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Sur les traces de Lévi-Strauss, Lacan et Foucault, filant comme le sable au vent marin...

L'Homme quantique

La formation de l'espace intérieur du monde dans la littérature japonaise classique

Image de couverture de "Mémoires d'une éphémère"

Notes de lecture de "Ma et Aïda" du 05/03/2021

Le 7ème texte est "Le coeur, le corps et le paysage ne font qu'un - La formation de l'espace intérieur du monde dans la littérature japonaise classique-" par Kuroda Akinobu de l'Université de Strasbourg.

Nota : La signification et l'usage de mes glyphes, comme le schéma général de l'Imaginaire du Sujet  sont présentés ici: "Résumé"

[∃]𓁝⇅𓁜[⚤]𓁝⇅𓁜[#]𓁝⊥𓁜[♲]𓁝⇆𓁜[∅]𓂀 (1)

- Cette lecture me donne l'occasion de revenir sur la différence entre l'auteur 𓂀 et le Sujet 𓁝𓁜 dont il parle.

  • 𓂀 peut parler du stade du miroir chez le bébé 𓁜 comprenant que l'image 𓁝 qu'il voit dans le miroir le représente; et ce à différents niveaux de langage :
    • [⚤]𓂀 la scène dans sa temporalité (), avec un avant et un après;
    • [♲]𓂀 le rapport () à l'Autre (le "Je est un Autre" Lacanien);
    • [#]𓂀 la constitution du Moi du Sujet face () à l'autre comme objet (l'objet "a" de Lacan).
  • 𓂀 contrairement à ce qu'il peut dire de 𓁝𓁜, tantôt en posture ex post (ou globale) 𓁜 devant le miroir, tantôt ex ante (ou locale) dans le miroir 𓁝; l'auteur 𓂀 après sa "prise de conscience", est toujours devant le miroir, en position ex post ou globale par rapport à son discours et plus généralement sa prise de conscience du monde.

Cette distanciation de 𓂀 par rapport à 𓁝𓁜, nous a conduits à rechercher dans tout discours sur le Sujet qui se présente à ma lecture les 3 discours de l'auteur, ce qui nous donne un tableau du type :

niveau de 𓂀 les discours de 𓂀 sur 𓁝I𓁜
[⚤] (...⇅...)𓂀
[#] (...⊥...)𓂀
[♲] (...⇆...)𓂀

C'est un dispositif que j'ai utilisé en particulier pour l'analyse du texte de Fukuda Takuya sur la "répétition de l'entre".

Désolé pour ce rappel qui résume mon  "Résumé", mais je pense que c'est la clef pour comprendre simplement ce dont nous parle ici l'auteur.

Je passe directement à son commentaire concernant la différence sémantique entre les deux qualificatifs "hakanashi" et "monohakanashi" employés dans les "Mémoires d'une éphémère" (954-974), rédigées par la mère de Fujiwara no Michitsuna.

- Pourquoi commencer par la fin du texte ?

- Parce que ces deux termes sont liés au concept d'incertitude, qui m'intéresse au plus au point.

En effet, c'est l'un des trois pieds du triptyque de Noether (i.e.: conservation/ symétrie/ incertitude); que nous avons situé au plus haut niveau de l'Imaginaire, [♲]⇆𓂀, où cette conservation prend en compte la relativité générale, avec l'idée de "conservation de mouvement".

Nous avons vu une grande similitude entre cette approche tout occidentale, pour ne pas dire scientiste du niveau [♲] et la conception japonaise du Ma 間, au point de proposer une représentation plus "japonisante" de (1) (voir "L'espace/temps-Ma") :

[∃]𓁝⇅𓁜[時間]𓁝⇅𓁜[空間]𓁝⊥𓁜[間]𓁝⇆𓁜[無]𓂀 (2)

Autrement dit, toute considération portant sur l'incertitude est de niveau [♲] et se réfère au Ma 間, à un niveau Imaginaire où l'on pense naturellement l'intrication du Sujet au Monde

Mais cette "intrication" du Sujet au Monde est double !

- Comment cela ?

- Il y a d'une part un discours que l'auteur porte sur le Sujet (voir "Je 𓂀 est un Autre 𓁝I𓁜 ou  (𓁝⇆𓁜)⇆𓂀"), comme sur le Monde avec une certaine intellectualisation de cette notion d'incertitude. Je pense que l'on peut y voir le sens de "hakanashi". 

"Le mot haka signifie la "quantité de travail que l'on prévoit à titre de repère". Le haka du verbe hakaru mesurer désigne également "la quantité ou le poids que l'on a mesuré approximativement" et le fait d'essayer de mettre en place cette mesure correspond au verbe hakaru (projeter)." p. 152

Avoue que je ne pouvais rêver mieux :

  • Mesurer, au sens le plus étroitement mathématique qui soit, est une opération de niveau [♲];
  • Prévoir est très précisément la position ex ante 𓁝 (comme celle du comptable qui fait un bilan "prévisionnel");
  • À titre de repère : autrement dit, on borne en position 𓁜 l'ouverture de la position 𓁝 précédente.

La position du Sujet en exprimant "haka" est donc [♲]𓁜, ce qui renvoie à ce que j'ai compris comme la posture pour Ma (i.e.: [間]𓁜 ou "").

"Le qualificatif hakanashi désigne donc l'absence ou le manque de haka. C'est dire qu'il s'agit d'un état où l'on est dans l'impossibilité de trouver une articulation sûre qui soit susceptible de fonctionner comme un repère dans le monde de la vie. Autrement dit l'espace dans lequel l'on vit n'a plus de division claire, de sorte que l'on se trouve désorienté dans son comportement." p. 152

Tout ceci est implicite dans l'idée d'intrication du Sujet, soit au Monde, soit à l'Autre au niveau [♲]. Le manque quand à lui, renvoye à la dernière position conscience, après le retournement final :

(([♲]𓁝⇆𓁜[∅]⏩([♲]𓁝⇆𓁜[∅]))𓂀 (3)

(([間]𓁝⇆𓁜[無]⏩([間]𓁝⇆𓁜[無]))𓂀 (3)

Ainsi qu'à la soumission du Sujet (au sens de "jibun" 自) à une loi qui s'imposerait à lui (par la collectivité dont il fait partie) (voir "Le Soi en Occident et en Orient"):

(([#]𓁝⇆𓁜[♲]⏩([#]𓁝⇆𓁜[♲]))𓂀 (4)

(([空間]𓁝⇆𓁜[間]⏩([空間]𓁝⇆𓁜[間]))𓂀 (4)

Où, dans cette régression, la posture 𓁝[間] renvoie à Aïda.(voir : "Passage à l'Orient, Mu, Ma et Aïda") 

Mais tu vois bien qu'en écrivant (3) et (4) d'une façon comme de l'autre, l'auteur lui-même 𓂀 n'est pas au plus haut de son propre Imaginaire...

C'est là qu'intervient le terme "monohakanashi":

"Mono n'indique pas en lui-même l'idée de transition et celle de fluctuation. Au contraire, à partir du sens d'objet inchangé, il a fini par désigner un fait prédéterminé, un destin incontournable, une coutume ou loi invariables, etc." p.154

Je l'interprète tout simplement comme la prise de conscience de l'auteur en posture [♲]𓂀, de sa porpre intrication au monde.

À ce niveau d'expression, savoir si le "coeur" de l'auteur est rendu triste par la pluie d'automne, ou si c'est l'état d'esprit du Sujet qui la rend triste, n'a plus de sens, car le concept de causalité, comme le temps ou 時間, sont de niveau [⚤]𓂀, quand nous somme ici en  [♲]𓂀.

- Et quel est le discours de l'auteur en [⚤] (ou [空間]) ?

- Eh bien, cette différence elle-même, entre hakanashi et monohakanashi :

(hakanashi ⊥ monohakanashi)𓂀

qui recoupe la différence entre Sujet 𓁝𓁜 et auteur 𓂀 pointée en préambule :

(𓁝𓁜 ⊥ 𓂀)𓂀

- Cela reste malgré tout très intellectuel, désincarné...

- Je ne suis pas d'accord, j'y vois au contraire une sorte d'exercice salutaire te permettant d'améliorer l'agilité de tes petites cellules grises, et cela te permettra peut-être de ressentir la même incertitude existentielle que cette auteure utilisant le mot monohakanashi dans ces deux passages introductifs de son ouvrage :

"Il était une fois une personne - les jours qu'elle avait ainsi vécus s'étant enfuis - dont la condition en ce monde était fragile, incertaine". p. 153

"Ainsi mois et années les uns aux autres s'ajoutent, mais je déplore une condition qui ne répond en rien à mes voeux, et même le chant nouveau des oiseaux ne m'apporte aucune joie. Quand je songe combien ma vie demeure incertaine, je me demande si j'existe ou n'existe pas : l'on peut à bon droit appeler cet écrit les mémoires d'une éphémère."  p. 153

Il y a une résonnance entre le Sujet 𓁝𓁜 du discours et son auteure 𓂀, une mise en abîme qui me renvoie à moi-même, lecteur, un peu comme dans le tableau de Bruegel, "Les aveugles" :

où le regard aveugle du personnage en train de chuter,  interroge le spectateur que je suis, comme ici, l'incertitude existentielle de l'auteur me renvoyait à la mienne :

"Quand je songe combien ma vie demeure incertaine, je me demande si j'existe ou n'existe pas."

Quel texte merveilleux ! Si tu y es sensible comme moi, tant mieux, sinon tant pis, et restons-en là pour aujourd'hui.

Hari

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