque tu en es au dernier stade dialectique...
- ... Signe qu'il est temps de s'y intéresser, mais laisse-moi y venir à mon pas.
Donc, pour commencer notre réflexion sur la dialectique par ce qu'il en est chez Socrate, j'espère que tu vois immédiatement pourquoi nous sommes renvoyés à un processus "cohomologique" ?
- Par sécurité, merci de me l'expliquer simplement.
Ménon écoutant 𓁝 | [⚤]♢ | 𓁜 Socrate questionnant à partir de sa propre problématique |
↓ | ||
[⚤]♧ | 𓁜 accord "verbal" de Ménon non relationnel (le "même" produit le multiple à partir de l'Un) |
L'arnaque intellectuelle consistant à arracher un accord en mode relationnel ♢, qui s'inscrit dans un jeu de pouvoir entre Socrate et Ménon (toutes les abeilles sont semblables, en tant qu'elles sont abeilles dixit Socrate), pour qu'ensuite Ménon concède en mode objectif ♧: "oui, toutes les abeilles sont semblables". Comme si les abeilles pouvaient exister sans la différence abeilles/ bourdons ou ouvrières/ reine !
- Tu soutiens Socrate, comme la corde le pendu !
- L'usage que Socrate fait de la dialectique n'est pas ce qui nous importe ici, mais plutôt le fait qu'il s'agisse bien de cohomologie ! C'est en cela qu'il accouche la Grèce de l'Europe, en la questionnant, mon ami.
- .. Sa maïeutique, merci j'avais compris, mais quelle différence d'avec la pensée mythique que nous venons de revisiter (voir "Parole et création #2")?
- La logique à l'oeuvre est explicite —tout du moins celle du premier ordre, celle de Parménide, Héraclite, et plus tard Aristote. Et c'est à ce filtre que l'on tamise toute proposition, d'où l'idée de "rationalité", dans ce "rapport à...", je ne développe pas plus. Et donc, d'un saut ♡↓♧, on en vient à un saut ♢↓♧. (Note 2)
- Ce qui amènera Europe à se refuser à Zeus... À voir, mais quid d'Hegel ?
Le 18/ 03/ 2024 :
- Je passe rapidement sur l'entrée en matière où l'auteur commence par dire que la dialectique n'est pas un concept mais plutôt "un mode de fonctionnement", voire un "processus" qui caractériserait "le comportement du réel, comme si le réel était doté d'intentions".
Tu vois d'entrée de jeu que parler de "processus" va forcément limiter le mode de représentation au niveau [⚤], avec la difficulté que nous venons de voir: l'utilisation d'une logique du 1er ordre en [⚤]♧, non adaptée à son "objet" relationnel en [⚤]♢.
L'idée de "processus", qui peut encore se comprendre dans la construction cohomologique (i.e.: dans une progression, sans retour en arrière contrairement à l'homologie), est limitée à l'appréhension d'un temps séquentiel. Ça relève de l'évidence pour un esprit Occidental, mais n'a rien d'universel —cf. le concept de Ma 間 japonais.
"Chez Hegel la dialectique ne se résume pas à cette méthode de raisonnement [i.e.: la méthode socratique de réfutation du faux pour atteindre le vrai], d'investigation du vrai, la dialectique englobe beaucoup plus de choses. La dialectique hégélienne englobe tout ce qui est. Elle englobe tout le réel. Ce qui veut dire que pour Hegel, tout est dialectique; aussi bien la réalité matérielle, que la réalité spirituelle c.-à-d. la pensée, les idées, l'esprit, " Vidéo 5mn
Y voir "le comportement du Réel", est une idée totalement obsolète de nos jours (voir ici dans "Parole et création #2"). Tu connais la blague de la blonde qui s'inquiète d'avoir mal partout à son docteur ?
"- Quand je me touche le bras, ça me fait mal, et si je touche ma jambe, ou mon dos, ou ma tête, ça me fait encore mal, qu'est-ce que j'ai docteur?
- Madame, votre index est fracturé."
- Autrement dit, si le réel semble répondre à une dialectique mise à jour par Hegel, le plus simple est de comprendre qu'il projette sur le Monde l'idée qu'il s'en fait...
- Ce qui n'est en aucun cas un jugement de valeur: comme tout vivant, Hegel procède de son environnement, et nous ne sommes pas en mesure de savoir qui est premier de l'oeuf ou de la poule. Il nous propose un mécanisme permettant d'agir sur le monde, à nous de voir si ça nous est utile ou pas.
- Tu en reviens à explorer la route que l'on te propose ? Mais si tu butes sur chaque mot on ne va pas avancer...
- OK, laissons cette discussion de côté pour aller au fond de ce "processus". Je retranscris :
" Il [Hegel] identifie dans le réel un principe, qui est le principe rationnel, et dont la dialectique constitue la mise en oeuvre dans le monde matériel" vidéo 2'50
[...] et s'il fallait brièvement définir la dialectique chez Hegel, on pourrait dire que la dialectique désigne le processus qui fait que tout ce qui existe passe toujours par son contraire. C'est ça l'élément clef de la définition de la dialectique chez Hegel." Vidéo 5mn
Bon, pour éviter de revenir toujours sur les mêmes remarques, je te propose de comprendre ainsi ce principe rationnel : c'est un principe qui s'impose au Sujet dans sa représentation du Réel.
- Autrement dit, le Sujet 𓁝𓁜 serait là en mode sémantique ♡, au plus haut niveau où s'élabore sa loi, en posture ex ante i.e.: (𓁝[♲]♡)𓂀Hegel♡, avec Hegel explicitant une "loi" là où nous parlons volontiers de "propriété universelle" en théorie des catégories. Maintenant que dire de ce "principe de rationalité" ?
- En toute généralité, nous pouvons déjà acter que la représentation que le Sujet se fait du Réel/ Symbolique, ce rapporte à sa personne, c.-à-d. son Imaginaire.
- Que l'Homme soit la mesure de toute chose n'a rien de bien neuf.
- Certes, mais nous venons de voir chez Socrate que cette "rationalité" se limite à la logique du 1er ordre. Et souviens-toi encore des dégâts que le principe de rationalité a pu causer dans l'école Pythagoricienne, où seuls les nombres rationnels étaient concevables.
- Veux-tu dire que l'Homme n'est pas la mesure de toute chose ?
- Plus simplement que la rationalité se réfère à la posture 𓁜, dans laquelle tu identifies les éléments d'une collection, de façon discrète en [⚤]𓁜♧, mais qu'il te faut, de façon complémentaire, en miroir pour tout dire, te comprendre, toi, comme partie d'un tout que tu ne peux cerner 𓁝[#]♧, avec une notion de continu qui dépasse la simple rationalité élémentaire, et ce dès le mode objectif ♧.
- Bon, soit, Hegel ne dit pas tout; il ne parle pas non plus du principe de moindre action que tu places également au même niveau de discours (𓁝[♲]♡)𓂀Maupertuis♡ —ce principe si sage, si digne de l'Être Suprême... Mais avance un peu sur cette dialectique.
- Tout ce que nous venons de passer en revue, nous permet d'en limiter le champ aux 3 modes ♡,♢,♧ mais sur un seul niveau : [⚤], ce qui cadre avec notre rapprochement d'un processus cohomologique :
[⚤]♡ | => | [⚤]♢ | ||
⇘ | ⇙ | |||
[⚤]♧ |
Et c'est en [⚤]♡ que nous pouvons interroger l'exigence d'une complémentarité...
- Où tu retrouves un principe dichotomique déjà à l'oeuvre dans la pensée mythique ? Mais alors d'où vient la nécessité en [⚤]♧ de passer systématiquement par les deux termes opposés de cette "dialectique" ?
- Poser la question c'est y répondre : ne pouvant exprimer clairement en [⚤]♧:
Le langage ne peut que sauter de Vrai à Faux, quand le référé du discours, en mode ♢ reste indicible. Le vrai serait dans le saut diachronique entre deux expressions synchroniques Vrai-Faux, avec un joli automatisme de répétition à la clef, symptôme de cet échec du langage en [⚤]♧. (Note 3)
On pourrait dire que c'est parce que le langage échoue à représenter le réel, que la dialectique se constate, i.e.: notre automatisme de répétition.
- J'aimerais que tu reviennes à Hegel.
- L'auteur nous offre un exemple : soit un étudiant qui fait des études de commerce pour faire plaisir à ses parents, quand il aime la musique. Il fait une première année, et commence à s'ennuyer sérieusement, mais il persévère et continue une seconde année, pour finalement décider de s'arrêter et suivre sa vocation de musicien. D'après Hegel :
"La morale de cette histoire c'est que cet étudiant a dû en passer part deux ans de contraintes, deux ans de souffrances pour finalement se rendre compte que sa vocation était ailleurs. Deux ans pour qu'il prenne la décision de se réorienter et de vivre de sa passion.
La dialectique, c'est le fait que notre étudiant devait en passer par là pour se rendre compte qu'il n'était pas fait pour ça; pour se rendre compte que sa voie n'était pas là.
Alors bien sûr certains d'entre vous diront "mais il le savait depuis le début, au fond de lui, il le savait très bien".
Oui, peut-être qu'il le savait au fond de lui, mais encore faut-il que ce savoir parvienne jusqu'à sa conscience. Encore fallait-il que ce savoir se manifeste, et se manifeste à tel point qu'il ne puisse plus être nié; ce manifeste avec tellement d'évidence qu'à ce moment-là, la décision devient fatale..
La dialectique c'est le processus par lequel je fais l'expérience de ce qui n'est pas moi, je fais l'expérience de la contradiction, et tout ce qui est, obéit à cette loi implacable de la dialectique". Vidéo 9 mn
Bon, nous sommes ici au coeur du sujet.
Pour en revenir à l'automatisme de répétition, nous avons vu, il y a longtemps qu'il s'arrête lorsque le Sujet surmonte une agitation entre les postures 𓁝/𓁜, par un "saut" ([α]𓁝/𓁜[β]⏩𓁝[β]𓁜)⇅𓂀♧.
En l'occurrence, il s'agit ici d'un rapport de l'élève 𓁝𓁜 à une autorité parentale lui enjoignant de "faire partie" d'une classe, autrement dit nous sommes ici en: ([⚤]𓁝/𓁜[#])𓂀parent ou: ([⚤]𓁝/𓁜[#]𓁜parent)𓂀Hari.
Le "choix" final de l'élève passe par le renversement de l'autorité parentale ([⚤]𓁝/𓁜[#]𓁜parent⏩𓁝[#]𓁜élève)⇅𓂀Hari♧ , et la subversion de la classe "commerce" par celle de "musique". De tout ceci, la psychanalyse nous parle très bien.
- Reviens à la dialectique :
"La dialectique c'est le processus par lequel je fais l'expérience de ce qui n'est pas moi, je fais l'expérience de la contradiction, et tout ce qui est, obéit à cette loi implacable de la dialectique".
On peut discuter de: "faire l'expérience de ce qui n'est pas moi". Nous sommes loin, ici, de l'expérience originelle du trauma du Réel, voire du stade du miroir en mode objectif ♧. On peut dire plus précisément que l'élève se "construit" ici en mode relationnel ♢ au niveau [#], dans un monde limité ici à deux dimensions (commerce⊥musique), et que son choix s'exprime en [⚤] par une restriction : ¬commerce.
- Bref, tu nous ressors ton schéma homologie/ cohomologie?
- Il n'y a aucune raison de changer une équipe qui gagne! Mais tu peux remarquer au fur et à mesure du processus de quelle façon la logique employée évolue, en conséquence du choix de l'étudiant :
[⚤]♢ | ← | [#]♢ | ||
↓ | ||||
[⚤]♧ |
Maintenant, je voudrais attirer ton attention sur le fait que Hegel se limite ici à une "contradiction" très simple, limitée à une seule dimension : ce sera commerce ou musique. Nous avons le pendant en physique lorsque Newton nous donne une loi d'attraction universelle impliquant deux corps, mais la solution d'un système à 3 corps est beaucoup plus compliquée !
- Dans le processus cohomologique, n'avais-tu pas déjà remarqué que l'on progressait d'une seule dimension à la fois ?
- Exactement : la dialectique revient en fait à distinguer dans un "tout", une dimension particulière qui nous fait voir rétrospectivement une dialectique entre cette dimension distinguée, et le "reste" placé en opposition. Dans l'exemple de notre étudiant, la dimension distinguée, c'est la musique, mais l'histoire eût été la même, qu'il s'agisse d'un école de commerce ou de cirque chez les Bouglione.
- Comme quoi la dialectique tient à notre façon de mettre en scène le réel et non le réel lui-même?
- Tu m'ôtes les mots de la bouche. Ceci dit, le lien fait par Hegel entre un choix et la prise de conscience du Sujet est intéressante.
- Tu reviens à J.P. Changeux ?
- Par la force des choses. Si, comme nous venons de le voir, la dialectique est une mise en forme conceptuelle du Réel, alors, oui, la prise de conscience, vu par Changeux comme la rencontre entre un percept et un concept, nécessite effectivement au préalable une "mise en forme" du concept dans une zone mémorielle définie, pour nous permettre d'y rapporter un percept, comme de "choisir".
- Cette "mise en forme" dialectique, rejoint la dichotomie observée par Lévi-Strauss dans la pensée mythique ?
- Et même la procédure cohomologique, qui ne s'intéresse qu'à la dernière dimension de l'objet à construire. Je te propose de continuer notre audition de cette présentation pour voir si ça colle.
Je passe sur le deuxième exemple que l'auteur nous présente : l'opposition de l'adolescent à l'autorité parentale, nous venons juste de nous y référer pour aborder l'exemple précédent... Je saute à la troisième étape de la dialectique :
"Le troisième stade de la dialectique, le stade de la réconciliation, le stade de l'unification. Hegel utilise un mot allemand pour désigner ce processus, c'est ce qu'il appelle "aufhebung" qui veut dire 3 choses à la fois :
Et c'est ça le coeur de la dialectique : suppression, conservation, dépassement.
Pourquoi suppression ? Parce que lorsque je suis en conflit avec quelqu'un ou quelque chose, peut-être avec moi-même, je suis dans un désir de suppression, un désir de réfutation de l'Autre, mais, en même temps que je le réfute, je conserve en moi ce qu'il m'a apporté. Je conserve en moi la trace e son passage.(...) et il y a dépassement lorsque je surmonte la contradiction. Lorsque la contradiction ne devient plus l'alpha et l'oméga de la relation, mais simplement une étape de la relation, une étape qu'il m'est possible de dépasser. La dialectique désigne ainsi ce schéma auquel rien n'échappe, d'un triple mouvement qu'on a l'habitude de résumer avec ce schéma : thèse/ antithèse/ synthèse. L'essentiel qui est en jeu dans la notion dialectique, c'est cette idée de mouvement perpétuel qui passe par l'opposition, qui passe par la contradiction, et qui fait que la contradiction joue un rôle absolument moteur dans toute évolution.' Vidéo 17mn
Bon, concernant :
- Et le concept de symétrie ?
- Ah ! Hegel meurt en 1831, et Evariste Galois en 1832, mais la révolution qu'il initie verra le jour bien plus tard vers 1843 grâce au travail de Joseph Liouville. Hegel n'a donc aucune notion de groupe de symétrie, la seule qu'il ait à sa disposition étant l'opposition logique héritée des Grecs, émasculée de l'élément neutre, le tiers exclu.
- Et donc tu fais un rapprochement entre :
- Oui, il y là quelque chose qui insiste et questionne. En particulier, il est intéressant de retrouver chez Hegel, dans son désir d'évolution S↑, et dans une pensée qu'il veut immanente (cette idée que l'on n'apprend que par soi-même!), quelque chose de repérable dans une démarche cohomologique : on distingue la dernière dimension du "reste", que l'on traite ici algébriquement (en cohomologie), là logiquement (i.e.: l'opposition hégélienne).
Je continue l'audition :
"Précision très importante : je parle ici, depuis tout à l'heure de la dialectique comme d'un processus qui anime le réel, mais ce qu'il faut bien retenir, c'est que la dialectique concerne également la vie intérieure. La dialectique fonctionne également pour ce qui révèle de la pensée, de la conscience, C'est à dire que nos idées elles-mêmes sont soumises à ce schéma dialectique et à cette évolution qui passe elle aussi par la contradiction. Nos pensées n'échappent pas au processus dialectique."
Nous avons vu d'entrée de jeu qu'il convient d'inverser la proposition, je n'y reviens pas.
Ensuite, l'idée que l'on apprend en surpassant le faux, comme l'enfant découvrant les nombres relatifs après les entiers naturels, me semble mieux reprise par Derrida, voire la pensée mythique qui, par des voies propres, dépasse une contradiction (la potière jalouse) pour "expliquer" la réalité.
Par ailleurs, il faudrait définir dans le dialogue entre le maître et l'enfant, qui présente la contradiction. Souviens-toi de l'esclave de Ménon : c'est Socrate qui fait prendre conscience à l'esclave que le carré de 4 n'est pas 8 mais 16 ! Bref, là on tombe dans un exercice scolaire sans grand intérêt.
Pareil pour l'utilité de l'erreur : le débat a un peu vieilli.
Il y a encore cette idée de "vérité" très scolaire :
"On parvient à la vérité au terme d'un processus qui passe par une série de contradictions de ce que l'on croyait être vrai". Vidéo 27'30"
Oui pour le processus, non quant à la possibilité d'un terme au processus que l'on identifierait à "la vérité". Là encore, l'école de Copenhague est passé par là. C'est comme l'idée de "fin de cure" en psychanalyse.
"Pour Hegel il est nécessaire de passer par l'erreur" Vidéo 27'40
Tout simplement parce que le langage en [⚤]♧ est, par nature, insuffisant à traduire ce qui se développe en mode ♢. Dit autrement : ce qui s'exprime clairement, selon les mots de Boileau, n'est qu'une pensée morte, ou un préjugé.
Ensuite vient un long développement sur la "conscience", qui recoupe notre exploration de l'Imaginaire, mais là, je ne trouve plus grand chose à grignoter...
- On sent la fatigue !
- Je souhaitais frotter notre schéma de l'Imaginaire à la dialectique, en partant de l'idée que depuis la nuit des temps devait s'imposer à nous un principe dichotomique en [⚤]♡. La dialectique hégélienne ne contredit pas cette approche, sans aller jusqu'à dire qu'elle la renforce.
Par ailleurs, nous avons pu suivre une similitude entre processus dialectique et cohomologique, ainsi qu'entre la "aufhbung" d'Hegel et le triptyque de Noether. Ce qui connote, à mon sens, une certaine "tournure d'esprit", proprement humaine. Quant au reste, le développement de l'approche scientifique est tel, que le discours hégélien imprègne depuis longtemps la doxa Occidentale.
- Amen
Hari
Note 1 :
À propos des abeilles "toutes semblables" du Menon, voir ici:
À propos de son argumentaire contre Mélitus au cours du procès :
Note 2 :
Il est très difficile, voire impossible, de retrouver a posteriori le schéma intellectuel à l'origine de ce que nous pouvons représenter actuellement. Le passage de 2 à 3 modes dans le développement de la pensée Occidentale n'est pas encore très clair dans mon esprit, il faudra y revenir en détail...
L'idée que je tente de fixer ici, c'est que d'une transcendance absolue en mode ♡ dans la pensée mythique, à la "raison" grecque que je situe ici rapidement en mode ♢, il y a une prise de conscience puis une revendication de la grille de lecture utilisée, à savoir la logique du discours.
C'est ce qui se marque très facilement dans le schéma où nous repérons a posteriori, hic et nunc la maïeutique de Socrate aussi bien que la pensée mythique, par comparaison avec cette approche cohomologie, qui nous travaille encore:
♡ | => | ♢ | ||
⇘ | ⇙ | |||
♧ |
Mais en parlant de Platon,(voir les articles sur la querelle des universaux), il m'a semblé que deux modes Imaginaires suffisent...
Note 3 :
Je ne peux m'empêcher de penser à Derrida.
Note 4 : 21/ 03/ 2024
Je découvre un peu tard aujourd'hui que Hegel réfutait (à juste titre) le principe de non-contradiction au nom de sa dialectique :
"Hegel, dans sa Logique (1808-1816), s'est opposé au principe de non-contradiction, au nom de sa dialectique. Il montre, par exemple, que le devenir est une unité de l'être et du non-être[précision nécessaire]. «Le néant, en tant que ce néant immédiat, égal à soi-même, est de même, inversement, la même chose que l'être. La vérité de l'être, ainsi que du néant, est par suite l'unité des deux ; cette unité est le devenir. » (§41) Wikipedia article "principe de non contradiction".
Cependant, ma critique tient toujours : penser qu'en écartant ce qui est erroné on dégage, au bout d'un certain processus, "la vérité", relève bien de la logique du 1er ordre, avec implicitement l'utilisation du principe de non contradiction, en opposition avec le rejet du même principe par Hegel...